• EDF vaincu par des écolos

      Effet Streisand 15/03/2013 

    21 écolos anglais humilient EDF qui voulait les saigner

    Elsa Ferreira | Rue89
     

    L’entreprise française a voulu donner une bonne leçon à une poignée de militants, et à travers eux, au reste des écolos. Une stratégie « suicidaire ».

    EDF s’incline face aux écolos. Après avoir réclamé près de 6 millions d’euros à des militants écologistes qui avaient campé au sommet de deux cheminées de la centrale de Nottinghamshire (propriété d’EDF), en Angleterre, la compagnie renonce, sous les huées de l’opinion publique.


    Des militants sur une des cheminées (No dash for gas/Facebook)

     Personne ou presque n’avait eu vent de l’action des 21 activistes de No dash for gas (pas de ruée vers le gaz). C’était en octobre 2012 et tous les journalistes environnement avaient les yeux rivés sur l’ouragan Sandy. La menace d’une poursuite aura suffi à redonner aux militants une place parmi les gros titres, explique une militante :

    « Le jour où on a fait la manifestation, il y avait l’ouragan et beaucoup d’autres infos dans les médias. Ce à quoi on ne s’attendait pas, c’était qu’une poursuite judiciaire ferait le gros du travail pour nous. »

    Graham Thompson, autre activiste de No dash for gas, approuve :

    « Ils nous ont donné un espace pour faire passer notre message. »

    L’effet Streisand et la poursuite-bâillon

    L’effet Streisand

    En 2003, la chanteuse Barbara Streisand avait attaqué en justice un photographe : elle demandait qu’une vue aérienne de sa maison soit retirée d’un ensemble de 120 000 clichés, dont l’objet était de documenter l’érosion des côtes. Le mois suivant l’action en justice, plus de 420 000 personnes visitèrent le site du photographe.

    Mauvais calcul pour la compagnie française. L’effet Streisand – la mise en avant d’une info que l’on essayait au contraire d’étouffer– est en marche, analyse George Monbiot, journaliste environnement au Guardian. La stratégie d’EDF est un « suicide d’entreprise et de relations publiques », estime-t-il.

    La requête est disproportionnée. L’opinion publique et les commentateurs l’interprètent comme une menace à la liberté d’expression et de manifestation : une poursuite-bâillon – en anglais, SLAPP (comme une gifle). George Monbiot :

    « On essaye d’effrayer ceux qui auraient pu joindre la campagne. Ceux qui par la suite auraient pu s’engager dans d’autres campagnes évitent la politique par peur des conséquences. Leur absence appauvrit la démocratie. »

    Car 6 millions d’euros à se partager entre 21 activistes, c’est une dette de près de 300 000 euros. « Plus que nous ne gagnerons jamais », estimait une militante.

    « Ils nous ont envoyé un inventaire où l’on devait détailler nos revenus, les dépenses en gaz, électricité, emprunt immobilier, redevance télé, vêtements pour les enfants, nourriture, cantine et le montant de nos dettes.

    Tout ça pour qu’ils sachent combien on gagne et qu’ils puissent décider combien ils peuvent nous prendre, chaque mois, pour le reste de notre vie. »

    Pour EDF, cette somme représente 0,3% de ses bénéfices au Royaume-Uni (qui s’élèvent à près de 2 milliards d’euros).

    Epinglé sur Wikipédia

    La réaction de l’opinion publique ne se fait pas attendre. La pétition mise en ligne par les parents de l’une des activistes récolte plus de 64 400 signatures – dont celles de Naomi Klein et Noam Chomsky. Sur la page, les signataires expliquent ce qui les a poussés à joindre le mouvement :

    « Les gens normaux ne devraient pas être intimidés par les grosses compagnies et les riches à la recherche d’un peu plus de profit. Le climat mondial est plus important que les bénéfices. »

    « Si cette affaire peut aller devant la justice, qu’est-ce qui va suivre ? »

    « EDF, dans ses relations avec ses clients, n’est pas seulement incompétente mais aussi agressive, grossière et menteuse. »

    No dash for gas explique, sur le site EDFOff.org, comment se tourner vers d’autres fournisseurs d’énergie (ils proposent même de faire les démarches) et les futurs ex-clients font savoir leur colère.

    « Par votre tentative de poursuivre ces manifestants, vous perdez à vie cinq contrats d’entreprise. »

    « Merci EDF de me pousser à l’action. J’ai enfin changé de fournisseur d’énergie. Au revoir EDF. »

    L’affaire No dash for gas est désormais mentionnée sur la page Wikipédia anglaise de la compagnie, signale Terence Zakka, spécialiste en communication digitale.

    « Sur le long terme ce sera assez dommageable. La séquence sera difficile à effacer pour EDF. »

    « Le syndrome David contre Goliath »

    Ce que EDF n’avait pas prévu (ou pas compris), c’est que dans ce genre d’action, les activistes fonctionnent de pair avec le public. Les compagnies en revanche sont les « méchants » de l’histoire, explique Graham Thompson :

    « Les grosses compagnies énergétiques ont mauvaise réputation : à cause de leurs tarifs, de leur manque de transparence, des affaires de piratage et de surveillance des activistes. Avec cette poursuite, ils ont prouvé qu’ils essayaient de supprimer le débat. »

    Terence Zakka confirme :

    « Lorsqu’une multinationale s’attaque à des activistes, et spécialement aux individus directement, c’est le syndrome David contre Goliath. Dans ce cas, la sympathie a plutôt tendance à aller vers le petit. »

    « EDF a fait d’une crise un désastre »

    EDF a donc abandonné sa folle requête au profit d’un compromis « juste et raisonnable » : une injonction qui interdit aux activistes de pénétrer sur les sites de EDF. Pour Kate Harrison, l’avocate qui a défendu les militants, la stratégie de EDF « a fait d’une crise un désastre ».

    « Au final, tout ce qu’ils ont gagné c’est la promesse de 21 militants qu’ils ne s’approcheront pas de leurs sites. »

    Pour les militants écologistes – qui devaient servir d’exemple « pour que ceux qui envisagent ce genre d’action comprennent qu’il peut y avoir des conséquences » –, c’est une victoire importante, estime Graham Thompson :

    « EDF a perdu publiquement : les activistes vont s’enhardir et les grosses compagnies vont savoir qu’elles ne peuvent pas faire n’importe quoi, qu’il peut y avoir des répercussions. »

    Les militants ont par ailleurs plaidé coupable à l’accusation d’intrusion sur une propriété privée et seront jugés prochainement.

    Si une telle poursuite semble sévère, elle serait tout à fait possible en France. En 2009, EDF, en association avec Bouygues et Solétanche, avait poursuivi Greenpeace pour avoir occupé le chantier de la centrale nucléaire de Flamanville (Manche). Les accusant de « violation de domicile », « entrave à la liberté du travail » et « opposition à des travaux publics et d’intérêt public », ils leur réclamaient 516 000 euros de dommages et intérêts.

    MERCI RIVERAINS ! Corrado DeLuca

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