• Comptes de la Cour des Comptes

    Cour des comptes : Noyer a joué et perdu. La France aussi

    Emmanuel Lévy - Marianne | Vendredi 10 Février 2012 

    Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes pilone la gestion de la Banque de France.
    Vente de l'or au mauvais moment, achat de titres spéculatifs, Christian Noyer est en premiére ligne.
    Par ricochet, Nicolas Sarkozy, promoteur en 2004 de la cession de l'or de la BdF, est également accroché.
    Christian Noyer, gouverneur de la BdF, se défend en tapant a son tour sur la gestion de la Cour. Du jamais vu

    C’est une lourde pierre dans le jardin du gouverneur de la banque de France que la Cour des comptes a lancé. Dans leur rapport public annuel rendu ce mercredi 8 février, les magistrats de la rue Cambon se sont penchés sur le programme de cession du stock d’or de l’institut. Et leur conclusion est radicale : l’opération s’est traduite par un appauvrissement de la Banque de France de 10 milliards d’euros. Nicolas Sarkozy est également indirectement visé. Le président, alors ministre de l’économie en 2004 donne l’ordre au gouverneur de s’engager sur cette voix. Objectif : faire du rendement pour l’Etat qui reçoit les dividendes de la Banque de France, mais aussi permettre à l’institut de financer ses lourdes charges.


    Certes, avec l’envolée du métal précieux, la vente de 589 tonnes d’or a généré une montagne d’euros de plus-values : une dizaine de milliards d’euros. Mais c’est justement ce que critique la Cour : l’accord cadre entre l’Etat et la Banque de France indiquait que « le rythme de mise en œuvre du programme de vent » était laissé à l’appréciation du gouverneur de la BdF. A lui d’en juger l’opportunité « en particulier au vu de l'évolution des cours observés sur le marché de l'or. »

    Or précisément, note le rapport dans une note de bas de page : « Le cours de l’once d’or qui s’établissait à 438 $ à la fin de l’année 2004, s’élevait à 104 $ à la fin de 2009, au moment de la fin du programme. Il se situait à près de 1 600 $ fin 2011. » Cruel pour la jugeote de Christian Noyer. Lequel se défend dans sa réponse adressée à la Cour : « (les ventes) ont été décidées d'un commun accord avec l'État, effectuées à un cours moyen qui était historiquement très satisfaisant - notamment en ce qui concerne la dernière tranche - et supérieur à celui des autres banques centrales (…) elles ont permis de générer des revenus importants qui ont été versés à l'État.. » L’argument est à double tranchant.

    Vendre de l'or pour acheter de la livre sterling: transformer l'or en plomb

    Cour des comptes : Noyer a joué et perdu. La France aussi

    Premièrement, le gouverneur y explique que le programme s’est achevé selon un cours moyen de cession supérieur à celui des autres banques centrales. Et pour cause, comme le montre le graphique, les autres banques centrales « les ont interrompus plus tôt (Belgique en 2005, le Portugal en 2006, l’Autriche et l’Espagne en 2007)», note le rapport. Ce que les autres gouverneurs de banques centrales ont vu, autrement dit des conditions économiques propices à la hausse sans fin de l’or, le gouverneur de la BdF, lui, ne l’aurait pas identifié…

    Mais les magistrats continuent de pointer cruellement la gestion de la BdF. Car ce bon or a été transformé en plomb. Une partie importante de l’argent dégagé a été investit en….livre sterling. « C’est absurde d’opérer de tels investissements après aout 2007 et le déclenchement de la crise des subprime. L’or devient une valeur refuge, tandis que la livre hors de la zone euro peut a tout moment être dévaluée », s’énerve-t-on à la Cour.

    La Banque de France plus Groupama que Scor

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    L’apprenti spéculateur a également voulu faire comme dans les banques privées qui jouent sur les marchés : faire du rendement. Alors que la Scor, ou encore la Caisse des dépôts ont renonçé à acheter des dettes risquées (celles de la Gréce ont été dévaluées de 50% de leur valeur) la Banque de France s’en est elle, au contraire, gavée tout comme Groupama. Ainsi, 44% des 54 milliards d’euros de titres de dettes d’Etat ont-ils été placés sur des valeurs à risque comme la Grèce.

    C'est peu dire que Christian Noyer n'a pas apprécié le rapport de la Cour des comptes. Et pour sa défense, le gouverneur répond en deux points

    Le premier par l'attaque. Invité ce matin de Jean-Pierre Elkabbach, il a, chose inahbituelle, remis en cause la gestion de la Cour des comptes elle-même. Au micro d'Europe 1, le gouverneur s'est inquiété de ce que « La cour des comptes ne baisse pas ses effectifs (et) que ses charges de personnels ont augmenté de 10% en 3 ans.»

    Enfin, le gouverneur mouille le pouvoir : Christian Noyer indique clairement que les dernières ventes, tardives au regard de la courbe de hausse de l’or, ont été faite en « accord avec l’Etat », permettant de lui verser « des revenus importants ». Bref que la BdF a répondu à une injonction pour soutenir les recettes de Bercy.

    Problème : les 589 tonnes or vendues par la BdF valent aujourd’hui près de 20 milliards. Le double de ce que la Banque a encaissé en les vendant. 

    Merci qui ? 


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