• Leçons du Bangladesh?

      Bangladesh: les multinationales face à leur responsabilité sociale

    Depuis plusieurs années, les entreprises étrangères ont tenté de trouver des solutions pour améliorer les conditions de travail sur place, sans toutefois empêcher de nouvelles catastrophes.

    [Mise à jour du 14 mai 2013: Plusieurs grandes marques de vêtements, parmi lesquelles H&M, Zara, C&A, Tesco et Primark, ont signé un accord pour améliorer la sécurité des usines textiles au Bangladesh. Cet accord doit mettre en place des programmes d'inspection de la sécurité incendie, et de contrôle des bâtiments.]

    > Cet article a initialement été publié dans la Lettre professionnelle “Tendances de l’innovation sociétale” N°57 du 7 mai 2013.

    C’est le pire drame industriel qu’ait connu le pays. Mercredi 24 avril, l’immeuble du Rana Plaza, en banlieue de Dacca au Bangladesh, s’est effondré, faisant au moins 1125 morts et des milliers de blessés, selon le dernier bilan. Un accident qui fait écho à l’incendie de l’usine Tazreen Fashion en novembre 2012 et à une multitude d’événements moins médiatiques: depuis 2005, au moins 700 ouvriers et ouvrières ont péri dans des incendies, des effondrements d’usines ou des explosions, d’après l’association Peuples solidaires (chiffres mars 2013).

    Jusqu’ici, seules les marques Bon Marché, El Corte Ingles, Primark, Mango et Joe Fresh ont confirmé leurs relations avec les ateliers du Rana Plaza, selon l’ONG basée à Amsterdam Clean Clothes Campaign. D'autres entreprises telles que Carrefour pour sa marque Tex, Benetton, Cato Fashions, et Children’s Place ont démenti travailler avec ces fournisseurs, malgré des éléments de preuves retrouvés sur place.

    24 centimes d’euro pour une heure de travail

    Avec un salaire horaire de 24 centimes d’euro, le Bangladesh est l’un des pays où la main d’œuvre est la moins chère au monde. C’est le plus grand exportateur de vêtements après la Chine. Environ 3,6 millions de Bangladais travaillent dans ce secteur.

    Mais les conditions de travail et de sécurité restent précaires et les pouvoirs publics peinent à contrôler l’état des usines.
    De leur côté, les marques mènent pour la plupart leurs propres contrôles, mais ces derniers ne prennent pas forcément en compte l’état des infrastructures.

    La Business Social Compliance Initiative (BSCI), qui mène des audits sociaux pour le compte de plus de 1000 entreprises, avait ainsi contrôlé deux usines de confection du Rana Plaza. Mais elle admet se concentrer sur "la surveillance et l’amélioration des conditions de travail dans les usines et s’appuie sur les autorités locales pour s’assurer que la construction et les infrastructures sont sans danger".

    Des entreprises qui ne publient pas la liste de leurs fournisseurs

    La plupart des marques qui mènent des audits sont également confrontées à des cas de sous-traitance illégale, lorsque le fournisseur fait fabriquer des pièces à l’insu de son donneur d’ordre. "Les entreprises ne sont pas obligées de publier la liste de leurs fournisseurs. Difficile dans ces conditions de savoir s’il s’agit de cas de sous-traitance illégale ignorés par les entreprises ou si celles-ci traitent avec des usines dangereuses en connaissance de cause", explique Dorothée Kellou, chargée de mission à Peuples solidaires, membre du collectif Ethique sur l'étiquette.

    A cet égard, certaines marques font davantage preuve de transparence que d’autres. H&M est ainsi l’une des rares entreprises à avoir rendu publique la liste de ses fournisseurs dans son dernier rapport RSE. Cette liste, qui couvre 95% de sa production, détaille avec leur permission le nom et les adresses de 785 fournisseurs, dont 166 au Bangladesh.

    Le groupe suédois, dont certaines usines ont déjà subi des incendies, est en effet le plus grand acheteur d’habits du pays. Son directeur général, Karl-Johan Persson, a rencontré Sheikh Hasina, Premier ministre du Bangladesh à l’automne dernier pour demander au gouvernement d’augmenter le salaire minimum. H&M a aussi annoncé qu’elle mettrait sur pied des “usines modèles” avec ses meilleurs fournisseurs, irréprochables sur le plan social et environnemental.

    Quelles initiatives pour la sécurité ?

    Les grandes marques occidentales ont également mené des initiatives pour améliorer la sécurité dans les ateliers de confection. En avril dernier, le géant américain de la distribution Walmart a annoncé avoir financé à hauteur de 1,6 million de dollars l’ONG Institute of Sustainable Communities, pour mettre en place une école afin de former les managers d’usine.

    En parallèle, le groupe a aussi introduit des audits plus stricts sur la sécurité incendie et une politique de "tolérance zéro", à l’égard de ses partenaires commerciaux ayant recours à des usines non autorisées. En octobre dernier, Gap avait pour sa part annoncé un plan anti-incendie, qui incluait l’embauche d’un inspecteur chargé de veiller au respect des normes incendie auprès des fournisseurs bangladais et la mobilisation de 20 millions de dollars pour contribuer à la mise aux normes des usines.

    Après le drame du Rana Plaza, la Clean Clothes Campaign demande aujourd’hui à l’industrie du prêt-à-porter de se joindre à l’accord sur la sécurité dans les usines. Ce plan d’actions concrètes, développé par des ONG internationales et locales, prévoit notamment de substituer aux rares inspections gouvernementales des contrôles indépendants dans les usines, dont les rapports seraient publics, des formations pour les travailleurs et l’obligation de mise aux normes des usines.

    Les audits, mutualisés, seraient financés par les entreprises à hauteur de 500.000 dollars (384.000 euros) par an. Cette proposition n’est pas nouvelle: elle avait été mise sur la table à Dacca en 2011, lors d’une réunion rassemblant plus de 12 grands groupes dont Walmart, Gap et H&M, qui l’avaient rejetée au motif qu’elle était trop contraignante et coûteuse. Le groupe PVH (Calvin Klein et Tommy Hilfiger) et la chaîne allemande Tchibo ont finalement décidé de s’y associer, mais il manque encore deux compagnies pour atteindre la taille nécessaire à sa mise en œuvre.

    Crédit photo: Fanny Roux.


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