•  Avec les accords fonciers en Afrique, on se croirait au Far West – Il faut appeler le shérif, dit la FAO

    Published: 29 Oct 2012
    Posted in: FAO | Uruguay
       
     

    Le directeur-général de la FAO José Graziano da Silva veut mettre un frein aux acquisitions massives de terres pour protéger les pauvres. (Photo: Giorgio Cosulich/Getty Images)

    The Guardian | 29 octobre 2012 | traduit de l'anglais par GRAIN

    Mark Tran

    Devant les avertissements de l’effet destructeur des transactions foncières sur la sécurité alimentaire, le chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a comparé “l’accaparement des terres” en Afrique au “Far West” et indiqué qu’il fallait un “shérif” pour restaurer l’État de droit.

    José Graziano da Silva, directeur-général de la FAO, a admis qu’il était impossible d’empêcher les gros investisseurs d’acheter de la terre, mais que les transactions menées dans les pays pauvres devaient être encadrées.

    « Je ne vois pas comment on pourrait y mettre fin. Il s’agit ici d’investisseurs privés, » a indiqué M Graziano au cours d’un entretien téléphonique. « Nous n’avons ni les outils ni les moyens pour empêcher les grandes entreprises d’acheter de la terre. Les acquisitions foncières sont une réalité. Nous ne pouvons pas les faire disparaître comme par enchantement, mais il va falloir trouver la bonne façon de leur imposer des limites. On se croirait au Far West et nous devons faire appel à un shérif et à la loi. »

    Les grandes acquisitions foncières se sont accélérées depuis la flambée des prix alimentaires de 2007-2008, incitant les sociétés et les fonds souverains à prendre des mesures pour garantir l’approvisionnement alimentaire. Mais en Afrique, quatre à cinq ans plus tard, seulement 10 à 15 % des terres sont effectivement en cours de développement, a affirmé M. Graziano da Silva. Certains de ces investissements ont provoqué des pertes d’emplois, en remplaçant une agriculture qui employait beaucoup de main d’œuvre par une agriculture mécanisée, et se sont parfois traduits par une perte des droits fonciers.

    Selon Oxfam, la ruée mondiale sur les terres échappe à tout contrôle et l’organisation a exhorté la Banque mondiale à geler ses investissements concernant les acquisitions massives de terres, afin de signaler de façon très claire aux investisseurs mondiaux qu’il est temps de s’arrêter.

    M. Graziano da Silva, qui a été responsable du programme brésilien “Défi faim zéro”, a exprimé son sentiment de frustration devant la lenteur de la mise en place d’une gouvernance mondiale pour faire face à l’accaparement des terres, la sécurité alimentaire et autres problèmes du même genre. En 2008, le Secrétaire-général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a créé un groupe de travail de haut niveau sur la sécurité alimentaire dont M. Graziano da Silva est le vice-président.

    En mai, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), un organisme dépendant des Nations Unies et qui regroupe des gouvernements et des représentants du monde des affaires et de la société civile, a établi les bases d’une structure de gouvernance pour l’alimentation, en approuvant des directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts.

    Les droits fonciers ont des effets importants sur le développement, car il est difficile pour des populations pauvres et vulnérables de surmonter la faim et la pauvreté quand leurs droits à la terre et aux autres ressources naturelles sont limités et non protégés. Mais les directives ont pris plusieurs années de négociations et ne disposent pas d’un véritable mécanisme d’application du fait même qu’elles ne sont que volontaires. Le CSA est un groupe complexe à gérer mais il a l’avantage d’être non-exclusif.

    « Il a fallu deux ans pour discuter les directives volontaires et il va maintenant nous falloir encore deux ans pour négocier les principes de base des investissements agricoles responsables, » a déploré M. Graziano da Silva. « Il nous faut accélérer le processus de prise de décision sans abandonner le modèle de non-exclusivité. »

    Le directeur-général de la FAO a affirmé faire tout son possible pour améliorer la coordination entre les diverses institutions liées à la sécurité alimentaire. Il suggère que la FAO devienne la branche exécutive du CSA pour tenter de faire appliquer les décisions du comité.

    Il n’est pas le seul à avoir ce sentiment de frustration. Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, reconnaît l’importance des directives volontaires du CSA, mais souligne l’absence d’un mécanisme d’application effectif. Il soutient que les gouvernements d’Afrique sub-saharienne ou d’Asie du Sud-Est qui souffrent d’une gouvernance médiocre ou qui sont sujets à la corruption, continueront à chercher à attirer les investisseurs à n’importe quel prix.

    « La communauté internationale devrait accepter l’idée qu’elle a un rôle à jouer pour vérifier si les droits des usagers des terres, tels qu’ils sont stipulés dans les directives, sont effectivement respectés », a déclaré M. De Schutter au Guardian. « Puisqu’il n’existe pas, au niveau mondial, de shérif qui puisse s’en assurer, ce serait la moindre des choses que les États d’origine des investisseurs fassent preuve de diligence et s’assurent que les investisseurs privés, sur lesquels ils peuvent exercer un contrôle, respectent parfaitement les droits des usagers des terres. Ainsi, les agences de crédit à l’exportation pourraient imposer, avant d’accorder leur soutien, que les investisseurs se conforment complètement aux directives ; et à l’avenir, les droits des investisseurs impliqués dans les accords d’investissement devraient être subordonnés à leur acceptation des directives. »

    Pour M. Graziano da Silva, il est essentiel d’appliquer les directives volontaires au niveau de chaque pays. L’intérêt et la prise de conscience du public ne cessent de croître, ce qui le conforte dans cette idée. Il prend l’Uruguay comme exemple d’un gouvernement prêt à résister aux investisseurs fonciers internationaux ; c’est « peut-être le meilleur shérif » en matière de transactions foncières.

    « Ils ont de très bonnes lois sur les acquisitions de terres », explique-t-il, tout en reconnaissant que la plupart des pays où se produit l’accaparement des terres ne tiennent guère compte des organisations paysannes, ou bien ont un gouvernement faible ou répressif.

    Quant à l’éternel débat sur les mérites respectifs de l’agriculture industrielle et de l’agriculture paysanne, le patron de la FAO considère que l’Afrique a suffisamment d’espace pour les deux modèles, comme le Brésil a réussi à le prouver, ajoute-t-il.

    « Certaines parties de l’Afrique – le Mozambique et l’Afrique du Sud – ont la possibilité d’accueillir de grandes fermes, mais cette approche n’est valable que pour certaines céréales, dont la culture est complètement mécanisée, » explique-t-il. « Mais cela ne s’applique pas aux fruits, aux légumes ni à beaucoup d’autres denrées locales. Le manioc n’a rien à voir avec l’agriculture mécanisée et un bon rendement ne signifie pas une agriculture une large échelle. Tout dépend de la façon dont on combine les cultures, dont on utilise l’eau dont on dispose. En Afrique aujourd’hui, l’efficacité est davantage liée à de meilleures semences qu’à des gros tracteurs. Les deux modèles agricoles y ont toujours coexisté. L’agriculture industrielle peut quelquefois fournir des denrées destinées à l’exportation, mais les marchés locaux sont fondés sur l’agriculture familiale. »


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    Russie : un statut de quasi espionnes pour les ONG

     
     
     

    Les ONG russes dénoncent des lois de plus en plus nombreuses et floues, visant à renforcer leur surveillance. Dirigeants et militants pourraient être contrôlés et poursuivis à tout moment, selon la rigueur de l'application à venir de ces textes. L'un des plus controversés obligera certaines d'entre elles à s'enregistrer comme « agent de l'étranger ».

    En Russie, à partir du 21 novembre, certaines ONG deviendront officiellement « agents de l’étranger ». Si elles reçoivent des fonds de l’étranger et ont des activités politiques, elles devront s’enregistrer comme tels selon une nouvelle loi¹, sous peine de sanction pénale. Chaque document publié par l’ONG mentionnera la source « organisme agissant comme agent de l’étranger ». Or, ce terme attise la méfiance, particulièrement en Russie. « L’une de nos secrétaires a démissionné sous la pression de sa mère, par crainte pour sa carrière », affirme Anton Pominov, directeur de recherche pour Transparency International-Russie. Entièrement financé par des fonds locaux, le bureau moscovite ne sera pas concerné par cet aspect. Mais ONG rime de plus en plus avec espion ou, pour le moins, responsable d’activités subversives. Dans l’espoir d’inverser cette tendance, TI a publié le 2 novembre un document détaillant les principes constitutionnels violés par la loi. Elle compte présenter ses arguments devant les tribunaux nationaux et internationaux, dès que l’occasion se présentera.

    Des ONG coupées de leurs vivres

    Au quotidien, ce nouveau texte veut aussi dire une lourdeur administrative de plus pour les ONG qui n’en avaient pas besoin. A titre d’exemple, la branche locale de Greenpeace Russie consacre déjà 3,5 emplois permanents aux obligations administratives. Son nouveau statut nécessitera désormais d’envoyer plusieurs fois par an différents rapports au ministère de la Justice, de subir un audit annuel -sans compter les contrôles inopinés en cas de « raison valable », non définie-, et de préciser la nature des activités considérées comme politiques. Résultat, selon Ivan Blokov, son directeur de campagne, des ONG risquent de se désagréger, faute de moyens.

    Car il n’est pas facile pour les ONG désireuses de minimiser leurs tâches administratives de remplacer les fonds étrangers par des dons locaux. La tâche s’annonce même particulièrement ardue en région. Dans l’extrême orient russe à Khabarovsk, Sergueï Plechakov, directeur de l’association à vocation sociale Zeleny Dom (la Maison Verte), s’inquiète : « Nous n’avons pas décroché de subvention présidentielle³ et il n’existe pas de programmes locaux ici pour soutenir les ONG. Nous n’avons aucune perspective. » Ces dernières années, plus de 90 % de son budget provenait de l’agence américaine pour le développement international USAID. Celle-ci a été expulsée du pays en octobre pour « ingérence dans les affaires politiques internes ». L’un de ses autres principaux mécènes, la Fondation Ford, était déjà parti en 2009.

    Ce ne sont pas des cas isolés. Le nombre de programmes de subventions étrangers aurait été divisé par dix depuis le début des années 2000, passant de 200 à 20, d’après Alexeï Iablokov, un environnementaliste qui dirige la fraction « verte » du parti d’opposition Iabloko. Concrètement, la loi sur les « agents étrangers » n’aurait donc qu’un impact limité puisque de nombreuses ONG - environnementales du moins- auraient déjà été obligées de cesser leurs activités ou de survivre dans l’illégalité. Les hommes d’affaires russes s’aventurent rarement à soutenir des activités dans des domaines risquant de froisser les autorités. Comme d’autres dirigeants d’associations, Alexeï Iablokov pense que cette loi n’est qu’un prétexte pour renforcer leur surveillance, précisant que « les lois restreignant les droits des ONG ont commencé à apparaître dès 2002 – 2003 ». Ivan Blokov, pour qui le mandat de Medvedev n’aura été qu’un répit de courte durée, enchérit : « Dans les années 1990, on pouvait influencer les politiques publiques. Depuis la première présidence de Poutine, on se bat principalement pour les conserver et les faire appliquer ! »

    Multiplication des lois contre les ONG

    Depuis six mois, le rythme d’adoption de textes aux contours flous, créant une zone d’incertitude juridique, semble même s’accélérer. Ce changement stratégique fait suite aux manifestations de 2011, juge Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch : « ce fut une expérience humiliante pour le pouvoir, qui craint – sans raison, à mon avis – une répétition des révolutions de couleur en Russie. » En juin, les amendes en cas d’infraction des règles des rassemblements publics ont été multipliées par 150 pour les individus, jusqu’à 300 000 roubles (7500 €), et par 300 pour les organisations, jusqu’à 1M de roubles (250 000 €). « Ces montants sont les plus élevés du code administratif et sont même supérieurs à ceux appliqués pour certains crimes, note Ivan Blokov. Les militants n’auraient pas les moyens de payer pour leur participation aux activités de Greenpeace ».

    Par ailleurs, la diffamation est redevenue une infraction pénale. La critique publique de dirigeants par des ONG peut coûter aux médias qui les diffusent une amende dissuasive de 2M de roubles. La notion de « trahison » a aussi été élargie et l’obtention d’informations constituant un « secret d’Etat », dont la définition reste imprécise, peut valoir jusqu’à quatre ans de réclusion. Pour le FSB (ex-KGB) cela se justifie par une utilisation active des organisations, gouvernementales ou des ONG, par les services secrets étrangers.

    « Nous assistons à une tentative globale de créer un système dans lequel chacun peut être poursuivi et condamné pour quelque chose, des chauffeurs aux activistes des ONG », s’insurge Anton Pominov. Malgré ce couperet qui croît à vue d’œil au-dessus de leur tête, les ONG gardent espoir, tout en appelant la communauté internationale à réagir. Car « à l’ère d’Internet, il n’est plus possible de cacher le militantisme sous le tapis », rappelle Alexeï Iablokov.

    (1)Loi introduisant des amendements à certains actes législatifs de la Fédération de Russie concernant la régulation des activités des organisations non-commerciales agissant comme agents de l’étranger.

    (2 )Ces subventions fédérales sont accordées à des ONG sur concours chaque année depuis 2005, sur un fonds total de 1 à 1,5 Mds de roubles (25M à 37,5 M d’euros). « Attribuées par des organisations désignées par le Kremlin, fidèles au pouvoir, elles sont allouées à 70 % à des associations moscovites, qui plus est sur des projets de soutien qui n’en sont pas vraiment, à savoir une seule conférence, la publication d’un livre, une fête religieuse, etc. », estime Sergueï Plechakov.

    *manifestants marchant sur la boulevard Rojdestvensky, au centre de Moscou, lors de la Marche des Millions du 12 juin dernier, suite à des perquisitions chez des leaders de l'opposition.

    Jeanne Cavelier, à Moscou
    © 2012 Novethic - Tous droits réservés  21/11/2012

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  • Des chercheurs japonais ont constaté que le césium émis lors de la catastrophe de Fukushima avait principalement été capté en forêt par les cimes des conifères, mais finira ensuite par contaminer les sols.

    Une étude conduite par des chercheurs de l'université de Tsukuba montre que six mois après l'accident de Fukushima, 60 % du césium 137 se trouvaient encore emprisonnés à la cime des arbres. Des travaux publiés en ligne le 10 novembre 2012 dans la revue Geophysical Research Letters. La découverte est d'autant plus préoccupante que les forêts couvrent 70 % du Japon.

    En général, les recherches sur l'impact d'un accident nucléaire sur l'environnement se concentrent sur les agglomérations et les zones cultivées. «Le milieu forestier est laissé pour compte. C'est une erreur», estime Pierre-Marie Badot, de l'université de Franche-Comté. En effet, les forêts peuvent intercepter beaucoup de radioactivité car la surface de contact des feuilles ou des aiguilles des arbres avec l'atmosphère est plus importante que celle du sol ou des prairies. De plus, cette radioactivité peut être piégée pendant plusieurs années avant de se déposer au sol, constituant ainsi une sorte de bombe à retardement.

     

    Carte du site de l'étude, avec les mesures de contamination autour de la centrale de Fukushima. Crédit: AGU
    Carte du site de l'étude, avec les mesures de contamination autour de la centrale de Fukushima. Crédit: AGU

    Le césium piégé par les aiguilles des conifères

    L'étude pilotée par Hiroaki Kato a été menée dans la préfecture de Tochigi, à 150 kilomètres au sud de la centrale. Cette région avait été relativement épargnée par les retombées radioactives et les niveaux de radioactivité y sont bien plus faibles que dans les forêts les plus contaminées qui se sont trouvées directement sous le panache radioactif. Les valeurs relevées à la cime des arbres - des conifères - sont proches de celles enregistrées en France au moment de la catastrophe de Tchernobyl dans le Mercantour ou dans les Vosges. Heureusement, l'accident de Fukushima a eu lieu à un moment où les vents dominants ont dispersé la radioactivité vers l'océan Pacifique au lieu de la rabattre dans des zones habitées.

    La forêt de Tochigi illustre les problèmes que soulève la radioactivité. En effet, l'iode 131 et le césium 137 - les deux principaux radionucléides les plus abondants produits à l'intérieur des réacteurs - n'ont pas le même comportement dans le couvert forestier. Au bout de six mois, une bonne partie du césium 137 était encore piégé sur les aiguilles des arbres tandis que l'iode 131 qui avait perdu naturellement son activité (sa radioactivité est divisée tous les 8 jours) avait été lessivé par les pluies et s'était déposé au sol. Le césium 137 demeure un problème plus longtemps, car il ne perd la moitié de sa radioactivité qu'au bout de 30 ans.

    Les cèdres et les cyprès du Japon - les deux principales essences de résineux de la forêt - ont intercepté les mêmes quantités de césium. En revanche, le cèdre piège la moitié de l'iode 131 en suspension dans l'air et le cyprès un quart. «Quand on les regarde au microscope, il peut y avoir autant de différences entre les aiguilles de différents conifères qu'entre des côtes rocheuses et des plages de sable», assure Pierre-Marie Badot. Les poussières sur lesquelles sont accrochés les radionucléides adhèrent plus ou moins en fonction de la granularité des aiguilles.

    Éviter de brûler les arbres contaminés

    Avec le temps, la canopée des résineux va donc contaminer les sols forestiers, constatent les chercheurs. La pollution est moins forte avec les feuillus comme des recherches l'ont montré dans la forêt d'Abiko, à 200 km de Fukushima, où il existe vingt essences différentes (Journal of Environmental Radioactivity, janvier 2013).

    Hiroaki Kato et son équipe proposent comme principale contre-mesure d'éclaircir la forêt pour exporter une partie de sa radioactivité avec le risque de poser des problèmes de gestion des déchets. L'utilisation de bois devra être contrôlée. Brûler du bois pour se chauffer peut être interdit parce que la cendre concentre la radioactivité. L'évaluation des risques pour la santé humaine devient nécessaire aussi bien pour les promenades en forêt, la consommation de champignons, de baies ou de gibier.

    Au fil des années, les éléments radioactifs s'enfonceront dans le sol. «Quand ils auront atteint entre 25 et 30 centimètres de profondeur, ils seront capturés par le réseau racinaire et se retrouveront dans les parties aériennes des arbres», explique Pierre-Marie Badot. C'est ce qui se passe actuellement avec les dépôts radioactifs de Tchernobyl, alors que la radioactivité du césium a considérablement décru.


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    4°C : une « cascade de cataclysmes » selon la Banque mondiale 

     
     

    Le rapport publié par la Banque mondiale le 19 novembre décrit l'état de la Planète à l'horizon 2060 si le réchauffement climatique atteint 4°C. Un scénario possible en l'absence d'un changement drastique de politique.

    Inondation des villes côtières, désertification accrue des régions sèches, canicules dans de nombreuses régions, accélération des catastrophes naturelles, perte irréversible de biodiversité… Les conséquences du réchauffement climatique sont désormais bien connues depuis les travaux du Giec*. Le nouveau rapport publié par la Banque mondiale vient néanmoins rappeler, une semaine avant l’ouverture des négociations climatiques de Doha, que le scénario d’un réchauffement à 4°C est bel et bien une possibilité, malgré le seuil des 2°C à ne pas dépasser pour endiguer les impacts du changement climatique. Or, le niveau actuel des émissions mondiales de CO2 rend quasiment intenable l'engagement pris par la communauté internationale de contenir le réchauffement. Sans politique internationale volontariste, les perspectives sont des plus pessimistes, notamment pour les pays en développement. Et de manière globale, « une planète à +4°C serait si différente de celle que nous connaissons actuellement qu’elle susciterait de grandes incertitudes et que de nouveaux risques menaceraient les capacités de prévision et de planification indispensables à notre adaptation à ces nouvelles exigences », prévient le président de l’institution Jim Yong Kim.

    Des catastrophes en cascades

    Ce scénario touche en premier lieu les pays en développement : « sous les tropiques, la montée du niveau de la mer sera probablement de 15 à 20 % supérieure à la moyenne mondiale ; l’augmentation de l’intensité des cyclones tropicaux sera probablement ressentie de manière nettement plus aiguë dans les régions de basses latitudes » et « il faut s’attendre à une désertification et à une augmentation substantielle de la sécheresse dans de nombreuses régions en développement des zones tropicales et subtropicales », souligne le rapport. À l’échelle de la planète, le niveau de la mer a connu une augmentation moyenne de 15 à 20 centimètres au cours du XXe siècle. Sur les dix dernières années, le rythme moyen de montée du niveau de la mer s’est accéléré pour atteindre environ 3,2 cm par décennie. Un rythme qui implique une nouvelle élévation de 30 cm du niveau de la mer au cours du 21ème siècle…

    Autre conséquence avérée : les superficies concernées par des épisodes de canicule ont été multipliées par dix depuis les années 50. Citant l’exemple de la Russie, le rapport rappelle qu’en 2010, le pays a connu une vague de chaleur extrême qui a eu de graves répercussions : 55 000 décès, la perte d’environ 25 % des récoltes de l’année, la destruction d’1 million d’hectares ravagés par les incendies et des pertes économiques de l’ordre de 15 milliards de dollars, soit 1 % du produit intérieur brut (PIB). Quant aux Etats-Unis, la sécheresse qui a frappé le pays 2012 a eu un impact sur environ 80 % des terres agricoles. La Banque mondiale rappelle néanmoins que les impacts économiques frappent beaucoup plus sévèrement la croissance des pays en développement et cite une récente étude du MIT selon laquelle « l’élévation des températures induit une réduction substantielle de la croissance économique dans les pays pauvres » ainsi qu’une « moins grande stabilité politique ».

    « J'ai l'espoir que ce rapport nous fasse un choc tel qu'il nous pousse à agir. Même pour ceux d’entre nous qui sont déjà impliqués dans la lutte contre le changement climatique, j’espère que ce rapport les fera travailler avec un sentiment d’urgence encore plus fort », explique dans le préambule Jim Yong Kim, qui rappelle aussi que « la lutte contre le réchauffement n'est pas l'ennemie de la croissance ». « Le secteur privé doit comprendre que l'adaptation au réchauffement climatique constitue une opportunité économique», ajoute-t-il.

    *Le GIEC publiera son Cinquième Rapport d’Evaluation en 2013-2014

    Véronique Smée
    © 2012 Novethic - Tous droits réservés   19/11/2012

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  •   La loi agricole inquiète les exploitants belges actifs en RDC

    Published: 01 Nov 2012
    Posted in: Belgium | DRC
       
     

    Le Potentiel | 1 novembre 2012

    Par La Rédaction

    Des exploitants belges actifs en RD Congo ont exprimé au Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo leur « inquiétude » en rapport avec certaines dispositions de la loi agricole, lors de sa visite à Bruxelles (Belgique) en début de semaine.

    La loi n°11/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture en RDC (85 articles) les inquiète parce qu’elle prévoit qu’un an après son entrée en vigueur, soit en juin 2013, les exploitations doivent être possédées à 51 % par des Congolais.

    Ils le lui ont dit au cours du déjeuner-débat organisé mardi 23 octobre par la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture Belgique-Luxembourg-Afrique-Caraîbes et le Cercle Royal Africain dans le prestigieux cadre de l’hôtel Plaza de Bruxelles, où s’était tenue l’historique Table Ronde de 1960.

    « Certains de ses articles sont rediscutés en ce moment » afin que ce texte soit « attractif pour les investisseurs » extérieurs, les a rassurés Augustin Matata. « Le gouvernement a lancé la première campagne agricole nationale depuis une vingtaine d’années et veut faire de ce secteur le fer de lance de la croissance économique congolaise », a-t-il ajouté en substance.

    « Venez investir dans un Congo qui se relève», les a-t-il invités, après avoir retracé la marche de réémergence économique congolaise et ses résultats actuels avec un taux d’inflation pour 2012 de « moins de 3 % », soit l’équivalent de « 1976 ».

    Selon une source proche de l’ambassade de la RDC à Bruxelles, le Premier ministre Matata a affirmé qu’« on est en train de remettre l’économie sur la trajectoire des fondamentaux ».

    Innovations et faiblesses de la loi agricole

    Le président de la RDC Joseph Kabila Kabange a promulgué le 24 décembre 2011 la loi (qui est entrée en vigueur le 24 juin 2012) portant principes généraux relatifs au secteur agricole en RDC et mettant fin à l’absence de la loi dans le secteur agricole pendant plusieurs années.

    Avant de la promulguer, il l’a renvoyée au mois d’août en seconde lecture au Parlement pour « des restrictions substantielles sur les acquisitions des terres agricoles par des entités étrangères et préciser l’impératif pour des nationaux de contrôler l’actionnariat des personnes morales dans l’octroi des terres agricoles aux étrangers en renforçant l’article 16 alinéa 2 sur les conditions d’attribution des terres agricoles en RDC ».

    Ainsi, les amendements « nécessaires » ont été portés à l’article 16 sur les conditions que tout exploitant doit remplir dans l’acquisition des terres agricoles et leur mise en valeur. Il s’agit d’ « être une personne physique de nationalité congolaise ou une personne morale de droit congolais dont les parts sociales ou les actions , selon le cas, sont majoritairement détenues par l’Etat congolais et/ou par les nationaux ; avoir une résidence, un domicile ou un siège social connu en RDC ; présenter la preuve de son inscription au registre de commerce, s’il s’agit d’une personne exerçant le commerce ; justifier de la capacité financière susceptible de supporter la charge qu’implique la mise en valeur de la concession ; produire une étude d’impact environnemental et social ».

    « Il ressort de la compréhension de cette disposition que seuls les Congolais, personnes physiques, sont éligibles aux droits sur les terres agricoles. S’agissant des personnes morales, elles doivent être de droit Congolais, c’est-à-dire constituées dans l’une des formes des sociétés prévues à l’article 2 du décret du 23 juin 1960. La loi exige aussi qu’en son sein la majorité des parts ou des actions selon le type de société soit détenue par l’Etat congolais et/ou par les nationaux. Comme on peut le constater, le législateur exclut expressément les personnes physiques étrangères à l’éligibilité des droits portant sur les terres agricoles. Quant à leur participation au sein des sociétés, celle-ci a été ramenée à 49 % contre 51 % pour les nationaux. L’opinion intéressée à l’activité agricole estime qu’il serait question d’une autre "Zaïrianisation" à la face voilée, une façon d’user du pouvoir régalien pour déposséder les étrangers de l’usage de leurs terres », avaient craint des analystes.

    « Les articles 16 et 82 créent des inquiétudes dans la mesure où visiblement les étrangers ne sont pas repris parmi les personnes physiques éligibles au droit agricole », avaient-ils averti.

    L’article 82 dispose que « le détenteur d’une concession agricole est tenu de se conformer aux dispositions de la présente loi dans les douze mois de son entrée en vigueur ».

    A ce propos, la « compréhension » des mêmes analystes est que « si le concessionnaire agricole est une personne physique étrangère, elle doit, à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, être congolaise pour redevenir éligible à l’usage des terres agricoles ; si le concessionnaire est une personne morale, elle devra être de droit congolais, et surtout il faut que dans cette société l’Etat congolais ou les congolais possèdent la majorité des parts sociales ou des actions selon le cas ».

    « Par quel mécanisme un étranger peut subitement devenir Congolais pour redevenir éligible à l’usage des terres agricoles qu’il exploitait déjà ? », s’interrogent-ils.

    Source : Le Potentiel

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  • Brisons le cycle de la faim dans les zones arides, déclare le Directeur général de la FAO

    Le Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), José Graziano da Silva, a rappelé mercredi l'urgence d'agir pour éviter que les conflits, les sécheresses à répétition et la volatilité des prix des denrées alimentaires plongent les pays d'Afrique et du Proche-Orient dans le piège de la faim.

     

    « Nous sommes en train de perdre la bataille de la faim en Afrique et au Proche-Orient », a prévenu M. Graziano da Silva devant les participants à la Conférence internationale de Doha sur la sécurité alimentaire dans les terres arides. Il a souligné que le nombre de personnes souffrant de la faim dans ces régions a augmenté de 83 millions pour passer à 275 depuis le début des années 90.

     

    La Conférence de Doha, au Qatar, réunit pendant deux jours des représentants de gouvernements, d'universités, d'organismes de développement, de la société civile et du secteur privé de 60 pays pour discuter de la sécurité alimentaire, de l'eau et des investissements dans les pays arides.

     

    La réunion doit déboucher sur des recommandations pour des initiatives dans ces trois domaines, qui alimenteront les politiques, stratégies et investissements espérés pour stimuler la production agricole, améliorer la sécurité alimentaire et accroître la résilience aux chocs futurs des prix alimentaires.

     

    « La dégradation des ressources naturelles dans les pays arides menace plus de deux milliards de personnes », a souligné M. da Silva en appelant la communauté internationale à coopérer étroitement avec les pays des zones arides pour briser le cycle de la faim.

     

    « Le problème le plus urgent est peut-être la question des investissements dans l'agriculture », a dit M. Graziano da Silva, ajoutant que les investissements sont nécessaires pour « respecter les droits, les moyens de subsistance et les ressources de toutes les personnes concernées, notamment les plus vulnérables ».

     

    Le Directeur général de la FAO a indiqué que les vues exprimées au cours de la conférence devraient alimenter un processus de consultation mondial étalé sur deux ans, qui sera réalisé dans le cadre du Comité de la sécurité alimentaire en vue d'élaborer des principes pour les investissements responsables dans l'agriculture.

     

    « A la Conférence de Rio+20 sur le développement durable qui s'est tenue en juin dernier, les dirigeants du monde ont adressé un message clair, à savoir que le développement ne peut être durable si des centaines de millions de personnes continuent d'être exclues et souffrent de la faim et de l'extrême pauvreté », a rappelé M. Graziano da Silva.

     

    « Si nous pouvons trouver des solutions durables pour garantir la sécurité alimentaire dans les zones arides, alors nous serons sur la bonne voie pour atteindre l'objectif d'un monde 'faim zéro' », a estimé M. Graziano da Silva.


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  •  03/11/2012  Le sport à l’école, école de l’humiliation ?

    Renée Greusard | Journaliste  Rue 89
     

    L’EPS, l’éducation sportive et physique, est une des disciplines les plus haïes à l’école, surtout à partir du collège. Témoignages et remèdes.

    Pour cet article, des torrents de témoignages me sont tombés dessus. Parfois drôles, parfois désespérants.

    « L’élève humilié » (Pierre Merle/Puf)              

    « Saut de cheval en Terminale + gros cul = gêne. »

    Ou :

    « Moi, le mot “honte” s’est concentré dans l’espace piscine. »

    En plus des témoignages récoltés, nous avons interviewé Fabien Ollier, professeur d’EPS à qui nous avions déjà consacré un article l’an dernier, et Pierre Merle. Sociologue de l’enseignement, il est l’auteur du livre « L’élève humilié. L’école : un espace de non-droit ? ».

    Il note que « le sport n’est pas mal placé » dans les disciplines qui génèrent un sentiment d’humiliation, même si ce sont les maths qui reviennent le plus dans les témoignages « à cause du prestige de la discipline. »

    Le corps des ados exhibé

    « J’avais des gros seins pour mon âge »

    A 35 ans, Emilie se souvient :

    « J’ai carrément vécu le sport comme une humiliation au lycée. Je le ressentais comme tel parce que j’avais des gros seins pour mon âge, et des rondeurs et que ça se voyait plus en tenue de sport. »

    Beaucoup parlent de leur puberté, de cette violence qu’il y a à devoir exhiber un corps qu’on ne possède pas encore et qui commence à susciter le désir.

    Johanna raconte par exemple ce sale jour de printemps où tout le collège se réunissait pendant des heures pour regarder chaque élève effectuer d’« horribles enchaînements de gym ».

    « Je me demandais s’il ne valait pas mieux que je me casse une jambe sur la route.

    Tout le collège était assis dans les gradins – parmi eux, il y avait forcément des mecs que je kiffais un peu – et là, je me tapais la grosse honte à enchaîner, pataude et ridicule, des figures nulles avec un jogging pourri. »

    La question du poids revient aussi souvent. Dans un article publié en 2002, Pierre Merle rapportait le témoignage de l’une de ses élèves. La scène se passe pendant un cours de saut en hauteur :

    « J’avais une amie dont l’embonpoint la gênait énormément dans sa vie quotidienne. […] La barre était à un mètre, ce qui évidemment est peu, mais pour elle, c’était difficile.

    Le professeur l’a obligée à sauter. Elle a obéi, a sauté, puis est tombée. Tout le monde riait et surtout le prof. Il l’a obligée à recommencer plusieurs fois prétextant se servir d’elle comme exemple de tout ce qu’il ne fallait pas faire, et plus largement ne pas être. Il disait que le sport, c’est la santé et qu’il était urgent de s’y mettre. »

    Face à des sujets délicats, certains profs se comportent parfois comme Les Robins des bois dans ce sketch.

    Le regard de Pierre Merle

    Le sociologue confirme que le sentiment d’humiliation est plus particulièrement ancré chez les ados.

    « C’est la population qui se sent le plus humiliée par ce qu’elle est dans une période où les identités sont en construction.

    Les filles se sentent particulièrement humiliées pour des questions qui concernent le poids parce que les normes de beauté sont très strictes pour les femmes. »

    Pour le sociologue, il faudrait que la question des humiliations soit abordée pendant la formation des futurs enseignants :

    « En commençant à travailler sur ce sujet, j’ai été très surpris de me rendre compte qu’aucune recherche n’avait été faite là-dessus. Aucun ouvrage n’avait été écrit. Il faudrait contextualiser ces pratiques. »

    2  Toujours choisi en dernier

    Un enseignement « à base de performance et de notes »

    Amaëlle s’est mise au sport tard. De l’école, elle regrette un enseignement « à base de performance et de notes » et elle se souvient du moment (horrible) de la constitution des équipes. Quand le prof demande aux deux meilleurs de la classe de devenir capitaines.

    « Ils appellent un à un, à tour de rôle, les gens de la classe. À la fin, il reste toujours deux ou trois personnes, dont toi. »

    Pauline, elle, souligne avec humour l’injustice de cette situation.

    « Bon, c’est vrai qu’au cours précédent, tu t’es décalé à chaque fois que le ballon t’arrivait dessus... Mais voilà, tu as participé, merde ! »

    Le regard de Pierre Merle et Fabien Ollier

    Pierre Merle :

    « L’activité sportive n’a pas pour objet d’être performant par rapport aux autres, mais d’être performant par rapport à soi. »

    Pour Fabien Ollier, ces classements sont inadmissibles.

    « On met les forts d’un côté, les faibles de l’autre, les moyens au milieu, faire un niveau 1, faire un niveau 2, etc... Il y a toute une symbolique humiliante ou en tout cas très dépréciative.

    C’est comme si dans une classe de mathématiques, on mettait les bons devant, les moyens au milieu, et tout au fond les nuls. Et que régulièrement, en fonction des notes des élèves, on les déplaçait, on les reclassait. Je crois, que tout le monde crierait au scandale.

    En EPS, ça ne choque plus personne. »

    Il s’interroge sur l’essence même de cet enseignement.

    « L’éducation physique et sportive est essentiellement sportive, c’est-à-dire que le contenu principal de l’EPS, c’est le dogme du sport de compétition au sein duquel on trouve un éthos de l’humiliation. »

    3  Ces mouvements absurdes que l’on n’arrive pas à faire

    Le corps réduit à un mouvement

    Anne-Gaëlle se souvient bien de cette impuissance de son corps.

    « Je me suis retrouvée avec un corps qui ne pouvait faire ni la roue, ni l’appui tendu renversé – ATR : en bon français, le piquet – toute l’année, et ça, pour M. Le Louët, c’était vraiment une énigme. J’étais une sorte de débile, sa cancre. »

    Souvent les premiers de la classe sont décontenancés en EPS. Amaëlle :

    « Au collège, j’étais un peu l’intello “typique”. Première de ma classe avec des lunettes et un appareil dentaire. Et nulle, mais alors nulle en sport, toujours dans les derniers – voire la dernière. »

    Très bons élèves, ils ont souffert d’un enseignement qu’ils jugeaient absurde. Pierre, meilleur partout, était aussi nul en sport. Il se souvient :

    « Franchement, j’en avais rien à foutre du sport. Je trouvais ça bête. »

    Il a eu l’impression que les autres trouvaient dans cette matière une occasion de se venger par la moquerie.

    « Ça inversait le rapport de force scolaire. On me traitait comme si j’étais handicapé. »

    Il conclue enfin en riant :

    « Le sport, c’est un apprentissage du fascisme ».

    Le regard de Fabien Ollier

    En écho à cette absurdité ressentie par les élèves, Fabien Ollier parle de son quotidien de prof de sport. Des grilles à remplir, des fiches, des tableaux par les profs mais aussi par les élèves et il déplore :

    « Vous ne pouvez pas imaginer le temps que passent les élèves à remplir des fiches, à observer (épier, dénoncer…) leurs copains, à compter le nombre de passes ou de coups de bras (en natation) qu’ils font. »

    Il explique la logique de cet enseignement :

    « Dans les instructions officielles, il est spécifié de manière très claire que l’éducation physique et sportive doit “permettre à chaque élève de développer et mobiliser ses ressources pour enrichir sa motricité, la rendre efficace et favoriser la réussite”. On oublie que le corps n’est pas que de la motricité.

    Mais pour pouvoir rendre le corps évaluable, et passer son temps à donner des notes à des élèves, il faut le réduire à une machine, à un système, à du mouvement. »

    Pour le professeur d’EPS, c’est une violence symbolique que de voir son corps réduit à un mouvement.

    4 L’univers glauque des vestiaires à 8h du matin

    Un environnement détestable

    A tous ces éléments s’ajoute la question de l’environnement dans lequel les cours ont lieu. Chloé a 27 ans et elle ne comprend toujours pas ce qu’on a voulu lui transmettre.

    « Coup de gueule contre les bahuts qui mettent des cours de sport de 8 h à 10 h. C’est vrai que pour bien commencer la journée, autant se crever et bien puer la sueur ! »

    Le regard de Fabien Ollier

    Pour Fabien Ollier, cet aspect n’est pas un caprice et fait partie de la crise de l’enseignement de l’EPS.

    « Je le ressens aussi : cet univers glauque des vestiaires à 8 h du matin, des stades brumeux, des salles aux odeurs de sueur. Tout ça, ce sont autant de souvenirs corporels qui peuvent être en effet un peu traumatisants. »

    5 Le rapport dégradant du prof à l’élève

    « On m’a interdit de jouer au rugby parce que j’étais trop nulle »

    Parfois les récits d’humiliations sont violents. Marie a 24 ans, elle n’a vraiment pas aimé le sport à l’école.

    « Mes profs de sport me détestaient (tous). Et l’un d’entre eux m’a même interdit de jouer au rugby parce que j’étais trop nulle et que j’avais peur du ballon. »

    Que ces rapports d’humiliation disent-il de la relation entre le prof et l’élève ?

    Le regard de Pierre Merle et Fabien Ollier

    Pour Pierre Merle, l’humiliation est en réalité une facilité pédagogique.

    « La classe pose des problèmes de gestion de l’ordre et pour assurer cet ordre, l’humiliation est une pratique qui vient assez spontanément.

    Mais le prof ne se rend pas compte qu’il est en train de casser sa relation pédagogique avec l’élève et qu’il va foutre le bordel. C’est un remède qui est pire que le mal. Si tout ceci n’est pas expliqué, les professeurs sont laissés à l’abandon. »

    Fabien Ollier remarque aussi que les profs reproduisent tout simplement des schémas qu’ils ont vécus.

    « Dans le sport, il y a un rapport entre entraîneur et entraîné qui est souvent de l’ordre de l’humiliation à l’égard des faibles et de ceux qui ne réussissent pas assez vite. [...] Or les professeurs d’éducation physique ont tous été à un moment ou un autre entraînés. »

    6 Un traumatisme qui reste toute la vie ?

    « C’était une vieille salope »

    A entendre toutes ces histoires, il y a de quoi se demander à quel point elles sont néfastes. La réponse est mitigée. Si Emilie court aujourd’hui des marathons, Chloé ne veut toujours pas entendre parler du sport. Guillemette, elle, se rappelle encore :

    « Un jour, dans une compétition de gymnastique, je suis restée bloquée dans une galipette arrière les fesses en l’air, la tête coincée. J’ai plus jamais osé faire de galipette arrière de ma vie. »

    Et puis, il y a les profs qu’on hait à jamais. A l’époque, on aurait aimé leur jeter un sort comme dans cette vieille pub de Carambar.

    A 35 ans, Simon se rappelle encore de sa prof en primaire, Mme S.

    « C’était une vielle salope. Elle m’avait pris en grippe. Elle disait à tout le monde : “Si vous ne faites pas de sport, vous serez comme Simon”.

    Ensuite, alors que tous les garçons faisaient des binômes avec les garçons, elle me mettait avec des filles parce que sinon “je n’allais pas y arriver.” Je m’étais promis que quand je serais grand, je retournerai la voir, pour lui casser la gueule. »

    A 20 ans, Simon est retourné dans son école primaire. Il ne voulait plus casser la gueule de Mme S. mais il voulait lui parler, lui dire combien elle l’avait cassé. Il n’a pas pu. Elle était morte d’un cancer.

    Le regard de Pierre Merle

    Pierre Merle dit :

    « Plus la personne est petite, plus les pratiques d’humiliations sont néfastes. C’est une rancœur qui reste toute la vie. »

    Le sociologue ajoute :

    « Ce sont des pratiques condamnables du point du point de vue des textes juridiques qui disent que “dans la communauté éducative, chacun se doit respect.”

    Mais elles sont aussi condamnables du point de vue de la psychologie scolaire, de la sociologie des relations entre profs et élèves. Il n’y a rien qui puisse justifier ce type de pratiques.

    Si ce n’est une société qui ne marche pas très bien. »

    * Certains prénoms ont été changés


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  •   OGM : comment une étude bidonnée par Monsanto a été validée par les autorités sanitaires

    22 octobre 2012,

    mais_OGMMaïs transgénique
    © ISAAA

    La recherche scientifique menée par Gilles-Eric Séralini sur un OGM de Monsanto a été violemment critiquée dans sa méthodologie. Mais qu'en est-il des tests menés par les firmes elles-mêmes ? Un rapport montre les dissimulations et extrapolations bien peu scientifiques qui accompagnent l'évaluation du seul OGM autorisé à la culture en Europe, le Mon810. Des extrapolations reprises à leur compte sans vérification par les autorités sanitaires européennes.

    Avant d'être commercialisés, les OGM sont-ils vraiment évalués avec la plus grande rigueur scientifique, comme leurs promoteurs le prétendent ? Toute entreprise sollicitant une autorisation de mise sur le marché de son OGM doit produire une évaluation censée démontrée que sa semence transgénique est inoffensive. Ces analyses sont réalisées par des laboratoires que les entreprises de biotechnologie rémunèrent directement.

    Les autorités sanitaires qui étudient ensuite le dossier, comme l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), ne disposent ni de temps ni de crédits pour pratiquer leurs propres analyses. Elles se contentent donc de lire le dossier de l'entreprise et la littérature scientifique sur le sujet. D'un côté, la firme est juge et partie. De l'autre, des instances d'évaluation placent dans cette firme une confiance quasi absolue.

    Que doivent évaluer les experts ? Que l'OGM ne diffère pas d'une semence non transgénique dont l'utilisation commerciale a déjà été jugée sans risque. La firme va donc chercher à démontrer « l'équivalence en substance » : comparer les composants d'une plante transgénique (nutriments, protéines, glucides...) avec des plantes conventionnelles. Si les écarts enregistrés correspondent à des écarts connus entre variétés de la même espèce, la plante transgénique est considérée comme étant équivalente en substance, donc a priori inoffensive. L'évaluation se fait en deux étapes : une analyse comparative pour identifier des différences avec la plante non modifiée génétiquement, et une évaluation des impacts nutritionnels, sanitaires et environnementaux de ces différences.

    Le Mon810 « aussi sûr » qu'un grain de maïs conventionnel ?

    Concernant son maïs Mon810, Monsanto a affirmé en 2007 : « Comme il a été démontré dans ce dossier de renouvellement d'autorisation, Mon810 est équivalent à un maïs conventionnel à l'exception de sa protection contre certains papillons parasites ». Son OGM serait donc comparable à un banal grain de maïs « naturel ». Une affirmation « d'équivalence » que les autorités sanitaires européennes reprennent à leur compte : « Le maïs Mon810 est aussi sûr que ses équivalents conventionnels au regard de ses effets potentiels », conclut l'EFSA en 2009. Une conclusion pour le moins hâtive...

    Problème : sur quels éléments démontrés scientifiquement repose cette affirmation ? Lorsque l'on teste la toxicité d'un produit, on extrait deux échantillons de rats d'une certaine lignée, et on regarde s'il est statistiquement raisonnable de penser que l'échantillon « essai » a été modifié par l'OGM par rapport à l'échantillon « témoin ». « Si quelque chose est vu (ici, une différence), cela existe. Si ce n'est pas vu, cela ne veut pas dire que ça n'existe pas, mais juste que, dans les conditions de l'expérience, on ne l'a pas vu », explique le biologiste Frédéric Jacquemart, président d'Inf'Ogm, une veille citoyenne d'information sur les OGM. Une absence de preuve n'est pas une preuve d'absence.

    Des extrapolations pas très scientifiques

    Affirmer que « le maïs Mon810 est aussi sûr que ses équivalents conventionnels » est donc une extrapolation sans preuves irréfutables. D'autant qu'aucun test d'équivalence n'a en fait été réalisé ! Un tel test nécessite des protocoles assez lourds à mettre en œuvre, avec un nombre de cobayes élevés, pour prouver l'innocuité du produit. Si le test ne s'appuie que sur un faible nombre de cobayes (des rats en l'occurrence), il s'agit en fait d'un test « de différence », visant à établir que sur tel ou tel aspect, l'OGM ne semble pas produire des effets différents qu'une banale graine. Mais cela ne prouve pas l'innocuité de l'OGM.

    Alors que le Mon810 est aujourd'hui cultivé en Europe, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a reconnu que 80 % des effets constatés lors des tests n'étaient pas significatifs ! Affirmer que le Mon810 est « aussi sûr » que les autres maïs est donc, au mieux, une extrapolation sans fondements, au pire, mensonger. Aucun effet toxique ne peut en fait être exclu. Cette extrapolation des résultats, qui rend un OGM équivalent à une autre semence, est sévèrement jugée par le biologiste Frédéric Jacquemart : "Lorsque deux populations sont comparées, les tests statistiques ne peuvent faire qu'une chose : réfuter, au risque statistique choisi près, une hypothèse". On peut donc réfuter un risque précis, mais en aucun cas affirmer une absence totale de risques.

    Dissimulations et conclusions hâtives

    Dans son rapport intitulé « Expertise des OGM, l'évaluation tourne le dos à la science », l'association Inf'Ogm a ainsi pris le parti d'éplucher le dossier du Mon810. L'association dénonce une série considérable de dissimulations scientifiques dans l'étude de ce maïs insecticide. A commencer par l'entorse à une règle de base en méthodologie scientifique : trier les données pour les présenter de manière « avantageuse » plutôt que de les soumettre telles quelles.

    Dans le dossier de sa demande d'autorisation du Mon810, Monsanto fournit toute une littérature scientifique analysant différentes variétés et cultures de maïs (dont des analyses souvent anciennes, remontant avant 1982, dont la méthodologie est aujourd'hui dépassée). Si Monsanto ne constate pas de différence significative avec son OGM cultivé aujourd'hui, la firme estime que tout va bien. En revanche, lorsque des différences sont observées, elles sont présentées comme « non biologiquement significatives » ou « sans valeur informative » ! La comparaison n'est utilisée que lorsqu'elle sert les intérêts de Monsanto et permet de conclure à une composition similaire entre un maïs OGM et une plante témoin non génétiquement modifiée.

    Quand « similaire » devient « identique »

    « En se basant sur ces données, nous avons conclu que les grains du Mon810 et ceux du contrôle sont de composition similaires et sont représentatifs des grains de maïs actuellement sur le marché », assure la firme. Par dérive sémantique « similaire » devient ensuite « de composition équivalente », puis... « identique » ! Finalement, « on peut conclure que le Mon810 est aussi sain et nutritif que le maïs conventionnel »... Une conclusion qui excède de toute évidence la portée des données. « Si l'on ne prend en compte que les données qui soutiennent la conclusion souhaitée et qu'on néglige les autres, on aboutira fatalement à ce que l'on a envie de montrer », rappelle Inf'OGM. Si cette pratique est scientifiquement irrecevable, Monsanto semble particulièrement adepte de cet exercice.

    « Tout cela est validé par l'[EFSA] sans que cela ne fasse tousser personne », déplore Frédéric Jacquemart. Malgré des extrapolations non étayées, une faiblesse des tests, un tri des données, les conclusions de Monsanto quant à l'innocuité de son maïs Mon810 ont été reprises par des experts qualifiés d'agences officielles, censées être « neutres », comme l'Agence européenne de sécurité des aliments. Les recommandations de cette Agence concernant les méthodes statistiques à utiliser sont pourtant très claires, et parfaitement contradictoires avec les pratiques des firmes dépositaires d'un dossier de demande d'autorisation d'OGM. Le panel OGM de l'EFSA indique notamment que les deux tests, de différence et d'équivalence, doivent être faits. Elle met également en garde contre l'usage de données prises hors de l'expérience elle-même.

    Conflits d'intérêts

    Comment expliquer le laxisme de l'EFSA sur le dossier Mon810 ? Frédéric Jacquemart y voit une « parfaite mauvaise foi ». Cette Agence, censée être un organisme de contrôle indépendant, a été décriée ces derniers mois après la révélation de plusieurs conflits d'intérêt au sein de la structure. Un rapport de la Cour des Comptes publié le 11 octobre épingle l'EFSA pour sa mauvaise gestion des conflits d'intérêts.

    Deux ans plus tôt, l'Observatoire européen des entreprises (CEO) avait déjà apporté les preuves de liens entre plusieurs membres du conseil d'administration de l'EFSA et l'Institut international des sciences de la vie (ILSI, International Life Science Institute), financé par l'industrie agro-alimentaire. La présidente de l'EFSA avait été contrainte de démissionner de l'ILSI où elle siégeait comme membre du Conseil des Directeurs.

    Cette affaire a révélé la manière dont l'industrie des biotechnologies est parvenue à influencer les décisions de l'agence européenne en plaçant dans ses instances décisionnelles des personnalités scientifiques qui reprennent ses analyses et partagent ses objectifs. C'est pourtant sur la base des avis de l'EFSA que la Commission européenne prend les décisions d'autoriser ou non les OGM...

    Expertises : deux poids, deux mesures

    Les autres dossiers de demande d'autorisation d'OGM ne vaudraient en général pas mieux. Deux dossiers en cours d'instruction (la pomme de terre Modena et le maïs MIR604)[1] en vue d'autorisations dans l'UE ont fait l'objet d'avis plus que sévères par le Haut Commissariat aux Biotechnologies, souligne Inf'Ogm. Au même moment, l'étude du Professeur Gilles-Eric Séralini sur la toxicité du maïs transgénique NK603 et du Round up était jugée non valable scientifiquement par l'EFSA.

    « Alors que l'EFSA vient de réagir dans un délai ridiculement court à la dernière étude de G.-E. Séralini, en prétendant qu'elle n'avait aucune portée, cette agence ferait mieux de faire son travail sérieusement et de s'assurer que les dossiers de demande d'autorisation d'OGM sont réalisés avec la meilleure rigueur scientifique possible », juge François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. « L'EFSA n'est manifestement qu'une des instances qui fonctionnent comme des chambres d'enregistrement destinées à rassurer le public, au sujet des OGM, mais non à en assurer la sécurité », conclut le rapport d'Inf'Ogm.

    Les critiques formulées à l'encontre du protocole de Gilles-Eric Séralini pourraient concerner les protocoles de l'ensemble des dossiers déposés par les entreprises de biotechnologie pour obtenir les autorisations commerciales de leurs plantes génétiquement modifiées (PGM). Inf'OGM avait remis en 2011 au ministère de l'environnement une pétition pour demander la révision de l'évaluation de l'ensemble des PGM, autorisées et en cours d'autorisation. Une demande restée sans réponse à ce jour, du moins pour les 46 OGM autorisés en Europe.

    Rédactrice     Sophie Chapelle
    @Sophie_Chapelle sur twitter

    Notes    1  La pomme de terre Modena est enrichie en amylopectine (constituant de l'amidon), le maïs MIR604 produit un insecticide contre les chrysomèles.

    Auteu   Basta!


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