• OGM et santé

     



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    Une étude de long terme menée par Gilles-Eric Séralini sur 200 rats nourris au mais transgénique et parue dans la très sérieuse revue « Food and chemical toxicology » montre des effets sanitaires extrêmement inquiétants : les rats nourris au NK 603 commercialisé par Monsanto déclenchent 2 à 3 fois plus de tumeurs que les autres.

    « C’est l’étude la plus longue et la plus complète menée sur une plante OGM avec 200 rats, une centaine de paramètres, et un suivi biochimique de 34 organes », affirme d’emblée Gilles–Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen et chercheur bien connu pour ses travaux sur les OGM. Une étude qui a pris plus de 4 ans et coûté 3,2 millions d’euros, financé par la Fondation Charles Léopold Mayer (1 millions €), le CERES (2 millions d’€) et le ministère de la Recherche (100 000 €), menée dans un secret absolu pour éviter toute fuite vers les industriels. Celle-ci n’a pas été effectuée à l’initiative d’une autorité nationale ou européenne mais d’une simple organisation : le CRIIGEN (Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le génie génétique) avec les chercheurs de l’Université de Caen. Pour obtenir les semences OGM, ils se sont tournés vers un lycée agricole canadien qui souhaite rester anonyme ; toutes les démarches en Europe et aux Etats-Unis se sont avérées infructueuses…« L’absence d’études menées sur le long terme et la répétition de l’absence de données sur les effets sanitaires des OGM commence pour moi à confiner à la malhonnêteté voire au crime intellectuel. Cette étude était donc pour moi absolument essentielle. Car il faut le dire et le répéter, les OGM sont des éponges à pesticides : ils sont faits pour êtres tolérants à un herbicide ou à fabriquer leur propre insecticide », souligne ainsi Gilles Eric Séralini pour expliquer les raisons qui l’ont poussées à mener une étude de cette envergure.

    Une multiplication des tumeurs

    Pourtant, le professeur était loin de s’imaginer l’ampleur des dégâts. « Les rats ont développé tellement de tumeurs qu’il a fallu analyser que nous sommes désormais déficitaires de 150 000 € », précise Gilles-Eric Séralini. En effet, là où les études classiques réalisées par ou pour les industries de la biochimie s’arrêtent le plus souvent à trois mois, l’étude menée par l’équipe de Séralini montre, que même à très faible dose, les effets de l’OGM seule, de l’OGM associée au round-up (l’herbicide de Monsanto) ou du round-up seul sont dramatiques, et ce à partir du quatrième mois. « Cela m’a surpris car au départ, mon hypothèse était que le round up était l’agent le plus dangereux mais en fait le caractère transgénique de la plante la transforme en usine faite pour s’insensibiliser au pesticide, ce qui perturbe son métabolisme et empêche la production d’acides férulique et caféique, protecteurs du foie et des glandes mammaires », souligne le professeur.

    Pour les femelles, celles nourries au maïs transgénique et/ou au round up développent des tumeurs de façon très importantes, certaines tumeurs (à 93% mammaires) atteignant jusqu’à 25% de leur poids. Au final, la mortalité des rates nourries avec du maïs NK603 s’avère 6 fois supérieure à celles des rates nourries avec du maïs conventionnel. A la fin de leur vie (environ 2 ans pour un rat) 50 à 80% des femelles OGM sont touchées contre 30% chez les autres… Pour les mâles en revanche, ce sont le foie et les reins qui sont davantage touchés. Mais les tumeurs qu’ils développent sont plus précoces que chez les femelles : elles interviennent environ 20 mois plus tôt contre 3 mois chez les rates. « A titre de comparaison, un an pour un rongeur, c’est à peu près l’équivalent d’une quarantaine d’années pour un homme », souligne le Nouvel Obs, l’hebdomadaire qui a publié en avant première les résultats de l’étude.

    Vers une modification des procédures d’homologation ?

    A l’annonce des résultats de l’étude, le gouvernement n’a pas tardé à réagir : celui-ci a immédiatement saisie l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), annoncé que les résultats feront l’objet d’une analyse par le Haut Conseil des Biotechnologies et que ceux-ci seront transmis en urgence à l’Autorité européenne de sécurité des aliments. « En fonction de l'avis de l'ANSES, le Gouvernement demandera aux autorités européennes de prendre toutes les mesures nécessaires en termes de protection de la santé humaine et animale, mesures qui pourront aller jusqu'à suspendre en urgence l'autorisation d'importation dans l'Union européenne du mais NK 603, dans l'attente d'un réexamen de ce produit sur la base de méthodes d'évaluation renforcées », annonce le gouvernement dans un communiqué.

    Un premier pas mais qui reste insuffisant selon Gilles Eric Séralini : « il faut que le gouvernement demande à ce que ce soient d’autres commissions et experts que ceux qui ont déjà autorisés les OGM car sinon on tourne en rond », estime-t-il. « Surtout, il faut maintenant saisir la Commission européenne, ce que j’ai demandé aux 27 ministres de l’Agriculture de l’Union par une lettre envoyée le 19 septembre, pour demander que les autorisations des OGM accordées à des fins alimentaires humaines (MON810 et Amflora, ndlr) soient réexaminées à l’aune d’un fait nouveau », complète Corinne Lepage, fondatrice du CRIIGEN et qui vient de sortir un nouveau livre « La vérité sur les OGM, c’est notre affaire ». L’équipe de chercheurs demande également à ce que soit levée la confidentialité des résultats des études menées par les industriels, la réalisation de tests de « vie entière » -soit 2 ans pour les rats- avec les formulations commercialisées des pesticides et non seulement leur principal élément actif (le glyphosate) et que les études règlementaires puissent être soumises à une contre-exeprtise, comme en justice.

    Pas de réaction sur le fond des industriels

    Chez Monsanto, le porte-parole de la filiale française Yann Fichet a expliqué à Reuters, qu’il prenait « très au sérieux » toute nouvelle étude concernant les semences. Mais la firme ne souhaite pas s’exprimer immédiatement sur le fond : « dans le cas présent, il est trop tôt pour faire un commentaire sérieux car nous sommes encore en train d’évaluer la publication scientifique », précise-t-elle. De son côté, l’AFBV, l’association française des biotechnologies végétales présidée par le professeur Marc Fellous, qui s’oppose régulièrement à Gilles-Eric Séralini (Voir sur Novethic: « Le professeur Séralini gagne son procès »), a rapidement réagi en précisant que si « le conseil scientifique attend d’avoir les résultats détaillés de cette étude (paru le 19 décembre à 15h dans la revue américaine « Food and chemical toxicology, ndlr) pour donner son avis sur le fond (...). Contrairement à ce qui est affirmé, la dernière étude du CRIIGEN n’est pas la première à avoir évaluer les effets à long terme des OGM sur la santé », en envoyant une longue liste à l’appui. Mais selon le professeur Séralini, celles-ci sont loin d’être aussi complètes que la sienne.

    Quant à la FNSEA, le principal syndicat agricole français, celui-ci a réclamé plus de transparence : « en tant qu'éleveur, nous devons avoir toutes les garanties, donc nous demandons la transparence aux fabricants de produits alimentaires destinés au bétail », a indiqué à l’AFP Christiane Lambert, l'une des vice-présidentes de la Fédération.

      Béatrice Héraud
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