• Zone euro : éclatement ou fédération ( Michel Aglietta )

     

    2012, 187 p., 15 euros.

    L'accord européen du 9 décembre 2011 introduit un début de gouvernance commune mais reste prisonnier d'un carcan de règles sans véritable action collective. Cet accord ne trace pas la voie d'une sortie de la crise par la croissance. Car la dérive des finances publiques traduit une crise beaucoup plus profonde, qui trouve son origine dans les choix opérés lors de la création de la monnaie unique. Incapable de contrer la polarisation des économies entre un centre industriel toujours plus compétitif et une périphérie dopée au crédit, la zone euro reste minée par les divergences politiques sur la finalité de la construction européenne. L'avenir de l'euro demeure incertain.

    Partant d'une analyse sans concession des erreurs qui ont abouti à la panique actuelle, Michel Aglietta ouvre le débat : comment sortir de cette spirale descendante ? Car il n'est pas possible de consolider les dettes sans se créer un avenir commun. La voie de la croissance reste ouverte. Mais elle exige des choix forts.
      
    Michel Aglietta est professeur de sciences économiques à l'université de Paris Ouest Nanterre et conseiller scientifique au CEPII et à Groupama-Asset management. Il a publié, chez le même éditeur,
      -La Crise (2008), qui a obtenu le prix de l'Excellence économique. 
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    Dans un style direct et tranchant, Michel Aglietta décortique les ressorts économiques profonds de la crise européenne, dénonce les erreurs de ses dirigeants actuels et propose des voies de sortie innovantes. Malheureusement pour le Vieux Continent, celles-ci sont à des milliers de kilomètres du consensus politique actuel. En conséquence, l'année 2012 risque de rester dans l'histoire comme celle où la zone euro a éclaté.

    Mauvais diagnostic

    Sous l'impulsion de l'Allemagne, relayée par la France, le diagnostic de la crise fait par les dirigeants européens est celui d'un laxisme budgétaire qui doit être combattu par des règles instituant une rigueur des comptes publics. Faux, rétorque Michel Aglietta, avec les mêmes arguments que ceux de Standard & Poor's pour dégrader les pays européens ! La création de la zone euro a suscité deux mouvements complémentaires : une divergence des économies dû à une polarisation accrue des activités économiques au détriment de la compétitivité du Sud, et une convergence des taux d'intérêt vers les bas niveaux allemands qui, associée à l'absence de régulation, a suscité une bulle financière dont la gestion a contribué à plomber les budgets des Etats.

    La solution est donc claire : il faut réguler la finance (thème abordé dans le dernier chapitre), redonner de la compétitivité au Sud autrement que par l'effondrement des salaires, source de récession, et mettre en oeuvre un mix de politique monétaire et de politique budgétaire européennes procroissance.

    Mauvais remèdes

    Malheureusement, les dirigeants politiques européens n'ont pas choisi cette voie. La Banque centrale européenne (BCE) reste une institution hors sol, qui ne doit pas parler aux Etats, ne surtout pas les aider et qui fait de la monnaie unique une monnaie externe pour tous les pays de la zone. Il n'y a pas non plus de politique budgétaire européenne. Et on demande à la Grèce et aux autres pays en difficulté de s'enfoncer dans la récession, ce qui, loin de rassurer les marchés, les fait plonger. Combien de temps reste-t-il avant qu'une révolte sociale ne ramène au pouvoir à Athènes une droite populiste qui sortira unilatéralement le pays de la zone euro et fera éclater celle-ci ?

    Les Européens devraient organiser un plan Marshall pour la Grèce afin de doper sa compétitivité en y finançant de l'investissement. D'une manière générale, un scénario de sortie de crise par le haut est possible, explique Michel Aglietta. Avec une BCE ayant pour objectif des taux d'intérêt à long terme bas, des politiques budgétaires définies sur plusieurs années et orientées vers la croissance sur le cycle, avec possibilité d'une règle d'or si elle exclut les dépenses d'investissement public. Et enfin, une politique industrielle environnementale à l'échelle européenne.

    L'environnement est désormais la clé des innovations de demain, celles qui peuvent lancer une nouvelle phase de transformation des économies après plusieurs décennies de crises. Il peut accoucher d'un nouveau régime de croissance. Michel Aglietta détaille les conditions financières qui rendraient possible cette relance de l'économie européenne, avec un Fonds vert dont le capital serait nourri par une taxe carbone européenne et une taxe sur les transactions financières, ce qui lui donnerait une base pour emprunter et de quoi payer une nouvelle jeunesse au Vieux Continent. Mais nos dirigeants sont loin de tout cela. On dit que l'Europe s'est construite par ses crises. Encore faut-il que ses leaders soient à la hauteur pour en saisir l'opportunité. Ça paraît mal parti.

    Christian Chavagneux 
    Alternatives Economiques n° 310 - février 2012

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