•  13/07/2013 Chine : une manif antinucléaire fait céder le gouvernement chinois

    Pierre Haski | Cofondateur Rue 89

    La réponse politique n’a pas tardé : 24 heures après une manifestation contre un projet à 7,6 milliards de dollars de construction d’une usine de traitement d’uranium dans une région très peuplée du Guangdong, dans le sud de la Chine, le gouvernement provincial a annulé le projet ce samedi.

    Ce n’est pas la première fois qu’un projet de construction de site industriel comportant des risques pour l’environnement et la santé provoque de telles réactions et fait plier les autorités. Un phénomène politique baptisé de l’acronyme anglais « Nimby » (« not in my back yard », pas près de chez moi).

    Cette fois, c’est l’ambition nucléaire du Guangdong, l’une des provinces les plus avancées dans cette filière énergétique, notamment en partenariat avec EDF avec les centrales de Daya Bay, non loin du site prévu pour cette usine, qui se trouve mise en échec par l’opinion publique chinoise. L’usine de Jiangmen devait être capable de produire la moitié du « carburant » nucléaire nécessaire pour les centrales chinoises.

    « Respecter l’opinion publique »

    Dans leur communiqué, les autorités provinciales affirment avoir pris leur décision d’annulation « afin de respecter l’opinion publique » – une attitude conciliante qui n’a pas toujours été de mise, mais va dans le sens de l’expérimentation sociale en cours dans le Guangdong, l’une des provinces les plus riches de Chine, qui assure à elle seule un tiers des exportations chinoises.


    Manif contre le projet d’usine de retraitement d’uranium à Jiangmen, Guangdong, le 12 juillet 2013 (Via Tealeafnation) 


    Pétition géante contre l’usine de retraitement d’uranium à Jiangmen (Via Tealeafnation) 

    La manifestation de vendredi a réuni plusieurs centaines de personnes dans les rues de Jiangmen, la ville du Guangdong où devait être construite cette usine géante qui a suscité des remous au sein de la population lorsque le projet a été connu.

    C’est via les réseaux sociaux que s’est organisée la mobilisation, et qu’ont été diffusées les photos du rassemblement et du face-à-face avec la police, sans toutefois provoquer d’incidents.

    Tensions avec Hong Kong et Macao

    Dans des situations comme celles-ci, en particulier lorsque les manifestants appartiennent à la nouvelle classe moyenne, les autorités évitent de recourir à la force directe, et tentent de désamorcer les crises politiquement. Un contraste avec les récents affrontements avec la minorité ouïghoure dans la province occidentale du Xinjiang, qui ont fait 27 morts.


    Face-à-face tendu mais pas d’incidents, le 12 juillet 2013 à Jiangmen, Guangdong (Via Tealeafnation) 

    L’installation de cette usine dans une zone très peuplée, avait également suscité des tensions avec Hong Kong et Macao, deux territoires autonomes chinois situés à moins de 100 km de là et bénéficiant d’une presse relativement libre. Les autorités de ces deux régions avaient fait connaître les craintes de leurs citoyens au gouvernement du Guangdong.

    La multiplication des accidents industriels

    Les craintes des habitants sont liées à la multiplication des accidents industriels en Chine, souvent dus à des défauts de construction ou des processus de fabrication, et liés à la corruption. Les centrales nucléaires chinoises, notamment celles qui sont gérées en partenariat avec EDF dans le Guangdong, n’ont toutefois jamais été mises en cause.

    Les questions environnementales sont de plus en plus présentes dans les protestations en Chine, alors que la dégradation de la qualité de l’air et de l’eau est nettement perceptible, notamment à Pékin, la capitale. Une récente étude faisait état de la réduction de l’espérance de vie de 5,5 ans pour les personnes confrontées à l’air pollué du nord de la Chine.

    Dans un contexte de ralentissement économique – 7,5% de croissance « seulement » cette année contre une croissance à deux chiffres depuis le début du siècle –, le gouvernement a donc jugé plus sage de temporiser. Surtout avec une nouvelle équipe au poouvoir à Pékin depuis seulement quelques mois.

    Cette victoire de la « rue » sur une décision technocratique du pouvoir chinois risque de donner des idées à d’autres dans ce vaste pays où, grâce à Internet, tout se sait à la vitesse d’un « tweet ».


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  •   Accord transatlantique : fin de l’exception démocratique

    Communiqué de presse commun Attac – Aitec (15/06/13)

    Les ministres européens du commerce ont donné mandat à la commission européenne pour négocier un partenariat avec les États-Unis, portant sur le libre-échange des biens, des services des capitaux, et surtout sur la suppression des normes et réglementations qui porteraient préjudice au commerce et à l’investissement des entreprises. La France a porté le principe de l’exception culturelle, qui pour l’instant et de manière très confuse, se trouve exclue des négociations, avec possibilité de rouvrir le dossier. Le processus est donc lancé.

    Les gouvernements ont accepté de négocier leurs choix agricoles et alimentaires, les services publics, les droits sociaux, les normes financières, les choix énergétiques et climatiques. Ils ont accepté de renoncer à la capacité politique de construire démocratiquement des normes, des règlements, et de la transférer aux entreprises et aux tribunaux ad hoc qui jugeront des litiges entre les entreprises, les États et les collectivités territoriales.

    Comme nous avons su le faire au moment de l’Accord Multilatéral de l’investissement, au moment de l’ACTA, nous refusons l’engagement dans un tel processus, et nous appelons à une mobilisation très large des mouvements sociaux et des élus, parlementaires et élus locaux, pour faire connaître ce processus qui se réalise dans l’opacité sur la plus totale et pour l’arrêter. Nous travaillons dans le même sens avec nos réseaux européens et internationaux.

    Attac France et AITEC,

    A Paris, le 15 juin 2013

    Adhérez, réadhérez à Attac : http://www.france.attac.org/adherer

      [ Si ce n'est pas une perte de souveraineté au profit des transnationales, de l'argent facile, des paradis fiscaux, et autres, qu'est-ce que c'est?

     La dérèglementation qui a fait tant de mal va être poussée encore plus loin, toujours au profit des mêmes.

     L'Europe va-t-elle se laisser déposséder du peu de souveraineté qui lui reste (et qu'elle bafoue allègrement en se laissant guider par les lobbyistes de tout poil) tout à fait officiellement? ]

      lavieenvert


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  •   Plus de 40 entreprises, essentiellement européennes, ont adopté un plan sécurité anti incendie après l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh. Plusieurs grandes marques américaines, notamment WalMart et Gap, ont choisi de lancer leur propre initiative. Syndicats et ONG dénoncent l'insuffisance de ce projet et demandent au gouvernement de faire pression sur le Bangladesh.

      Les grandes chaines américaines de magasins -WalMart, Gap, JC Penney, Sears, Target...- ont lancé leur propre plan d'amélioration des conditions de travail au Bangladesh. Après l'effondrement de l'immeuble du Rana Plaza le 24 avril, qui a tué plus de 1100 employés, 45 groupes majoritairement européens ont signé un accord sur la sécurité des usines et des immeubles. Cette convention mise au point avec les fédérations internationales des syndicats Industri ALL Global Union et Uni Global Union renforce le rôle des inspecteurs indépendants et donne la possibilité aux employés de refuser de travailler si les conditions de sécurité ne sont pas respectées. Si les leaders du textile H&M, Benetton, Zara, Carrefour, ou encore Camaïeu s'y sont ralliés, les entreprises américaines sont très peu nombreuse. Seules les directions de PVH (Calvin Klein et Tommy Hilfiger), la chaine Abercrombie et Fitch, Sean John (Collection de Puff Daddy ) et le canadien Joe Fresh se sont engagés aux côtés de leurs confrères européens. WalMart, le numéro un mondial des hypermarchés, a refusé tout net. Les autres grands magasins JC Penney, Sears, Target...ont adopté la même stratégie, ainsi que le californien GAP.

    Un accord "trop contraignant"

    Les raisons de ce refus? Matthew Shay, le patron de la puissante NRF (National Retail Federation), l'organisme patronal représentant 3,6 millions de commerçants, explique que l’accord "s'éloigne des solutions de bon sens" et s'inspire trop "de l'agenda de certains intérêts spéciaux". En clair, Matthew Shay vise les syndicats. Les entreprises membres de la NRF, de l'American Apparel and Footwear Association et de la Retail Industry Leaders Association s'inquiètent des obligations juridiques et financières inscrites dans l'accord international. Les américains craignent en effet que la Cour de justice des Etats-Unis s'empare du sujet et exige des efforts trop contraignants. L'avocat Johan Lubbe, expert en travail international au cabinet juridique Littler Mendelson, a été retenu par la NRF pour défendre le dossier à Washington début juin, devant la commission des relations internationales du Sénat. Le lobbyiste estime que l'accord sur la sécurité signé par plus de 40 groupes industriels "transfère un trop grand nombre de responsabilités" aux entreprises, et trop peu aux autorités du Bangladesh. « Une mauvaise interprétation juridique " en cas de manquement d’un sous-traitant « pourrait ouvrir la porte à des obligations financières supplémentaires", a-t-il expliqué aux Sénateurs.

    Faire pression sur le Bangladesh

    Les groupes américains préfèrent donc mettre sur pied leur propre plan, avec l'aide du Bipartisan Policy Center, un think tank animé par deux anciens sénateurs de l'Etat du Maine, le démocrate George Mitchell et la républicaine modérée Olympia Snowe. Ils devraient dévoiler au mois de juillet les grandes lignes du projet. Cette intiative a été critiquée par l'élu démocrate Robert Menendez, président du comité des affaires étrangères au Sénat. "Pourquoi seulement une poignée d'américains ont- ils signé l'accord IndustriALL? Nous avons besoin de créer un standard global pour éviter de s’en tenir à des obligations minimales,"a-t-il commenté. Quant à Tom Grinter, porte parole d'IndustriALL-Union à Genève, il estime également que la plan est " une mauvaise excuse pour maintenir le statut quo. Les entreprises ne veulent pas financer de vraies inspections". Un avis partagé par Celeste Drake, experte de questions au syndicat AFL CIO, qui reste "sceptique" sur les vrais motifs des américains. "Le Bipartisan Policy Center n'a invité aucun syndicat aux discussions, remarque-t-elle. Il ne donne pas de garanties solides aux employés pour refuser de travailler dans des conditions dangereuses."
    Syndicalistes et représentants des ONG (International Labor Rights Forum, Workers Rights Consortium) s’adressent aujourd’hui à la Maison Blanche pour arbitrer. Car Washington dispose d’une arme commerciale : le Bangladesh bénéficie en effet d'un statut préférentiel appelé « Generalized System of Preferences » pour exporter vers les Etats-Unis et ce statut arrive à échéance. L'AFL CIO demande à ce qu'il ne soit pas renouvelé du fait du "climat social déplorable" qui règne dans le pays.

      Caroline Crosdale à New York
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  •   Amazon, les dessous d'une horreur économique

    Samedi 8 Juin 2013     Vladimir de Gmeline - Marianne

    Le géant du commerce culturel en ligne n'en finit plus de progresser, balayant sur son passage les libraires. Accusé d'irrégularités fiscales, il est aussi mis en cause sur son volet social. Dans une enquête choc, "En Amazonie", le journaliste Jean-Baptiste Malet décrit les conditions de travail souvent très dures au sein de la firme. On réfléchira désormais avant de cliquer.


    FAYOLLE PASCAL/SIPA
        FAYOLLE PASCAL/SIPA
    Si vous avez aimé et acheté l'Horreur économique, de Viviane Forrester, il est probable que vous aimerez et achèterez Capitalisme, désir et servitude, de Frédéric Lordon. Selon la critique mise en ligne sur amazon.fr, dans le premier de ces essais, «dénonçant le culte de la rentabilité et la tyrannie du profit, l'auteur prend l'exact contre-pied de l'idéologie libérale qui prétend subordonner toute décision politique aux seuls impératifs de l'économie». Dans le second, on s'interroge sur la manière dont le patronat cherche à enrôler ses employés pour en faire des «salariés contents, qui désireraient conformément à son désir à lui». Tiens, tiens, intéressant tout ça...

    Imaginons ainsi Adrien, ou Christophe, père de famille concerné et engagé, séduit par cette description, qui explore aussi les «notions d'aliénation, d'exploitation et de domination que le capitalisme voudrait dissoudre dans les consentements du salariat joyeux». Adrien/Christophe commande en quelques clics sur le site d'Amazon et s'en va faire son marché bio. Ce dont il n'a pas forcément conscience, c'est qu'il vient d'enclencher un processus qui produit et exploite précisément ce que décrivent les deux livres qu'il s'apprête à lire : la rentabilité à tout prix et le consentement forcé des salariés afin d'en tirer toujours plus. La devise d'Amazon ? «Work hard. Have fun. Make history.» Dans des entrepôts gigantesques, des armées d'intérimaires travaillent ainsi jour et nuit à la satisfaction des clients, surcaféinés, le dos en compote et suivis à la trace par des leads contrôlant par ordinateur leur degré d'efficacité et de rentabilité, avec, peut-être, un jour, l'espoir d'accéder au Graal, la récompense suprême : le CDI.

    Un récit glaçant

    Cette course à la satisfaction du désir d'un client toujours plus exigeant, Jean-Baptiste Malet la raconte dans une enquête intitulée En Amazonie, infiltré dans le «meilleur des mondes», parue chez Fayard.

    Comme Amazon refuse d'ouvrir ses portes à la presse, ce jeune journaliste de 26 ans s'est fait embaucher sur le site de Montélimar, rejoignant les 1 200 intérimaires recrutés pour faire face à l'afflux des demandes précédant les fêtes de fin d'année. Un récit glaçant, tout en gris, qui raconte ces vies en suspens, l'émergence d'un Lumpenproletariat des services, d'autant plus impressionnant et dérangeant qu'il pointe nos propres contradictions, comme l'avaient fait les révélations sur les conditions de fabrication de l'iPhone à Foxconn, principal sous-traitant d'Apple en Chine, où l'on met des filets sous les fenêtres pour prévenir les suicides.

    Au départ, tout n'était pas gagné pour Amazon. Créée en 1995 par Jeff Bezos, qui regrettait d'avoir raté l'âge d'or des débuts d'Internet, l'entreprise est introduite en Bourse en 1997, mais elle tarde à réaliser des profits. Dès le départ, le site, qui se veut «la plus grande librairie du monde», se heurte à l'hostilité des libraires, comme Barnes & Noble qui le poursuit en justice en estimant qu'il n'est qu'un «revendeur de livres», et des géants de la grande distribution, comme Wal-Mart qui lui reproche d'avoir volé des secrets commerciaux en embauchant certains de ses anciens cadres. Les deux affaires seront réglées à l'amiable. Partant de là, Amazon va progresser inexorablement, concurrençant aussi bien les librairies de quartier que les enseignes spécialisées dans les produits culturels comme la Fnac et Virgin, ébranlées par les coups de boutoir d'un site qui pratique aussi bien systématiquement les 5 % de remise légale (limitée en France par la loi Lang, sur le prix unique du livre) que la gratuité du port et des remises de bienvenue.

    Des conditions de vente qui vont faire l'objet d'une retentissante bataille judiciaire dès 2004, opposant Amazon au Syndicat de la librairie française (SLF), qui l'assigne pour violation des dispositions de la loi Lang, vente à perte, concurrence déloyale et dommage causé à la profession de libraire indépendant. Amazon est condamné en 2007, bombarde ses clients de mails pour défendre la gratuité du port et bénéficie en 2008 d'un arrêt de la Cour de cassation dans une autre affaire qui la rend désormais possible. Une page est tournée, le pire est à venir.

    Aujourd'hui, alors que les fermetures s'accélèrent, que les magasins Virgin Megastore ferment leurs portes et que, ironie de l'histoire, Amazon va s'installer à Clichy dans un immeuble qui abritait auparavant les bureaux de la Fnac, le cybermarchand affiche des taux de croissance insolents, investit et recrute sans relâche. Alors que, en 2002, la part de marché des ventes de livres par Internet était de 2,2 %, elle était en 2010 de 13,1 %, et Amazon vend aujourd'hui plus de 8 % des livres en France. Les chiffres d'affaires sont faramineux, et le fisc britannique comme le français s'intéressent maintenant de très près à l'entreprise : ainsi le site n'aurait-il payé que 3,7 millions d'euros d'impôts au Royaume-Uni en 2012, pour un chiffre d'affaires de 4,9 milliards. Et, en France, il se serait acquitté de 3,9 millions d'euros d'impôts, pour un chiffre d'affaires déclaré de 110 millions d'euros en 2011. Cependant, Amazon a reconnu que ce dernier était en réalité de 889 millions d'euros. Grâce à un savant montage, la plupart des stocks et des employés se trouvent aujourd'hui dans l'Hexagone, mais les bénéfices, eux, sont au Luxembourg. L'administration fiscale française réclame donc à Amazon, pour ses exercices de 2006 à 2010, 198 millions d'euros d'arriérés d'impôts, d'intérêts et de pénalités liés à la déclaration à l'étranger du chiffre d'affaires réalisé en France.

    "Eclatez-vous bien !"

    Outre ces volets économiques et financiers, c'est aussi dans le domaine social qu'Amazon se distingue, et pas vraiment à son avantage. En Angleterre et en Allemagne, plusieurs enquêtes ont dévoilé les conditions de travail imposées notamment aux travailleurs temporaires à l'approche de Noël. Et, comme les visites de l'entreprise ne sont pas autorisées aux journalistes et que ses employés refusent de s'exprimer, Jean-Baptiste Malet s'est porté candidat, seul moyen de découvrir ce qu'il se passe exactement de l'autre côté de l'écran.

    Il est devenu picker, c'est-à-dire chargé de récupérer dans leurs bins («cellules») les milliers de produits culturels (disques, livres, DVD...) qui seront ensuite emballés par les packers. En équipe de nuit, de 21 h 30 à 4 h 50, il expérimente le décalage et la fatigue, les 20 km par jour dans un entrepôt grand «comme cinq terrains de football», sous le contrôle permanent des leads.


    Chez Amazon, les termes anglais et le tutoiement sont de rigueur, les applaudissements avant de commencer le travail aussi, à grand renfort d'«éclatez-vous bien», car, à Amazon, on «s'éclate». Il y a aussi le screening, une sorte de check-point par lequel il faut passer lors des deux pauses de vingt minutes accordées aux employés (l'une à la charge de l'entreprise, l'autre, de l'employé), destiné à s'assurer qu'il n'y a pas de vol. Il y a encore les messages d'alerte s'affichant sur le scan du picker quand son rythme ne satisfait pas l'un de ses supérieurs. Et pour compenser ce work hard, il y a le fun, avec jeux concours organisés durant les temps de pause («A quoi sert l'origami dans "Prison break" ?», «D'où vient le problème à la jambe du Dr House ?») qui permettent de gagner DVD et téléviseurs.

    Et alors, pourrait-on dire ? N'est-ce pas partout la triste réalité de la grande distribution dans son ensemble ? Le monde du travail n'est-il pas par nature impitoyable, toujours plus dur et plus désincarné, faisant miroiter à des mères célibataires en situation de précarité, à des jeunes sans diplôme et à des chômeurs de longue durée la possibilité d'avoir un jour un véritable emploi ? En partie seulement, car Amazon va plus loin, adoptant notamment des règles de confidentialité draconiennes qui vont bien au-delà de la simple protection du secret industriel, et contreviennent de manière flagrante au droit du travail. Ainsi de l'annexe 7 du règlement intérieur, intitulée «Politique relative aux relations avec le public», qui proscrit toute déclaration aux médias, impose l'anonymat (interdiction de divulguer au public ou à la presse le nom d'une personne travaillant à Amazon !), restreint et même proscrit toute possibilité de s'exprimer en public sans l'accord écrit de la hiérarchie, sous peine de sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. Une politique d'intimidation qui donne une seule envie : celle de s'indigner. Une anecdote suffirait d'ailleurs à souligner le comble du cynisme marchand de la firme. Ainsi le site de recrutement d'Amazon s'enthousiasme : «En 2011, l'ensemble des livres Indignez-vous ! expédiés par le site de Montélimar aurait atteint le sommet de la tour Eiffel si on les avait empilés les uns sur les autres.» Comme le disait Alphonse Allais - lui aussi en vente sur amazon.fr bien sûr : «Une fois qu'on a passé les bornes, il n'y a plus de limites.»

    En Amazonie, infiltré dans le «meilleur des mondes», de Jean-Baptiste Malet, Fayard, 155 p., 15 €.

    "RIEN N'EST JAMAIS INÉLUCTABLE"


    Fondateur de The New Press, l'éditeur franco-américain André Schiffrin, auteur de "l'Argent et les mots" (2010), revient sur l'avancée apparemment irrépressible du géant Amazon. Propos recueillis par Aude Lancelin

    Marianne : Vous êtes notamment célèbre pour avoir dénoncé la destruction de la chaîne du livre par les conglomérats mondialisés dans un livre retentissant : l'Edition sans éditeurs (La Fabrique), en 1999. Comment évaluez-vous la nouvelle menace que fait peser Amazon sur ce même marché depuis quelques années ?


    André Schiffrin : Amazon se réclame désormais ouvertement d'une politique d'élimination des libraires. Ce ne sont pas des menaces en l'air. Aux Etats-Unis, les gens d'Amazon y sont parvenus. Après les indépendants, même les chaînes ferment maintenant. Ils commencent également à agir comme des éditeurs. Ils commandent des livres à des auteurs connus. En France, fort heureusement, vous avez encore la loi Lang sur le prix unique. Mais, aux Etats-Unis, les rabais peuvent aller jusqu'à 40 %, l'effet de souffle a été ravageur. Il y avait 333 libraires à New York lorsque j'étais jeune, il n'y en a plus qu'une trentaine aujourd'hui.

    Pensez-vous que les appels au boycott d'Amazon, venus d'Angleterre notamment, peuvent avoir une quelconque efficacité ? D'où voyez-vous venir une alternative possible à une telle hégémonie ?

    A.S. : Toute action est utile. Rien n'est jamais inéluctable. C'est justement la stratégie d'Amazon de vouloir donner le sentiment que l'évolution technologique rend la chose fatale. Les seules mesures qui soient cependant assurées d'une efficacité totale sont celles que les gouvernements décideront d'engager contre un tel monopole. L'Europe devrait s'engager fermement dans ce combat. Qu'Amazon puisse ne pas payer d'impôts en s'installant au Luxembourg est proprement insupportable.

    Certains pensent que le système de distribution physique du livre cédera, de toute façon, un jour la place aux e-books, plus rapides d'accès et moins coûteux. Est-ce votre sentiment, croyez-vous à une disparition du papier à un horizon de dix ou vingt ans ?

    A.S. : Il y a trop de variables, il est trop tôt pour spéculer. Au stade où nous en sommes, la vente des e-books fonctionne exclusivement pour un certain type de livres : les best-sellers. Dans une librairie, on peut feuilleter, découvrir, le geste n'est pas du tout le même.

    En France, ces dernières années, de nombreux succès sont pourtant venus d'éditeurs indépendants et de petites maisons - on peut notamment songer à Actes Sud ou aux Arènes et à leur revue XXI. Y voyez-vous un signe encourageant par rapport à votre sombre pronostic ?

    A.S. : Il est très sain que ce genre de maisons indépendantes existe encore. J'admire beaucoup ce que font Les Arènes, qui ont depuis l'origine connu de grands succès. Mais la question est de savoir si de telles réussites pourront exister encore demain si nous n'agissons pas décisivement aujourd'hui.
    Propos recueillis par Aude Lancelin

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  •   Suite à la campagne de presse internationale lancée par le WWF pour alerter sur les risques d'exploitation pétrolière au cœur du plus ancien parc national d'Afrique, le comité du patrimoine mondial de l'Unesco a demandé l'annulation des permis déjà donnés aux compagnies. (21/06/2003)

     L'Unesco demande l'annulation des permis pétroliers dans le parc Virungaparc Virunga  WWF © Martin Harvey

    A l’occasion de sa 37ème réunion, qui se tient du 16 au 27 juin, au Cambodge, le Comité du patrimoine mondial a tenu a rappelé sa profonde préoccupation concernant le déclassement potentiel du parc et la possible modification des lois de la république démocratique du Congo (RDC) afin de permettre aux concessions pétrolières, couvrant 85 % du parc des Virunga, d’être exploitées. Certains des permis visés par cette demande sont détenus par la société britannique Soco International OPLC mais aussi par Total (voir Le plus ancien parc d’Afrique menacé par l’exploitation pétrolière ?) .

    « Le Comité du patrimoine mondial a clairement rappelé que les sites du patrimoine mondial sont des « No go zone » pour les activités extractives », s’est réjoui Christof Schenck, PDG du Frankfurt Zoological Society.

    Situé à l'est du pays, ce parc de 790 000 hectares, le plus ancien parc national d’Afrique et l’un des plus anciens du monde, bénéficie d’un éco-système exceptionnel qui explique son inscription au patrimoine mondial par l’UNESCO dès 1979 (voir la fiche sur l’état de conservation du parc en 2013 http://whc.unesco.org/fr/soc/1858). Depuis un an, le WWF a fait de la défense l’une de ses grandes causes internationales et multiplie les interventions sur le sujet. « La conservation de ce parc est un enjeu mondial, il apporte aussi des moyens de subsistance essentiels aux communautés locales », estime ainsi René Ngongo, responsable politique minières et extractives au WWF RDC

    C’est dans ce cadre que la branche française de la fondation avait posé une question écrite à Total lors de son Assemblée générale en mai 2013. Son PDG, Christophe de Margerie, s’était alors formellement engagé à « respecter les limites actuelles (du parc) au cas où celles-ci seraient réduites ». Un engagement salué par le WWF qui déplore tout de même que le groupe français continue ses activités en périphérie du parc. Quant à la compagnie Soco, « elle n’a à ce jour pris aucun engagement de respecter l’intégrité du parc », souligne le WWF France.

    Mais le Comité du patrimoine mondial a aussi pointé du doigt la responsabilité des Etats parties à la Convention concernant la protection du patrimoine mondial -culturel et naturel- en exhortant les gouvernements « à faire tout leur possible pour s'assurer que les sociétés minières ou pétrolières établies sur leurs territoires ne portent pas atteintes aux biens du patrimoine mondial".

      Béatrice Héraud
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  • Posted in: Belgium
        
    Belga | 10/06/2013


    Dans un rapport, le CNCD dénonce le double jeu de la coopération belge

    BRUXELLES La coopération belge appuie, via certains canaux de financement, l'accaparement des terres qu'elle dénonce pourtant dans ses objectifs, écrit lundi Le Soir. Selon une note stratégique élaborée par la Direction générale de la coopération au développement, l'objectif de la coopération doit être "le soutien à l'agriculture familiale durable dans le respect du droit à l'alimentation et de l'égalité des droits entre les sexes" tout en sécurisant l'accès aux ressources, dont la terre.

    Une préoccupation louable, note Le Soir, qui rappelle que Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, insiste régulièrement sur l'impact négatif de l'accaparement de terres sur une agriculture familiale. L'accaparement de terres se fait lorsqu'un accord est conclu entre les autorités de pays du Sud et de grosses entreprises pour cultiver, de façon mécanisée, de vastes terres qui étaient en général mises en valeur par des communautés locales désormais expulsées.

    Or, dans un rapport, le CNCD (Centre national de coopération au développement) dénonce le double jeu de la coopération belge. En effet, la Société belge d'investissement pour les pays en développement (BIO), un des instruments de la coopération belge au développement qui a pour mission de "favoriser la mise en place d'un secteur privé fort dans les pays en développement et émergents", finance notamment un gros projet d'accaparement de terres en Sierre Leone.

    "BIO a certes une certaine autonomie de fonctionnement, mais nous demandons que le cadre qui est fixé par la Coopération belge s'applique à l'ensemble de cette coopération. Le projet BIO en Sierra Leone ne rentre pas du tout dans ce cadre et c'est un vrai problème", note Stéphane Desgain, chargé de recherche au CNCD.

    ► Télécharger le rapport directement : http://www.cncd.be/IMG/pdf/Etude_Accaparements.pdf
       Source: Belga

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  •  Où en est la lutte contre l'évasion fiscale des multinationales ?

    Créé le 06-06-2013
    Donald Hebert   Par Donald Hebert  (Nouvel Observateur)

    Banques, sociétés extractives, CAC 40 : les multinationales échappent à l'impôt grâce aux paradis fiscaux. Mais en attendant le G8 en Irlande du Nord, l'Europe avance.

     CAVALLI/SIPA

                                                                   CAVALLI/SIPA

    Le G8 qui s'ouvre lundi 17 juin à Lough Erne, en Irlande du Nord, sera-t-il enfin le début d'une réelle lutte contre l'évasion fiscale des multinationales ? On se souvient des déclarations de Nicolas Sarkozy en 2009, lors du sommet de Pittsburgh : "Les paradis fiscaux, la fraude bancaire, c’est terminé." Depuis, les banques françaises n'affichent plus de filiales dans les pays figurant sur la liste des paradis fiscaux de l'OCDE ? C'est un trompe l'oeil : elles sont toujours présentes dans les nombreux Etats qui en sont sortis, qui se sont conformés aux critères de l'OCDE, mais qui sont toujours très avantageux fiscalement. "Il n'y aurait plus de paradis fiscaux ? Ce n'est pas vrai", expliquent les spécialistes, qui jugent que le Luxembourg, l'Autriche, l'Etat du Delaware, ou la City de Londres devraient en faire partie.

    Cette réunion des grandes puissances aboutira-t-elle de nouveau à de simples déclarations d'intentions ? Les récentes publications rapportant les montants des impôts payés par les grandes multinationales donnent froid dans le dos. Le taux d'imposition moyen des entreprises du CAC 40 ne dépasse pas 10%. Loin des 33% en vigueur ! L'une des deux plus grosses capitalisations boursières mondiales, Apple, ne paie presque aucun impôt dans les pays où elle commercialise ses produits par millions. Même chose pour Amazon ou Google, qui ont-elles aussi optimisé leurs structures, au grand dam des membres du G8, qui tentent de rétablir leurs finances publiques à coup de coupes budgétaires ou de hausses d'impôts. Sans parvenir à stopper la fuite des flux financiers en dehors de leurs frontières.

    La bataille est-elle perdue ? "Non, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles", estime le ministre du Développement, Pascal Canfin. L'ancien eurodéputé en pointe sur tous les sujets financiers, rappelle que "même si cela ne fait pas la une du 20 heures, il y a eu ces trois derniers mois des avancées majeures pour imposer aux grandes entreprises davantage de transparence, notamment fiscale". Et selon l'ancien membre de Finance Watch, la France a montré l’exemple.

    Transparence pour les banques et le CAC 40 en France

    La réforme bancaire présentée en février prévoit d'obliger les banques françaises à publier des informations détaillées sur leurs activités dans chaque pays étranger : effectifs, chiffre d'affaires, bénéfices, impôts, etc. Des informations particulièrement intéressantes dans les paradis fiscaux, mais insuffisantes pour toucher les grandes multinationales.

    Toutefois lors de son vote en 2e lecture à l'Assemblée nationale mercredi 5 juin, le chapitre transparence de la réforme bancaire a été considérablement renforcé : un amendement PS a étendu ces obligations aux grandes entreprises, dont la taille sera fixée par décret du ministre de l'Economie. "Au minimum, tout le CAC 40 sera concerné", précise la députée PS Karine Berger, rapporteur de la loi. Pour ne pas pénaliser les entreprises françaises, cette mesure ne sera applicable "que lorsque la Commission européenne aura légiféré", a précisé le ministre des Finances Pierre Moscovici.

    Ce n'est pas tout. Dans un rapport publié jeudi 6 juin, l'Inspection des finances préconise une batterie de mesures pour lutter contre l'optimisation des prix de transferts, ces flux financiers internes à un groupe qui permettent de délocaliser les bénéfices dans les pays les plus généreux fiscalement. "Elles inspireront celles du gouvernement", affirment Pierre Moscovici, ministre de l'Economie et Bernard Cazeneuve, délégué au Budget. Là encore, un travail international sera nécessaire.

    Banques et sociétés exploitant les ressources naturelles dans le viseur européen

    Une directive européenne prévoit l'obligation pour les banques européennes de publier leurs informations dans tous les pays du monde dès 2014. Par ailleurs, début avril, le Parlement et les Etats membres se sont mis d'accord sur un texte imposant aux entreprises minières, pétrolières, gazières et forestières de publier l'ensemble des flux financiers avec les Etats où elles opèrent. "Cet accord assure que les exigences de publication s’appliquent à l’ensemble des sociétés exerçant des activités dans ces domaines, cotées en Europe", explique le Commissaire Michel Barnier.

    Et les autres multinationales ? Le 23 mai, le Conseil européen a décidé détendre la transparence imposée aux institutions financières. "Il faut que toutes les grandes entreprises dont on a beaucoup parlées récemment comme Apple, Google ou Amazon – mais pas seulement celles-là – soient obligées de dire combien elles paient d'impôts, à qui et où", déclarait le même jour Michel Barnier lors d'un discours à Amsterdam. Pour l'instant, cependant, la Commission réfléchit encore au moyen législatif qui permettrait de rendre cette décision effective.

    La fin de l'évasion fiscale des multinationales est-elle proche ?

    La transparence est une étape nécessaire. "C'est la première clé de la responsabilité et de la lutte contre l'évasion fiscale", estime Michel Barnier. Une fois que les administrations sauront où est l'argent, elles pourront mettre en place des impôts reposant sur des assiettes larges. Il leur restera ensuite à s'accorder sur le moyen d'en prélever une partie équitablement. Sur ce point, la communauté internationale avance doucement. Avec le soutien des Etats-Unis et du Royaume-Uni, l'OCDE a récemment engagé des travaux sur la question. Et le Premier ministre britannique David Cameron a multiplié les déclarations à l'approche du G8 qu'il préside :

    Nous savons bien qu'avec la mondialisation, aucun pays n'est en mesure, par lui-même, de s'attaquer effectivement à l'évasion fiscale et aux techniques d'évitement les plus agressives. Mais puisque nous formons un groupe de huit économies majeures, nous avons l'occasion de galvaniser des interventions collectives à l'échelle internationale. Chacun de nous a intérêt à pouvoir dire à ses contribuables respectifs, qui travaillent dur et paient la part d'impôts qui leur revient, que nous allons nous assurer que tous les autres en font autant."

    Toutefois, il reste du chemin à parcourir. Sur le secret bancaire, qui facilite l'évasion fiscale des particuliers, l'Union européenne ne parvient pas à mettre en place un système d'échange automatique des données entre pays, à laquelle le Luxembourg et l'Autriche sont opposés. Ainsi, lors du dernier sommet européen, comme le rapportait le Monde, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker glissait : "Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini, disait Sarkozy il y a trois ans. Les présidents français ont le sens de l'humour."


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  •  Fermeture de l’audiovisuel public : fuite en avant autoritaire en Grèce

    Communiqué Attac France 12/06/13 

    Mardi 11 juin, le porte-parole du gouvernement grec annonçait brutalement la fermeture immédiate, par décret, de l’audiovisuel public grec (ERT). Avec cette décision prise par un décret illégal, le gouvernement grec soutenu à bout de bras par les autorités européennes - la Troïka - accentue sa fuite en avant autoritaire vers la suppression des espaces de pluralisme et de démocratie. 

    L’objectif officiel de cette décision prise sous la pression de la Troïka est de couper encore davantage dans les dépenses publiques. Mais l’audiovisuel public grec dégage des excédents ! Cette mesure, qui entraîne le licenciement direct de 2656 travailleurs, est essentiellement politique: il s'agit d'éliminer un secteur revendicatif de la société et d'éradiquer le pluralisme dans l'audiovisuel. La télévision publique se distinguait en effet des chaînes privées par sa couverture des mouvements sociaux se programmes culturels et éducatifs.

    Depuis hier, une foule importante se rassemble devant les bâtiments de l’ERT alors que l’assemblée générale des travailleurs de l’ERT a décidé l’occupation du siège et des studios.

    La fermeture a été décidée par le Premier ministre Samaras, seuls son parti Nouvelle Démocratie et le parti néo-nazi Aube Dorée l'ont approuvée. Même le PASOK, qui fait partie de la coalition au pouvoir, demande son retrait immédiat, et Syriza exige la tenue d’élections anticipées. Les deux confédérations syndicales (ADEDY, public, et GSEE, privé) appellent à la grève jeudi.

    Aurélie Filippetti, ministre de la culture, s'est émue d’un « symbole tragique » et dit refuser que « l’austérité […] rime avec abandon du pluralisme ». Mais François Hollande, lui-même n’a cessé de soutenir les programmes d'austérité imposés au peuple grec : « le peuple a subi des choix douloureux, même si pour beaucoup ils étaient nécessaires » déclarait-il en février 2013.

    Le gouvernement français doit cesser de soutenir l’austérité généralisée en Grèce et en Europe. Il doit dénoncer le décret de fermeture de l’ERT ainsi que les pressions insupportables imposées par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI sur la Grèce.

    Partout en Europe, des rassemblements et manifestations s’organisent. A Paris, un rassemblement a lieu aujourd’hui 12 juin à 18h30 devant l’Ambassade grecque. Métro KLEBER, 17 rue Auguste Vacquerie, 75016 Paris – à l’initiative des étudiants et travailleurs grec-que-s à Paris.

    Attac France,
    A Paris, 12 juin 2013 

    Adhérez, réadhérez à Attac : http://www.france.attac.org/adherer


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  •   Bangladesh: les multinationales face à leur responsabilité sociale

    Depuis plusieurs années, les entreprises étrangères ont tenté de trouver des solutions pour améliorer les conditions de travail sur place, sans toutefois empêcher de nouvelles catastrophes.

    [Mise à jour du 14 mai 2013: Plusieurs grandes marques de vêtements, parmi lesquelles H&M, Zara, C&A, Tesco et Primark, ont signé un accord pour améliorer la sécurité des usines textiles au Bangladesh. Cet accord doit mettre en place des programmes d'inspection de la sécurité incendie, et de contrôle des bâtiments.]

    > Cet article a initialement été publié dans la Lettre professionnelle “Tendances de l’innovation sociétale” N°57 du 7 mai 2013.

    C’est le pire drame industriel qu’ait connu le pays. Mercredi 24 avril, l’immeuble du Rana Plaza, en banlieue de Dacca au Bangladesh, s’est effondré, faisant au moins 1125 morts et des milliers de blessés, selon le dernier bilan. Un accident qui fait écho à l’incendie de l’usine Tazreen Fashion en novembre 2012 et à une multitude d’événements moins médiatiques: depuis 2005, au moins 700 ouvriers et ouvrières ont péri dans des incendies, des effondrements d’usines ou des explosions, d’après l’association Peuples solidaires (chiffres mars 2013).

    Jusqu’ici, seules les marques Bon Marché, El Corte Ingles, Primark, Mango et Joe Fresh ont confirmé leurs relations avec les ateliers du Rana Plaza, selon l’ONG basée à Amsterdam Clean Clothes Campaign. D'autres entreprises telles que Carrefour pour sa marque Tex, Benetton, Cato Fashions, et Children’s Place ont démenti travailler avec ces fournisseurs, malgré des éléments de preuves retrouvés sur place.

    24 centimes d’euro pour une heure de travail

    Avec un salaire horaire de 24 centimes d’euro, le Bangladesh est l’un des pays où la main d’œuvre est la moins chère au monde. C’est le plus grand exportateur de vêtements après la Chine. Environ 3,6 millions de Bangladais travaillent dans ce secteur.

    Mais les conditions de travail et de sécurité restent précaires et les pouvoirs publics peinent à contrôler l’état des usines.
    De leur côté, les marques mènent pour la plupart leurs propres contrôles, mais ces derniers ne prennent pas forcément en compte l’état des infrastructures.

    La Business Social Compliance Initiative (BSCI), qui mène des audits sociaux pour le compte de plus de 1000 entreprises, avait ainsi contrôlé deux usines de confection du Rana Plaza. Mais elle admet se concentrer sur "la surveillance et l’amélioration des conditions de travail dans les usines et s’appuie sur les autorités locales pour s’assurer que la construction et les infrastructures sont sans danger".

    Des entreprises qui ne publient pas la liste de leurs fournisseurs

    La plupart des marques qui mènent des audits sont également confrontées à des cas de sous-traitance illégale, lorsque le fournisseur fait fabriquer des pièces à l’insu de son donneur d’ordre. "Les entreprises ne sont pas obligées de publier la liste de leurs fournisseurs. Difficile dans ces conditions de savoir s’il s’agit de cas de sous-traitance illégale ignorés par les entreprises ou si celles-ci traitent avec des usines dangereuses en connaissance de cause", explique Dorothée Kellou, chargée de mission à Peuples solidaires, membre du collectif Ethique sur l'étiquette.

    A cet égard, certaines marques font davantage preuve de transparence que d’autres. H&M est ainsi l’une des rares entreprises à avoir rendu publique la liste de ses fournisseurs dans son dernier rapport RSE. Cette liste, qui couvre 95% de sa production, détaille avec leur permission le nom et les adresses de 785 fournisseurs, dont 166 au Bangladesh.

    Le groupe suédois, dont certaines usines ont déjà subi des incendies, est en effet le plus grand acheteur d’habits du pays. Son directeur général, Karl-Johan Persson, a rencontré Sheikh Hasina, Premier ministre du Bangladesh à l’automne dernier pour demander au gouvernement d’augmenter le salaire minimum. H&M a aussi annoncé qu’elle mettrait sur pied des “usines modèles” avec ses meilleurs fournisseurs, irréprochables sur le plan social et environnemental.

    Quelles initiatives pour la sécurité ?

    Les grandes marques occidentales ont également mené des initiatives pour améliorer la sécurité dans les ateliers de confection. En avril dernier, le géant américain de la distribution Walmart a annoncé avoir financé à hauteur de 1,6 million de dollars l’ONG Institute of Sustainable Communities, pour mettre en place une école afin de former les managers d’usine.

    En parallèle, le groupe a aussi introduit des audits plus stricts sur la sécurité incendie et une politique de "tolérance zéro", à l’égard de ses partenaires commerciaux ayant recours à des usines non autorisées. En octobre dernier, Gap avait pour sa part annoncé un plan anti-incendie, qui incluait l’embauche d’un inspecteur chargé de veiller au respect des normes incendie auprès des fournisseurs bangladais et la mobilisation de 20 millions de dollars pour contribuer à la mise aux normes des usines.

    Après le drame du Rana Plaza, la Clean Clothes Campaign demande aujourd’hui à l’industrie du prêt-à-porter de se joindre à l’accord sur la sécurité dans les usines. Ce plan d’actions concrètes, développé par des ONG internationales et locales, prévoit notamment de substituer aux rares inspections gouvernementales des contrôles indépendants dans les usines, dont les rapports seraient publics, des formations pour les travailleurs et l’obligation de mise aux normes des usines.

    Les audits, mutualisés, seraient financés par les entreprises à hauteur de 500.000 dollars (384.000 euros) par an. Cette proposition n’est pas nouvelle: elle avait été mise sur la table à Dacca en 2011, lors d’une réunion rassemblant plus de 12 grands groupes dont Walmart, Gap et H&M, qui l’avaient rejetée au motif qu’elle était trop contraignante et coûteuse. Le groupe PVH (Calvin Klein et Tommy Hilfiger) et la chaîne allemande Tchibo ont finalement décidé de s’y associer, mais il manque encore deux compagnies pour atteindre la taille nécessaire à sa mise en œuvre.

    Crédit photo: Fanny Roux.


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  • Plongée dans l'Internet criminel

    Vendredi 10 Mai 2013

    Amaury Mestre de Laroque  (Marianne )

    Descente dans le « dark Web ». Les initiés y achètent drogues, armes, faux papier, films nécorphiles ou pédophiles, livres de cuisine antropophagique...


    Capture d'écran du site SilkRoad
    Capture d'écran du site SilkRoad
    Oubliez Google ou Yahoo, laissez tomber les extensions familières en .com, .fr ou .net. Sous la partie émergée d'Internet, loin, très loin dans les profondeurs de la Toile, se cache un monde interlope dont le commun des internautes ignore tout, où jamais il ne descendra.

    Dans ces bas-fonds du Web, tout se négocie le plus discrètement du monde et les accroches commerciales ne font pas dans la nuance. Savez-vous « éviscérer un voisin sans en gâter la viande » ? Connaissez-vous les plus insoupçonnables associations médicamenteuses pour condamner vos ennemis au silence éternel ?

    Pour garder les mains propres, des professionnels se chargent de la basse besogne : comptez 5 000 € pour faire disparaître un proche, le triple pour un journaliste.

    Psychotropes, armes à feu, films nécrophiles et pédophiles, livres de cuisine anthropophagique, faux papiers, listings de numéros de cartes de crédit, contrefaçons horlogères chinoises, téléphones mobiles indétectables par les autorités, télécommandes universelles pour déverrouiller les automobiles de moins de cinq ans... la liste de ce qu'on peut trouver dans les entrailles du Net n'a que l'imagination pour limite. Et ceux qui s'y dissimulent sont tout aussi nombreux.

    Outre les trafiquants, les receleurs de tout poil et les pédophiles réunis sur des forums indétectables, théoriciens du complot, pronazis, aspirants jihadistes y côtoient les révolutionnaires de tous les pays et les cyberhéros autoproclamés qui en appellent à la désobéissance virtuelle ou qui balancent les adresses des détraqués, tels les Anonymous.

    C'est par ce biais que fut révélée la véritable identité du « dépeceur de Montréal », Luka Magnotta. L'intéressé diffusait dès 2011 ses premières mises en scène macabres (il asphyxiait un chaton avec un sac plastique) et ses premiers avis de recrutement de futures victimes humaines.

    Bienvenu dans le dark Web. En l'absence de statistiques, il se dit que ce Net que Google ignore serait neuf fois plus vaste que la partie émergée. Sur les autoroutes de l'interdit, l'anonymat est requis. Monnaie, outils de navigation, moyens de communication..., tout est crypté.

    On y avance masqué avec un navigateur refusant les cookies, scripts Java et autres espions logiciels qui hantent l'Internet marchand. Même les adresses des sites sont exotiques. En lieu et place des classiques .com, les .onion (« oignon » en anglais) dominent avec des adresses absconses de type https ://3swkolltfj2xjksb. onionh.

    Ces sites ne sont accessibles que par le réseau Tor (pour The Onion Router). Le logiciel, compilé sous la forme d'un pack (1) prêt à l'emploi dont l'usage n'est en rien illégal, connecte l'internaute à la Toile par des chemins de traverse. Les flux de données transitent par des « tunnels » dont la fonction est de masquer l'adresse IP (la carte d'identité) du surfeur.

    L'ordinateur se relie à un serveur TOR (ou à un autre réseau anonyme tels que I2P, Freenet, Haystack), lui-même connecté aléatoirement à un autre, etc. Cette chaîne d'échanges cryptés complique considérablement la tâche des enquêteurs tentant de remonter jusqu'à la véritable identité d'un suspect.

    Une fois connecté à ce réseau clandestin, si l'on ne sait pas où se diriger, les « bonnes adresses » sont partiellement rassemblées au sein de plusieurs wikis (Hidden Wiki, Cleaned Hidden Wiki), des annuaires collaboratifs complétés par de bonnes volontés.

    Une porte d'entrée pour découvrir Torbook, l'équivalent caché de Facebook ; Hackintosh, où le matériel Apple neuf bénéficie de 50 % de rabais ; TorDir, un annuaire de liens profonds fréquemment mis à jour ; HackBB, le forum pour s'initier à toutes les activités frauduleuses (extorsion de données, achat de cartes bancaires vierges, etc.), sans compter les nombreux canaux de conversation comme IRC. C'est par le biais de cette messagerie instantanée que l'on peut pénétrer les tréfonds du Net, car la plupart des habitués hébergent leurs sites et forums sur leur propre serveur, les rendant de fait totalement invisibles des profanes.

    Au hasard des rencontres, on peut facilement se trouver à chatter avec des (très) jeunes comme Paul. A 14 ans - c'est du moins ce qu'il prétend -, il alimentait des blogs avec des clips de sa sœur aînée filmée dans le plus simple appareil. Joint par mail, il s'explique : « Au début, c'était un délire avec des potes, on s'échangeait des vidéos de filles de notre classe, en filmant dans les vestiaires des gymnases avec nos téléphones mobiles, puis on a élargi à notre entourage. »

    Rapidement bannis des forums classiques du Web clean, ils ont trouvé la parade. « Le grand frère d'un copain nous a montré comment créer notre propre espace de discussion pour échanger nos pics [images] entre nous. » Dans cette situation orwélienne où les enfants espionnent leurs aînés, les fausses identités ouvrent des perspectives insoupçonnées : absence de contrôle des âges, activités indétectables par des parents dépassés par la technologie et aucune circulation visible de monnaie.

    Sur le dark Web, pour régler ses emplettes, les cartes bancaires sont bannies au profit du Bitcoin (BTC). Cette monnaie non régalienne et virtuelle, imaginée par un certain Satoshi Nakamoto afin de créer un moyen de paiement échappant au contrôle des banques centrales, tourne à plein.

    Sans matérialisation physique, elle est émise à l'aide d'un algorithme dont les calculs sont assurés par les PC d'internautes volontaires ayant téléchargé le logiciel ad hoc (2). Ces ordinateurs - les « mineurs », dans le jargon - servent aussi à vérifier l'authenticité des transactions en apposant leur signature cryptographique.

    Les participants à cet « effort collectif » sont gratifiés pour chaque calcul réussi de 25 BTC. Ces jetons immatériels peuvent être échangés en euros sur des places de marché (MtGox, Bitcoin.de) à leur cours en vigueur (3) ou directement utilisés pour acquérir des biens.

    Sans lever le pouce, il est donc relativement aisé de s'enrichir, en laissant travailler son ordinateur dans sa chambre. Certains ne s'en privent pas pour se constituer un pécule discret.

    Envois sous pli discret

    Dispositif des autorités européennes pour lutter contre la cyber criminalité - Peter DeJong/AP/SIPA
    Dispositif des autorités européennes pour lutter contre la cyber criminalité - Peter DeJong/AP/SIPA
    Pour connaître l'ampleur des « petits trafics », il faut s'en tenir aux rares estimations de spécialistes.

    Ainsi Nicolas Christin, chercheur à l'université Carnegie Mellon de Pittsburgh, estime que le site britannique SilkRoad (spécialisé dans la revente de substances illicites en tout genre depuis février 2011) générerait 1,18 million d'euros de recettes mensuelles, ce qui, d'après ses calculs, « lui rapporterait près de 109 000 € de commissions ».

    Au moment de ses investigations, menées sur les deux premiers trimestres 2012, « l'audience était encore limitée, avec de 30 000 à 150 000 clients, mais il est évident qu'elle ne cesse de croître ».

    Impossible à vérifier : la maison ne cherche pas de publicité. Mais une chose est sûre, cet eBay de la drogue propose une palette de services à faire pâlir Amazon.

    Si, dans les échanges mafieux, les entourloupes se règlent à l'arme à feu, sur le Web anonyme, en l'absence d'interlocuteurs identifiés, il faut prendre des précautions en amont pour garantir la solvabilité et l'honnêteté des tiers. Sur Black Market Reloaded comme sur SilkRoad, les vendeurs sont ainsi notés par les acheteurs sur le respect des délais, la qualité des produits, et la discrétion des emballages.

    Un exercice de transparence auquel sont soumis également les acheteurs. A moins d'être déjà « en affaire régulière » avec le vendeur, les clients paient à un intermédiaire - appelé ici « escrow » - qui encaisse la somme avant de donner son feu vert pour l'expédition.

    A la réception, le client confirme, par une remise contre signature, que tout s'est bien passé. Les fonds sont alors débloqués, la commission de l'intermédiaire déduite (de 0,1 à 1,3 %). Comptez de trois à cinq jours pour les délais de livraison et n'espérez pas faire des économies.

    Pour les fumeurs, le gramme est facturé au prix de la rue, mais, à partir d'une demi-savonnette (125 g), les tarifs baissent sensiblement. Et la liste des produits disponibles donne le tournis : kétamine, LSD, opium, peyotl, héroïne, MDMA, GHB (la drogue du violeur)...

    Pour les échanges plus encombrants - par exemple un fusil d'assaut -, impossibles à expédier par petits paquets, le site Web sert de vitrine commerciale, affiche le stock et les tarifs, puis les tractations s'opèrent par mails émis à partir d'adresses anonymes (Tormail). Les correspondances sont cryptographiées à l'aide d'une solution utilisée par l'industrie militaire (GnuPG) où seuls les deux intéressés, par un échange de clés codées, peuvent décrypter les données envoyées ou reçues.

    C'est par ce biais tortueux que nous avons pu rencontrer Paulo, un trafiquant d'armes. Sa zone de chalandise couvre l'Italie, l'Espagne et, dans une moindre mesure, l'Hexagone. Son matériel provient de Roumanie : des fusils d'assaut comme les Calico 9 mm (1 100 €) et AKS-74U (760 €), mais aussi des pistolets comme le Walter P99 (1 150 €) et le Beretta 92 (690 €).

    « Ce business n'a pas changé avec Internet, il est juste plus discret, explique-t-il. La mécanique reste la même, il faut toujours récupérer le matériel à un point de rendez-vous en réglant sur place en liquide, mais il n'est plus nécessaire d'avoir des contacts dans le milieu pour se fournir. »

    Le prix est fixé par avance, un acompte (30 %) est exigé pour connaître le point de rendez-vous. Sur place, une «mule» récolte le solde et fournit la marchandise à celui qui se présente. Ni le vendeur ni l'acheteur ne se croisent. Les filatures n'en sont que plus complexes.

    Protéger 370 millions d'Européens                                                            

    D'autant que les forces de l'ordre butent sur un os d'ordre légal.

    Cet anonymat généralisé exige d'investiguer sous pseudonyme. Or, en France, la pratique n'est autorisée que pour certaines enquêtes liées aux cas les plus graves (lire l'encadré, ci-dessous).

    Par ailleurs, la plupart des sites sont hébergés à l'étranger, ce qui implique notamment des coopérations entre les forces de police. Depuis janvier 2013, une brigade paneuropéenne au sein d'Europol est censée faciliter ses échanges. Mais la charge est lourde.

    Selon ses propres estimations, elle doit protéger 370 millions d'Européens connectés à Internet dont un bon tiers effectue fréquemment des opérations bancaires en ligne. Une aubaine pour les initiés s'échangeant les programmes adéquats pour aspirer ces millions de numéros de cartes de crédit en transit sur la Toile.

    En 2011, un numéro volé de Mastercard valide avec le PIN fourni s'échangeait 80 €. Aujourd'hui, l'offre étant supérieure à la demande, pour le même prix, on vous en fournit une petite dizaine...

    (1) http://goo.gl/35Z4T

    (2) Les outils (PC, Mac, Linux) sont téléchargeables sur http://goo.gl/TW0Lx

    (3) Le cours à la minute près du bitcoin est consultable sur http://goo.gl/gmK6k

    UN CASSE-TÊTE POUR LES ENQUÊTEURS

    Le lieutenant-colonel Eric Freyssinet est le chef de la division de lutte contre la cybercriminalité au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale et vice-président du groupe de travail des chefs d'unité de l'European Union Cybercrime Task Force.

    Marianne : A-t-on une estimation du nombre d'internautes utilisant Tor ?

    Eric Freyssinet : Selon les statistiques de Tor Project, 38 000 internautes français surferaient quotidiennement sur ce réseau, mais cela reste difficile à évaluer, car la fréquentation de sites n'est pas forcément illégale et l'identification d'un suspect est complexe.

    Avez-vous procédé à des arrestations d'internautes utilisateurs de ce réseau anonyme ?

    E.F. : Pour l'instant, il n'y a pas eu d'enquêtes marquantes conduisant à l'interpellation de suspects en France. Pour des raisons légales, nous ne pouvons investiguer sous pseudonyme que pour la traite des êtres humains (proxénétisme forcé), les jeux d'argent et de hasard en ligne, l'apologie du terrorisme et les infractions contre les mineurs.

    Nous souhaitons que cette capacité soit étendue aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données et à la contrefaçon de cartes bancaires.

    Observez-vous en particulier l'activité de groupuscules parapolitiques (anarchistes, néonazis...) ?

    E.F. : Tor n'est pas le seul moyen d'anonymisation, ou de discrétion renforcée, utilisé par les différents groupes. On peut les rencontrer sur plusieurs canaux.

    On reste attentif aux informations sur des infractions qui pourraient être commises par des personnes se revendiquant « Anonymous », mais notre rôle n'est pas de surveiller tel ou tel groupe de personnes.

    Cet article est paru dans le magazine Marianne en kiosques du 27 avril au 3 mai

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