• Succès du quinoa

     

    Les producteurs boliviens bientôt victimes du succès du quinoa ?

    Publié le 27-07-2012

     

    Le quinoa est la nouvelle « plante miracle » de la FAO pour résoudre la faim dans le monde. Son succès s'étend désormais dans les pays du Nord, ce qui n'arrange pas les problèmes environnementaux posés par cette monoculture.

    La FAO a proclamé 2013 « année internationale du quinoa ». L’organisation des Nations Unies ne tarit pas d’éloges sur cette « céréale de l’avenir », qui doit apporter « une contribution fondamentale dans la lutte de la communauté internationale contre la pauvreté et la faim ». Cet engouement s’explique par la richesse en protéines et en oligo-éléments d’une plante robuste, capable de pousser sur les hauts plateaux andins. Le Président bolivien Evo Morales vient d’ailleurs d’être nommé ambassadeur international de cet aliment. A tout seigneur tout honneur, puisque la Bolivie couvre plus de 70% des exportations mondiales du quinoa.

    Les organisations paysannes négocient les prix

    Le marché du quinoa explose depuis les années 1980 et la Bolivie en est le principal bénéficiaire. Entre 2002 et 2007, le pays a encore multiplié ses exportations par cinq. Les deux-tiers de la production partent ainsi à l’exportation, en grande partie pour satisfaire la demande occidentale. La moitié va aux Etats-Unis et un tiers vers l’Europe. Le positionnement bolivien vers l’exportation ne date pourtant pas de l’intérêt des pays occidentaux pour cette graine. Dès les années 1970, la Bolivie exporte vers le Perou qui absorbe encore aujourd’hui une partie importante de la production bolivienne. « Mais il est très difficile d’avoir des chiffres, la production partant au Pérou principalement en contrebande », estime Thierry Winkel, chercheur à l’IRD.

    L’appétit du Pérou, premier producteur mondial de quinoa, pour cette plante traditionnelle s’explique par la constance de la politique péruvienne en faveur des produits andins. Les qualités du quinoa du sud de l’altiplano bolivien, à gros grains très productifs, suscitent aussi l’intérêt pour cette variété parmi les nombreux quinoas cultivés dans les Andes. Diététique, bio et équitable, cette pseudo-céréale séduit aujourd’hui les consommateurs au Nord. Car le quinoa est bien un produit biologique, dans la mesure où les paysans andins n’utilisent pas de produits chimiques. Avec ou sans certification, le quinoa est aussi relativement équitable, explique Thierry Winkel. Fortes de leur quasi-monopole sur les marchés internationaux, les organisations paysannes boliviennes négocient leurs prix, qui peuvent ainsi doubler d’une année à l’autre selon la qualité des récoltes. Entre 2007 et 2008, le prix aux producteurs est par exemple passé de 890 à 2100 euros la tonne.

    Cultiver du quinoa ailleurs que dans les Andes

    Pour le chercheur, la population de la zone de production a indéniablement connu une importante amélioration de son niveau de vie. « La région a également profité d’un regain d’intérêt de la part des pouvoirs publics et des organismes internationaux ». Le revers de la médaille est la pression supplémentaire exercée sur le milieu. Les surfaces cultivées ont plus que quadruplé en 20 ans. L’extension des cultures dans les zones de plaines, plus exposées au gel, occasionne régulièrement des pertes importantes de récoltes. La monoculture de quinoa a par ailleurs favorisé le développement de parasites et a marginalisé l’élevage, pourtant nécessaire à la production d’engrais. L’augmentation des zones cultivées a également exacerbé les conflits fonciers sur les terres collectives.

    Quelles vont être les conséquences du regain d’intérêt des marchés internationaux ? Evo Morales a déclaré le doublement de la surface nationale de quinoa en 2013. Dans un premier temps, les producteurs boliviens vont donc continuer de voir la demande augmenter. A terme, le succès de leur plante pourrait cependant les disqualifier. En effet, depuis 20 ans la recherche agronomique s’intéresse à cette culture et cherche à l’adapter à d’autres milieux. Sa capacité à pousser sur des sols pauvres et sa résistance à la sècheresse en font une alliée toute trouvée pour l’adaptation au changement climatique. Mais cette plante s’accommode assez mal à nos latitudes. Les plantations pilotes conduites ces dernières années dans le Val de Loire souffrent de l’excès d’humidité et des variations de durée d’ensoleillement journalier inexistantes sous les tropiques.

    Les cultivateurs andins préfèrent leurs semences à celles des sélectionneurs

    En attendant de trouver la clé, les sélectionneurs occidentaux puisent dans les ressources génétiques des quinoas andins. En parallèle, ils travaillent à des améliorations variétales sur l’altiplano, sans que les producteurs locaux soient très concernés par leurs recherches. Une recherche universitaire conclut en effet que la sélection s’oriente en priorité vers la satisfaction des demandes du marché international et non vers des réponses aux problèmes des producteurs. Ces derniers sont d’ailleurs peu intéressés par les semences certifiées. « La très grande majorité des semences utilisées pour la production de quinoa proviennent d’un processus complexe de sélection, stockage, échange et même vente des semences issues de la récolte des agriculteurs », conclut l’étude. Au final, « qui profitera des 5000 ans de sélection de quinoa dans les Andes ? », s’interroge Thierry Winkel.

    Magali Reinert
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