•  Creche Babyloup. Liberté religieuse ou liberté de l'asservissement religieux?

    Rédigé par Martine GOZLAN le Mercredi 20 Mars 2013  (Télégrammes d'Orient )

    La cour de Cassation s'est prononcée en faveur du droit d'une salariée de la crèche Babyloup à porter le voile. Au nom de la "liberté religieuse". Comment la liberté peut-elle être compatible avec un symbole de l'asservissement?

    Creche Babyloup. Liberté religieuse ou liberté de l'asservissement religieux?
       Cette histoire de voile islamique. Cet incroyable enfumage né du désert saoudien et des fausses adorations wahhabites, fortifié côté chiite - pas de jaloux!- par l'édiction du linceul obligatoire par Khomeiny en Iran en 1980. Il vient de faire de nouveaux adeptes- on se pince- à la Cour de Cassation de notre République! République qui " est morte hier" selon Jeannette Bougrab, l'une de ses enfants, vaillante et intrépide. Elle sait ce que voiler veut dire. On le sait toutes et tous d'ailleurs. Le spectacle de celles qui, hors de France, honnissent ce voile voleur de destin est assez édifiant. Visions de l'Afghanistan où des fillettes et des ados se déguisent en garçons pour échapper au cercueil de tissu...Eclats de révolte des Iraniennes, la mèche jaillie du foulard narguant les milices armées de leur fouet. Ce voile, introduit en France par les propagandes les plus habiles, les plus fortunées- fric du Golfe bâtissant les mosquées- et les plus imperméables à notre histoire française du combat pour les libertés! Ce voile dont les mères des jeunes voilées n'avaient jamais entendu parler, bien qu'elles n'aient jamais renié l'Islam, au contraire. Ce voile qui dit clairement: je me cache à vous car un seul homme, un seul être est mon maitre. Ce voile qui ressasse l'obsession sexuelle des prédicateurs d'Egypte et du Qatar ayant martelé, depuis des décennies, que la femme était un organe génital, et cela seul, de la racine des cheveux à la pointe des pieds.
       En ma qualité d'amoureuse fervente de la civilisation arabo-islamique, j'avais commis naguère un ouvrage où je dévoilais le passage tragique du monde chatoyant des mille et une nuits à celui des mille et une morts( "Le sexe d'Allah", en livre de poche) Je m'étais donc immergée autant dans le Coran que dans les textes philosophiques et les poèmes de l'admirable héritage culturel arabo-persan. J'avais traqué le "hadith"- la tradition attribuée de façon fantaisiste à Mahomet et découvert l'entassement des trahisons de l'Islam par l'Islam. Trahisons dénoncées par des penseurs musulmans sous tous les cieux, en tous siècles, et qui leur valurent souvent la mort ou l'exil. La sexualisation de la femme - et non pas son érotisation- et sa réduction à l'assouvissement de la pulsion mâle ( donc la cacher pour ne pas le"provoquer") est une obsession qui resurgit avec violence lorsque se constitue le discours des Frères musulmans dans le premier quart du vingtième siècle. Son soubassement est politique: il faut s'opposer à l'occidentalisation des moeurs et au féminisme égyptien qui conduit les militantes les plus audacieuses à se dévoiler dans des manifestations menées au nom de leurs droits. Dans l'ensemble du monde islamique, de l'Iran au Maghreb en passant par la Turquie, mais pas en Asie ni en Afrique noire où le syncrétisme marchait bien autrefois, cacher les femmes, cacher leur chevelure et leur corps était l'alibi religieux de l'archaïsme social qui, précisément, détruisait la civilisation islamique. Avant l'émancipation, le monde juif n'était pas en reste et la femme mariée devait raser sa chevelure ou la cacher sous une perruque.Aujourd'hui, en Israël, la condition de la femme chez les ultra-orthodoxes a scindé le pays. C'est notamment ce phénomène de rejet qui a conduit la dernière coalition gouvernementale à exclure les obscurantistes du pouvoir.
    Ce voile, il est mental, obscurantiste, politique. Il dit: il n'y a de loi que mon bon plaisir que j'attribue à mes maitres qui lisent Dieu dans le texte. Il dit: votre loi n'est pas la mienne, je ferai en sorte que votre loi républicaine s'incline devant mon plaisir divin. Il dit: je suis soumise, je suis soumission, mon voile proclame mon asservissement.
       Telle est la liberté dans l'esclavage que vient de proclamer la Cour de cassation.
    Pensées à toutes celles qui se battent, Jeannette Bougrab, Sihem Habchi ( elle vient d'écrire " Toutes libres" et elle a tant raison, on y reviendra dans ce blog), Elizabeth Badinter, Natalia Baleato, la directrice de Babyloup confrontée à l'arrêt qui casse la raison.

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  •   Effet Streisand 15/03/2013 

    21 écolos anglais humilient EDF qui voulait les saigner

    Elsa Ferreira | Rue89
     

    L’entreprise française a voulu donner une bonne leçon à une poignée de militants, et à travers eux, au reste des écolos. Une stratégie « suicidaire ».

    EDF s’incline face aux écolos. Après avoir réclamé près de 6 millions d’euros à des militants écologistes qui avaient campé au sommet de deux cheminées de la centrale de Nottinghamshire (propriété d’EDF), en Angleterre, la compagnie renonce, sous les huées de l’opinion publique.


    Des militants sur une des cheminées (No dash for gas/Facebook)

     Personne ou presque n’avait eu vent de l’action des 21 activistes de No dash for gas (pas de ruée vers le gaz). C’était en octobre 2012 et tous les journalistes environnement avaient les yeux rivés sur l’ouragan Sandy. La menace d’une poursuite aura suffi à redonner aux militants une place parmi les gros titres, explique une militante :

    « Le jour où on a fait la manifestation, il y avait l’ouragan et beaucoup d’autres infos dans les médias. Ce à quoi on ne s’attendait pas, c’était qu’une poursuite judiciaire ferait le gros du travail pour nous. »

    Graham Thompson, autre activiste de No dash for gas, approuve :

    « Ils nous ont donné un espace pour faire passer notre message. »

    L’effet Streisand et la poursuite-bâillon

    L’effet Streisand

    En 2003, la chanteuse Barbara Streisand avait attaqué en justice un photographe : elle demandait qu’une vue aérienne de sa maison soit retirée d’un ensemble de 120 000 clichés, dont l’objet était de documenter l’érosion des côtes. Le mois suivant l’action en justice, plus de 420 000 personnes visitèrent le site du photographe.

    Mauvais calcul pour la compagnie française. L’effet Streisand – la mise en avant d’une info que l’on essayait au contraire d’étouffer– est en marche, analyse George Monbiot, journaliste environnement au Guardian. La stratégie d’EDF est un « suicide d’entreprise et de relations publiques », estime-t-il.

    La requête est disproportionnée. L’opinion publique et les commentateurs l’interprètent comme une menace à la liberté d’expression et de manifestation : une poursuite-bâillon – en anglais, SLAPP (comme une gifle). George Monbiot :

    « On essaye d’effrayer ceux qui auraient pu joindre la campagne. Ceux qui par la suite auraient pu s’engager dans d’autres campagnes évitent la politique par peur des conséquences. Leur absence appauvrit la démocratie. »

    Car 6 millions d’euros à se partager entre 21 activistes, c’est une dette de près de 300 000 euros. « Plus que nous ne gagnerons jamais », estimait une militante.

    « Ils nous ont envoyé un inventaire où l’on devait détailler nos revenus, les dépenses en gaz, électricité, emprunt immobilier, redevance télé, vêtements pour les enfants, nourriture, cantine et le montant de nos dettes.

    Tout ça pour qu’ils sachent combien on gagne et qu’ils puissent décider combien ils peuvent nous prendre, chaque mois, pour le reste de notre vie. »

    Pour EDF, cette somme représente 0,3% de ses bénéfices au Royaume-Uni (qui s’élèvent à près de 2 milliards d’euros).

    Epinglé sur Wikipédia

    La réaction de l’opinion publique ne se fait pas attendre. La pétition mise en ligne par les parents de l’une des activistes récolte plus de 64 400 signatures – dont celles de Naomi Klein et Noam Chomsky. Sur la page, les signataires expliquent ce qui les a poussés à joindre le mouvement :

    « Les gens normaux ne devraient pas être intimidés par les grosses compagnies et les riches à la recherche d’un peu plus de profit. Le climat mondial est plus important que les bénéfices. »

    « Si cette affaire peut aller devant la justice, qu’est-ce qui va suivre ? »

    « EDF, dans ses relations avec ses clients, n’est pas seulement incompétente mais aussi agressive, grossière et menteuse. »

    No dash for gas explique, sur le site EDFOff.org, comment se tourner vers d’autres fournisseurs d’énergie (ils proposent même de faire les démarches) et les futurs ex-clients font savoir leur colère.

    « Par votre tentative de poursuivre ces manifestants, vous perdez à vie cinq contrats d’entreprise. »

    « Merci EDF de me pousser à l’action. J’ai enfin changé de fournisseur d’énergie. Au revoir EDF. »

    L’affaire No dash for gas est désormais mentionnée sur la page Wikipédia anglaise de la compagnie, signale Terence Zakka, spécialiste en communication digitale.

    « Sur le long terme ce sera assez dommageable. La séquence sera difficile à effacer pour EDF. »

    « Le syndrome David contre Goliath »

    Ce que EDF n’avait pas prévu (ou pas compris), c’est que dans ce genre d’action, les activistes fonctionnent de pair avec le public. Les compagnies en revanche sont les « méchants » de l’histoire, explique Graham Thompson :

    « Les grosses compagnies énergétiques ont mauvaise réputation : à cause de leurs tarifs, de leur manque de transparence, des affaires de piratage et de surveillance des activistes. Avec cette poursuite, ils ont prouvé qu’ils essayaient de supprimer le débat. »

    Terence Zakka confirme :

    « Lorsqu’une multinationale s’attaque à des activistes, et spécialement aux individus directement, c’est le syndrome David contre Goliath. Dans ce cas, la sympathie a plutôt tendance à aller vers le petit. »

    « EDF a fait d’une crise un désastre »

    EDF a donc abandonné sa folle requête au profit d’un compromis « juste et raisonnable » : une injonction qui interdit aux activistes de pénétrer sur les sites de EDF. Pour Kate Harrison, l’avocate qui a défendu les militants, la stratégie de EDF « a fait d’une crise un désastre ».

    « Au final, tout ce qu’ils ont gagné c’est la promesse de 21 militants qu’ils ne s’approcheront pas de leurs sites. »

    Pour les militants écologistes – qui devaient servir d’exemple « pour que ceux qui envisagent ce genre d’action comprennent qu’il peut y avoir des conséquences » –, c’est une victoire importante, estime Graham Thompson :

    « EDF a perdu publiquement : les activistes vont s’enhardir et les grosses compagnies vont savoir qu’elles ne peuvent pas faire n’importe quoi, qu’il peut y avoir des répercussions. »

    Les militants ont par ailleurs plaidé coupable à l’accusation d’intrusion sur une propriété privée et seront jugés prochainement.

    Si une telle poursuite semble sévère, elle serait tout à fait possible en France. En 2009, EDF, en association avec Bouygues et Solétanche, avait poursuivi Greenpeace pour avoir occupé le chantier de la centrale nucléaire de Flamanville (Manche). Les accusant de « violation de domicile », « entrave à la liberté du travail » et « opposition à des travaux publics et d’intérêt public », ils leur réclamaient 516 000 euros de dommages et intérêts.

    MERCI RIVERAINS ! Corrado DeLuca

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  • Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Mardi 26 Mars 2013
    Emmanuel Levy - Marianne   Journaliste économique à Marianne 

    Les chiffres officiels du chômage tombés aujourd'hui sont en dessous du record historique de 1997. Mais ceux du baromètre Marianne révèlent une autre réalité.


    Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Tout le monde s’attendait à ce que le record de janvier 1997 soit enfoncé. Si l'on en croit le baromètre officiel, celui sur lequel se basent les gouvernements, ce ne sera pas le cas, malgré 22 mois consécutifs de hausse. Avec « seulement » 18 400 personnes supplémentaires inscrites en catégorie A, le chômage compte désormais 3,187 millions de personnes, contre 3,195 millions en janvier 1997.

    Depuis sa création en 1997, notre hebdomadaire a créé son propre indicateur. Le baromètre Marianne du chômage dénombre les personnes maintenues hors de l’emploi, c’est à dire celles inscrites en catégorie A, mais aussi celles qui se déclarent contraintes à un temps partiel -1,5 millions de personnes-, ainsi que les personnes dispensées de recherche d’emploi comme les préretraités -612 000 personnes-.

    Entre ce chômage « caché » de 2,131 millions de personnes, et le chômage officiel, de 3,187 millions, ce sont 5,319 millions de personnes qui sont actuellement hors de l’emploi. Le record du baromètre Marianne de décembre 1998 a été battu : il pointait alors à 4,369. Le retour de la croissance sous le gouvernement Jospin avait entamé un reflux que la crise financière a complètement tamponné. En décembre 2009, le baromètre pointait de nouveau sur 4,374 millions.


    Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Face à cette hausse continue du chômage depuis près de deux ans, le gouvernement a annoncé des moyens accrus pour Pôle emploi. En attendant les nouveaux emplois jeunes. Prenant le contrepied de l'expression utilisée par François Mitterrand en 1993, Jean-Marc Ayrault a réaffirmé que contre le chômage « on n'aura jamais tout essayé ». Oui, mais quoi ? Le premier ministre semble le savoir, lui qui répète « je sais où je vais », comme lors de son discours à l’Assemblée contre la motion de censure, sans pour l’heure développer une politique industrielle. Ainsi le numérique, pour ne citer que cette branche de l’industrie, fait-il figure de grand absent des discours de François Hollande et Jean Marc Ayrault depuis plusieurs mois….


    Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Reste que, en 13 ans, la population active française a cru de 2,35 millions de personnes. Face à cet afflux, l’économie ne s’est enrichie que de 1,4 millions d’emplois. C’est cette faiblesse structurelle, et surtout la destruction de 800 000 emplois dans l’industrie, qui explique aujourd’hui l’état du marché de l’emploi de l’hexagone.

     


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  •   "J'ai fait un AVC sous pilule de 3e génération"

    Créé le 26-03-2013
    Cécile Deffontaines  Par Cécile Deffontaines  (Nouvel Obs)

    Etudiante en psycho, grande sportive, Amélie, 24 ans, prenait Mercilon. Elle raconte.

    Selon l'Agence du médicament, les pilules de 3e et 4e générations provoquent 1.751 accidents et 14 décès par an (MYCHELE DANIAU / AFP)

    Selon l'Agence du médicament, les pilules de 3e et 4e générations provoquent 1.751 accidents et 14 décès par an (MYCHELE DANIAU / AFP)

    "J'étais une grande sportive, saine, sans aucun souci de santé. Je ne fumais pas, et je suis végétarienne. J'ai pris la pilule de troisième génération, un générique de Mercilon, en mars 2011. J'ai fait un AVC le 19 janvier 2012. J'étais en cours quand j'ai ressenti une intense douleur dans l'hémisphère droit de mon cerveau. Je ne sentais plus ma main gauche et je ne voyais plus dans mon champ gauche. J'ai mangé et dormi, pensant que c'était une hypoglycémie. Personne ne m’avait expliqué les signes d’un AVC [ce que préconise pourtant la Haute autorité de santé pour toute prescription de contraceptif oral, NDLR]. J'ai fini par aller chez le médecin qui m’a envoyée à l'hôpital. J’y suis restée deux semaines.

      A ce jour, la cause de mon accident n'a pas été trouvée. Je suis sous anti-coagulant et interdite de pilule. J'ai une petite lésion au lobe temporal droit. J'ai perdu un peu de sensibilité à la chaleur et au froid à gauche, et j'ai l'impression que mon bras est plus léger. Surtout, je ne reconnais plus certaines émotions. Je ne perçois pas la colère chez les autres et je ne me mets moi-même jamais en colère. Et je ne comprends plus les blagues au second degré. Découvrir l'histoire de Marion Larat [la première victime à avoir porté plainte, NDLR] m'a bouleversée. Et si pour moi aussi c’était la pilule ? J'ai entamé des recherches pour comprendre ce qui m'est arrivé."


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  •   Chypre : une taxation sur les dépôts bancaires est bienvenue et salutaire

    Modifié le 19-03-2013
     

    Avatar de Henri SterdyniakPar Economiste à l'OFCE (Nouvel Obs )

    LE PLUS. Le 16 mars, l'Eurogroupe, la BCE et le FMI se sont mis d'accord sur un plan de sauvetage de 10 milliards d'euros pour Chypre. En échange, les dépôts bancaires devront être taxés. Après les protestations des petits épargnants, les dépôts inférieurs à 20.000 euros pourraient être exonérés. Mais taxer les dépôts n'a-t-il pas du bon ? Réponse de Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE.

    Édité par Daphnée Leportois Auteur parrainé par Céline Hussonnois Alaya

    Panneau de protestation à Nicosie, la capitale chypriote, le 18 mars 2013, alors que le Parlement était censé adopter une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires (P.KARADJIAS/SIPA).

    Le 18 mars 2013, le Parlement chypriote était censé adopter une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires (P.KARADJIAS/SIPA).

    Une fois de plus, les derniers développements de la crise montrent comment l’organisation de la zone euro est déficiente. Chaque trimestre, pratiquement, il faut sauver la zone euro, mais chaque sauvetage rend encore plus fragile l’édifice.

    Libre circulation (et blanchiment) des capitaux

    Jamais Chypre n’aurait due être acceptée dans la zone. Chypre est un paradis fiscal et réglementaire, qui n’impose les entreprises qu’au taux de 10% ; le bilan de son système bancaire hypertrophié représente près de 8 fois son PIB de 18 milliards d’euros.

    En fait, Chypre sert de lieu de transit et de blanchiment des capitaux russes : les banques chypriotes auraient pour environ 20 milliards de dépôts en provenance de la Russie, s’y ajoute 12 milliards de dépôts de banques russes. Ces fonds sont souvent réinvestis en Russie : Chypre est le deuxième investisseur en Russie, pour environ 13 milliards d’euros par an. Ainsi, en transitant par Chypre, certains capitaux russes sont blanchis et sécurisés sur le plan juridique. Comme l’Europe est très attachée au principe de libre circulation des capitaux, elle a laissé faire.

    Système bancaire surdimensionné

    Ce système bancaire surdimensionné a perdu beaucoup d'argent en ayant investi dans la dette publique grecque ou en accordant des prêts à des entreprises grecques, incapables de rembourser en raison de la crise ; il a favorisée une bulle immobilière qui a implosé, lui imposant de nouvelles pertes.

    Le système bancaire est en difficulté, donc les marchés ont spéculé contre la dette publique chypriote, les taux d'intérêt ont grimpé, le pays est rentré en récession, le déficit public s'est creusé. En 2012, la croissance a été négative (-2,5%), le taux de chômage a atteint 12%, le déficit public était de 5,5% du PIB, la dette publique de 87% du PIB et le déficit extérieur a atteint 6% du PIB.

    Indispensable harmonisation fiscale

    Le pays a besoin d’une aide à la fois pour se financer et pour recapitaliser ses banques. Chypre a demandé 17 milliards d’aide, soit l’équivalent de son PIB annuel. Bien sûr, Chypre devra se soumettre aux exigences de la Troïka, baisser de 15% les salaires de ses fonctionnaires, baisser de 10% sa protection sociale (retraites, prestations familiales). C’est le cinquième pays en Europe qui sera géré par la Troïka.

    Elle devra faire passer son taux de l’impôt sur les sociétés de 10 à 12,5%, ce qui est peu, mais l’Europe ne pouvait imposer à Chypre de faire plus que l’Irlande. Elle devra augmenter le taux d’imposition des intérêts. Ceci va timidement dans la direction de l’indispensable harmonisation fiscale.

    S'en prendre aux dépôts, une première

    Mais quid des banques ? Les pays européens se sont trouvés devant un choix cornélien : aider Chypre à sauver son système bancaire revenait à sauver les fonds russe avec l’argent du contribuable européen et montrait que l’Europe couvrait toutes les dérives des États-membres, ce qui aurait encore jeté de l’huile sur le feu en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas ; demander à Chypre de recapitaliser lui-même ses banques faisait passer sa dette à plus de 150% du PIB, un niveau insoutenable.

    La solution choisie samedi 16 mars – faire payer les déposants pour 6 milliards d’euros – permet de mettre à contribution les non-résidents qui ont placé de l’argent à Chypre. L’Europe n’a pas voulu traiter différemment les dépôts des Chypriotes, craignant la fragilité juridique d’une telle disposition. L’avantage est de mettre fin au statut de place financière non réglementée de Chypre.

    C’est un précédent salutaire qui découragera les placements transfrontaliers. Il est légitime que les détenteurs de gros dépôts rémunérés à des taux d’intérêt élevés soient mis à contribution.

    Faire payer les créanciers des banques

    En même temps, s’en prendre aux dépôts est une première, d’autant plus que l’Europe cherche à mettre en place une Union bancaire qui garantirait 100.000 euros par déposant. Bien sûr, l’Europe affirme que c’est une décision exceptionnelle, mais le risque est que les déposants espagnols ou grecs s’inquiètent du précédent ainsi créé.

    Il serait sage de limiter la ponction aux dépôts supérieurs à 100.000 euros. Ceci fait, l’Europe aura pris la bonne décision : faire payer les créanciers des banques, et pas seulement les peuples. Il faudra que, dans la future Union bancaire, soient clairement distingués les dépôts garantis par l’argent public (qui devront être rémunérés à des taux limités, qui ne devront pas être placés sur les marchés financiers) et les autres.


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  •  100 000 emplois supprimés en 2012 : dix travailleurs « détruits » racontent.

    Selon l’Insee, l’industrie, la construction et les services ont perdu 100 000 emplois en 2012. Des postes qui souvent ne seront plus jamais occupés. Dix nouveaux chômeurs témoignent de ces disparitions et de leur reconversion pas simple.

    Les raffineries quittent le pays, l’industrie automobile périclite, les journaux coulent, des commerces ferment. La France a plus de 3 millions de chômeurs, un secteur de l’intérim en grande difficulté – 61 000 postes en moins en 2012 – et beaucoup de nouveaux retraités non remplacés.

    Des postes de travail disparaissent, dont on sait que plus personne ne les occupera. Les statistiques parlent de « destruction d’emplois », il faudrait aussi parfois parler de destruction de métiers.

    Making of

    Pour sélectionner quelques-uns des secteurs qui ont le plus perdu d’emplois, en proportion de leurs effectifs, nous avons utilisé les chiffres et la nomenclature de l’Insee.

    Le cabinet Trendeo nous a de son côté fourni la liste des derniers plans sociaux, qu’il repère méthodiquement dans la presse régionale et nationale.

    PS : l’intérim est le « secteur » qui a le plus perdu d’emplois (10% de ses effectifs), ce cas étant spécifique nous lui réserverons un article à part.

    Dans d’autres secteurs, des emplois se créent. Mais ils ne font pas le poids face à l’industrie, la construction et les services, qui en ont perdu 100 000 en 2012, selon les derniers chiffres de l’Insee.

    Quand on est informaticien et que l’on se retrouve au chômage, la recherche d’un travail dépend de la conjoncture, de son CV.

    Le cariste, l’imprimeur, l’agent de voyages traditionnel ou le vendeur de jeux vidéo se retrouvent, eux, riches d’un savoir-faire qui n’a plus de valeur. Inutiles dans une société qui n’a pas su les aider à s’adapter aux mutations de production.

    Rue89 a souhaité faire le portrait de dix travailleurs « détruits » dans ces secteurs. Raconter, à travers leur parcours, la violence de la crise économique.

    1-Catherine, modéliste : « Tout est transféré en Asie »

    Le textile fait partie des secteurs les plus touchés, en pourcentage, par la destruction d’emplois. (DR)

    Catherine, le prénom a été modifié, n’est pas retournée au boulot depuis le 21 février, jour où on lui a annoncé son licenciement. Elle était modéliste depuis dix-sept ans dans une entreprise de confection de vêtements d’enfants, tout près de Nantes en Loire-Atlantique.

    Modéliste, c’est construire le « patron » du vêtement. « La réalisation technique des plans de face et de profil, qui permettent la fabrication du premier modèle », dit-elle. Elle a fait ça toute sa vie.

    Dans la région, le secteur de la confection disparaît. « Avant, il y avait des boîtes comme Newman ou Gaston Jaunet. On avait l’embarras du choix. » En ce début d’année 2013, l’entreprise de Catherine coule à son tour. « C’est le quatrième plan social en cinq ans. »

    Cette fois-ci, 36 postes sont supprimés dont le sien. « Tout est transféré en Asie. »

    Seule « la création » n’est pas délocalisée (trois stylistes sur cinq sont quand même virées). Catherine nous dit que les quelques modélistes qui restent ne font plus que remplir des « tableaux de mesure » (où les dimensions du vêtement sont consignées, l’étape précédant le patron). « Un petit dossier » constitué du dessin, d’indications sur la matière et du tableau de mesure est envoyé en Chine ou en Inde.

    Tout est fait là-bas. Quelques couturières sont conservées au chaud, dans l’atelier français, pour des rattrapages ou des rectifications.

    L’entreprise de Catherine fabrique principalement des vêtements pour la grande distribution. « Pour des gens qui n’ont pas beaucoup de moyens, le transfert en Asie était inéluctable. » Catherine s’excuse de tenir des propos protectionnistes et moralisants, mais dit :

    « Il faudrait que les gens consomment moins et mieux. Ils n’ont pas besoin de tout ce qu’ils achètent, il faudrait qu’ils comprennent qu’ils peuvent sauver des métiers, le mien disparaît. »

    Comme Catherine a plus de 50 ans, elle a le droit à trois ans de chômage. Si elle veut rester modéliste, son problème c’est que les entreprises susceptibles d’embaucher sont à plus de 150 kilomètres de chez elle (IKKS, Gemo). Cela nécessiterait de prévoir un gros budget essence.

    Le salaire d’une modéliste en fin de carrière est d’environ 1 700 euros nets. « Je ne sais pas si ça vaut la peine. »

    Le secteur du textile, de l’habillement, de la chaussure et du cuir a détruit plus d’emplois qu’il n’en a créés. Il a même perdu 1,6% de ses effectifs cette année : 1 900 emplois. Nolwenn Le Blevennec

    2-David, journaliste papier : « Depuis Internet, l’impression d’être méprisé 
     
     

    David Larbre, 46 ans, éditeur à La Tribune depuis onze ans. Parti lors de la liquidation judiciaire. (DR)

    David Larbre avait l’impression de travailler dans « la tour de contrôle » du journal :

    « Les éditeurs sont là pour veiller à ce que les pages ressemblent à quelque chose, pour qu’un sens cohérent se dégage du journal, pour que les gens le lisent. »

    A La Tribune, les éditeurs participaient au choix des sujets le matin, sélectionnaient les photos et les infographies, relisaient les articles, les titraient.

    Mais quand le journal a commencé à rencontrer des difficultés économiques, ils « ont fait partie des premiers touchés », se souvient David. Pour lui, « ça a contribué à l’affaiblissement des contenus » et à la désaffection progressive du lectorat ».

    C’était autant de même travail avec moins de personnel. Il a également fallu faire plus vite : en 2012, le bouclage se faisait deux heures plus tôt qu’en 2002, raconte David. Tandis que les supports se sont multipliés : il a fallu peu à peu mettre l’information en scène sur les tablettes et les sites Internet, ne plus.

    Au fur et à mesure, David a eu l’impression, dans son métier, d’être « marginalisé », « un peu méprisé » :

    « Quand on soulevait un problème d’information non vérifiée, de censure, d’angle... on s’est mis à nous répondre que nous n’étions que des exécutants, que nous devions laisser tomber les questions éditoriales. En gros, il fallait qu’on se contente de mettre en page, au kilomètre. »

    Après une mise en redressement judiciaire, La Tribune a été reprise en janvier 2012 par France Economie Régions (FER), associé à Hi-Media. Les repreneurs ont décidé la poursuite du quotidien économique sous une forme numérique.

    David a été licencié en mai 2012. Aujourd’hui, seule une dizaine de journalistes continuent à y travailler.

    Les autres se retrouvent au chômage avec de l’expérience et des difficultés à se reclasser, raconte David : 5% d’entre eux ont retrouvé un poste fixe dans la presse, selon ses informations. Les autres se font free lance ou changent de métier, comme lui.

    Délégué syndical (SNJ), il a suivi de nombreuses formations de droit. C’est ce qui lui a permis de trouver un nouvel emploi, dans un cabinet d’expertise comptable, comme consultant en matière juridique et sociale.

    Le secteur auquel appartient la presse a perdu cette année 2% de ses effectifs : 4 200 emplois. Elsa Fayner

    3-Valérie, « viseur » : « Les imprimeries ferment les unes après les autres »

    A Maxéville (Meurthe-et-Moselle), l’imprimerie Jean-Lamour a fermé le 22 janvier 2013, faute de repreneur. Valérie Creusat, 43 ans, y travaillait depuis juillet 2007. Elle occupait un poste de « viseur » pour 1 750 euros net par mois :

    « Pour chaque ouvrage apporté par nos clients éditeurs, je devais calculer les coûts d’impression, les aider à choisir le bon papier – plutôt couché mat ou demi-mat pour du texte, plutôt offset pour la BD –, trouver les sous-traitants pour la reliure... »

    Elle a compris que les difficultés arrivaient quand les reliures Brun ont été liquidées en janvier 2012.

    « Donc, d’un seul coup, on a perdu notre principal débouché. Et les éditeurs sont partis les uns après les autres, préférant travailler avec des imprimeurs encore associés avec des relieurs. »

    Il y a eu « des mois très difficiles », un projet de fusion avorté, puis Valérie Creusat et ses 41 collègues ont perdu leur travail.

    Son « plus gros diplôme », c’est un BEP comptabilité. Elle a commencé à prospecter dès qu’elle a senti le vent tourner.

    Elle a refusé une première proposition (« le même poste pour 500 euros de moins »), une deuxième (« c’était mieux payé mais je connais le tempérament du PDG, ça n’aurait pas collé entre nous »).

    Les imprimeries ferment les unes après les autres. Le secteur a perdu 7 000 emplois cette année (3,3% de ses effectifs). Mais Valérie n’est pas nostalgique : elle préférerait devenir commerciale dans l’édition, « quitte à aller à Paris ». En juillet, si elle n’a rien trouvé, elle commencera un BTS Assistante de gestion avec le Greta de Lorraine. Mathieu Deslandes

    4-Léa, graphiste : « Pourquoi moi ? » Sa chef : « Pourquoi pas toi ? »

    Léa – c’est un pseudo – s’est « presque sentie libérée » quand elle a appris son licenciement économique. Sa boîte fait partie du secteur « services aux entreprises », premières victimes des réductions de coûts et de la baisse d’activité.

    A 29 ans, elle faisait partie depuis un an et demi de « l’équipe créa » d’une petite agence parisienne de graphisme. Elle répondait à des « briefs créatifs » pour proposer des « solutions graphiques ». Elle s’occupait aussi des « benchmarks de création ».

    Les semaines de 50 heures – pour 2 200 euros net par mois – et le conflit permanent avec sa supérieure lui font dire qu’elle « aime son métier et n’a pas aimé ce boulot ». Quand l’entreprise a commencé à rencontrer des difficultés économiques (le secteur a perdu 1 600 emplois cette année), Léa s’est trouvée la première licenciée, en février 2013 :

    « Le motif économique du licenciement était tout à fait justifié, mais je n’étais pas la plus nouvelle dans l’entreprise, ni la plus jeune. J’ai donc été demander à ma supérieure : “Pourquoi moi ?”. Elle m’a répondu “Pourquoi pas toi ?”. » E.F.

    5-Hélène, sous-traitante auto : « Un jour, on a vu nos machines partir »

    Chez Walor (prononcer « Valor »), à Legé (Loire-Atlantique), les ouvriers fabriquent des pièces métalliques qui entrent dans la fabrication des airbags et des ceintures de sécurité. D’autres usines s’occupent ensuite de l’assemblage, ce qui fait que les ouvriers ne sont jamais en contact avec le produit fini. Parfois, ils ne savent même pas à quoi servent les pièces qu’ils fabriquent.

    Hélène – c’est un pseudo – a 42 ans. Ça faisait douze ans qu’elle était dans l’usine. « Régleuse sur une machine multibroches », elle fabrique des pièces qui servent à la « mise en explosion » des airbags – « ça sert pour le détonateur », dit-elle hésitante.

    Avant, elle bossait dans la restauration. Elle a changé pour avoir des horaires plus stables : les 3x8. « Je fais mes huit heures et j’ai fini, c’est ça qui me plaît. » La semaine où elle était de nuit était quand même difficile. Elle n’a pas d’enfants, elle gagnait 1 550 euros net par mois.

    Fin février 2013, la direction a annoncé un plan social de 26 personnes. Hélène s’est tout de suite « mise » dans le plan social. Pour elle, cette destruction de postes était une « aubaine », l’ambiance au sein de l’usine étant devenue insupportable.

    Ces dix dernières années, la production a été en grande partie délocalisée dans les pays de l’Est (et bientôt au Mexique). « Un jour, on a vu les machines commencer à partir », dit-elle, et on imagine les machines en train de faire leurs valises. Les ouvriers pensent que l’usine sera complètement morte d’ici cinq ans, seuls quelques postes administratifs ou de recherche pourraient subsister.

    En 2004, ils étaient 400 ouvriers, aujourd’hui ils ne sont plus que 102. C’est la quatrième vague de licenciements dans l’entreprise.

    Grâce à la cellule de reclassement, Hélène va toucher 80% de son salaire brut pendant un an. Elle n’a pas encore commencé à chercher du travail, mais elle compte retrouver un boulot dans l’industrie :

    « Je prendrai ce qu’il y a, mais avec le même genre d’horaires. » N.L.B.

    6-Achille, cariste : « On a transpiré pour cette entreprise »

    Plus une bouteille ne sort depuis le début de l’année 2013 de chez Tresch, à Illzach. Le négociant en vins spécialisé dans les bouteilles en verre consigné était connu en Alsace depuis les années 70 pour son Chevrotin – un concurrent régional du Vieux-Papes –, mais aussi pour ses limonades, comme la Mixmi ou la Tigrette.

    Achille y travaillait depuis vingt-deux ans. Quand il est arrivé chez Tresch, l’entreprise comptait 180 salariés et était en pleine expansion, se développant à l’export. Lui a participé à la mise en place de nouvelles normes, il « suivait » « le produit » et ne se sentait « pas simplement cariste ». Ça lui plaisait bien.

    En 2007, le service export a été délocalisé en Bourgogne. Achille a dû changer de poste et le travail est devenu plus « bourrin ». Au printemps 2012, au tour de la mise en bouteilles de vins de migrer vers la Bourgogne. En mai 2013, l’usine entière sera fermée. Achille ne comprend toujours pas pourquoi.

    « On a transpiré dans cette boîte pour garder les clients. Nos salaires ont même été bloqués. »

    Le cariste de 46 ans est en colère, mais pas désespéré. Depuis dix ans, il travaille l’après-midi chez un loueur de voitures.

    Mais pour ses anciens collègues, ça sera plus compliqué :

    « Les formations qu’ils demandent – chauffeur de poids lourds, de conducteurs d’engins sur des chantiers, voire de travailleur à la morgue – sont refusées, parce qu’elles ne relèvent pas de “secteurs porteurs”. »

    Le secteur « Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac » a perdu 4 800 emplois en 2012 (près d’1% de ses effectifs). E.F.

    7-Romuald, chef de travaux dans le BTP : « Dernier arrivé, premier à partir »

    Romuald Valette, 25 ans, a un parcours sans anicroche. Bac ES, BTS bâtiment puis licence conducteur de travaux spécialisé dans les maisons individuelles. En alternance un mois sur deux, il a signé un contrat avec l’entreprise Maine Construction, une société du Mans en pleine forme depuis trente ans.

    Une fois diplômé, il est devenu officiellement conducteur de travaux dans l’entreprise : 1 700 euros net par mois.

    Un an et sept mois plus tard, son patron l’a convoqué. L’entreprise n’allait plus bien. « J’étais le dernier arrivé, donc le premier à partir. »

    Maine Construction comptait alors 18 salariés dont 7 conducteurs de travaux. Romuald a été le seul à partir ce jour-là, mais la boîte va devoir se séparer d’un autre employé dans quelques mois.

    « Il n’y a pas de boulot. Je suis retourné les voir, puisqu’on s’est quittés en bons termes, pour essayer de faire marcher le bouche à oreille. Mais il n’y a aucune perspective d’amélioration pour 2013, surtout avec les nouvelles normes énergétiques instaurées par le gouvernement en janvier. »

    La reconversion ? Difficile, sa formation étant très « restrictive ».

    La construction a perdu 13 000 postes – 1% de ses effectifs – sur l’ensemble de l’année 2012. Philippe Vion-Dury

    8-Aïcha : « Visiteur médical, c’est devenu un sale métier »


    Aïcha Kerdagh, 52 ans, licenciée d’un laboratoire pharmaceutique. (DR)

    A 52 ans, Aïcha Kerdagh est au chômage depuis le 23 février. Son poste faisait partie des 500 disparus dans son entreprise pharmaceutique, l’un des plus gros acteurs dans la prestation de visite médicale.

    En décembre, la societé CI-Innovation à Levallois a été liquidée et ses salariés licenciés.

    Le secteur des « délégués médicaux », comme on les appelle officiellement, va mal.

    Selon un récent rapport d’Eurostaff sur l’avenir du métier, d’ici 2017, en France, il ne restera que 12 500 visiteurs médicaux. C’est la moitié des effectifs de 2004. Ils sont déjà moins de 16 000.

    Les directions des entreprises concernées se justifient en invoquant le développement des médicaments génériques, la pression de plus en plus grande sur les prix, le déremboursement de certains médicaments.

    Aïcha, qui était en CDI et déléguée à la CGT, pense aussi que visiteur médical, c’est devenu un sale métier, mal vu de tous, des médecins, des patients et des politiques. En 2011, l’Igas, Inspection générale des affaires sociales, prônait carrément sa suppression. La visiteuse médicale commente :

    « Après l’affaire Servier, certains médecins nous fermaient la porte au nez. Ils disaient qu’il ne pouvaient plus nous faire confiance. »

    Elle se souvient aussi de la responsabilité qu’on leur a fait porter pour le trou de la Sécu :

    « De toute manière, même quand un directeur insiste pour que vous appuyiez beaucoup un médicament, sur le terrain, vous êtes seul. »

    Pour Aïcha, visiteur médical, c’était le métier parfait. Il y a dix ans, elle a choisi de quitter une place assise dans les bureaux de la Chambre de commerce et de l’industrie de Paris. Elle peinait à maîtriser son emploi du temps, avec ses deux enfants. Avec ce nouveau travail, c’était plus simple :

    « On organise nous-mêmes notre emploi du temps. 80% des visiteurs sont des femmes, et plus de la moitié sont des mères célibataires. »

    Tous les quatre mois, elle était formée pour pouvoir parler de nouveaux médicaments et des pathologies qu’ils devaient traiter. Elle voyait en moyenne six médecins par jour.

    Elle a encore ses enfants de 14 et 16 ans à sa charge. Il lui reste au minimum encore à travailler dix ans avant sa retraite. Renée Greusard

    9-Christophe, vendeur de jeux vidéos : « j’espère que la FNAC va survivre encore un peu »

    Christophe a perdu son emploi de vendeur chez Game, une enseigne qui vendait des jeux vidéo. Les « gamers » préfèrent désormais s’approvisionner sur Internet et à l’étranger, surtout en Belgique

    Le tribunal de Bobigny a rendu son jugement vendredi 1er février, et comme prévu, la majorité des boutiques Game a fermé.

    Christophe et ses collègues n’avaient pas été prévenus officiellement des difficultés de leur entreprise. Comme leurs clients, c’est par Internet qu’ils ont appris la mauvaise nouvelle. Game soldait à tout va avant fermeture. Les médias spécialisés ont décrit un « pillage » des magasins, et des vendeurs au bord de la crise de nerfs.

    Dans la boutique de Christophe, l’ambiance était tout autre :

    « On travaillait dans un magasin complètement vide. C’était triste. Des clients sont venus à la boutique pour nous dire au revoir ! »

    Après des mois de galère à chercher, en vain, un emploi dans son domaine – le graphisme –, il avait finalement décroché un boulot de vendeur en novembre 2012 :

    « C’était une petite boutique, mais je m’y plaisais bien. Mes collègues étaient sympas. Et j’aimais bien discuter avec les clients et leur parler des jeux auxquels j’ai pu jouer. Moi-même, je joue beaucoup... »

    Il espère retrouver du travail dans la vente de produits culturels :

    « Mais Virgin a fermé, donc j’espère que la Fnac va survivre encore un peu ! »

    Le commerce de détail a perdu 6200 emplois – 0,4% de ses effectifs – cette année. Lucie Ronfaut

    10-Eric, opérateur en pétrochimie : « On est très spécialisés »


    Eric Haennel, 46 ans, durant ses années Pétroplus. (DR)

     

    La raffinerie Petroplus de Reichstett (Bas-Rhin), inaugurée par Georges Pompidou en 1964, a fermé ses portes fin 2012, laissant plus de 200 salariés sans emploi. Dont Eric Haennel, qui a découvert le chômage à 46 ans.

    Il a été embauché à la raffinerie après son bac et son service militaire. Il faisait les 3x8 : une matinée, puis une nuit, puis un après-midi. Dans ces conditions atypiques, « les collègues deviennent une sorte de seconde famille ».

    Eric était à la fois opérateur extérieur et opérateur tableau. Pour 3 000 euros brut par mois, il était chargé de s’assurer du bon fonctionnement de plusieurs secteurs de la raffinerie.

    Initialement électro-technicien, Eric a évolué au sein de l’entreprise. « Nous avons eu des formations assez lourdes, et nous sommes maintenant très spécialisés ». Mais Eric n’est pas du tout certain de pouvoir faire profiter une nouvelle entreprise de ces compétences cumulées dans la pétrochimie :

    « Pour retrouver un travail, il faut se déplacer, ce que je ne peux pas faire. Et puis il n’y a plus beaucoup de raffineries en France. »

    Le secteur « cokéfaction et raffinage » a perdu 400 emplois en 2012, soit 3,4% de ses effectifs, l’une des plus fortes pertes – en proportion – de l’année. Rodolphe Baron


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  •  Global Voices Online 18/03/2013

    L’assassinat de Parveen Rehman, l’« ange gardien » d’un bidonville de Karachi

    Global Voices"
    Qurratulain Zaman · Traduit par Suzanne Lehn
     

    Parveen Rehman (DR)

    Parveen Rehman, une travailleuse sociale de premier plan au Pakistan, a été abattue par des tireurs non identifiés au milieu d’une escalade de violence ethnique, religieuse et criminelle dans la métropole de Karachi.

    Parveen Rehman, 56 ans, a été tuée le 13 mars 2013 aux portes d’Orangi, où elle dirigeait le Orangi Pilot Project (OPP), une des ONG les plus efficaces du Pakistan, au service des déshérités.

    Orangi, considéré comme le plus grand bidonville d’Asie, abrite près d’un million d’habitants à Karachi. Architecte diplômée, Parveen travaillait aussi inlassablement à documenter chaque parcelle du bidonville tentaculaire et de la ville, pour préserver les terrains de la mafia du foncier bien connue de Karachi, dont elle recevait des menaces de mort depuis des années.

    Sur son blog Alexressed Journal d’un Pakistanais préoccupé, Ale Natiq écrit :

    « La plupart la connaissent comme la directrice du Orangi Pilot Project (OPP) mais elle était plus qu’une simple directrice d’ONG. Elle et son organisation ont laissé des empreintes sur une grande partie de Karachi et ont influé sur des milliers de vies.

    On peut dire sans exagérer qu’elle a influé d’une façon ou d’une autre sur les vies d’un demi-million de personnes ou la moitié de la population d’Orangi. Les taudis de Karachi et les katchi abadis ont perdu une figure maternelle. »

    Parmi d’autres événements marquants, l’OPP est renommé pour avoir initié un des programmes d’assainissement d’initiative locale les plus efficaces du monde.

    Depuis ses débuts en 1980, il a aidé 2 millions de personnes à améliorer leur assainissement en installant le tout-à-l’égout et des toilettes d’intérieur dans tout le Pakistan.

    Steve Inskeep, animateur de l’édition matinale de la NPR et auteur de Instant City Life and Death in Karachi (Vie et mort instantanée à Karachi), qui présente un entretien avec Parveen, se souvient sur Twitter :

    @NPRInskeep : « Les étrangers étaient un peu nerveux rien qu’à se rendre à Orangi, l’immense zone de Karachi infestée par les gangs où Rahman travaillait avec entrain tous les jours. »

    Violence de Karachi

    Le même jour que Parveen, sept autres personnes ont été tuées dans divers faits de violence dans la ville. Les utilisateurs de Twitter du Pakistan ont éprouvé un extrême sentiment de perte et de chagrin.

    Le Directeur pour le Pakistan de Human Rights Watch Ali Dayan Hasan a tweeté le 14 mars 2013 :

    @AliDayan (Ali Dayan Hasan) : « Lentement mais sûrement, les meilleurs et tout ce qu’il y a de bon dans notre pays se font cibler et tuer.

    Un sentiment auquel d’autres ont fait écho, tels les journalistes Beena Sarwar, Mohammad Hanif et l’éditorialiste Cyril Almeida :

    @beenasarwar (beena sarwar) : #ParveenRehman RT @mohammedhanif : ‘voilà le plus triste. Et nous qui pensions avoir vu trop de tristesse. Cela n’arrive même plus à soulever la colère.’

    @cyalm (cyril almeida) : ‘Une pensée égoïste ce soir : suis malade à l’dée du nombre croissant de gens dans mon répertoire téléphonique qui ont été fauchés. Trop de morts.’

    @BhopalHouse (Faiza S Khan) : ‘Je me rends compte, je sais depuis quelque temps qu’il n’y a pas de fond où le Pakistan ne s’enfoncera pas. Reconnaissant de me sentir encore le coeur brisé. Bientôt ça aussi sera fini.’

    @AmSayeed (Amima Sayeed) : ‘la propagande négative contre les ONG a conduit à ça : #ParveenRehman tuée par balles. La haine aveugle qui ne voit pas leur apport ! !’


    Hommage à Parveen Rehman (Ayuib. Copyright Demotix, 14/3/2013)

    Parveen luttait contre la mafia du foncier de Karachi

    Avant de rejoindre l’OPP en 1982, Parveen travaillait comme architecte. Elle continuait depuis à enseigner dans différentes écoles d’architecture pour former des architectes socialement responsables dans le pays.

    Parveen a passé des années à faire des relevés de terrains sur les franges de la métropole de Karachi en constante expansion. Selon ses étudiants et collègues elles recevait des menaces de mort de la mafia impliquée dans l’accaparement de terrains urbains précieux :

    ‘Mme Rehman compilait avec ardeur les archives de terrains de valeur, situés aux franges de la ville sous forme de villages mais en voie d’engloutissement rapide dans ses étendues à cause de la demande toujours croissante de milliers de familles migrant chaque année à Karachi depuis tout le pays.

    Elle disait publiquement que quelque 1.500 goths (villages) avaient été fusionnés à la ville depuis 15 ans. Les accapareurs de terrains les divisaient en parcelles et gagnaient des milliards avec leur vente.’

    Le journaliste Fahad Desmukh a tweeté son entretien audio avec Parveen Rehman, où elle évoque les menaces de la mafia du foncier à Karachi :

    @desmukh (Fahad Desmukh) : ‘Parveen Rehman : Nous avons dit : Tout ce que vous pouvez faire c’est nous tuer. Que pouvez-vous faire d’autre ? Nous n’avons pas peur de vous’.

    L’artiste pakistanaise SesapZai écrit sur son blog :

    ‘J’ai presque l’impression que les gens au Pakistan ne veulent pas se développer ; le développement est un monstre qui rôde et devient une énorme menace dès que quelqu’un essaie de le faire avancer.

    Et plutôt que de soutenir et encourager ces courageux humanitaires, comme Parveen Rehman, qui ont consacré et mis en jeu leur vie pour aider les plus pauvres de la région à vivre de meilleures vies, on les assassine. Et avec eux, tous les espoirs et rêves d’un avenir meilleur, plus auto-suffisant économiquement, s’évanouissent également.’


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  •  Conforama, le pays où les salariés rebelles sont fichés

    Rozenn Le Saint | JournalisteRue 89   
     

    Un smiley tué pour les « mauvais » vendeurs, du rouge pour les syndicalistes... Trois listings, inspirés de la stratégie des alliés, ont été trouvés chez le leader du meuble.

    A côté du nom des vendeurs qui n’ont pas atteint leurs objectifs, un smiley, le front perforé d’une balle. Le tableau, affiché dans le couloir du personnel d’un magasin Conforama, a été pris en photo en mars 2012. Force ouvrière a porté plainte contre le numéro 2 du meuble en France. Un de ses délégués syndicaux, David Malesieux, est encore choqué par cette image :

    « Quand vous arrivez le matin et que vous voyez vos performances affichées avec ce genre de symbole très violent, c’est très difficile à vivre. Ces mauvais outils de management sont forcément générateurs de risques psychosociaux. »

    Après la diffusion du document en question dans un reportage d’« Envoyé spécial », en février dernier, la direction a regretté cette « initiative inacceptable et isolée ».


    Capture d’écran du document dans « Envoyé spécial », France 2, février 2013

    « Dans le viseur de la direction »

    Le tableau a été immédiatement retiré, mais le cadre à l’origine du scandale est toujours en poste. Pour un autre délégué syndical FO, Didier Pienne :

    « Les salariés sont pris pour du bétail. On montre que les plus faibles sont dans le viseur de la direction, ce qui pourrait les pousser à commettre l’irréparable. Avec ce smiley, on a atteint le summum du fichage des salariés par des jugements subjectifs. »

    Car ce n’est pas une première au « pays où la vie est moins chère ». Déjà, dans le magasin de Leers (Nord), où travaille Didier Pienne, un listing illégal avait été retrouvé en septembre 2011 après la visite du directeur régional. La liste proposait le classement suivant :

    • « Bon soldat – laborieux »,
    • « pas réactif »,
    • « mauvais vendeur – ne fait rien – RF [rouge foncé, selon les syndicats, ndlr] CGT », etc.

    En plus de la mention, illégale, de l’appartenance syndicale d’un employé, ce fichier élaboré par un cadre révèle qu’une technique dite de la « stratégie des alliés » était encore utilisée chez Conforama l’année où PPR a vendu l’enseigne au sud-africain Steinhoff.

    Les alliés en vert, les rebelles en rouge foncé

    Cette méthode de management consiste à classer les salariés selon un code couleurs :

    • le vert correspondant aux alliés de la direction, favorables au changement ;
    • l’orange, aux partenaires potentiels ;
    • le rouge, aux récalcitrants,
    • le rouge, foncé (RF) aux rebelles.

    « Influer sur le jeu des acteurs », extrait d’un document de formation sur la stratégie des alliés, donné aux cadres de Conforama, de 2006 à au moins 2009 (DR)

    La pratique de cette cartographie des salariés n’est pas propre à Conforama. Benoît Pommeret, consultant du cabinet de conseil Cegos, assure avoir enseigné la stratégie des alliés à des cadres de la distribution essentiellement, mais aussi de compagnies d’assurances, et même de Pôle emploi.

    C’est le cabinet Alter ego qui a dispensé cette formation aux managers de Conforama de 2006 à au moins 2009, année de l’annonce d’un plan de mobilité et de départs volontaires.

    Patrick Boulhoud, directeur d’un magasin francilien jusqu’en mai 2012, admet :

    « Nous l’avons tous appliquée mais visiblement, les interprétations étaient différentes selon les managers. Un salarié peut être identifié en rouge pour une consigne précise, mais il ne doit pas l’être pour toute sa carrière ! C’est un travers de la stratégie des alliés. »

    « Des étiquettes sont définitivement collées »

    Même écho du côté de Fabien Blanchot, directeur du MBA management des RH et vice-président de Paris-Dauphine. Selon lui, il s’agit d’une dérive de cette grille de lecture, issue de la sociodynamique des années 70.

    « L’outil est dévoyé. Des étiquettes sont définitivement collées sur les salariés alors que selon les projets de changement, on peut être pour ou contre. Telle qu’elle semble être appliquée à Conforama, la stratégie des alliés est déterministe, on ne peut pas sortir de tel ou tel positionnement. »

    Les syndicalistes, notamment, sont condamnés à errer dans cette zone rouge. Mise à l’épreuve des faits il y a un an, la direction avait décliné toute responsabilité :

    « Il est possible que des managers utilisent toujours cette méthode d’animation, mais la stratégie des alliés ne fait plus partie de la politique nationale de l’entreprise. »

    Pourtant, l’auteur du fameux fichier n’a pas été sanctionné et à l’évidence, la méthode de management compte encore des adeptes chez Conforama : FO assure qu’un nouveau fichier nominatif a été retrouvé en juillet 2012.

    Pas d’augmentation pour les « rouges »


     Capture d’écran du document dans « Envoyé spécial », France 2, février 2013

    Il montre que les « rouges » sont toujours dans le viseur des managers :

    • « rouge à surveiller – soldat à sortir » ;
    • « orange foncé – trop mou – augmentation 2013 refusée » ;
    • « passé orange… Revendicatif… A sortir au plus vite » ;
    • « bon élément… Attention veillez à aucune déformation par X [X étant un délégué syndical, ndlr] ».

    Toujours le même classement selon le degré de fidélité à la direction, mais cette fois, lié aux négociations annuelles obligatoires, ce que déplore David Malesieux, de FO :

    « Cette année, il n’y aura pas d’augmentation collective des salaires, seulement des hausses individuelles. Si vous êtes classé en rouge, autant vous dire que vous n’aurez droit à rien ! »

    « Des cas flagrants de discrimination »

    C’en est trop pour FO, qui a déposé une plainte auprès du procureur de Meaux (Seine-et-Marne, département où se trouve le siège de Conforama) par le biais de son avocat, Me Vincent Lecourt :

    « Parmi les salariés fichés “ à sortir ”, certains ont été licenciés, d’autres ont vu leur CDD ne pas être renouvelé, avec des cas flagrants de discrimination. L’appartenance à un syndicat ne doit pas figurer dans un tel listing. »

    Ce type de fichier enfreint effectivement la loi informatique et liberté, puisque les commentaires ne reposent pas sur des critères objectifs et les salariés n’ont pas été informés de l’existence du listing. Conforama risque un avertissement de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), mais pas seulement, indique Nathalie Métallinos, avocate chez Bird & Bird, cabinet spécialisé dans la protection des données :

    « L’annulation des sanctions prises en fonction de ce traitement non objectif, comme des licenciements, pourrait être obtenue, ainsi que l’interdiction de ce système illicite d’évaluation. Cela éviterait des appréciations au doigt mouillé du manager liées à l’affect. »

    « Laisser faire peut être un encouragement »

    Même si la direction doute qu’un de ses cadres soit l’auteur du dernier listing retrouvé – elle rappelle que « les commentaires relatifs aux appréciations portées sur les collaborateurs de Conforama ne comportent pas de code couleurs car une telle pratique est interdite » –, il semble que les managers aient du mal à se défaire de cette grille de lecture, enseignée à la demande même de la direction il y a quelques années. Selon Me Métallinos :

    « Conforama aurait dû mettre en place des mesures pour éviter que les managers continuent de l’utiliser après qu’elle l’a abandonnée, comme une contre-formation, ou bien des sanctions. Laisser faire peut être considéré comme un encouragement. »

    Et si la direction ne peut être derrière les ordinateurs de tous ses managers, la loi l’autorise à mandater un cabinet d’audit pour contrôler des échantillonnages de fichiers, si elle en informe le comité d’entreprise et le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). A Big brother, Big brother et demi


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  •   08/03/2013

    Libérer les femmes du pilon et du mortier au Niger

    “Battre, décortiquer et moudre le mil nous prenaient environ 16 heures par jour mais le nouveau moulin a réduit de moitié le temps nécessaire”, Zénabou Halilou, Niger

    journee internationale de la femme,niger,icrisat,banque mondiale,mil,fonio,femme,post recolte,temps de travail,resilience,codewaAujourd’hui, le 8 Mars, nous célébrons la Journée Internationale de la Femme. La majorité des femmes dans les pays en voie de développement dépendent de l’agriculture. La question de la femme est largement reconnue comme facteur clé pour l’amélioration des conditions de vie des populations rurales pauvres des pays du Sud. Diverses problématiques sont souvent adressées quand on veut améliorer la situation des femmes en agriculture: accès à la terre, formation, accès à de meilleurs intrants et l’accès au marché. Cependant, le temps et la pénibilité des activités post-récolte est pour beaucoup de femmes un des principaux freins à résoudre pour une vie meilleure. Mécaniser le battage, décorticage et la mouture des grains peut aussi améliorer la résilience de la communauté à des climats plus secs.

    Le pilon et le mortier sont toujours les principaux outils pour moudre les céréales de base telles que le mil et le sorgho dans la grande partie de l’Afrique sub-saharienne. Mais moudre manuellement le grain est pénible et demande beaucoup de temps, une charge de travail qui s’ajoute pour les femmes rurales, à des journées déjà bien remplies par d’autres taches comme la cuisine, la collecte de bois, s’occuper des jeunes enfants…

    ICRISAT, avec ses partenaires locaux, ont travaillé avec des femmes pour tester différentes technologies appropriées pour soulager leur charge de travail. Dans le cadre du projet HOPE financé par la Fondation Bill et Melinda Gates, des paysannes comme Zénabou Halilou au Niger, ont remplacé le pilon et mortier traditionnels avec des moulins motorisés. Cette initiative est menée par le centre d’innovation et d’incubation de technologies agricoles et agro-alimentaires créé par le projet au Niger.

    "Avant l’installation du Moulin dans notre village, nous préparions manuellement tout le grain de notre récolte,” dit Mrs Halilou. “Le battage, décorticage et moudre le grain nous prenait jusqu’à 16 heures par jour mais le moulin a permis de réduire de moitié le temps nécessaire”. Cela a changé radicalement ma vie. Je peux passer plus de temps à préparer la nourriture et j’ai commencé à élever de la volaille. J’ai aussi plus de temps pour m’occuper de mes enfants. Au lieu de repas servis très tard ou pas de diner du tout, ils mangent maintenant chaque soir avant d’aller au lit. »

    Renforcer la résilience à un climat plus aride

    Le temps nécessaire pour préparer et transformer le grain est un critère clé pour les petits agriculteurs pour choisir le type de cultures qu’ils vont cultiver. Pouvoir sauver quelques heures par jour pour préparer le mil encourage les paysans à cultiver cette culture tolérante à la sécheresse. Dans un sens, introduire ce moulin aide les paysans à être plus résilients face à un climat de plus en plus aride.

    Dans le cadre du projet CODEWA financé par la coopération Allemande, ICRISAT a testé avec des paysans du Sahel différentes stratégies pour s’adapter aux aléas climatiques grandissants, y compris la diversification de cultures. En particulier, les paysans ont été encouragés à cultiver des cultures traditionnelles très résistantes à la sécheresse comme le fonio, le plus petit des mils et une céréale de base majeure dans les régions arides d’Afrique de l’Ouest.

    Très nutritive et de culture très rapide (le fonio n’a besoin que de 6 a 8 semaines du semis à la récolte), le grain de fonio est utilise pour préparer du porridge, couscous, pain et des boissons. Mais la taille très petite du grain, 2000 grains par gramme de fonio, implique que les femmes passent des heures à décortiquer le grain en mélangeant le grain avec du sable.

    Ces dernières décennies, les paysans ont progressivement abandonné ce genre de cultures traditionnelles avec d’autres plus facile à préparer et cuisiner, comme le maïs. Mais dans le cas de sécheresse prolongée, les paysans s’exposent à perdre une grande partie ou toute leur récolte. La dissémination d’une machine à décortiquer le fonio – récompensé par les Rolex Awards en 1996- qui peut préparer 2 kg de grain en 6 minutes au lieu de 2 heures de pilonnage manuel, a été le facteur clé pour réintroduire la culture de cette céréale rustique. La Banque Mondiale, à travers son Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest, a récemment financé la distribution de machines à décortiquer le fonio au Sénégal et l’évaluation de l’impact. C’est une bonne nouvelle car le fonio est souvent la seule culture capable de fournir aux paysans une récolte en climat très aride.

    Les technologies qui libèrent les femmes du pilonnage manuel sont aussi appréciées pour d’autres raisons. Mrs Halilou montre fièrement ses mains. “Le battage et décorticage abîmaient mes mains,” dit-elle. “Maintenant que j’utilise le moulin, elles sont beaucoup plus douces et je n’ai plus honte de saluer les gens avec mes mains,” ajoute-elle.

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  •  Avec des intitulés flous comme « Mélange de miels originaires et non-originaires de la CE », la réglementation européenne ne s'embarrasse pas pour éclairer les consommateurs. La directive « miel » débattue actuellement à Bruxelles pourrait même dispenser de mentionner la présence d'OGM dans les pots.  

      La filière se divise alors que la Commission européenne propose de transformer les règles d’étiquetage pour éviter d’avoir à mentionner la présence de pollen OGM dans le miel. « L’enjeu est très important pour l’image du produit. À terme, il risque d’y avoir beaucoup de miel OGM sur le marché alors que le pollen ne représente qu’une portion infime du produit », estime Claude Noël, président de la Fédération des coopératives apicoles de France (Fedapi), favorable à l’assouplissement proposé par la Commission. Sa fédération membre de Coop de France relaie les inquiétudes d’une filière industrielle qui redoute les conséquences d’un étiquetage OGM sur la vente d’un produit apprécié pour ses qualités naturelles. Ils sont rejoints par les pays exportateurs de miel, qui fournissent 40 % du miel européen et souhaitent également un marché moins contraignant. A l’inverse, une quinzaine d’organisations apicoles européennes, dont l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), réclament une plus grande transparence sur les OGM pour garder la confiance des consommateurs.

      Le débat à Bruxelles est technique mais crucial : les eurodéputés sont en effet appelés à se prononcer sur un amendement de la directive « miel » proposé par la Commission. Celle-ci veut classer le pollen non plus comme un ingrédient mais comme un composant. Si la nuance peut sembler subtile, la conséquence sur l’étiquetage est capitale car la mesure du taux d’OGM se fait uniquement sur les ingrédients. Le pollen entrant en très petite quantité dans la composition du miel, calculer la proportion d’OGM sur le miel plutôt que sur le pollen garantit en effet de ne jamais dépasser le seuil des 0,9 % nécessaire à l’étiquetage OGM.

      70 % du miel vendu en supermarché est importé

      L’opposition autour de l’étiquetage des OGM reflète la dualité de la filière miel. La France importe plus de la moitié de ce qu’elle consomme. Les 25 000 tonnes de miel importées viennent principalement d’Espagne et de Belgique, qui importent eux-mêmes leur miel majoritairement de Chine. La Belgique s’est même spécialisée comme plateforme d’importation de miel chinois et de réexportation vers l’Europe. L’opacité sur son origine – permis par la mention « Mélange de miels originaires et non-originaires de la Communauté européenne » – convient à la multiplication des opérateurs… Une situation n’est pas sans rappeler celle de la filière viande, qui défraie aujourd’hui la chronique, d’autant que les méthodes de production du miel chinois sont beaucoup moins réglementées qu’en Europe et que les OGM y sont autorisés. Dans un tel système, les industriels ont tout intérêt à maintenir le flou sur l’information donnée aux consommateurs, que ce soit sur l’origine du produit ou sur la présence d’OGM.

      Plusieurs pollens OGM autorisés en Europe

      La donne est toute autre pour une majorité des apiculteurs français, qui sont extérieurs à la filière industrielle. Plus de la moitié du miel produit en France est commercialisé en vente directe, à laquelle s’ajoutent les 20% de miel vendus dans des magasins spécialisés. En outre, les cultures OGM étant interdites, tout comme les essais en plein champ, les apiculteurs français peuvent faire valoir un miel exempt d’OGM. Et s’il y a contamination, l’engagement de l’Union européenne à garantir la possibilité de maintenir une double filière doit permettre de trouver les responsables. C’est justement un des arguments des organisations apicoles opposées à l’amendement de Bruxelles. En contournant l’étiquetage des OGM, la Commission prive les apiculteurs de règles claires pour assurer la coexistence entre une production de miel non-OGM et des cultures OGM. Les apiculteurs se sentent d’autant plus lésés que les cultures OGM vont généralement de pair avec les pesticides, leur deuxième grand combat. Depuis que l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments (Efsa) a incriminé mi-janvier les néonicotinoïdes dans la mortalité des abeilles, l’Unaf réclame en particulier l’interdiction de ces insecticides en France.

      Enfin, la question du contrôle du pollen demeure. Le pollen OGM doit avoir reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour que le miel soit commercialisable. Le jugement de la Cour de justice européenne en 2011 – à l’origine de l’obligation d’étiquetage du pollen GM – est justement parti de la plainte d’un apiculteur autrichien qui a retrouvé dans son miel du pollen de maïs MON810. Interdit dans l’UE, ce pollen rendait son produit impropre à la commercialisation. Aujourd’hui, plusieurs pollens GM sont autorisés en Europe. Monsanto devrait prochainement obtenir l’AMM du pollen MON810 depuis que l’Efsa a statué sur sa non-toxicité pour la santé humaine.

     Magali Reinert
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