• La finance m'a tuer

       La finance m'a tuer

    Jeudi 15 Mars 2012

    Une troupe de théâtre s’est enfin emparée d’«Un Retournement l’autre», la pièce de l’économiste Frédéric Lordon, qui analyse les dessous de la crise du capitalisme boursier. Un texte in-dis-pen-sable.

     

    (L'économiste Frédéric Lordon - BALTEL/SIPA)
    (L'économiste Frédéric Lordon - BALTEL/SIPA)
    C’est un « opéra de quatre milliards de sous » que propose la compagnie ADA théâtre, en reprenant D’un retournement l’autre, l’irrésistible texte de l’économiste Frédéric Lordon, paru voici un an*. Chercheur au CNRS, membre du collectif « Les économistes atterrés », ce brillant esprit, qui questionne les convulsions du capitalisme actionnarial depuis quinze ans, avait alors choisi de consigner ses analyses décapantes dans une pièce de théâtre. Un genre idéal pour donner de la voix, s’adresser au grand public, et laisser libre cours à son exceptionnelle liberté de ton.

    A la fois farce au vitriol façon Molière, et comédie profonde au cœur de l’actualité la plus brûlante, la pièce met en scène son Altesse le président de la République, sa cour d’obligés et une horde de banquiers, essorés par la crise des Subprimes, venus quémander son assistance d’urgence. Troussé en alexandrins, ce dialogue serré est doté d’une puissance de feu rarement rencontrée : « Considérez de près ce que vous allez faire : car gratis pro deo, vous sauvez les bancaires / Mais sans contrepartie, sans la moindre exigence / Que fera d’après vous cette maudite engeance ? ».

    Sous ses dehors faussement bouffons, cette oeuvre désopilante s’attache à décrypter et à rendre accessibles les mécanismes abscons et les pratiques délétères du monde de la finance. Elle a en outre le mérite de permettre de distinguer les grandes phases — ou le grand déphasage — d’une crise endogène. L’occasion pour l’auteur de se livrer à une charge féroce contre le capitalisme fou, dont la carcasse mal en point est radiographiée et auscultée sous tous les angles, sinon autopsiée. Même si sa pathologie reste soigneusement minimisée par les tenants de l’ordre bancaire : « Toujours aussi prudents nos chers économistes / Craignant le dérapage et la sortie de piste / Ont trouvé le doux mot de « l’aléa moral » / Pour du capitalisme ne dire aucun mal ».

    Ne manquait à ce texte ciselé qu’une troupe pour le porter haut. C’est désormais chose faite. Sur scène, sept acteurs (et un pianiste), mis en scène par la comédienne (excellente) Judith Bernard, le servent avec alacrité. Si l’équipe respire une fraîcheur quasi juvénile, on peut seulement regretter les passages chantés (moins audibles), exercice périlleux pour des comédiens qui brillent plus par leur jeu que par leur tessiture. Un détail, tant le texte fait mouche.

     

    D’un retournement l’autre, de Frédéric Lordon, la Compagnie ADA-Théâtre et le Théâtre Montmartre Galabru. 4, rue de l’Armée d’Orient 75018 Paris. Les 26, 27 et 28 mars à 21 h 30.

    * D’un retournement l’autre, de Frédéric Lordon, Seuil, 135 p., 14 €.

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