• TVA sur les pesticides

     

    Hausse de la TVA sur les phytosanitaires : une mesure plus politique qu'efficace

     16-01-2012



    istockphoto

    Après un revirement du gouvernement, la hausse de la TVA sur les produits phytosanitaires a finalement été votée dans le cadre de la loi de finances 2012. Mais tous les acteurs qu'ils soient utilisateurs ou écologistes regrettent un effet d'annonce peu efficace pour réellement diminuer la consommation de ces produits en France.

    Passée presque inaperçue avant les fêtes de fin d’année, la hausse de la TVA de 5,5 à 19,6% sur les produits phytosanitaires a été actée par le Sénat en novembre puis par l’Assemblée Nationale le 21 décembre. Une demande formulée de longue date par les organisations écologistes mais qui s’est longtemps heurtée à l’opposition du gouvernement. « Ce taux de TVA (à 5,5 ndlr) classe la France en seconde position des taux les plus bas d’Europe alors que la plupart des grands pays européens sont aux alentours de 19% », dénonçait François Veillerette, porte-parole de Générations Futures fin novembre suite au vote du Sénat. La France consomme pourtant près de 78 000 tonnes de matière active par an (chiffres 2008) se classant au premier rang européen et au 4eme rang mondial en termes de volume.

    Des agriculteurs peu touchés…

    Le gouvernement, d’abord opposé à l’amendement et qui souhaitait une hausse naturelle à 7%, a finalement poussé en dernière minute pour son adoption. Il la justifie par le fait que le taux de 5,5% « réduit le coût de la consommation finale de ces produits (par rapport au taux normal) et favorise donc leur consommation, qui est pourtant à l’origine de dommages environnementaux. ». Mais tous les acteurs concernés, qu’ils soient agriculteurs ou écologistes dénoncent une mesure essentiellement politique. D’un côté l’ORAMA -qui fédère les syndicats de producteurs de blé, de maïs, d’oléagineux et de protéagineux au sein de la FNSEA- regrette le fait que le gouvernement relaye « la propagande des écologistes » et dénonce une mesure qui n’aura que très peu d’impacts sur la consommation des agriculteurs car ceux-ci bénéficient presque tous d’une récupération de la TVA en fin d’année. Ils seront donc essentiellement touchés par un amortissement de cette hausse sur leur trésorerie de l’année. De l’autre, Générations Futures dresse le même constat. « Cette mesure est certes symbolique mais elle n’est pas suffisante », explique ainsi Nadine Lauvergeat. « Il y en a d’autres à prendre notamment sur la redevance pour pollution diffuse qui est actuellement excessivement basse et que nous aimerions voir augmenter de manière régulière ». Cette redevance, payée par tous les utilisateurs de ces produits est actuellement fixée entre environ 2 et 5€/kg de matière active selon sa dangerosité.

    …Et des particuliers qui payeront le prix fort

    Pour le gouvernement cependant « cette augmentation de la TVA constitue un signal important car le produit phytosanitaire n’est pas un produit neutre du point de vue de la santé. Je pense en particulier aux jardiniers amateurs qui parfois en usent et en abusent » a souligné Nathalie Kosciusko-Morizet sur France Inter le 2 janvier dernier. Mais une fois de plus l’argumentaire laissent les acteurs du secteur plus que sceptiques et ce sont peut-être même les  17 millions de particuliers jardiniers amateurs qui risquent d’être les grands perdants de l’affaire malgré le fait qu’ils ne consomment que 5% des volumes produits,  estime l’Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics (UPJ).

    Jacques My, directeur général de l’UPJ voit dans cette mesure l’occasion de récupérer des recettes supplémentaires en se cachant derrière l’argument environnement. «  Il aurait pourtant été facile de mettre en place une fiscalité incitative taxant plus les produits de synthèse utilisés en agriculture qui sont globalement plus impactants que les produits utilisés par les particuliers. ». En effet, les produits utilisables par les jardiniers amateurs portent la mention EAJ (emploi autorisé dans les jardins) excluant certains produits jugés trop toxiques.

    Aucune distinction entre produits naturels et  de synthèse

    Mais la mesure est d’autant plus critiquée qu’elle ne différencie pas non plus les produits d’origine naturelle, de plus en plus plébiscités par les jardiniers amateurs. Ces produits, le plus souvent classés UAB (utilisable en agriculture bio) représentent près de 20% du marché d’après l’UPJ et sont en progression. « Traiter de la même façon les produits UAB et les produits conventionnels est contraire au Grenelle 2 », s’insurge Stéphane d’Halluin, directeur développement durable de la jardinerie Botanic. « Si on favorisait ces produits naturels, peut-être que les industriels seraient plus motivés pour les développer », ajoute-t-il, même s’il reste assez pessimiste sur la suite des évènements. Le gouvernement ne semble en effet pas avoir l’intention de revenir en arrière.

    Qui profitera des 15 millions d’euros collectés ?

    Mais il subsiste une inconnue : à quoi servira ensuite l’argent collecté ? D’après la ministre du Budget, Valérie Pécresse, cela pourrait rapporter 15 millions d’euros. Le 21 décembre à l’Assemblée Nationale, Nathalie Kosciusko-Morizet a évoqué la création d’un fonds pour la biodiversité doté de 30 millions d’euros qui serait en partie abondé par les recettes de cette hausse de TVA mais rien n’est confirmé à l’heure actuelle. Et le ministère de l’Ecologie avoue ne pas en savoir davantage. « On n’y croit pas vraiment, il s’agit juste d’un effet d’annonce politique » se désole Jacques My. « Il serait plus logique que l’argent collecté aille vers des mesures pour des agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques durables », insiste Nadine Lauvergeat. Quant au plan Ecophyto 2018, issu du Grenelle, qui vise à réduire « si possible » de 50% l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici à 2018, il ne devrait pas, lui non plus, bénéficier de l’argent collecté.

      Pauline Rey-Brahmi    © 2012 Novethic - Tous droits réservés 


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