•   La responsabilité du citoyen en démocratie

    Vendredi 29 Mars 2013       Elie Barnavi  (Marianne )
    La responsabilité du citoyen en démocratie
    Si la démocratie est fragile, c'est sans doute parce qu'elle est le moins naturel des régimes politiques. Pendant la plupart de son existence sur Terre comme membre d'une société organisée, l'homme s'est soumis à diverses formes de pouvoir autoritaire. Parfois, il gémissait sous le joug de la tyrannie ; il lui arrivait alors de se révolter, mais sans changer de paradigme. Le miracle démocratique athénien était une exception, fondée sur un pari inouï, à savoir que l'animal politique est doué de raison, et donc capable de conduire souverainement son destin en association avec ses congénères. Cependant, les Grecs n'étaient pas naïfs, ils savaient la propension des régimes à dégénérer en leur contraire : la monarchie en tyrannie, l'aristocratie en oligarchie, la démocratie en anarchie, voire en ochlocratie, le gouvernement de la populace. C'est alors le temps des démagogues, ceux qui « mènent » le peuple en flattant ses instincts plutôt qu'en s'adressant à sa raison.

    Bien des choses séparent la démocratie antique de la nôtre, et non seulement l'extension du droit de vote à tous et à toutes. Comme l'a bien vu Benjamin Constant dans De la liberté chez les Modernes, la liberté des Anciens consistait à participer à la vie publique, la nôtre, à nous en préserver. Le « métier du citoyen » n'est plus, les droits de l'individu l'ont remplacé. Des devoirs qui lui incombaient, il ne lui en reste qu'un, mais capital : voter en conscience, en usant de sa raison souveraine. Or, il en fait souvent un bien mauvais usage. Pour rester en Europe, des formations fascistes, sinon nazies, mordent les mollets des partis de gouvernement en Grèce, en Hongrie, en Bulgarie, en Autriche, où, selon un sondage récent, plus de la moitié de la population aspire à un pouvoir « fort ». Des partis d'extrême droite prospèrent dans les pays scandinaves, en Flandre, en France. En Italie, pays de haute civilisation, un démagogue repris de justice aux cheveux gominés que l'on donnait pour mort refait surface, avec pour grand concurrent un bouffon antisémite parvenu au faîte de la popularité sans programme aucun sinon la haine du « système ».

    A qui la faute ? Aux élites, répondent les médias, unanimes. A leurs jeux politiciens illisibles, à leur évidente corruption, à leur divorce d'avec les peuples, à la rigueur qu'elles leur imposent en ces temps de crise, aux diktats d'une finance mondialisée devenue folle.

    Certes. Mais n'est-il pas grand temps de renvoyer lesdits peuples à leur propre responsabilité ? Ne faudrait-il pas leur rappeler que le bulletin de vote dont ils disposent est leur potion magique, leur arme ultime, et qu'il leur appartient d'en user raisonnablement ? Ne voit-on pas qu'en les exonérant ainsi de toute coulpe on fait le jeu des démagogues ? Ne pourrait-on prendre tant soit peu au sérieux la définition de la démocratie par Lincoln le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ?

    La démocratie, le pire des régimes à l'exception de tous les autres. Nous, les peuples qui avons tâté de tous les autres, il est de notre devoir de défendre celui-là comme notre bien le plus précieux. En démocratie, on a toujours le gouvernement qu'on mérite ; y compris celui qui va mettre à mort la démocratie elle-même.

    votre commentaire
  •  Creche Babyloup. Liberté religieuse ou liberté de l'asservissement religieux?

    Rédigé par Martine GOZLAN le Mercredi 20 Mars 2013  (Télégrammes d'Orient )

    La cour de Cassation s'est prononcée en faveur du droit d'une salariée de la crèche Babyloup à porter le voile. Au nom de la "liberté religieuse". Comment la liberté peut-elle être compatible avec un symbole de l'asservissement?

    Creche Babyloup. Liberté religieuse ou liberté de l'asservissement religieux?
       Cette histoire de voile islamique. Cet incroyable enfumage né du désert saoudien et des fausses adorations wahhabites, fortifié côté chiite - pas de jaloux!- par l'édiction du linceul obligatoire par Khomeiny en Iran en 1980. Il vient de faire de nouveaux adeptes- on se pince- à la Cour de Cassation de notre République! République qui " est morte hier" selon Jeannette Bougrab, l'une de ses enfants, vaillante et intrépide. Elle sait ce que voiler veut dire. On le sait toutes et tous d'ailleurs. Le spectacle de celles qui, hors de France, honnissent ce voile voleur de destin est assez édifiant. Visions de l'Afghanistan où des fillettes et des ados se déguisent en garçons pour échapper au cercueil de tissu...Eclats de révolte des Iraniennes, la mèche jaillie du foulard narguant les milices armées de leur fouet. Ce voile, introduit en France par les propagandes les plus habiles, les plus fortunées- fric du Golfe bâtissant les mosquées- et les plus imperméables à notre histoire française du combat pour les libertés! Ce voile dont les mères des jeunes voilées n'avaient jamais entendu parler, bien qu'elles n'aient jamais renié l'Islam, au contraire. Ce voile qui dit clairement: je me cache à vous car un seul homme, un seul être est mon maitre. Ce voile qui ressasse l'obsession sexuelle des prédicateurs d'Egypte et du Qatar ayant martelé, depuis des décennies, que la femme était un organe génital, et cela seul, de la racine des cheveux à la pointe des pieds.
       En ma qualité d'amoureuse fervente de la civilisation arabo-islamique, j'avais commis naguère un ouvrage où je dévoilais le passage tragique du monde chatoyant des mille et une nuits à celui des mille et une morts( "Le sexe d'Allah", en livre de poche) Je m'étais donc immergée autant dans le Coran que dans les textes philosophiques et les poèmes de l'admirable héritage culturel arabo-persan. J'avais traqué le "hadith"- la tradition attribuée de façon fantaisiste à Mahomet et découvert l'entassement des trahisons de l'Islam par l'Islam. Trahisons dénoncées par des penseurs musulmans sous tous les cieux, en tous siècles, et qui leur valurent souvent la mort ou l'exil. La sexualisation de la femme - et non pas son érotisation- et sa réduction à l'assouvissement de la pulsion mâle ( donc la cacher pour ne pas le"provoquer") est une obsession qui resurgit avec violence lorsque se constitue le discours des Frères musulmans dans le premier quart du vingtième siècle. Son soubassement est politique: il faut s'opposer à l'occidentalisation des moeurs et au féminisme égyptien qui conduit les militantes les plus audacieuses à se dévoiler dans des manifestations menées au nom de leurs droits. Dans l'ensemble du monde islamique, de l'Iran au Maghreb en passant par la Turquie, mais pas en Asie ni en Afrique noire où le syncrétisme marchait bien autrefois, cacher les femmes, cacher leur chevelure et leur corps était l'alibi religieux de l'archaïsme social qui, précisément, détruisait la civilisation islamique. Avant l'émancipation, le monde juif n'était pas en reste et la femme mariée devait raser sa chevelure ou la cacher sous une perruque.Aujourd'hui, en Israël, la condition de la femme chez les ultra-orthodoxes a scindé le pays. C'est notamment ce phénomène de rejet qui a conduit la dernière coalition gouvernementale à exclure les obscurantistes du pouvoir.
    Ce voile, il est mental, obscurantiste, politique. Il dit: il n'y a de loi que mon bon plaisir que j'attribue à mes maitres qui lisent Dieu dans le texte. Il dit: votre loi n'est pas la mienne, je ferai en sorte que votre loi républicaine s'incline devant mon plaisir divin. Il dit: je suis soumise, je suis soumission, mon voile proclame mon asservissement.
       Telle est la liberté dans l'esclavage que vient de proclamer la Cour de cassation.
    Pensées à toutes celles qui se battent, Jeannette Bougrab, Sihem Habchi ( elle vient d'écrire " Toutes libres" et elle a tant raison, on y reviendra dans ce blog), Elizabeth Badinter, Natalia Baleato, la directrice de Babyloup confrontée à l'arrêt qui casse la raison.

    votre commentaire
  • Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Mardi 26 Mars 2013
    Emmanuel Levy - Marianne   Journaliste économique à Marianne 

    Les chiffres officiels du chômage tombés aujourd'hui sont en dessous du record historique de 1997. Mais ceux du baromètre Marianne révèlent une autre réalité.


    Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Tout le monde s’attendait à ce que le record de janvier 1997 soit enfoncé. Si l'on en croit le baromètre officiel, celui sur lequel se basent les gouvernements, ce ne sera pas le cas, malgré 22 mois consécutifs de hausse. Avec « seulement » 18 400 personnes supplémentaires inscrites en catégorie A, le chômage compte désormais 3,187 millions de personnes, contre 3,195 millions en janvier 1997.

    Depuis sa création en 1997, notre hebdomadaire a créé son propre indicateur. Le baromètre Marianne du chômage dénombre les personnes maintenues hors de l’emploi, c’est à dire celles inscrites en catégorie A, mais aussi celles qui se déclarent contraintes à un temps partiel -1,5 millions de personnes-, ainsi que les personnes dispensées de recherche d’emploi comme les préretraités -612 000 personnes-.

    Entre ce chômage « caché » de 2,131 millions de personnes, et le chômage officiel, de 3,187 millions, ce sont 5,319 millions de personnes qui sont actuellement hors de l’emploi. Le record du baromètre Marianne de décembre 1998 a été battu : il pointait alors à 4,369. Le retour de la croissance sous le gouvernement Jospin avait entamé un reflux que la crise financière a complètement tamponné. En décembre 2009, le baromètre pointait de nouveau sur 4,374 millions.


    Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Face à cette hausse continue du chômage depuis près de deux ans, le gouvernement a annoncé des moyens accrus pour Pôle emploi. En attendant les nouveaux emplois jeunes. Prenant le contrepied de l'expression utilisée par François Mitterrand en 1993, Jean-Marc Ayrault a réaffirmé que contre le chômage « on n'aura jamais tout essayé ». Oui, mais quoi ? Le premier ministre semble le savoir, lui qui répète « je sais où je vais », comme lors de son discours à l’Assemblée contre la motion de censure, sans pour l’heure développer une politique industrielle. Ainsi le numérique, pour ne citer que cette branche de l’industrie, fait-il figure de grand absent des discours de François Hollande et Jean Marc Ayrault depuis plusieurs mois….


    Oui, le record du chômage est battu : le baromètre «Marianne» pointe à 5,3 millions de demandeurs d'emplois

    Reste que, en 13 ans, la population active française a cru de 2,35 millions de personnes. Face à cet afflux, l’économie ne s’est enrichie que de 1,4 millions d’emplois. C’est cette faiblesse structurelle, et surtout la destruction de 800 000 emplois dans l’industrie, qui explique aujourd’hui l’état du marché de l’emploi de l’hexagone.

     


    votre commentaire
  •  Conforama, le pays où les salariés rebelles sont fichés

    Rozenn Le Saint | JournalisteRue 89   
     

    Un smiley tué pour les « mauvais » vendeurs, du rouge pour les syndicalistes... Trois listings, inspirés de la stratégie des alliés, ont été trouvés chez le leader du meuble.

    A côté du nom des vendeurs qui n’ont pas atteint leurs objectifs, un smiley, le front perforé d’une balle. Le tableau, affiché dans le couloir du personnel d’un magasin Conforama, a été pris en photo en mars 2012. Force ouvrière a porté plainte contre le numéro 2 du meuble en France. Un de ses délégués syndicaux, David Malesieux, est encore choqué par cette image :

    « Quand vous arrivez le matin et que vous voyez vos performances affichées avec ce genre de symbole très violent, c’est très difficile à vivre. Ces mauvais outils de management sont forcément générateurs de risques psychosociaux. »

    Après la diffusion du document en question dans un reportage d’« Envoyé spécial », en février dernier, la direction a regretté cette « initiative inacceptable et isolée ».


    Capture d’écran du document dans « Envoyé spécial », France 2, février 2013

    « Dans le viseur de la direction »

    Le tableau a été immédiatement retiré, mais le cadre à l’origine du scandale est toujours en poste. Pour un autre délégué syndical FO, Didier Pienne :

    « Les salariés sont pris pour du bétail. On montre que les plus faibles sont dans le viseur de la direction, ce qui pourrait les pousser à commettre l’irréparable. Avec ce smiley, on a atteint le summum du fichage des salariés par des jugements subjectifs. »

    Car ce n’est pas une première au « pays où la vie est moins chère ». Déjà, dans le magasin de Leers (Nord), où travaille Didier Pienne, un listing illégal avait été retrouvé en septembre 2011 après la visite du directeur régional. La liste proposait le classement suivant :

    • « Bon soldat – laborieux »,
    • « pas réactif »,
    • « mauvais vendeur – ne fait rien – RF [rouge foncé, selon les syndicats, ndlr] CGT », etc.

    En plus de la mention, illégale, de l’appartenance syndicale d’un employé, ce fichier élaboré par un cadre révèle qu’une technique dite de la « stratégie des alliés » était encore utilisée chez Conforama l’année où PPR a vendu l’enseigne au sud-africain Steinhoff.

    Les alliés en vert, les rebelles en rouge foncé

    Cette méthode de management consiste à classer les salariés selon un code couleurs :

    • le vert correspondant aux alliés de la direction, favorables au changement ;
    • l’orange, aux partenaires potentiels ;
    • le rouge, aux récalcitrants,
    • le rouge, foncé (RF) aux rebelles.

    « Influer sur le jeu des acteurs », extrait d’un document de formation sur la stratégie des alliés, donné aux cadres de Conforama, de 2006 à au moins 2009 (DR)

    La pratique de cette cartographie des salariés n’est pas propre à Conforama. Benoît Pommeret, consultant du cabinet de conseil Cegos, assure avoir enseigné la stratégie des alliés à des cadres de la distribution essentiellement, mais aussi de compagnies d’assurances, et même de Pôle emploi.

    C’est le cabinet Alter ego qui a dispensé cette formation aux managers de Conforama de 2006 à au moins 2009, année de l’annonce d’un plan de mobilité et de départs volontaires.

    Patrick Boulhoud, directeur d’un magasin francilien jusqu’en mai 2012, admet :

    « Nous l’avons tous appliquée mais visiblement, les interprétations étaient différentes selon les managers. Un salarié peut être identifié en rouge pour une consigne précise, mais il ne doit pas l’être pour toute sa carrière ! C’est un travers de la stratégie des alliés. »

    « Des étiquettes sont définitivement collées »

    Même écho du côté de Fabien Blanchot, directeur du MBA management des RH et vice-président de Paris-Dauphine. Selon lui, il s’agit d’une dérive de cette grille de lecture, issue de la sociodynamique des années 70.

    « L’outil est dévoyé. Des étiquettes sont définitivement collées sur les salariés alors que selon les projets de changement, on peut être pour ou contre. Telle qu’elle semble être appliquée à Conforama, la stratégie des alliés est déterministe, on ne peut pas sortir de tel ou tel positionnement. »

    Les syndicalistes, notamment, sont condamnés à errer dans cette zone rouge. Mise à l’épreuve des faits il y a un an, la direction avait décliné toute responsabilité :

    « Il est possible que des managers utilisent toujours cette méthode d’animation, mais la stratégie des alliés ne fait plus partie de la politique nationale de l’entreprise. »

    Pourtant, l’auteur du fameux fichier n’a pas été sanctionné et à l’évidence, la méthode de management compte encore des adeptes chez Conforama : FO assure qu’un nouveau fichier nominatif a été retrouvé en juillet 2012.

    Pas d’augmentation pour les « rouges »


     Capture d’écran du document dans « Envoyé spécial », France 2, février 2013

    Il montre que les « rouges » sont toujours dans le viseur des managers :

    • « rouge à surveiller – soldat à sortir » ;
    • « orange foncé – trop mou – augmentation 2013 refusée » ;
    • « passé orange… Revendicatif… A sortir au plus vite » ;
    • « bon élément… Attention veillez à aucune déformation par X [X étant un délégué syndical, ndlr] ».

    Toujours le même classement selon le degré de fidélité à la direction, mais cette fois, lié aux négociations annuelles obligatoires, ce que déplore David Malesieux, de FO :

    « Cette année, il n’y aura pas d’augmentation collective des salaires, seulement des hausses individuelles. Si vous êtes classé en rouge, autant vous dire que vous n’aurez droit à rien ! »

    « Des cas flagrants de discrimination »

    C’en est trop pour FO, qui a déposé une plainte auprès du procureur de Meaux (Seine-et-Marne, département où se trouve le siège de Conforama) par le biais de son avocat, Me Vincent Lecourt :

    « Parmi les salariés fichés “ à sortir ”, certains ont été licenciés, d’autres ont vu leur CDD ne pas être renouvelé, avec des cas flagrants de discrimination. L’appartenance à un syndicat ne doit pas figurer dans un tel listing. »

    Ce type de fichier enfreint effectivement la loi informatique et liberté, puisque les commentaires ne reposent pas sur des critères objectifs et les salariés n’ont pas été informés de l’existence du listing. Conforama risque un avertissement de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), mais pas seulement, indique Nathalie Métallinos, avocate chez Bird & Bird, cabinet spécialisé dans la protection des données :

    « L’annulation des sanctions prises en fonction de ce traitement non objectif, comme des licenciements, pourrait être obtenue, ainsi que l’interdiction de ce système illicite d’évaluation. Cela éviterait des appréciations au doigt mouillé du manager liées à l’affect. »

    « Laisser faire peut être un encouragement »

    Même si la direction doute qu’un de ses cadres soit l’auteur du dernier listing retrouvé – elle rappelle que « les commentaires relatifs aux appréciations portées sur les collaborateurs de Conforama ne comportent pas de code couleurs car une telle pratique est interdite » –, il semble que les managers aient du mal à se défaire de cette grille de lecture, enseignée à la demande même de la direction il y a quelques années. Selon Me Métallinos :

    « Conforama aurait dû mettre en place des mesures pour éviter que les managers continuent de l’utiliser après qu’elle l’a abandonnée, comme une contre-formation, ou bien des sanctions. Laisser faire peut être considéré comme un encouragement. »

    Et si la direction ne peut être derrière les ordinateurs de tous ses managers, la loi l’autorise à mandater un cabinet d’audit pour contrôler des échantillonnages de fichiers, si elle en informe le comité d’entreprise et le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). A Big brother, Big brother et demi


    votre commentaire
  •  Le crime paye… plus encore depuis la crise !

      Marianne (15/02/213)

    Le criminologue Alain Bauer et le député UMP Eric Ciotti étaient invités à débattre de la possibilité de « contrôler l’argent du crime » lors de l’Assemblée organisée par Marianne à Nice. Mais pour les deux hommes, la tâche est ardue. La criminalité s’est internationalisée et a connu un regain avec la crise.


    Eric Ciotti (à gauche) et Alain Bauer (à droite) lors du débat animé par Frédéric Ploquin, journaliste à Marianne - Andy Calascione (EDJ)
    Eric Ciotti (à gauche) et Alain Bauer (à droite) lors du débat animé par Frédéric Ploquin, journaliste à Marianne - Andy Calascione (EDJ)
    «Le crime n’est pas en récession ». Ce n’est ni la Cour des comptes qui le dit, ni même l’agence de notation Moody’s. Celui qui décerne ce triple A n’est autre que le criminologue Alain Bauer invité à l’Assemblée organisée par Marianne à Nice autour du thème de « l’éthique et l’argent ». Ce proche de Manuel Valls (qui n’a pas hésité à servir le sarkozysme au pouvoir) s’appuie entre autre sur un rapport de l’Onu qui affirme que les traficants de drogues auraient blanchi 1 600 milliards de dollars pour la seule année 2009 ! Pis : moins d’1% de cette somme aurait été saisie ! Un colossale manque à gagner.

    Pour Alain Bauer, il n’y a pas de mystère :« Pour que le blan chiment fonctionne, il faut un banquier complice ». Et le secteur bancaire sait parfois se montrer peu regardant. Du moins dans certaines parties du monde. Sur les 3 000 banques russes, 60% seraient par exemple contrôlées pas des groupes mafieux.

    La lutte contre l’argent de la criminalité serait-elle pour autant une bataille perdue d’avance ? Des dispositifs existent comme la Plate-forme d’identification des avoirs criminels (PIAC) ou bien encore les Groupes d’intervention régionaux, les fameux GIR mis en place sous Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Pour le député Eric Ciotti, fervent défenseur de ces GIR et « contradicteur » d'Alain Bauer durant la table ronde, ces dispositifs qui frappent aux porte-feuilles sont efficaces. Car si la « sanction » est « financière », en plus d’être « pénale », elle se révèlerait vraiment « dissuasive ». Néanmoins, le mal n'est pas près d'être éradiqué. Loin de là même, les organisations mafieuses s'étant elles aussi internationalisées.

    Pour en venir à bout, les deux experts préconisent entre autres mesures de lutter plus activement contre la fraude à la TVA, de mieux contrôler les flux financiers ou bien encore de réduire les paiements en liquide. Des solutions qui, si elles étaient appliquées, pourraient favoriser le développement et la croissance. Du moins, peut-être. Car les organisations criminelles savent se renouveler et se montrer très imaginatives pour échapper à tout contrôle…

    Par Moussa Sarr - EJD

    votre commentaire
  • 2013    290 p.  17,50 €

     

      Voici un livre qui va faire grand bruit. Féministe, avocate renommée, Mary Plard dénonce la paternité imposée aux hommes au nom du principe d'égalité homme/femme. Pourquoi les hommes devraient-ils assumer une paternité imposée alors que les femmes bénéficient de la possibilité de ne pas devenir mère (accouchement sous X, IVG) ?

      A travers des témoignages bouleversants de ses clients masculins qui expriment à la fois leur souffrance, leur culpabilité ou leur désarroi, Mary Plard rompt le silence sur un sujet tabou de notre société.
     
      Mary Plard est née en 1955. Elle partage sa vie entre Nantes et Paris. Mère de 5 enfants, elle est avocate spécialisée dans la famille.

     


    votre commentaire
  •  

    2013     21 €

     

    En dépit de la cécité républicaine à l’égard des réalités culturelles, la « diversité » est devenue un trait saillant du visage de la France. Faute de reconnaître ses expressions, on s’interdit de comprendre les difficultés que certaines populations rencontrent pour s’y faire une place. Poursuivant sa réflexion sur la dimension culturelle des rapports sociaux, Hugues Lagrange a recueilli des récits de vie d’immigrés venus pour la plupart de la vallée du fleuve Sénégal et qui, arrivés en France dans les années 1970 ou 1980, se sont installés dans le bassin aval de la Seine, à l’ouest de Paris. Les douleurs vécues de la transplantation dans une société d’accueil peu hospitalière transparaissent dans leurs témoignages. Les relations entre les femmes et les hommes et leurs liens avec l’éducation des enfants y occupent une place centrale : la séparation des sexes, la violence au sein des couples, les cassures générationnelles, l’éclatement des familles, l’isolement des femmes et le repli des hommes face à l’hostilité du monde environnant révèlent toute la brutalité de la confrontation des mœurs du Nord et du Sud. Bien que concernant des cas séparés, ces histoires forment par leurs similitudes la trame d’une expérience collective. Elles brossent un tableau de ces vies en terre étrangère que l’on tend à folkloriser sans regarder la pluralité des cultures comme un aspect structurant la société contemporaine
     
      Hugues Lagrange est sociologue (CNRS, Sciences Po). Il est notamment l’auteur du
      -Déni des cultures (Seuil, 2010), dont la publication a provoqué des débats très vifs.
      ---------------

    Devenu sulfureux malgré lui avec la parution du "Déni des cultures" en 2010, Hugues Lagrange revient avec "En terre étrangère", recueil de témoignages d'immigrés originaires du Sahel.

    Il ne l'avait pas fait exprès. Et ne s'attendait pas à ça : «Quand le Déni des cultures est sorti, j'étais en Inde, à Calcutta, où je travaille sur le microcrédit chez les femmes. Je suis arrivé en pleine polémique, au moment du discours de Grenoble et des expulsions de Roms...»

    Pas vraiment l'air d'un incendiaire, ce Lagrange, plutôt du gars qui aurait fait exploser sa bombe par mégarde. Il a de faux airs de Bourvil, un physique de paysan normand et une poignée de main rugueuse, gros pull et chemise à carreaux. Les amis du comédien disaient de lui qu'il était doté d'une force peu commune, que ne laissait pas transparaître son allure bonhomme et maladroite. Un leurre efficace.

    Dans son bureau de Sciences-Po, rue de l'Université, alors que la nuit est tombée et qu'il neige à gros flocons, notre sociologue a l'air bien embêté. Toute cette affaire l'a fait simultanément sortir de l'ombre de la recherche universitaire et placé sous le feu croisé d'une bonne partie de ses pairs et de la presse de gauche, tandis que la droite s'émerveillait qu'un sociologue, espèce forcément «progressiste», ose enfin «briser les tabous du politiquement correct».

    Bien embêté, peut-être, mais en utilisant des statistiques ethniques et en mettant en avant le facteur culturel pour expliquer un certain nombre de difficultés dans les «quartiers difficiles», Hugues Lagrange ne pouvait pas ignorer qu'il manipulait de la nitroglycérine en période de crispations communautaires et politiques.

    Son nouveau livre, En terre étrangère, est une compilation de témoignages d'hommes et de femmes originaires de la vallée du fleuve Sénégal, arrivés en France dans les années 70 et 80, et installés en banlieue ouest de Paris. Ils racontent les difficultés professionnelles, la solitude, l'incompréhension et le repli sur soi, la nostalgie pour certains, ce que Lagrange appelle une «mimésis déçue» de la part d'hommes qui voulaient s'intégrer et se sont sentis rejetés et méprisés, le désir de rester pour d'autres.

    Un ouvrage littéraire et sensible, plein d'empathie et d'une vraie implication : «C'est le complément du Déni des cultures. Très souvent, lorsqu'il y avait un débat, on me reprochait d'avoir fait des statistiques, on me demandait où étaient les témoignages. Ils sont là.»

    De cette période agitée, il ne garde pas un très bon souvenir. Pris dans une agitation médiatico-politique dont il n'avait pas imaginé l'ampleur, essayant de se sortir de l'embuscade tendue par les tenants de l'«identité» ravis d'enrôler malgré lui un intellectuel qui pourrait servir de caution à la désignation d'un «autre» coupable de tous les maux, il souffre sur les plateaux, brandissant pour sa défense son identité «de gauche» et sa proximité avec les Verts.

    Alors, erreur de manipulation médiatique ou acte prémédité ? Au départ, le Déni des cultures était une enquête quantitative portant sur 4 400 élèves de 11 à 17 ans, commandée par l'Etablissement public d'aménagement du Mantois-Seine aval (Epamsa) qui opère dans la communauté d'agglomération autour de Mantes-la-Jolie. Elle portait sur le décrochage scolaire et social, en même temps qu'une autre, menée à la demande de l'Education nationale, consacrée à l'absentéisme. Le sociologue a également travaillé sur un quartier du XVIIIe arrondissement de Paris, et sur la petite ville de Saint-Herblain, en banlieue nantaise.

    Tous les élèves qui se sont trouvés en sixième en 2000, dans huit villes différentes, ont été interviewés : «C'est ma manière de procéder, ce que j'appelle une monographie statistique. L'Insee travaille sur de grands échantillons, moi, à mon petit niveau, je prends un territoire donné et je fais du 100 %. L'idée, c'est de ne pas briser les liens entre les gens : la vie sociale est faite de ces liens. De cette manière, je vois que ce que me dit "Georges" renvoie à ce que dit "Mohammed", et je perçois les interinfluences, qui sont capitales pour la compréhension. C'est ce que fait Facebook, d'une certaine manière, de façon déterritorialisée, alors que les grands échantillons statistiques et probabilistes créent un individualisme un peu artificiel. Mais dans les quartiers pauvres des banlieues de nos villes on ne fonctionne pas de manière individualiste. Tout est corrélé.»

    Le poids des coutumes

    Manifestation de sans papiers, Paris - YAGHOBZADEH RAFAEL/SIPA
    Manifestation de sans papiers, Paris - YAGHOBZADEH RAFAEL/SIPA
    En comparant les taux de décrochage et d'absentéisme quatre ans plus tard, en 2004, avec les listes des tribunaux, il constate qu'une part importante d'«incivilités» et d'«inconduites répétées» sont commises par des jeunes originaires du Sahel (Sénégal, Mali, Mauritanie, Sud algérien, Niger). Ce constat va amener Lagrange à s'interroger sur les liens entre facteurs culturels et délinquance, et à expliquer en partie l'une par les autres.

    Pour lui, le poids des coutumes, de la religion, les structures familiales ont une influence sur le comportement et le développement des enfants : il évoque la taille des fratries («avec une moyenne de sept enfants»), la polygamie, le décalage d'âge entre des hommes venus travailler en métropole avant d'être rejoints par leur épouse, souvent plus jeune, les nombreuses familles monoparentales, la faible emprise des femmes sur leurs enfants, l'autoritarisme des hommes, une moindre pratique du français, le passage brusque d'un environnement rural, avec ses coutumes, à la ville...

    Autant de facteurs qui entraveraient selon lui l'intégration : difficultés de concentration, faible image de l'autorité, perméabilité accrue au phénomène des bandes. Des caractéristiques qui seraient du reste moins marquées dans les familles d'origine subsahariennes et maghrébines, arrivées depuis plus longtemps, et où la taille des fratries serait moindre.

    C'est autour de cette série d'interprétations que vont se cristalliser les débats. En France, il est en effet interdit de faire des statistiques ethniques, mais, surtout, ses conclusions vont à l'encontre de la grande majorité des travaux sur la banlieue, qui expliquent son délitement par des facteurs sociaux (chômage, discrimination à l'embauche, éloignement des centres urbains).

    Certes, Lagrange ne les nie pas, et prend bien soin de préciser que ce ne sont pas les traditions en elles-mêmes qui posent problème, mais au contraire leur absence de prise en compte par le pays d'accueil. Il n'en reste pas moins que, pour beaucoup, son point de vue fait courir le risque de désigner les immigrés d'origine sahélienne impossibles à intégrer.

    Au premier rang de ses détracteurs, le sociologue Laurent Mucchielli, rédacteur en chef du site Délinquance, justice et autres questions de société. «En ciblant des ethnies et des pratiquants - les Sahéliens et les musulmans -, on les réduit à une définition, on trouve ce qu'on cherche, alors que tous ont des personnalités multiples, des vies plus riches. C'est très réducteur».

    Au CNRS, où Lagrange officie, et à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, l'hostilité est majoritaire. Pour le sociologue Eric Fassin, spécialiste des questions raciales et membre du collectif Cette France-là, «invoquer la culture, c'est bien chercher les causes des problèmes sociaux, dont la délinquance est le symptôme, non pas du côté de la politique de l'Etat, ni du racisme ordinaire, mais dans l'origine même de ces populations. Ainsi, le problème, ce ne serait pas tant "nous" qu'"eux".»

    Une conclusion dont se défend Lagrange : «On ne mesure jamais assez le fait que l'immigration, c'est le déplacement de populations qui ont leurs traditions et leur culture, dans un autre système culturel. Le problème vient aussi de la manière dont nous les avons reçus.»

    Il n'empêche, pour Eric Fassin, il s'agit bien d'«une réhabilitation du culturalisme». Le culturalisme, rejeté par les sciences sociales françaises de longue date, contrairement aux pays anglo-saxons, est un courant qui met en évidence l'influence prépondérante des habitudes culturelles sur la personnalité des individus.

    C'est justement là que le bât blesse, ou que le torchon brûle, comme on voudra : Lagrange se place dans une logique résolument culturaliste. «Notre universalisme et les Lumières ont certes joué un rôle émancipateur. Mais cela ne correspond pas à la réalité. Il y a un moment, si l'on refuse de voir cette réalité des différences culturelles, où l'on confond le pays réel et le pays tel qu'on voudrait qu'il soit.»

    Et, s'il se refuse à parler d'ethnies lorsqu'il parle de l'histoire de l'Afrique, Lagrange cite toutefois les travaux de Bernard Lugan, historien proche de l'extrême droite, rédacteur en chef de l'Afrique réelle, qui enseigna durant de nombreuses années à l'université Lyon-III.

    Pour Lugan, les ethnies préexistaient au colonialisme, elles sont l'élément essentiel de compréhension du continent africain. Une théorie que réfute totalement Jean-Loup Amselle, anthropologue et directeur d'études à l'Ehess, auteur de l'Ethniticisation de la France (Lignes) : «J'ai passé de nombreuses années sur le terrain au Mali, avec les Peuls, les Bambaras, les Malinkés, et nous avons démontré qu'en réalité les ethnies telles qu'elles existent sont des créations coloniales. On a fabriqué des catégories intangibles alors que tout était auparavant beaucoup plus labile et fluide. En assignant aux personnes une culture définie, on présume de l'identité que les gens se choisissent. On les enferme dans des cases, et on leur enlève toute possibilité de choix.»

    Pour Amselle, les communautés se créent en situation migratoire. «Quand il est au Mali, un Soninké ne s'envisage pas comme membre d'une ethnie. Malheureusement, ce que je constate, c'est que la France est un pays officiellement républicain, mais que le multiculturalisme y est rampant. Il s'est d'autant mieux installé avec la nouvelle grille référentielle d'un think tank comme Terra Nova, qui a substitué le sociétal au social. Cette manière de penser est hélas celle de la gauche au pouvoir aujourd'hui. Ce qu'écrit Lagrange plaît parce que cela fournit une clé facile...»

    Fassin enfonce le clou : «Pourquoi tant d'enthousiasme pour un essai touffu, bardé de graphiques et de tableaux, qui articule de manière complexe développements théoriques et enquêtes empiriques ? C'est que l'auteur importe dans le champ scientifique la question politique du lien entre immigration et délinquance. Il apporte ainsi, avec l'autorité de la science, une contribution au débat du moment : c'est la caution du nouveau sens commun.»

    Cette opposition entre empirisme et science amuse beaucoup Christophe Guilluy, géographe et auteur de Fractures françaises (François Bourin éd.), qui fut lui aussi soupçonné de s'aventurer sur des terrains idéologiquement mouvants : «C'est un débat byzantin : la sociologie n'est pas une science dure, contrairement à l'idée qu'on veut en donner à l'Ehess, c'est une science molle. La réalité, c'est qu'on est sur de l'humain. Moi aussi, j'ai beaucoup été attaqué sur ma méthodologie, mon travail est empirique, ce n'est pas celui d'un intellectuel. Ma conception de la recherche, c'est qu'il faut être froid par rapport au réel, donc on ramène des choses qui ne font pas forcément plaisir. Et, quand on travaille sur ces questions des quartiers, on arrive forcément au facteur culturel et identitaire.»

    Lui considère que cette querelle est injuste : «Lagrange est un des seuls à aller sur le terrain. Ceux qui le critiquent sont les gardiens du temple et n'y mettent jamais les pieds. Occulter cette réalité est absurde. Ou alors on devient militant, c'est de l'idéologie et ça ne devrait pas interférer dans le débat.» Et de conclure : «J'ai entendu dire les pires choses sur lui, qu'il était fasciste, raciste, il suscitait une véritable rage. C'est un milieu très violent, je ne pense pas qu'il s'attendait à ça.»

    Islam identitaire

    Une nouvelle polémique viendra peut-être de l'étude sur l'islam que prépare Lagrange pour le printemps à Sciences-Po. Pour le coup, un travail purement statistique. Il y constate que l'islamisme radical s'installe chez des jeunes d'origine sahélienne, dont l'héritage est pourtant le soufisme. Cette fois, la raison en est sociale, due à un sentiment d'échec et de relégation.

    Quant à la pratique grandissante d'un islam plus modéré chez des jeunes de 18-35 ans, bien intégrés, dans une société par ailleurs fortement sécularisée, elle est pour lui un phénomène identitaire : «C'est aussi la preuve qu'il s'installe un véritable islam de France. Avec des positions certes très conservatrices, comme dans les deux autres grands monothéismes. Ils étaient par exemple dans les cortèges d'opposants au "mariage pour tous". Ceci dit, ça prouve bien qu'ils ne sont pas hors de la société.»

    Dans quelques mois, Hugues Lagrange repartira sans doute en Inde, pour de nouveaux travaux, toujours sur «l'autonomie des femmes» : «J'ai passé huit ans sur cette étude en banlieue. Il y a des amitiés qui se sont créées et dénouées, des gens à qui je me suis attaché et qui ont disparu. Il est certain que je suis arrivé à un tournant de ma vie.»

     Commentaire publié par Marianne

    votre commentaire
  • 2011    336 p.    25,50 €

     

    Depuis le début du XXIe siècle, l'envolée des prix sur le marché immobilier des grandes villes françaises rend difficile l'accès à un logement de qualité pour une grande partie de la population. À Paris, de nombreuses personnes vivent dans des conditions qualifiées d'« intolérables ». Une politique volontariste de résorption du logement dégradé a été mise en place en 2002. Quels mécanismes conduisent à la relégation dans les marges les plus insalubres du marché immobilier ? Comment les mal logés réagissent-ils face aux priorités institutionnelles de relogement, essentiellement fondées sur l'urgence sanitaire ? Comment vivent-ils leur éventuelle accession au logement social dans des quartiers parfois aisés de la capitale ? Ce livre se fonde sur un travail ethnographique et une enquête auprès d'un échantillon de plus de 500 mal logés interrogés à deux reprises.
     
       Pascale Dietrich-Ragon, docteur en sociologie de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, est chargée de recherche à l'Institut National d Études Démographiques (INED). Elle est membre associée à l'Équipe de Recherche sur les Inégalités Sociales du Centre Maurice Halbwachs

     " La question du mal-logement s'est imposée au centre du débat public depuis plusieurs années, mais le phénomène reste mal cerné, tant quantitativement que, surtout, qualitativement. L'insalubrité, rappelle en effet d'emblée l'auteure, est une notion bien relative. Dans cet ouvrage tiré de sa thèse de sociologie, elle tente ainsi, à partir du cas parisien, d'apporter quelques repères concernant cet espace du logement dégradé. S'y retrouvent ainsi des ménages en marge à la fois du marché privé et de l'habitat social, mais ces populations sont pour autant loin d'être homogènes, tant du point de vue de leurs ressources - au sens large du terme - que de leur attitude face à cette situation. Certains " jouent le jeu " des institutions qui organisent la " course au logement social ", tandis que d'autres en dénoncent des critères qu'ils jugent injustes.

    L'auteure retrace les multiples logiques qui conduisent à cette situation, non sans émailler son analyse de descriptions crues. Et de rappeler que, loin d'être une simple " boîte à habiter ", le logement est un support central de statut et de relations sociales. Si la partie quantitative n'est pas sans poser question, les analyses qu'elle propose n'en sont pas moins éclairantes."


    Igor Martinache
    Alternatives Economiques n° 308 - décembre 2011

    votre commentaire
  • L'Agence européenne de sécurité des aliments pointe le risque du Gaucho, du Poncho et du Cruiser pour les abeilles.

    Accusés de porter atteinte aux colonies d'abeilles, trois insecticides utilisés en traitement de semences pourraient être bientôt interdits ou, à tout le moins, strictement réglementés en Europe. Même si certaines données sont encore indisponibles, le rapport publié mercredi en ligne par l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) est accablant pour l'imidaclopride (Gaucho), la clothianidine (Poncho) et le thiamotexam (Cruiser) qui se retrouvent de plus en plus sur la sellette.

    Les experts scientifiques de cette institution basée à Parme (Italie) ont identifié trois voies d'exposition des abeilles à ces pesticides: via le pollen et le nectar des fleurs, les poussières dispersées lors des semis ou encore les exsudats secrétés par les plantes traitées. Sur le premier point, «seuls les usages sur des cultures non attractives pour les abeilles sont considérés comme acceptables», écrivent-ils. Ce qui exclut a priori le colza et le tournesol, plantes mellifères régulièrement visitées par les pollinisateurs.

    S'ils ne les tuent pas directement, ces insecticides systémiques de la famille des néonicotinoïdes ont pour effet de désorienter les abeilles au point de les rendre incapables de retrouver leur ruche. C'est ce qu'avait démontré, pour la première fois de manière expérimentale, une étude française publiée en mars dernier dans la revue Science. Suite à ce travail, piloté par des chercheurs de l'Inra d'Avignon et de l'Association de coordination technique agricole (Acta), la France avait interdit, en juillet, l'utilisation du Cruiser OSR sur semences de colza. De son côté, la Commission européenne avait saisi l'Efsa en lui demandant de procéder à une évaluation complète de ces produits.

    Jugeant les conclusions de l'agence «inquiétantes», Frédéric Vincent, porte-parole de Tonio Borg, commissaire européen en charge de la Santé et des Consommateurs, a indiqué qu'une lettre sera adressée «cette semaine» aux groupes Bayer et Syngenta qui commercialisent les trois produits incriminés. Les industriels ont «jusqu'au 25 janvier pour répondre». Ensuite, «la Commission, avec les États membres, prendra les mesures qui s'imposent», en particulier lors de la réunion du comité permanent de l'UE en charge de ces questions prévue le 31 janvier, souligne M. Vincent.

    En plus de la France, d'autres États membres, comme l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Slovénie ont déjà limité ou interdit l'usage de ces produits. L'objectif de la Commission européenne est d'arrêter une ligne de conduite commune au sein de l'UE qui peut aller jusqu'à une interdiction des produits incriminés.

    «Cet avis identifie les risques mais ne prend pas en compte l'impact positif des mesures de gestion», déplore Xavier Thévenot, de Syngenta, qui cite l'exemple des déflecteurs installés aujourd'hui en France, sur la quasi-totalité des semoirs de maïs. Testée par l'Irstea (ex-Cemagref), «cette technique permet d'éviter la dispersion des poussières et donc de protéger efficacement les abeilles», insiste-t-il.

    Les industriels chiffrent les bénéfices des nicotinoïdes à 4,5 milliards d'euros par an pour l'économie européenne. Ils rappellent également, non sans raison, les abeilles paient aussi un lourd tribut aux maladies, aux parasites comme le varroa ou le frelon asiatique, à la disparition de leur habitat, pour les espèces sauvages, et au manque de nourriture.


    votre commentaire
  • Le bruit fait des ravages sur les espèces marines

    Le bruit généré par les forages provoque sur les cétacés des dégâts considérables (ci-dessus, une baleine bleue nageant devant une plate-forme pétrolière dans l'océan Pacifique, au large des côtes californiennes).  

    L'Europe devrait bientôt instaurer des seuils sonores pour protéger la faune.

    On connaît les dégâts causés par la surpêche, les scientifiques sont en train de découvrir ceux liés au bruit généré par les hommes dans tous les océans du monde. Cela concerne les cétacés, sans doute les poissons et, beaucoup plus surprenant, les mollusques.

    La question est prise très au sérieux par l'Europe. Michel André, qui travaille au laboratoire de bioacoustique de l'université polytechnique de Catalogne (Barcelona Tech), est un des scientifiques membres d'un groupe de travail chargé de réfléchir à l'élaboration de seuils en matière de pollution sonore. Si la tâche est complexe, elle paraît de plus en plus indispensable.

    Les rubriques animalières présentent régulièrement des images de cétacés échoués sur des plages, totalement désorientés. Le bruit est largement en cause. «Le bruit des bateaux, celui lié à la construction de ports mais aussi et surtout le bruit des sonars militaires et des forages qui sont menés tant pour trouver des matières premières que pour amarrer des plates-formes pétrolières ou les fermes éoliennes offshore», explique Michel André. C'est ainsi qu'en 2008-2009, l'échouage de quatre marsouins sur les côtes allemandes de la mer Baltique a été imputé à la construction d'une ferme éolienne au large. Faute de règles et de seuils sonores à ne pas dépasser, l'entreprise, au banc des accusés, n'a jamais réussi à reprendre le chantier.

    Un nouveau texte

    «Connaître la sensibilité acoustique des organismes marins est très difficile», prévient Michel André. «Mais alors que l'on pensait que seuls étaient concernés les animaux tels que les cétacés qui vivent grâce à l'information acoustique qu'ils émettent et perçoivent, on est en train de découvrir que le problème du bruit est nuisible pour d'autres espèces et notamment les mollusques.» Une étude publiée en 2011 dans la revue Frontiers in Ecology and the Environmentmontre ainsi que sèches, poulpes et autres céphalopodes sont peut-être encore plus sensibles au bruit que les cétacés. Ces animaux n'entendent pas à proprement parler les sons mais lorsqu'ils sont exposés à de basses fréquences associées aux activités humaines, leurs cellules cillées qui vibrent à la même fréquence les perçoivent et peuvent être détruites. L'animal perd ses repères, n'arrive plus à se nourrir et devient la proie des prédateurs.

    En Australie, le phénomène est apparu de façon assez incroyable. Alors que le pays collectionne les grandes fermes aquacoles pour l'élevage des coquilles Saint-Jacques, des scientifiques ont été appelés à la rescousse ces dernières années pour tenter de déterminer les causes de grands épisodes de mortalité. Comme dans beaucoup d'endroits, ils ont d'abord regardé du côté de la pollution chimique ou des épidémies, mais en vain. Jusqu'au jour où ils se sont rendu compte que ces vagues de mortalité intervenaient quelques jours après des prospections sismiques (des ondes émises dans les sols lors des forages notamment) menées plus au large.

    Toute la chaîne alimentaire pourrait-elle être concernée? «La question se pose», souligne le scientifique. Jusqu'en 2015, les États européens sont tenus de mesurer le bruit existant autour de leurs côtes. Le bruit est ainsi un des onze polluants étudiés en vue de compléter la directive de 2008 baptisée Marine Strategy Framework. Le nouveau texte devrait voir le jour en 2014, les pays auront ensuite jusqu'en 2020 pour se mettre aux normes. Dans la foulée, tous les utilisateurs des océans seront contraints de prendre leurs précautions. Cela peut signifier pour les bateaux de ralentir ou pour les chantiers de forage de réduire leur intensité voire de cesser quelques jours leurs activités, le temps que les espèces évoluant alentour passent tranquillement leur chemin.

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique