• Economie de carbone en Suède

    Suède : le succès d'une économie sobre en carbone

     
     
     

    Il est possible de conjuguer réduction des émissions de gaz à effet de serre et croissance économique. La Suède y est parvenue. Sa croissance économique a bondi de 48% depuis 1990 alors que ses émissions de C02 baissaient de 9%. Reportage.

    Long crayon gris-noir planté au bord d’un lac, la cheminée se dresse fièrement dans le ciel de Växjö. Depuis son sommet, perché à 45 mètres du sol, on aperçoit en contrebas une série de petits cônes alignés sur le bitume : des tas de copeaux de bois en attente d’être engloutis par les machines. « Nous nous alimentons dans les forêts avoisinantes dans un rayon de 50 kilomètres autour de la ville », explique Lars Ehrlén, le directeur de l’usine de Sandvik. Loin devant la cathédrale, la centrale de cogénération est aujourd’hui le « monument » le plus visité de cette ville de 80 000 habitants érigée au milieu des forêts, au Sud Ouest de la Suède. Auréolée de plusieurs trophées internationaux d’excellence environnementale dont celui de « Ville la plus verte d’Europe », Växjö est devenue le must de tout voyage d’études sur le développement durable.
    Son réseau de chauffage urbain, dont Sandvik est l’épicentre, assure 90% des besoins du centre ville. Il est aujourd’hui exclusivement alimenté grâce à des résidus forestiers. C’est l’usine de cogénération qui permet aussi de climatiser, l’été, à moindre coût et sans émissions polluantes, ménages, services et entreprises.

    Résultat ? Les émissions de C02 par tête sont, à Växjö, inférieures de plus de deux tonnes à la moyenne nationale. Une véritable performance si l’on sait que la Suède est l’un des pays développés qui émet le moins de C02 par habitant : 5,3 tonnes de dioxyde de carbone par an en moyenne, contre 8,1 tonnes en Europe et 19 tonnes au Etats-Unis. « Växjö s’est fixé pour objectif de sortir des énergies fossiles d’ici 2030, » clame Henrik Johansson, chargé de mission au service environnement. Vingt ans avant l’échéance nationale fixée à 2050.
    Pour Bo Frank, le maire de la ville, les succès de la Suède tiennent en grande partie au fait que le pays est l’un des plus décentralisés au monde. « Les municipalités disposent de moyens importants et de très larges marges d’action, notamment sur les questions liées à l’environnement et au changement climatique, qui leur permettent d’agir efficacement», souligne le premier magistrat. Elu au Rikgstag, il a préféré conserver son mandat local plutôt que de siéger au Parlement. 

    50% du bouquet énergétique issu des énergies renouvelables

    Les recettes du cocktail suédois ne sont pas pour autant miraculeuses.  L’énergie hydroélectrique est certes abondante mais le pays a fait le choix d’avoir dix réacteurs nucléaires qui assurent, avec l’hydroélectrique, 90% de l’approvisionnement du pays en électricité, expliquant en partie ce faible taux d’émissions.
    Durement touchée par les crises pétrolières des années 1970, la Suède a investi très tôt et massivement dans la recherche sur les énergies renouvelables, tout particulièrement dans le secteur des bioénergies et des agrocarburants de deuxième génération. Aujourd’hui, près de la moitié du bouquet énergétique du pays provient de sources renouvelables. Le pétrole ne représente plus que 32% contre plus de 75% en 1970.

    Taxe carbone et réseaux de chauffage urbain

    « C’est la taxe carbone, adaptation du principe pollueur-payeur, qui a vraiment permis à la Suède de découpler croissance économique et émissions de C02 », souligne Susanne Akerfeldt, conseillère au ministère des finances. Lancée en 1991 au prix de 27 euros la tonne de C02, elle a été progressivement relevée pour atteindre 114 euros aujourd’hui. Elle a été un facteur déterminant de baisse des émissions de gaz à effet de serre. « C’est grâce à la taxe carbone que les énergies renouvelables non taxées sont devenues plus compétitives que le fioul. D’où la forte pénétration de la biomasse dans les réseaux de chauffage urbain», poursuit Susanne Akerfeldt.
    Nourries presque exclusivement au fioul domestique dans les années 1970, les réseaux de chauffage urbain sont, en 2012, essentiellement alimentés par des biocombustibles qui ne génèrent pas d’émissions polluantes : résidus d’exploitations forestières, déchets ménagers, boues des stations d’épuration.
    Ces centrales, alimentées par la cogénération, fournissent aujourd’hui en chauffage et en électricité plus de la moitié des immeubles d’habitation et de service du pays.

    C’est aussi la biomasse qui alimente la centrale de cogénération d’Hammarby Sjöstad. Ce fleuron des écoquartiers suédois a été construit sur une ancienne friche industrielle et portuaire au Sud de Stockholm pour densifier l’habitat. Ici, les voitures ont été reléguées en périphérie et les camions poubelles exclus. Les déchets sont collectés dans des bouches d’aspiration situées en bas des immeubles avant d’être acheminés sous terre, grâce à un système de tapis roulant, vers l’usine de retraitement. « Hammarby a été le premier écoquartier au monde. Il a inspiré de nombreuses réalisations à l’étranger, en Chine mais aussi à Paris dans le quartier des Batignolles,» explique Jonas Törnblom Directeur marketing d’Envac, une société spécialisée dans le traitement automatisé des déchets, il est aussi le patron de Symbiocity, la plate-forme d’exportation des technologies « vertes » suédoises. Hammarby, la « ville sur l’eau », a été pensée comme un tout, de façon à optimiser, dans une approche holistique, les synergies entre les différentes activités : transports, énergies, gestion des déchets et des eaux usées. Sur le modèle d’Hammarrby, plusieurs autres écoquartiers ont été bâtis en Suède, à Malmö notamment. Un nouvel écoquartier encore plus performant, Norrardjurgarstade, est en construction sur une zone portuaire au Nord-Est de Stockholm.

    Véhicules propres

    Quelles solutions ont trouvé les Suédois au casse tête de l’augmentation des émissions de C02 dans les transports? Encourager l’utilisation de véhicules « propres »  en misant sur de généreuses primes à l’achat, des taxes plus légères et des parkings gratuits. Du coup, les immatriculations de voitures « vertes » ont presque doublé entre 2007 et 2008. Pour tenter d’augmenter la part des énergies renouvelables dans les transports, les chercheurs se penchent désormais sur les agrocarburants de deuxième génération : la production d’éthanol à partir de cellulose. En attendant, à Växjö dès 2013, tous les bus et une kyrielle de voitures individuelles rouleront au biogaz. Celui-ci sera fabriqué par méthanisation à partir des boues de l’usine de traitement des eaux et de déchets organiques. Prochaine étape : la production de agrocarburants pour camions par gazéification de la biomasse.

    Eric Tariant
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