• Les ONG maintiennent Haïti dans le sous-développement"

     
    Echanges sans tabous avec de jeunes Haïtiens autour de la reconstruction, près de deux ans après le séisme.

    Comment les Haïtiens vivent-ils la présence massive des ONG dans leur pays? Si la question n’est que rarement posée en ces termes, elle est pourtant présente dans tous les esprits.

    Nous avons eu l’occasion d’en discuter lors d’une "Causerie" (discussion organisée) avec des membres du Groupe haïtien pour l’innovation et le développement (GHID), à savoir des étudiants et des jeunes actifs qui, face à la crise dans laquelle est plongé le pays, ont décidé de mettre en place un cercle de réflexion regroupant des jeunes de différentes universités et disciplines.

    Rendez-vous est pris à Delmas 65, au sud-est de Port-au-Prince, dans la maison de l’un d’eux, fin décembre. Etudiants, journalistes, comptable, médecin… Une dizaine de jeunes sont présents, pour la plupart diplômés. Eux ne vivent pas dans les bidonvilles: ils représentent l’avenir du pays, l’élite intellectuelle, mais ne font pas vraiment tout à fait partie de l’élite économique du pays, majoritairement mulâtre.

    En effet, à Haïti, classe sociale et couleur de la peau sont, historiquement et aujourd’hui encore, liées. Tandis que les blancs et les mulâtres concentrent les richesses, l’immense majorité de la population, noire, vit dans la pauvreté. Le sujet, tabou, est explosif dans le pays.

    Parmi les jeunes qui nous accueillent, beaucoup peuvent vivre convenablement grâce à l’argent de la diaspora: un Haïtien sur 5 vit en effet hors de l’île, et les devises en provenance des Etats-Unis et du Canada permettent aux personnes restées au pays de survivre.

    Pauvreté extrême, perfusion humanitaire, pouvoir politique absent ou fantasque… Dépités par l’état de leur pays, ces jeunes n’en sont pas moins déterminés à "s’engager" pour construire un avenir meilleur.

    Les ONG, leurs salaires, leurs 4x4

    S’ils invitent des journalistes à cette "Causerie", c’est pour échanger, de manière informelle, sur la situation en Haïti. Rapidement, la discussion dérive sur leur vision des ONG: leurs 4x4 rutilants (les routes sont impraticables en Haïti, les embouteillages, un enfer dans la capitale, et les transports en commun, une galère au quotidien), leurs conditions de vie (bien souvent, les expatriés disposent d’un chauffeur et d’une aide ménagère) et surtout, leur rémunération, jugée trop élevée.

    "Les médecins haïtiens sont beaucoup moins bien payés que les étrangers, et travaillent plus. Est-ce que vous trouvez ça normal?!", s’exclame, lunettes sur le nez, celui que ses camarades ont surnommé "Doc’".

    "En Haïti, tout étranger se fait expert, estime Ralph, animateur de la session. Mais la seule différence, c’est qu’ils bénéficient de ressources technologiques que nous n’avons pas dans le pays. Pourquoi les ONG n’envoient-elles pas des professeurs former des promotions entières d’étudiants haïtiens au lieu de faire venir leurs "experts" et de nous allouer quelques bourses d’études? Le pays n’est soit disant pas assez sécurisé pour eux, mais certains humanitaires sont là depuis plus de 10 ans!"

    Si les ONG sur place emploient des "locaux", ces derniers interviennent rarement au niveau de la prise de décision stratégique, mais plutôt dans l’opérationnel. "Les experts internationaux pensent calquer chez nous un schéma qui marche à l’international... sans succès", soupire Ralph.

    Cercle vicieux

    Pour ce jeune journaliste, "Haïti est l’exemple même qui prouve que l’humanitaire maintient le sous-développement". C’est un cercle vicieux, renchérit-on autour de lui: "les ONG et la Minustah sont là car l’Etat est faible, mais en restant elles l’affaiblissent davantage". Un point de vue confirmé par d'autres Haïtiens... qui travaillent pour des ONG.

    Ainsi, bon nombre de postes qualifiés (dans les hôpitaux, dans les médias par exemple) sont désertés: travailler pour une organisation d'aide internationale est toujours plus intéressant en terme de rémunération. Double coup dur pour l’économie haïtienne, qui subit déjà la fuite des cerveaux à l’étranger.

    Faut-il pour autant bouter les ONG hors du pays? Moue dubitative dans la pièce. Car bien sûr, oui, les ONG jouent un rôle, ont sauvé des vies après le séisme. Le fait qu’elles puissent entrer et venir dans le pays sans avoir de comptes à rendre pose aussi la question de l’absence de l’Etat… et de l’attitude des Haïtiens eux-mêmes. "Ils attendent, pensent que les choses vont changer, même s’il ne se passe rien et qu’ils vivent encore dans les camps", juge Peniel, installé avec sa copine sur le canapé.

    "Les religions pèsent beaucoup sur les mentalités", renchérit Malensky (en tee-shirt orange sur la photo), 31 ans. Le pays est très pieu en effet; dans les camps, les sinistrés s’en remettent souvent à Dieu. Les camionnettes (transports en commun) sont souvent bariolées d’inscriptions rendant hommage à Jésus. Et la messe dominicale reste la seule distraction de nombreux Haïtiens.

    "Esclavage"

    "Sans l’aide humanitaire, les Haïtiens se seraient depuis longtemps motivés pour interpeller les politiques, s’indigner contre la vie chère, les prix qui flambent, et l’exploitation qui frôle le retour à l’esclavage", poursuit-on autour de Malensky.

    Faut-il une révolution en Haïti? Pour ces jeunes professionnels, la crise systémique que vit le pays ne peut être résolue à coups de réformes. Oui, il faudrait une révolution, mais impossible dans ce contexte. "Et puis, nous l’avons déjà faite, en mettant un terme à 30 ans de dictature", rappelle Michel Pierre, alias le Doc.

    Ces jeunes ne croient donc pas à leur "Printemps arabe", notamment à cause, selon eux, du faible degré de conscientisation politique de la population, peu éduquée, et qui parle très majoritairement le créole, lorsque la plupart des journaux et des radios diffusent en français, "la langue de l’élite".

    "C’est choquant, conclut un participant, mais la solution contre la pauvreté n’est pas pour demain en Haïti".

    Elodie Vialle, à Port-au-Prince. 

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  • Pérou : révolte contre l’or

    Depuis le 23.01.2012 791 personnes ont signé la pétition: allez sur le site "Sauvons la forêt" pour signer la pétition.

    Exploitation à ciel ouvert dans la mine Yanacocha   Exploitation à ciel ouvert dans la mine Yanacocha

    Depuis le début du mois de décembre 2011, la province andine de Cajamarca au Pérou est le théâtre d’une révolte paysanne contre le projet Conga, une mine d’or qui menace de s’implanter dans la région. Jour après jour, plus de 20 000 manifestants, soutenus par les représentants politiques locaux, se rassemblent sur la Plaza de Armas pour protester avec le slogan « Conga no va » (non au Conga !). Importante région agricole du pays, Cajamarca est directement dépendante de ses ressources naturelles. Avec 70% de la population vivant de l’agriculture, l’accès à de l’eau propre et en quantité suffisante est primordial. Le projet d’exploitation minière représente une menace directe pour les moyens de subsistance des paysans andins puisque ce type de mine à ciel ouvert a un besoin considérable en eau et en énergie en plus des déversements de produits toxiques dans les cours d’eau naturels.

    La ferme opposition de la population au projet Conga se fonde sur les conséquences désastreuses de la mine Yanacocha : à l’origine de graves pollutions environnementales et d’une pénurie d’eau, cette exploitation n’a en outre apporté ni prospérité ni développement aux communautés locales depuis sa création il y a 18 ans. Les mêmes retombées sont à craindre à Cajamarca puisque le projet Conga est en réalité une extension de Yanacocha par la même compagnie minière.

    Après un premier échec des négociations, Ollanta Humala, le président du Pérou, avait décrété l’état d’urgence le 4 décembre 2011, plaçant la région de Cajamarca sous contrôle militaire et policier afin de faire taire les revendications. Plusieurs personnes ont été blessées pendant des interventions violentes. Les policiers et les militaires ont été dotés de pouvoirs exceptionnels afin de faire cesser les protestations. Les meneurs des manifestations ont été arrêtés. A cause de la situation très tendue, les écoles et hôpitaux de la région ont été fermés. La population de Cajamarca espérait pourtant un soutien de la part du nouveau président, qui avait promis pendant sa campagne électorale de veiller à la protection des sources d’eau dans cette région afin de garantir la sécurité alimentaire.

    Suite aux nombreuses protestations nationales et internationales, l’état d’urgence fut levé le 6 décembre 2011. Le 10, le président du conseil des ministres, Salómon Lerner, a démissionné de ses fonctions. Dix autres ministres lui ont emboité le pas, parmi lesquels les ministres de l’agriculture, de l’énergie, de l’exploitation minière et de l’environnement.

    Le nouveau premier ministre Óscar Valdés Dancuart a promis une expertise environnementale indépendante menée par des spécialistes internationaux. Celle-ci devrait servir de base à la prochaine décision sur la continuation du projet Conga. Mais le conflit est loin d’être résolu. Les entreprises minières et le gouvernement essayent de diviser les mouvements de protestations et les communautés villageoises qui se soulèvent contre le projet.

    Les habitants de la région vont débuter le 1er février une « marche pour l'eau » vers la capitale Lima pour demander au gouvernement de respecter leur droit à vivre en harmonie avec la nature. La préservation des ressources naturelles devrait être plus importante que les profits à court terme de l'industrie minière. Aidons-les à faire rejeter le projet minier de Conga !


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  • Une centrale nucléaire américaine cernée par les eaux (21/06/2011)

        Fort Calhoun, une crue du Missouri a provoqué une inondation début juin (Nati Harnik/AP)

     

    Si d'énormes quantités d'eau sont indispensables au bon fonctionnement des centrales nucléaires, l'actualité récente a montré que ces mêmes centrales étaient très vulnérables à l'eau avoisinante. Il y a Fukushima, bien sûr. Ses systèmes de refroidissement ont été noyés par le tsunami qui a frappé les côtes japonaises, conduisant à une catastrophe hors normes.

     

    Mais il y a aussi la centrale de Fort Calhoun, aux Etats-Unis, qui a souffert d'une crue du Missouri. Un incident survenu le 7 juin et qui, curieusement, n'a que peu été relayé.

     

    Que s'est-il passé à Fort Calhoun ? Au début du mois de juin, des pluies diluviennes ont frappé le Nebraska au moment où fondaient les neiges des Rocheuses. Cette crue a contraint les autorités à relâcher l'eau d'un barrage en amont de la centrale.

     

    Pour que fonctionnent les circuits de refroidissement, les centrales sont toujours construites près de l'eau – du Missouri pour Fort Calhoun, de l'océan pour Fukushima ou d'un canal de dérivation du Rhône pour la centrale du Tricastin, en France.

     

    Quand le niveau du Missouri a brusquement monté, le 6 juin, certaines parties de la centrale ont été inondées, comme le montre la photo ci-dessus. La situation a conduit les responsables de la centrale à diffuser un premier bulletin rapportant un "unusual event" – un "événement inhabituel", le premier degré dans la classification des incidents par le régulateur américain.

     

    Le 7 juin, un deuxième bulletin est émis. Il fait état de dégagement de fumée dans les installations. Et cette fois-ci, il s'agissait d'une "alerte", le niveau au-dessus de l'événement inhabituel.

     

    Rapidement, le Nuclear Regulatory Commission (NRC) a rassuré la population, expliquant qu'il y avait eu un dégagement de fumée que les services d'incendie ont pu stopper en moins de cinquante minutes. Cependant, la centrale "a brièvement perdu sa capacité à refroidir les piscines où est stocké le combustible usagé".

     

    En prévision de ces intempéries, rappelle le New York Times, la centrale avait été arrêtée en avril. Mais on ne stoppe pas l'activité du combustible en appuyant sur un bouton. Des semaines et des semaines sont nécessaires à son refroidissement complet. Et c'était justement dans les piscines que refroidissait le combustible...

        Rumeurs. Bien que le NRC ait toujours affirmé que la situation était sous contrôle et que les systèmes de sécurité ont parfaitement fonctionné, de nombreuses rumeurs ont circulé ça et là. Au point que l'opérateur de la centrale, rapporte le blog Sciences², a dû lister ces rumeurs pour mieux les démentir.

     

    Ainsi, l'Omaha public power district assure qu'aucune fuite radioactive n'a eu lieu, qu'il n'y aura pas de coupure massive de courant, que les piscines n'ont jamais été sur le point d'entrer en ébullition ou encore que le niveau d'alerte maximal n'a pas été atteint.

     

    A chaque événement ses rumeurs plus ou moins farfelues, certes. Mais peut-on vraiment blâmer l'inquiétude des Américains quant au risque d'accident nucléaire ? De Tchernobyl à Fukushima, l'industrie et les Etats n'ont pas vraiment fait montre d'une transparence à toute épreuve.

     

    Une installation sûre ? Que ces incidents aient inquiété la population vient aussi du fait que le NRC avait, l'an dernier, mis en garde les gestionnaires de la centrale contre les risques que présentait une inondation importante.

       "Après  inspection des installations entre janvier et juin 2010, le NRC estime que la centrale de Fort Calhoun n'a pas les installations adéquates pour se protéger contre des inondations. (...) Et ce en opposition avec les spécifications techniques établies par l'organe régulateur."

    Selon le porte-parole du NRC, cité par le New York Times, tout a depuis été mis en œuvre par l'opérateur pour pouvoir faire face à une inondation...

     

    ****

     

    A lire dans Télérama du 15 juin une excellente interview de Bernard Laponche : "Il y a une forte probabilité d'un accident nucléaire majeur en Europe"

      sciences.blog.lemonde.fr/.../inondation-autour-une-centrale...

      Sources : (sur www.lepost.fr )

    http://www.nirs.org/reactorwatch/accidents/fortcalhoun.htm
    http://groupes.sortirdunucleaire.org/Serie-noire-a-la-centrale?var_mode=calcul
    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article118310
    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=23651#entete


       PS : En avez vous entendu parler dans les médias? Non. 
    Ou est la liberté d'expression? Officiellement elle existe. 

        Savez vous que notre pays est classé 44 éme par Reporter Sans Frontière, derrière le Ghana, le Mali, la Namibie, le Surinam, le Costa-Rica, la Papouasie-Nouvelle Guinée et juste avant Chypre et l'Italie qui est 49 éme dans son classement relatif à la liberté de la presse?

    Depuis 2002 et l'arrivée aux affaires de notre très cher président notre nation a perdue 33 places, rien de moins...
     

    Publié par   Prismo Esse

    post non vérifié par la rédaction

    Une nouvelle centrale nucléaire inondée aux Etats-Unis.

     

     La centrale nucléaire de Fort Calhoun constituée d'un réacteur de 500 MW à eau pressurisée, dans l'état du Nebraska est belle et bien envahie par les eaux de la crue du Missouri depuis le 6 Juin. D'après le réseau sortir du nucléaire, Les déchets contenants du Césium 137 entreposés sur le site depuis 1992 détiendraient un risque de contamination plus conséquent que la quantité relâchée par les quatre réacteurs de Fukushima. Un risque non négligeable existe en dehors de celui de la submersion des piscines qui contiennent 670 tonnes de combustible usagé pour une radioactivité de 100 millions de curies, la crue peut endommager le système électrique de refroidissement et d'alimentation de la centrale. Seule une digue en sac de sable aurait été construite en urgence pour assurer un semblant de sécurité. Fort Calhoum est actuellement en alerte maximale...


    D'après un réseau non gouvernemental (http://www.nirs.org/reactorwatch/accidents/fortcalhoun.htm), un rejet d'eau potentiellement irradiée c'est produit le 13 Juin à raison d'environ 400 litres par minutes et ce pendant une durée indéterminée. Le 17 Juin, l'Omaha Public Power District qui gère la centrale a signalé l'existence d'un "trou" dans le sol qui aurait pu affecter la sécurité du site lié à l'inondation. Ce trou aurait été comblé le jour même.


    Cette centrale était à l'arrêt pour rechargement d'un tiers de son combustible depuis le 9 Avril quand la crue s'est produite. Le 7 Juin, après le début de l'inondation, un incendie s'est déclaré dans une armoire électrique provoquant une coupure pendant plus de 90 minutes

    , stoppant entre autres le refroidissement des piscines. Les aires de stockage de Fort Calhoum sont à l'heure qu'il est totalement envahies par les eaux !


    Le débordement du Missouri qui a commencé le 21 Mai menace maintenant la centrale de Cooper. Une nouvelle alerte pour cette centrale a été lancée. Si l'eau monte encore de 30 cm, cette centrale sera elle aussi arrêtée.

    Sources :
    http://www.nirs.org/reactorwatch/accidents/fortcalhoun.htm
    http://groupes.sortirdunucleaire.org/Serie-noire-a-la-centrale?var_mode=calcul
    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article118310
    http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=23651#entete

    PS : En avez vous entendu parler dans les médias? Non. 
    Ou est la liberté d'expression? Officiellement elle existe. 
    Savez vous que notre pays est classé 44 éme par Reporter Sans Frontière, derrière le Ghana, le Mali, la Namibie, le Surinam, le Costa-Rica, la Papouasie-Nouvelle Guinée et juste avant Chypre et l'Italie qui est 49 éme dans son classement relatif à la liberté de la presse?
    Depuis 2002 et l'arrivée aux affaires de notre très cher président notre nation a perdue 33 places, rien de moins...


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  •  Scandaleux : l'impôt des groupes privés du CAC 40 n'est que de 3,3% ! 

    Un rapport parlementaire pointe une fois de plus la fiscalité très douce pour le CAC40 en regard de ce que payent les PME. Mais il est moins connu que 40% de cette maigre enveloppe de 3,5 milliards provient de seulement 4 entreprises (EDF, GDF, France Telecom, Renault) dont l'Etat est encore actionnaire. Les 36 autres ne payent que 3,3 %

    Gilles Carrez le 6 décembre 2010 à la tribune de l'Assemblée Nationale (capture d'écran sur assemblee-nationale.tv)Gilles Carrez le 6 décembre 2010 à la tribune de l'Assemblée Nationale (capture d'écran sur assemblee-nationale.tv)

    Longtemps, caché, réfuté, c’est désormais un secret de polichinelle, depuis que Christophe de Margerie, le patron de Total l’a publiquement assumé : le plus riche, le plus rentable, le plus gros des groupes Français ne paye pas un centime d’impôts en France. Au delà du symbole, de nombreux rapports, à commencer par celui du Conseil des prélèvement obligatoire, rattaché à la Cour des comptes, ont largement décrit la lente dérive de l’impôt sur les sociétés (IS). Ses travaux avait montré que avec un taux moyen de 8%, le poids fiscal des sociétés du CAC 40 était 4 fois inférieur à celui de la PME du coin. 

    Le rapport réalisé par Gilles Carrez, députés maire du Perreux (94) et rapporteur général du budget va plus loin en détaillant ce qui se passe à l’intérieur de ce groupe qui prospèrent sous les cieux fiscaux français finalement très favorable. Et l'affaire  a fait mercredi 6 juillet la une des Echos. Ensemble ces géants « Les plus grandes entreprises, celles de plus de 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, paient entre 15 et 20 % de l’IS,alors qu’elles réalisent entre 50 et 70 % du chiffre d’affaires », note le rapport. Résultat en  trois ans, elles affichaient collectivement 13,5 milliards d’euros d’IS brut dû sur la période d’étude (2007, 2008, 2009). 

    A ce stade, quatre groupes du CAC ne devaient pas un centime d’impôt. Pire si l’on regarde ce qu’elles payent réellement, c’est à dire l’IS (impôt sur les sociétés) net et pas l’IS brut. Après remboursement des crédits d’impôt de toutes sortes (mais hors crédit d’impôt recherche qui pèse, lui, 4,5 milliards par an pour toutes les entreprises) ce chiffre tombait à 10,5 milliards, soit 3,5 milliards par an. Mais, une fois le crédit d’impôt recherche liquidé, parmi les 120 bilans (40 sur trois ans), 52 affichent un impôts nul ou négatif. Bref ce ne sont plus 4 entreprise à 0 impôt, mais 17 en moyenne!!!! 

    Plus inquiétant, le député constate que deux groupes parmi les entreprises du CAC40, se distinguent. Les gros contributeurs, et les autres. Et devinez quoi, ce groupe de gros contributeurs composé de EDF, France Telecom et GDF disposent d’un singularité : l’Etat en est actionnaire. Ensemble ces 4 entreprises fournissent 40 % de l’IS. Le rapport indique que, pour les 36 groupes restant, « en enlevant, d’une part, les crédits d’impôt et, d’autre part, l’impôt payé par les 4 groupes dont l’État est actionnaire, l’IS annuel moyen des autres groupes est inférieur à 2 milliards d’euros. »   

    Petit exemple pour l’exercice 2009 (un des pires, puisque en pleine crise). Cette année là, le CAC40 réalise 1151 milliards d’euros, pour 72 milliards de bénéfices avant impôts. Si l’on exclut à présent les quatre entreprises comprenant des représentants de l’état à leur conseil d’administration, cela donne respectivement 926 milliards et 60 milliards d’euros. Bref 2 milliards pour 60 milliards de bénéfices, soit un taux de 3,3%. 

    Elle est pas belle la vie?  Cependant, les patrons de Total et consort tiennent leur argument. Nous ne faisons pas ou peu de bénéfices en France, répètent-ils en choeur. Il faut les croire sur parole, puisque les rapports annuels se gardent bien de décrire la géographie des bénéfices. En revanche on connaît celle du chiffre d’affaires.

     Malicieux, Gilles Carrez fait ce calcul : les 36 groupes (avant remboursement du crédit impôt recherche) ont acquitté en moyenne en impôt 0,4 % de leur 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés en France !!! C’est peu. Et cela laisse entendre qu’en France on fait pas de profits puisque la rentabilité sous-jacente de cette comptabilité ferait de n’importe quel sandwicherie une véritable mine d’or. En effet, imposé théoriquement à 33,3% le résultat implicite de l’activité en France serait de 6 milliards d’euros, soit une marge de 1,2% sur les 500 milliards de chiffre d’affaires. Une misère.  

    Ainsi Total avec 36 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, n’a même pas de quoi se payer un carambar avec ses bénéfices. Au contraire, c’est l’Etat qui lui doit de l’argent ! L’exercice 2010 s’étant soldé par une perte de 60 millions d’euros, le pétrolier dispose d’une créance de 20 millions sur l’Etat. Avec une conséquence pour le moins paradoxale : non content d’enrichir les actionnaires du Christophe de Margerie à chacun de leur passage à la pompe, chaque contribuable Français lui doit de surcroit une gâterie supplémentaire, le prix d’un malabar. Allez chiche…. 

    Les petites combines amaigrissantes

    Le report illimité des pertesLimité à cinq ans, le report sur l'exercice futur ne comporte désormais plus de limites. Les pertes réalisées une année peuvent être déduites des bénéfices imposables réalisés les années suivantes, sans limite dans le temps. Les multinationales sont gourmandes de ce dispositif : elles affichent ensemble 315 milliards de pertes stockées, soit l’équivalent d’une créance 53 milliards d’euros qui s’imputera comme bon leur semble sur leur futures impôts sur les sociétés.  


    L’intégration fiscale.  Les  gains  et  pertes  des  filiales  françaises  sont  consolidés  au bilan de  la maison mère. Au sein d’un groupe sont donc agrégés les pertes et les bénéfices de toutes les filiales. Coût pour le Trésor: 19,5 milliards d’euros.   

    La déductibilité des intérêts.  Considérés comme une charge, les intérêts d’emprunt pour investissement viennent réduire le résultat d’exploitation. Cela peut s’entendre comptablement : si j’achète une machine outil a crédits, la rentabilité de cette machine est affectée des remboursements. Mais cette disposition est à l’origine d’abus, désignés « sous-capitalisation ». Plutôt que de mettre du capital, des fonds propres, il est en effet loisible pour une holding de jouer la banque. Elle prête à une de ses filiales selon des intérêts artificiellement élevés.  

    Le régime fille-mère. Une société peut déduire les dividendes versés par ses filiales, y compris celles situées à l’étranger. Gain pour l’ensemble des entreprises: 35 milliards d’euros.  

    La « niche Copé », ou « Copé-Sarkozy ».  Cette disposition fiscale exonère les cessions de participations à long terme, en fait supérieure à deux ans. La « niche Copé » représente 8 milliards d’euros par an. Un rêve pour les fonds dit LBO qui achètent et vendent les entreprises 

    Le crédit impôt-recherche.  Les investissement dédiés à la recherche ouvrent un droit à un crédit d’impôt (un crédit, donne droit à un chèque, si l’impôt est nul). Ils peuvent être interprétés de façon très large (les entreprises ont fait passer des dépenses de marketing, photocopieuses, voire chez certaines banques des modèles mathématiques automatisant la spéculation). Son coût: 4,2 milliards d’euros.


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