• Taxation sur les dépôts bancaires à Chypre

      Chypre : une taxation sur les dépôts bancaires est bienvenue et salutaire

    Modifié le 19-03-2013
     

    Avatar de Henri SterdyniakPar Economiste à l'OFCE (Nouvel Obs )

    LE PLUS. Le 16 mars, l'Eurogroupe, la BCE et le FMI se sont mis d'accord sur un plan de sauvetage de 10 milliards d'euros pour Chypre. En échange, les dépôts bancaires devront être taxés. Après les protestations des petits épargnants, les dépôts inférieurs à 20.000 euros pourraient être exonérés. Mais taxer les dépôts n'a-t-il pas du bon ? Réponse de Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE.

    Édité par Daphnée Leportois Auteur parrainé par Céline Hussonnois Alaya

    Panneau de protestation à Nicosie, la capitale chypriote, le 18 mars 2013, alors que le Parlement était censé adopter une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires (P.KARADJIAS/SIPA).

    Le 18 mars 2013, le Parlement chypriote était censé adopter une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires (P.KARADJIAS/SIPA).

    Une fois de plus, les derniers développements de la crise montrent comment l’organisation de la zone euro est déficiente. Chaque trimestre, pratiquement, il faut sauver la zone euro, mais chaque sauvetage rend encore plus fragile l’édifice.

    Libre circulation (et blanchiment) des capitaux

    Jamais Chypre n’aurait due être acceptée dans la zone. Chypre est un paradis fiscal et réglementaire, qui n’impose les entreprises qu’au taux de 10% ; le bilan de son système bancaire hypertrophié représente près de 8 fois son PIB de 18 milliards d’euros.

    En fait, Chypre sert de lieu de transit et de blanchiment des capitaux russes : les banques chypriotes auraient pour environ 20 milliards de dépôts en provenance de la Russie, s’y ajoute 12 milliards de dépôts de banques russes. Ces fonds sont souvent réinvestis en Russie : Chypre est le deuxième investisseur en Russie, pour environ 13 milliards d’euros par an. Ainsi, en transitant par Chypre, certains capitaux russes sont blanchis et sécurisés sur le plan juridique. Comme l’Europe est très attachée au principe de libre circulation des capitaux, elle a laissé faire.

    Système bancaire surdimensionné

    Ce système bancaire surdimensionné a perdu beaucoup d'argent en ayant investi dans la dette publique grecque ou en accordant des prêts à des entreprises grecques, incapables de rembourser en raison de la crise ; il a favorisée une bulle immobilière qui a implosé, lui imposant de nouvelles pertes.

    Le système bancaire est en difficulté, donc les marchés ont spéculé contre la dette publique chypriote, les taux d'intérêt ont grimpé, le pays est rentré en récession, le déficit public s'est creusé. En 2012, la croissance a été négative (-2,5%), le taux de chômage a atteint 12%, le déficit public était de 5,5% du PIB, la dette publique de 87% du PIB et le déficit extérieur a atteint 6% du PIB.

    Indispensable harmonisation fiscale

    Le pays a besoin d’une aide à la fois pour se financer et pour recapitaliser ses banques. Chypre a demandé 17 milliards d’aide, soit l’équivalent de son PIB annuel. Bien sûr, Chypre devra se soumettre aux exigences de la Troïka, baisser de 15% les salaires de ses fonctionnaires, baisser de 10% sa protection sociale (retraites, prestations familiales). C’est le cinquième pays en Europe qui sera géré par la Troïka.

    Elle devra faire passer son taux de l’impôt sur les sociétés de 10 à 12,5%, ce qui est peu, mais l’Europe ne pouvait imposer à Chypre de faire plus que l’Irlande. Elle devra augmenter le taux d’imposition des intérêts. Ceci va timidement dans la direction de l’indispensable harmonisation fiscale.

    S'en prendre aux dépôts, une première

    Mais quid des banques ? Les pays européens se sont trouvés devant un choix cornélien : aider Chypre à sauver son système bancaire revenait à sauver les fonds russe avec l’argent du contribuable européen et montrait que l’Europe couvrait toutes les dérives des États-membres, ce qui aurait encore jeté de l’huile sur le feu en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas ; demander à Chypre de recapitaliser lui-même ses banques faisait passer sa dette à plus de 150% du PIB, un niveau insoutenable.

    La solution choisie samedi 16 mars – faire payer les déposants pour 6 milliards d’euros – permet de mettre à contribution les non-résidents qui ont placé de l’argent à Chypre. L’Europe n’a pas voulu traiter différemment les dépôts des Chypriotes, craignant la fragilité juridique d’une telle disposition. L’avantage est de mettre fin au statut de place financière non réglementée de Chypre.

    C’est un précédent salutaire qui découragera les placements transfrontaliers. Il est légitime que les détenteurs de gros dépôts rémunérés à des taux d’intérêt élevés soient mis à contribution.

    Faire payer les créanciers des banques

    En même temps, s’en prendre aux dépôts est une première, d’autant plus que l’Europe cherche à mettre en place une Union bancaire qui garantirait 100.000 euros par déposant. Bien sûr, l’Europe affirme que c’est une décision exceptionnelle, mais le risque est que les déposants espagnols ou grecs s’inquiètent du précédent ainsi créé.

    Il serait sage de limiter la ponction aux dépôts supérieurs à 100.000 euros. Ceci fait, l’Europe aura pris la bonne décision : faire payer les créanciers des banques, et pas seulement les peuples. Il faudra que, dans la future Union bancaire, soient clairement distingués les dépôts garantis par l’argent public (qui devront être rémunérés à des taux limités, qui ne devront pas être placés sur les marchés financiers) et les autres.


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