•   SYRIE. Human Rights Watch dénonce "l’archipel de la torture"

    Créé le 03-07-2012
    L'ONG révèle non seulement l'emplacement précis des centres de tortures, mais aussi les noms de leurs responsables.

    Le rapport de Human Rights Watch confirme que la torture est utilisée de manière quasi-systématique dans les geôles syriennes. (Human Rights Watch)

    Le rapport de Human Rights Watch confirme que la torture est utilisée de manière quasi-systématique dans les geôles syriennes. (Human Rights Watch)
     

    Bachar al-Assad n'aurait pas intérêt à tomber entre les mains de la CPI. Human Rights Watch a publié mardi 3 juillet un rapport sur la pratique de la torture dans les geôles syriennes. Ce document de 78 pages confirme la pratique quasi-systématique de la torture dans les prisons syriennes. Mais il révèle surtout, et c’est une première, les emplacements des centres de détention et les noms des responsables des actes de tortures. Les recherches de l’organisation prouvent que les principales agences gouvernementales sont impliquées.

    Le rapport est intitulé "L’archipel de la torture : arrestations arbitraires, torture et disparitions forcées dans les prisons souterraines syriennes depuis mai 2011". L'ONG, basée à New-York, a fondé son rapport sur plus de 200 entretiens qu’elle a menés depuis le début des manifestations antigouvernementales en mars 2011. Manifestations qui sont violemment réprimées par les autorités depuis près de 15 mois.

    Les agences gouvernementales mises en cause

    D’anciens détenus et transfuges ont indiqué de manière très précise sur des cartes satellites l’emplacement des locaux dans lesquels ils ont été torturés, ainsi que les méthodes utilisées, et surtout, les agences gouvernementales impliquées et le nom des responsables de ces lieux de détention.

    Les 27 centres cités dans le rapport sont ceux pour lesquels de nombreux témoins ont indiqué le même emplacement. L’ONG précise que "le nombre de centres de détention utilisés par les services de renseignement est probablement beaucoup plus élevé".

    Les recherches de Human Rights Watch montrent que les locaux dans lesquels les tortionnaires infligent les pires sévices aux prisonniers sont ceux dirigés par les quatre principaux services de renseignement du pays : le service des renseignements militaires, la direction de la sécurité politique, la direction des renseignements généraux et la direction des renseignements aériens. Ces agences disposent d'annexes dans la capitale syrienne, mais aussi dans d’autres villes du pays.

    Les services de renseignement dirigent un archipel de centres de torture disséminés dans tout le pays", assure Ole Solvang, chercheur auprès de la division Urgences à Human Rights Watch. "En publiant le nom des emplacements, en décrivant les méthodes de torture, et en identifiant les responsables, nous avertissons les personnes en charge de ces actes qu'elles auront à répondre de ces horribles crimes."

    Carte interactive des centres de torture localisés par d'anciens prisonniers et fournie par Human Rights Watch.

     

    Crime contre l’humanité

    "Dulab" ou technique du pneu, technique de torture. Croquis réalisé par un dessinateur syrien à la demande de Human rights Watch.

    Pour l’ONG, la récurrence de ces actes de torture avérés dans des centres gérés par le pouvoir syrien prouve qu’il existe "une politique d’Etat de mauvais traitement et de torture, ce qui constitue par conséquent un crime contre l’humanité".

    En effet, en vertu du droit international, outre les individus qui se sont rendus coupables de crime contre l’humanité, ceux qui ont donné les ordres, leurs supérieurs hiérarchiques et ceux qui ont eu, ou auraient dû, avoir eu connaissance des faits, sont également passibles de lourdes sanctions. Human Rights Watch demande au Conseil de sécurite des Nations Unies de saisir la Cour pénale internationale (CPI) pour "adopter des sanctions ciblées contre les fonctionnaires impliqués de source fiable dans les exactions". Ces sanctions pourraient atteindre jusqu’au chef de l’Etat syrien, Bachar al-Assad.

    Une telle responsabilité de commandement ne s'appliquerait pas seulement aux fonctionnaires en charge de la supervision des centres de détention, mais aussi aux responsables des services de renseignement, aux membres du gouvernement et au chef de l'État, le président Bachar al-Assad", assure l’ONG.

    Blocage

    La Syrie n’ayant pas ratifié le document qui a créé la CPI, seul le Conseil de sécurité des Nations Unies peut adopter une résolution qui permettrait ensuite de porter la question syrienne devant la Cour pénale internationale. Human Rights Watch précise que "la Russie et la Chine ont précédemment bloqué les efforts du Conseil de sécurité visant à obtenir l’obligation de rendre des comptes".

    La portée et le degré d'inhumanité dont ce réseau de centres de torture fait preuve sont tout simplement atroces. La Russie ne devrait pas tendre une main protectrice en direction des personnes qui sont responsables de telles atrocités", condamne Ole Solvang.

    Lundi 2 juillet, l’Observatoire syrien des droits de l’homme avait fait état de la mort d’au moins 78 personnes, dont 44 civils pour la seule journée de lundi. Selon l’organisation basée à Londres, au moins 11.486 civils, 4.151 membres des forces régulières et 870 déserteurs ont été tués depuis le début du conflit, en mars 2011.

    Julie Guérineau - Le Nouvel Observateur


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  •    Evasion fiscale : les soupçons se renforcent autour d’UBS

    François Krug | Journaliste Rue89
     

    La banque UBS a-t-elle organisé un système d’évasion fiscale entre la France et la Suisse ? L’enquête s’accélère.

     


    Les bureaux de la banque UBS à Zurich (Twicepix/Wikimedia Commons/CC)

    La banque UBS a-t-elle organisé un système d’évasion fiscale entre sa filiale française et sa maison-mère suisse ? L’enquête judiciaire semble s’accélérer, avec plusieurs gardes à vue. Et le tribunal des prud’hommes vient de donner raison à un cadre licencié, dans un jugement sévère dénonçant une « recherche de l’opacité ».

    Comme l’avait raconté Rue89 en mars 2011, UBS est suspecté d’avoir mis en place une double comptabilité, destinée à masquer certains mouvements de capitaux entre la France et la Suisse, et d’avoir permis à ses commerciaux suisses de démarcher des clients sur le territoire français. En totale violation de la loi.

    Une cliente nommée Liliane Bettencourt

    Le dossier est d’autant plus sensible qu’UBS comptait dans sa clientèle de nombreux VIP, dont une certaine Liliane Bettencourt. L’enquête sur l’éventuel financement illicite de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 a justement fait apparaître d’étranges mouvements sur les comptes suisses de la milliardaire.

    L’affaire n’a d’abord intéressé que les prud’hommes et l’inspection du travail, saisis par des cadres licenciés pour avoir, selon eux, été trop curieux. Elle a été relancée au printemps avec la parution de « Ces 600 milliards qui manquent à la France », une enquête très fouillée d’Antoine Peillon, journaliste à La Croix.

    La justice, elle, a décidé d’accélérer. Selon nos informations, au moins un ancien cadre et trois salariés actuels d’UBS France ont été placés en garde à vue et entendus par la douane cette semaine, à Strasbourg et à Lyon. L’enquête préliminaire avait été ouverte en 2010, et un juge d’instruction avait été nommé ce printemps.

    Le dossier intéresse aussi de près les sénateurs de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale. Ceux-ci avaient attiré les caméras la semaine dernière en convoquant Yannick Noah et Guy Forget. Plus discrètement, selon nos informations, le rapporteur de la commission, le communiste Eric Bocquet, a entendu trois anciens cadres d’UBS France.

    Double comptabilité

    Mais c’est le tribunal des prud’hommes de Paris qui a été le premier, le 19 juin, à dénoncer ouvertement des pratiques de dissimulation pouvant confirmer les soupçons. Il avait été saisi par un ancien contrôleur interne d’UBS France, licencié pour faute grave. Son jugement, que Rue89 s’est procuré, est sévère pour la banque.

    C’est la comptabilité d’UBS qui a valu à ce contrôleur interne d’être licencié. Sa faute ? S’être montré trop curieux sur ce qu’on appelait, à l’intérieur de la banque, le « carnet du lait ». Une référence au carnet utilisé par les producteurs de lait suisses pour tenir leurs comptes.

    En juin 2007, ce cadre se lance dans un audit du contrôle de gestion d’UBS France. Il s’étonne vite du montant des commissions reversées aux commerciaux, et calculées à partir de leur chiffres d’affaires : les chiffres ne collent pas.


    Extrait du jugement des prud’hommes contre UBS

    Selon lui, une double comptabilité a été mise en place pour calculer les commissions. Une « affectation directe », correspondant au chiffre d’affaires enregistré officiellement par UBS France, et « un système de compensation », prenant en compte les sommes transférées en Suisse et devant rester masquées – le fameux « carnet du lait ».

    Le contrôleur interne rédige donc un rapport détaillant ses découvertes. Le jugement du tribunal des prud’hommes explique :

    « [Il] ne manquait pas de s’étonner, à juste titre, de cette double pratique et des motifs du recours à un système de compensation.

    [...] Dans la version finalement diffusée du rapport d’audit, n’apparaît plus de façon précise la phrase les pourcentages de fonds placés dévolus respectivement à l’affectation directe et au système de compensation. [Il] indique que cette suppression avait été exigée par sa hiérarchie [...]. »

    Consigne : « être imprévisible »

    L’insistance du contrôleur de gestion conduira à son licenciement pour faute grave, en novembre 2009. Dans un courrier cité dans le jugement, la direction d’UBS l’accuse d’arrières-pensées financières :

    « Vos accusations injustifiées et réitérées ne sont pas tolérables de la part d’un collaborateur de votre niveau de responsabilités. Il est clairement établi aujourd’hui qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie visant à faire pression sur la banque pour obtenir la satisfaction de vos revendications. »


    Extrait du jugement des prud’hommes contre UBS

    Sauf que, comme le note le tribunal des prud’hommes, de nombreux documents internes semblent confirmer ses accusations. Comme des échanges d’e-mails, évoquant les activités de commerciaux suisses en France, en théorie interdites.

    Ou comme les conseils de prudence prodigués lors d’une formation en Suisse, que Rue89 avait déjà évoqués. Les commerciaux y avaient appris comment protéger les « données sensibles » et déjouer la surveillance, en se montrant « aussi imprévisible que possible » : « Changez de restaurants, de compagnies de taxi, de lieux de rendez-vous avec les clients... »

    Surtout, ce contrôleur interne n’était pas le seul à lancer ces accusations. Le directeur de l’agence d’UBS à Cannes a renoncé à poursuivre la banque, après une transaction financière. Son collègue de Strasbourg, lui, l’a emporté aux prud’hommes. Et selon nos informations, au moins trois autres dossiers d’anciens salariés sont en cours d’examen.

    Ce jugement est pourtant le premier à souligner des « pratiques peu transparentes » et une « recherche de l’opacité » chez UBS. Et à suggérer ouvertement, au-delà d’un licenciement injustifié, l’existence d’un système d’évasion fiscale. Il conclut :

    « L’ensemble des éléments qui précèdent suffit à considérer que la SA UBS France ne démontre pas que les accusations réitérées dans divers écrits par M. [X] à l’égard de son employeur d’avoir organisé “un système d’aide à l’évasion fiscale et à la fraude fiscale internationale” seraient infondées. »

    Lorsqu’ils ont rendu ce jugement, les prud’hommes ignoraient encore qu’une information judiciaire visant UBS France serait ouverte. Ni que le Sénat lui-même en viendrait à s’intéresser à ce qui n’était en apparence, au départ, qu’une série de conflits banals entre un employeur et ses anciens salariés.


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  •   Drogue, Pétrole, Immigration: le pacte du diable entre les Etats-Unis et le Mexique

    Rédigé par Stephane Trano le Jeudi 28 Juin 2012 à 19:54 (Marianne 2)

    70 000 morts et disparus en 6 ans. Corruption généralisée, guerre des cartels de la drogue, l'effondrement de la société mexicaine se produit à l'ombre d'un mur immense derrière lequel les Etats-Unis défendent leurs seuls intérêts. A la veille du retour probable d'une dictature vieille de 100 ans, le Mexique est trop lucratif pour que ses "amis" se préoccupent d'une population à genoux. Mais la jeunesse du pays, à l'instar du mouvement YoSoy132, se révolte et espère donner naissance à un "Eté mexicain".    

    Le Mexique a combattu aux côtés des pays alliés durant la Seconde guerre mondiale, participé à l'action militaire contre le Japon et au débarquement du 6 Juin 1944 en Normandie, batti une société laïc et rayonné culturellement dans le monde entier. Pourtant, et ce n'est pas la moindre des anomalies qui frappent ce pays telle une malédiction, il figure parmi les pays du monde sur lesquels règne une omerta sinistre. Le motif en est simple: il est la 11ème puissance mondiale et ses cinq premiers pays investisseurs sont les Etats-Unis, l'Espagne, le Canada, les Pays-Bas et la Suisse. Un mot-clé: le pétrole. De quoi faire taire bon nombre de ses amis sur une situation politique et sociale trop embarrassante. Vu des Etats-Unis, la situation tourne à une forme d'absurdité digne des meilleurs épisodes de la guerre froide. Car depuis de nombreuses années, Washinton et Mexico marchent main dans la main, sur un cimetière à ciel ouvert.

    La violence pour spectacle quotidien

    La presse américaine, dont une bonne partie est hispanophone, relate quotidiennement les massacres qui ensanglantent quotidiennement le Mexique. Hier, le grand quotidien populaire USA Today rapportait le meurtre en plein aéroport international de Mexico de trois policiers de la brigade anti-drogue. Avant hier, Fox News diffusait un reportage sur la découverte de 30 corps dans différentes partie de la capitale tandis que NBC diffusait les images de 14 corps retrouvés mutilés. Pendaisons par dizaines sous des ponts, lynchages, mitraillages en plein jour, enfants abattus, foules hystériques enfermant des hommes suspects d'enlèvement dans leur voiture et les brûlant vifs, figurent parmi les derniers épisodes d'une guerre terrible qui voit s'affronter des milliers de gangs et de cartels au milieu de la population.

    Indifférence

    Pourtant, pour une grande majorité d'Américains non hispaniques, le Mexique est synonyme d'immigration clandestine ou de séjours balnéaires à bas coûts. Washington, officiellement, ne se soucie pas des affaires intérieures d'un pays « ami » dans lequel ses agents agissent pourtant par centaines au nom de la lutte anti-drogue, employant des pratiques douteuses comme le montre le scandale actuel lié aux investigations concernant l'Opération Fast and Furious.

    Il faut dire que pour les Etats-Unis, l'alternance de dimanche sera sans grand effet. A l'instar du Los Angeles Times qui titre que cette élection "a peu de chances de modifier la guerre anti-drogues", c'est sur un ton neutre que la plupart des quotidiens abordent la question, soulevant rarement 20 ans de politiques dont le cynisme n'a aucune limite de la part des voisins du Mexique, catastrophiques pour sa population et se contentant de décrire le chaos légué à son successeur par Victor Calderon comme un héritage dramatique, sur fond d'images de Mexicains manifestant dans les rues. Une situation surréaliste.

    Des élections pour rien?

    Les élections générales verront les mexicains en âge de voter, soit la moitié des 112 millions des citoyens, se rendre aux urnes ce dimanche 1er Juillet 2012. Ils sont appelés à désigner leur nouveau président, la Constitution empêchant Victor Calderon de briguer un troisième mandat, mais également pas moins de 128 sénateurs, 500 députés, les gouverneurs de 31 états ainsi que les maires. La victoire amplement attendue d'Enrique Peña Nieto, une sorte de Barack Obama version Mexicaine qui a su séduire les foules bien qu'il représente le sinistre Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) qui a fait durant des décennies le lit de la misère de la plus grande partie de la population, n'annonce rien de bon pour un peuple à genoux.

    YoSoy132, des jeunes en alerte

    Dans ce contexte ou le parti au pouvoir, le Parti d'action nationale (PAN) n'est plus qu'une coquille vide dont les animateurs s'apprêtent à prendre officiellement une retraite dorée, le spectre du retour du Parti révolutionnaire institutionnel provoque une inquiétude sans précédent dans la jeunesse mexicaine. Dès le début de la cam­pagne élec­to­rale, le candidat du PRI a donné le ton en qualifiant les étu­diants protestataires d’une uni­ver­sité de Mexico voyous. La pétition lancée par 131 de ces étudiants, réclamant le droit de poser des questions au candidat sans se faire insulter, est devenu rapidement un mouvement, « yo soy el 132 » (je suis le 132ème), rejoints depuis par des milliers pour organiser la « pro­testa ». De­puis, YS-132, qui suit une ligne non-partisane, se retrouve dans la ligne de mire du parti au pouvoir et de celui qui arrive. Le fait qu’un tiers des élec­teurs soit com­posé de jeunes de moins de 30 ans créé une tension particulière dans les partis de droite qui redoute une journée d'élections perturbée. Le PRI est en effet traditionnellement un grand habitué de l’achat des votes et de l’intimidation sous toutes ses formes, mais aussi du bourrage des urnes et de la transformation des résultats. A l'instar du mouvement YoSoy132, dont nous diffusons ici le manifeste sous-titré en Français, ils sont des dizaines de milliers à manifester à travers le pays, et à alerter les médias dans le reste du monde, sur la catastrophe que constitue pour le Mexique le retour annoncé d'un parti dont le nom et l'histoire ne signifient qu'authoritarisme, corruption et mensonge. Une situation qui ressemble, en bien des points, à celle de la Russie de Poutine.

    Terreur et Argent

    Le quotidien des Mexicains est celui d'un pays pillé, à feu et à sang, exploité, pris en otage par les trafiquants les plus sanguinaires de la planète, avec la complicité des élites du pays, toujours plus riches et plus puissantes, qui non seulement maintiennent la population dans un état de pauvreté parfois effroyable, restent impassible face aux carnages quotidiens qui terrifient la population, mais également s'assurent du silence des nations occidentales voire, même, de leur active contribution à la déliquescence de toute un peuple, à commencer par les Etats-Unis. L'un des exemples typiques de cette situation est le milliardaire Carlos Slim, un homme que l'on ne fâche pour rien au monde.

    Carlos Slim, l'Homme le plus riche du monde, second actionnaire du New York Times

    Carlos Slim (Photo José Cruz/ABr)
    Carlos Slim (Photo José Cruz/ABr)
    Le 22 mars dernier, l'hebdomadaire Courrier International consacrait un portrait à l'homme le plus riche de la planète, le magnat mexicain des télécoms Carlos Slim. A 72 ans, ce fils d'immigrés libanais qui a épousé, en 1966, la nièce de l'ancien président libanais Amine Gemayel (morte en 1999), est à la tête d'une fortune de près de 55 milliards de dollars, devant Bill gates, Warren Buffet ou Georges Soros. Un homme secret mais surtout un homme influent, accueilli comme un pape lorsqu'il débarque aux Etats-Unis. Il est, entre autres, le deuxième actionnaire du New York Times. Son irrésistible ascension, il la doit pour beaucoup au PRI, au moins autant qu'aux flux d'argent colossaux dont il bénéficie de la part du Liban et des pays arabes, mais également de la Russie ou de la Chine. Courrier International note avec l'ironie qu'il convient: « Avec tout son argent, il pourrait rembourser deux fois la dette extérieure du Liban [dont sa famille est originaire]. Quant à ses dons à la recherche médicale, il pourrait tous les financer avec ce qu’il gagne en trois semaines. L’argent qu’il a donné à Bill Clinton, il a mis une semaine à le générer. Le don que Shakira a reçu avec le sourire ne lui a même pas coûté une journée entière de son temps. » Carlos Slim achète en effet tout: la sympathie du peuple, en payant les cautions de détenus mexicains pauvres, les présidents, pas seulement Clinton mais également Bush puis Obama ainsi que leurs adversaires respectifs. Il s'insinue dans le débat public américain avec son chéquier à la main, prenant des participations majeures dans les domaines des télécoms, subventionnant des programmes pour les étudiants mexicains, jouant d'une panoplie de congressistes comme d'une armée de poupées. 

    Pays riche, population anéantie, ami lucratif
    VIDEO: Barack Obama et Felipe Calderon lors du G20 au Mexique le 19 Juin dernier. Les Etats-Unis se félicitent que le commerce généré par les trois partenaires de la zone de libre échange entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada atteigne désormais le chiffre d'un trilliard de dollars. 

      60 millions de Mexicains vivent actuellement sous le seuil de pauvreté (avec un revenu inférieur à 180 dollars par mois) et 12 millions dans la plus extrême précarité (en dessous de 83 dollars par mois). Un quart de la population ne mange pas à sa faim quotidiennement. Le salaire horaire minimum est de 10 dollars de l'heure. L'argent des 20 à 30 millions de travailleurs mexicains aux Etats-Unis aide une partie substantielle de la population à pourvoir à ses frais de santé ou d'alimentation. Les conditions de travail ne tiennent quasiment aucun compte des lois sensées les encadrer. Dans ce pays plus que dans bien d'autres, le patron est omnipuissant, le juge - l'affaire Florence Cassez en témoigne - assis sur la Constitution et les élites intolérantes vis à vis de toute critique. Il ne fait pas bon rappeler à de nobreuses figures influentes du pays que leur pays n'est pas une démocratie libre.

    Ce pays est pourtant le 14ème au rang mondial pour sa superficie et le 11ème pour sa population, avec un PIB par habitant de quelques 9 600 dollars (source: OCDE). C'est le 5ème producteur mondial de pétrole, 9ème exportateur, et avant la crise de 2008, sa dette avait été réduite à 8% de son PIB. Derrière cette performance, il est de coutûme pour les Etats-Unis et le Canada de vanter les mérites de l'ALEA, l'accord de libre échange qui, en janvier 1994, avait vu la naissance de la plus vaste zone de libre échange au monde. Mais le « deal » avait un prix, qui ne dérangeait pas le pouvoir de Bill Clinton ni celui des Canadiens: une association avec le président carlos Salina de Gortari, du fameux PRI, puis avec ses successeurs du PAN aujourdhui en pleine déconfiture. En clair, de véritables empereurs de la corruption qui ont redressé le pays économiquement pour le bien d'une élite totalement indifférente aux affres du reste de la population, et qui se sont associés avec les Etats-Unis pour une guerre sans merci contre les cartels de la drogue, trop puissants pour le pouvoir, malgré les exemples catastrophiques produits par cette politique dans les pays d'Amérique latine.

    Le résultat est connu: plus de 50 000 morts et 20 000 disparus depuis 6 ans. Un temps financés par les Etats-Unis pour s'assurer leurs services contre les contras en lutte contre leur pouvoir allié des sandinistes au Nicaragua, les cartels mexicains avaient mêmes été rapprochés par la CIA des cartels colombiens afin d'avoir plus d'efficacité sur le terrain. Puis, Bill Clinton avec son homologue Ernesto Zedillo en 1999, George W. Bush avec Vincente Fox en 2007 et enfin Barack Obama avec Felipe Calderon, ont chacun renforcé la guerre contre les cartels mexicains. Le résultat a été constant: une explosion de la corruption à tous les niveaux de l'Etat comme forme de contre-attaque des cartels puis, à partir de 2008, le basculement dans l'ultra-violence, avec pour cette seule année 5031 morts. 45 000 ont suivi depuis. Le 13 mai dernier, une tuerie de masse à eu lieu à Cadereyta Jiménez, où ot été découverts 49 cadavres décapités, mains et pieds sectionnés, au bord d'une route à une trentaine de kilomètres à l’est de Monterrey. Quatre jours plus tôt, on avait découvert 18 cadavres dans deux automobiles abandonnés sur une route proche de Guadalajara, dans l’ouest du pays. Loin d'être contenue aux seuls membres de gangs, cette violence engloutit toutes les parties de la population, femmes et enfants compris, massacrés ici pour leur résistance, là pour les besoins en terrains ou en ressources, ailleurs pour donner l'exemple et impressionner les autorités.

     
    Drogue, Pétrole, Immigration: le pacte du diable entre les Etats-Unis et le Mexique
    Tout en augmentant constamment le budget réservé à la lutte conjointe avec le pouvoir mexicain contre la drogue, les Etats-Unis se sont surtout souciées de sécuriser les 3200 kilomètres de frontière qui les séparent du Mexique. Objectif, éviter que le chaos qui sévit du côté mexicain ne déborde sur le sud du pays et enrayer l'émigration illégale. La guerre contre la drogue étant évidemment perdue d'avance puisqu'aux Etats-Unis, celle-ci fait partie du quotidien de la population et que la demande augmente de manière exponentielle.

    En 2006, George W. Bush met en chantier la construction d'un mur de séparation haut de 4,50 à 6 mètres de haut, éclairé par des miradors et balayé par des caméras électroniques, qui couvre désormais un tiers de cette frontière et continue de se développer. Dans ce décor à la fois lunaire et futuriste où se dressent 1800 tours de surveillance et où patrouillent nuit et jour 18 000 agents de protection des frontières, le bilan est effroyable: plus de 5000 morts recensées officiellement, probablement le double, dans ce qui est souvent le plus vaste terrain légal du monde pour la chasse à l'homme. Les lois des Etats du sud des Etats-Unis autorisent les patrouilles de milices surarmées dont les méfaits sont inombrables et n'épargnent ni les adultes ni les enfants. A l'ombre de ce mur, on traque, on tire, on frappe, on étrangle, on noie, on viole, et les sanctions sont rares.

    Néanmoins, Barack Obama peut se prévaloir d'un bilan jamais atteint dans la lutte contre l'immigration illégale en provenance du mexique puisque celle-ci est désormais officiellement tombée sous le chiffre de 0: non seulement l'immigration mexicaine aux Etats-Unis est stoppée mais de plus en plus de Mexicains repartent vers l'enfer. Le Pew Hispanic Center note au sujet de cette immigration zéro: « Le statu quo semble être le résultat de nombreux facteurs, parmi lesquels la pénurie de travail sur le marché américain de la construction de logements, la police des frontières accrue, une augmentation des expulsions, les dangers croissants associés aux passages illégaux de la frontière...». Mais on peut douter du sérieux de ses travaux quand il ajoute parmi les critères du retour l'amélioration de la situation économique au Mexique.
    Les étudiants interpellent les deux futurs présidents du Mexique et des Etats-Unis
    Drogue, Pétrole, Immigration: le pacte du diable entre les Etats-Unis et le Mexique
    Adriana Ortega, Tania (Ta Ca), Manuel Ulloa Colonia, Olga Aranda, Adriana Romero-Nieto, Mauricio Castro, Melissa Rodríguez, Michèle Albertini, Gloria Briseño, Dafne Semiramis, Verónica Estay, Maïa, Marie Castro: les animateurs du mouvement YoSoy132 en France se mobilisent depuis des mois pour faire entendre la cause du peuple mexicain, sans relâcher la pression, et cela commence à payer. Ils expliquent ainsi la situation du moment: « Les américains se demandent : quel est le candidat qui pourra rétablir une vie normale au Mexique et notamment dans les états frontaliers avec les Etats Unis, aujourd’hui terrain privilégié de la guerre sans merci que se livrent les cartels entre eux et avec le gouvernement fédéral mexicain ? Les mexicains, de leur côté, se demandent : comment notre voisin américain nous aide à lutter contre le trafic de drogue ? Souhaitons-nous, d’ailleurs, qu’il intervienne, ou préférons-nous qu’il reste en dehors pour éviter toute sorte d’intervention trop loin dans les affaires intérieures du Mexique ? Les américains souhaitent-ils le retour du PRI? Certains milieux d’affaires des états américains frontaliers disent oui, espérant un retour à la « normalité »… même s’ils savent que cela peut passer par une « politique de l’autruche » côté mexicain vis-à-vis des cartels de la drogue… »

    Pour eux, le souvenir d'Atenco (voir paragraphe ci-dessous) est aussi révoltant que les révélations sulfureuses qui ont été livrées par les médias au sujet de l'Opération Fast and Furious, au coeur de laquelle Barack Obama reste impassible dans sa défense de son administration. « Un retournement de situation catastrophique qui montre toute la difficulté qu’ont les deux pays à s’accorder sur la stratégie à suivre pour endiguer la violence et le pouvoir immense des cartels de la drogue opérant des deux côtés de la frontière, expliquent-ils. Quel que soit le candidat élu dans les deux pays, un dialogue est urgent pour mettre fin au carnage qui se déroule sur les états frontaliers au Mexique et sur les régions côtières de « passage » de la drogue. Il faudra mettre sur la table le trafic de drogue et d’armes, la consommation des drogues, et la politique migratoire. »
    Peuvent-ils être entendus? Leur cause, en tous les cas, se répand vite à travers les réseaux sociaux, et c'est de bon augure.
    8 assassinats par jour à Mexico City, Obama et Calderon main dans la main
     
                                        Enrique Peña Nieto (PRI), le favoris des élections
    Drogue, Pétrole, Immigration: le pacte du diable entre les Etats-Unis et le Mexique
       
    Ancien gouverneur de l'État de Mexico (2005-2011), Enrique Peña Nieto, 44 ans, est actuellement favori dans la course présidentielle de 2012 selon de nombreux sondages. Il a officiellement rejoint la course le 19 Septembre 2011 et est devenu officiellement le candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) le 27 novembre 2011. Peña Nieto a remporté l'investiture du PRI car il est le gouverneur de l'Etat le plus peuplé du Mexique, et peut s'afficher ccomme le « nouveau visage » du PRI, le parti dominant de longue date qui a tenu la présidence pendant 71 ans jusqu'en 2000. Après sa défaite en 2000, le PRI a connu un certain nombre de changements de leadership, d'introspections, et de réformes internes qui d'abord divisé le parti entre une vieille garde et une nouvelle génération de dirigeants. Peña Nieto a réussi à surmonter les divisions internes et à unir le parti autour de sa candidature pour lui offrir un avantage électorale.
    Mais comme l'écrit Politic365.com à son sujet: « Le porte-étendard du Parti Révolutionnaire Institutionnel est ce que George W. Bush a été en 2000, pour la politique mexicaine. (...) Nieto espère ramener son parti au pouvoir après deux présidences du PAN. (...) Nieto est un homme politique qui fait une gaffe à la minute, est né si privilégié qu'il semble contrarié d'avoir à briguer l'élection présidentielle, mais qui se réjouit d'obtenir le job. Il est né dans la richesse et l'influence politique, et a passé sa jeunesse dans un comportement imprudent et irresponsable. » Bête médiatique mais velleitaire, charmeur, marié à une actrice, le candidat du PRI est avant tout une façade séduisante sans grand contenu, marionnette d'intêrets soigneusement planqués dans l'ombre. Il est le vainqueur probable de l'élection de dimanche, c'est à dire celui qui rétablira l'hégémonie du PRI sur le pays. Et garantira à ses voisins et à ses élites un avenir tranquille. A moins... A moins que la jeunesse mexicaine ne soit en route pour le lancement d'un "Eté mexicain".
     

    La répression de San Salvador Atenco, aux origines du soulèvement

    Enrique Peña Nieto était gouverneur lorsqu'en 2006, la petite ville de San Salvado Atenco, située à 25 kilomètres au nord de Mexico City, a été le théâtre d'une répression brutale. Atenco était alors depuis déjà quatre ans en lutte contre le projet de construction d'un aéroport sur ses terres, forçant les habitants à les abandonner. Alors qu'ils menaient une action en bloquant l'autoroute en signe de protestation, la violence policière s'est abattue sur eux. Celle-ci a débuté par l'arrestation d'une soixantaine de vendeurs de fleurs, puis il y a eu les destructions, les passages à tabac, les blessures, jusqu'à la mort de deux manifestants dans un chaos indescriptible. Nieto invoqua sans sourciller le droit légitime de l’État mexicain d’utiliser la force pour maintenir l’ordre. "Atenco !" est devenu alors le cris de ralliement des étudiants en révolte contre le gouverneur. Pour lui, une simple bande de "gauchistes". Qu'il retrouve désormais sur son chemin au moment d'accéder à la fonction suprême et qui ont juré de se rappeler à son souvenir.
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  •    En Espagne, les « enfants volés » veulent sortir du trou noir

    vendredi 29 juin 2012, par Jean Ortiz et Marielle Nicolas  (Rue 89 )

    Du début de la guerre civile espagnole aux années 1990 (après le retour à la démocratie), des milliers d’enfants de familles républicaines ont été soustraits à leurs parents dans les hôpitaux et maternités espagnols. La motivation était idéologique : il fallait les soustraire à la « perversion des rouges », les « rééduquer » dans l’esprit de la dictature. Au total, plusieurs dizaines de milliers d’enfants auraient ainsi été « volés ». Le 16 juin 2012 avait lieu à Madrid et Alicante les premières rencontres nationales des associations et collectifs de victimes de vol d’enfants pour tenter d’établir des analyses, des outils et des propositions communes à tous sur ce dossier.

    Dans la banlieue d’Alicante, chacun avait un dossier sous le bras, une douleur à exorciser. Certains cherchent depuis des années, en silence — un silence qui, aujourd’hui, fait de plus en plus de bruit. « Nous sommes victimes, nous expliqueront-ils, et pourtant coupables aux yeux de la justice, des hôpitaux, des Etats civils, des institutions... » Des victimes coupables de lèse-oubli, d’avoir douté des vérités officielles, d’être convaincues que « leur bébé » n’est pas mort, comme on le leur a toujours dit, mais qu’Eglise et franquisme leur ont arraché leur progéniture. La plupart du temps, on leur oppose encore porte close en expliquant qu’aucun document n’atteste ni de l’accouchement, ni de la naissance, ni de la mort du bébé.

    Nous sommes là pourtant face à un crime contre l’humanité : le vol et la traite de nourrissons. Les chiffres : de 30 000, pour les estimations les plus basses, à 300 000 (ce qui nous paraît pour l’heure exagéré). Les familles qui nous entourent sont toutes composées de petites gens, humbles et modestes, qui veulent retrouver un fils, une fille, un frère... Ils n’ont aucune haine mais font montre d’une dignité à toute épreuve. On a du mal à imaginer les dimensions réelles de ce drame. « Ils disent que nous sommes folles », explique Eva, d’Alicante. Ceux qui ont assassiné les « rouges » sont ceux-là même qui ont volé leurs enfants pour les confier à des familles bien-pensantes, afin de les « purifier ». Nous nous sommes rendus à l’hôpital général d’Alicante, anciennement « Résidence 20 novembre », où les documents ont été, selon l’administration, emportés par différentes crues. Qui l’eût cru ?

    Substitut du procureur ayant en charge les questions relatives aux mineurs, ainsi que ce dossier, don Carlos Ferreiros accepte de nous recevoir. Il nous invite à distinguer les cas d’enfants volés du franquisme et ceux, ultérieurs, qui relèvent de méthodes pour le moins particulières dans un pays qui, jusque dans les années 1980, n’avait aucun cadre légal sur l’adoption. Les enfants volés aux familles étaient déclarés morts, et enterrés par les bons soins des hôpitaux et autres cliniques, avant d’être vendus. C’est la version officielle dans l’Espagne du très conservateur Mariano Rajoy, mais chacun devine que les magistrats obéissent à des autorités gouvernementales qui les enjoignent de ne plus se consacrer à ces dossiers-là, « par manque de temps et de moyens ».

    Un « trou noir » de plus en plus clair

    Dans l’immédiate après-guerre d’Espagne, le vol des bébés aux mères prisonnières politiques relevait de la vengeance et de la répression idéologique. Il était théorisé par le psychiatre officiel du régime, Vallejo Nájera, qui considérait le marxisme comme une « maladie mentale » à éradiquer, et les « Républicains » comme émanant d’une race inférieure... Après les années 1940, la répression change de profil : de « politique », elle se fait plus morale et sociale, et son instrumentalisation vise surtout les mères célibataires (considérées comme d’horribles pécheresses), ou les familles nombreuses (qui ne peuvent offrir de bonnes conditions de vie à autant d’enfants). Cette répression fait toujours partie d’un projet de l’Etat franquiste et des classes dominantes pour réduire et/ou rééduquer les « déviances » politiques des exploités, telles que le communisme ou l’anarchisme, et créer une société idéale enfin débarrassée des idéologies subversives.

    La réunion d’Alicante fait émerger de nouvelles histoires personnelles qui égrènent le même enchaînement : un enfant né en bonne santé, qui subitement devient violet et décède. Les autorités de l’hôpital ou de la clinique refusent cependant aux parents un droit humain élémentaire, celui de voir le corps de l’enfant, et d’en disposer afin de l’enterrer dans le caveau familial. Ces mêmes autorités disent se charger de tout, et les familles, en état de choc, parfois menacées, sont bien obligées d’accepter cette « vérité » officielle.

    Les témoignages se succèdent. Comme celui de María Bonillo Navarro, dont le fils, né en 1963, dans un hôpital madrilène, a « disparu », jusqu’au cas de Juan Vicente, d’Alicante, a qui on a enlevé des jumeaux, en octobre 1991, nés en pleine santé à l’hôpital général d’Alicante, où il travaillait et travaille toujours. On l’avait menacé à l’époque de le renvoyer s’il cherchait à savoir ce qui s’était exactement passé. Celui de Victoria Utiel Arroyo, qui recherche un fils, né à la clinique La Almendra de Valence le 2 juillet 1971 ; elle s’étonne que tous les registres des années 1963 à 1973 de la « Casa cuna Santa Isabel » (centre de charité ouvert aux filles mères tenu par des religieuses) de Valence aient disparu. Elle est mariée avec Francisco Rocafull, né le 8 février 1961, qui recherche une sœur jumelle, disparue, non pas à la naissance, mais vers l’âge de 6 ou 7 mois, après un passage à l’hôpital pour une maladie bénigne. Les contradictions dans les documents sollicités auprès de l’hôpital en question sont légion : date de naissance avancée d’un an, attribution d’un emplacement dans un cimetière ne correspondant pas au lieu de naissance, documents signés par un médecin qui ne fera partie du personnel que quinze ans plus tard. Plus surprenant, l’un le porte, lui, décédé, et sa sœur vivante. De plus, des renseignements sur ces enfants ont été demandés en 1972 et contiennent déjà des incohérences. D’après Francisco Rocafull, il s’agirait d’un cas d’adoption (illégale), alimenté au moyen d’une filière hospitalière (de nombreux documents, délivrés à des années d’intervalle et manifestement falsifiés, sont signés par le même médecin, un certain Docteur Boix), par une famille riche qui aurait d’abord souhaité un garçon, puis aurait préféré la fille, et aurait eu besoin des documents pour l’adopter légalement quelque dix ans après.

    Des parents déterminés

    Face à l’absence de documents, les familles victimes de vol d’enfants tentent de retrouver leur trace par tous les moyens : certaines sont allées jusqu’à consulter les registres de l’Eglise, concernant ce qu’on dénommait « les eaux du bon secours », équivalent de l’extrême-onction pour les mourants baptisés. Mais là non plus, elles ne trouvent rien. C’est d’ailleurs l’un des paradoxes de ce scandaleux dossier : ne rien trouver est la preuve qu’elles ont raison, que l’Etat, et les relais institutionnels leur ont menti, que marchent dans les rues espagnoles des milliers de personnes auxquelles on a volé leur véritable identité.

    Les familles de victimes ont obtenu quelques exhumations de fosses, qui tendent à démontrer que les restes retrouvés sont numériquement bien inférieurs à ceux annoncés par les documents : ce sont bien elles qui ont raison de se battre pour qu’éclate la vérité au grand jour, et que justice leur soit rendue. Difficulté ajoutée, ces inhumations massives, prises en charge par hôpitaux et cliniques, se faisaient dans des fosses communes (on ne pouvait tout de même pousser la farce trop avant, et proposer à chacun une tombe individuelle et vide). C’est même souvent un argument pour ne pas réaliser l’exhumation ; on dit aux familles que les restes de l’enfant qu’elles recherchent seraient au fond de la fosse, recouvert par quelque soixante-dix autres fœtus décomposés. Pour l’heure, en Espagne, seulement une quinzaine de bébés ont été exhumés, au coup par coup. Et l’une des dernières exhumations, réalisées à Alcoy, dans une tombe individuelle, n’a mis à jour qu’un amas de linges. « Ils ferment les dossiers, et refusent de faire les exhumations parce qu’ils savent qu’ils ne vont trouver aucun reste d’enfants, s’insurge Eva, d’Alicante. Ils les ont volés et vendus. »

    Le plus grand espoir des familles tient à l’implication d’enfants « adoptés », comme José Andrés, de Santa Pola, ou Margarita, d’Alicante, qui cherchent leur vraie famille, et s’interrogent sur les conditions de leur adoption. Puisqu’on a fermé la porte aux mères et aux membres de la fratrie, toutes et tous comptent sur les enfants pour que s’ouvrent les registres et que l’on puisse, enfin, savoir ce qu’il est advenu.


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  • (Crédit photo : France 5)
     
    Loin du lait frais et de la miche sortie du four, on se débat aujourd'hui avec des produits transformés dont on ignore souvent tout. Une opacité cultivée par les lobbys et disséquée par Stéphane Horel, dans son nouveau documentaire
               

    Les aliments ? C’est de l’énergie, du goût, un brin de culture et de plaisir. C’est aussi, parfois, un ennemi dans la course à la sveltesse. C’est encore un écheveau d’information et une montagne d’opacité. Ainsi débute « Les Alimenteurs », le nouveau documentaire de Stéphane Horel, après Les Médicamenteurs et la Grande Invasion« 8 aliments sur 10 sortent tout droit d’une chaîne de fabrication », annonce d’emblée la voix off. En clair, de la vache au beurre ou du poireau à la soupe, il y a des tonnes d’étapes – salage, graissage, retrait de nutriments, ajout d’additifs - qui finissent par former des produits trop salés, trop sucrés, trop gras qui nuisent à la santé. Et ce, sans même que le consommateur s’en aperçoive, tout perdu qu’il est dans les rayons débordants de son supermarché. Le secteur est si opaque, dit un expert de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qu’il faudrait instaurer une autorisation de mise sur le marché comme celle existant pour les médicaments.

    Les lobbys qui pèsent dans la balance

    Faute d’une mesure si radicale, les autorités ont bien imaginé les moyens de guider le consommateur hors des sentiers de l’obésité et de la malbouffe. Elles ont inventé en 2001, le Programme national nutrition santé (PNNS) qui a collé des messages de santé publique –« manger, bouger » ; « manger au moins 5 fruits et légumes par jour » - sur les publicités pour les produits jugés nocifs. Elles ont tenté d’interdire les spots vantant les sucreries entre deux dessins animés. Tandis que les instances européennes essayaient d’imposer un système de feu rouge sur les produits alimentaires trop riches en sucre, gras, sel. Chaque fois, les lobbys ont pesé dans la balance et fait baisser les ambitions des autorités publiques, regrette le documentaire.

    Réquisitoire saupoudré de petites animations humoristiques, Stéphane Horel nourrit son argumentaire à la parole d’interviewés de taille : ex-ministres, chefs d’agences gouvernementales, chercheurs – Roselyne Bachelot et Martin Hirsch sont en ce sens assez étonnants de sincérité. Absents du casting, Marisol Touraine, pour la Santé, ou Stéphane Le Foll à l’Agriculture, élus après le bouclage du docu, à leur ministère. Sauront-il faire un peu le tri dans nos têtes, et donc dans nos assiettes ?


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  •   Mansour Sy Djamil veut combattre l’accaparement des terres dans le Walo

    Published: 23 Jun 2012
    Posted in: Senegal

    Agence de Presse Sénégalaise | 23 Juin 2012

    Mansour Sy Djamil veut combattre l’accaparement des terres dans le Walo

    La tête de liste nationale du mouvement citoyen Bes Du Niak, Serigne Mansour Sy Djamil, veut lutter contre l’accaparement des terres dans le Walo (nord), s'il est député au soir du premier juillet prochain.

    ’J’essaierai de combattre l’accaparement des terres’’, a-t-il assuré, ajoutant que ‘’le premier problème dans cette région du nord c’est le foncier’’.

    Selon lui, ‘’jusqu’en 2005, il n’y avait que 4 millions d’hectares de terre qui avaient été récupérées en Afrique et données aux multinationales, mais entre 2005 et 2011, 48 millions d’hectares l’ont été, dont les 37 millions d’hectares en Afrique’’.

    ‘’A Mbane, on a donné à une seule personne 50.000 hectares. Ce qui équivaut à la région du Cap-Vert’’, a-t-il dit, vendredi soir à Gaya (près de Dagana), au cours d'une caravane.

    Il a relevé qu'il est évident que ''cette personne ne pourra pas mettre en valeur cette superficie, mais elle va la monnayer avec les multinationales pendant que le paysan n’a plus son lopin de terre pour lutter contre la pauvreté’’.

    ''L’espoir est permis et qu’il peut y avoir des surprises avec ces législatives. Nous sommes dans une région à forte dose de religiosité et où j’ai mon bastion. J’y ai un encrage populaire extrêmement puissant que je veux traduire en un encrage politique'', a-t-il dit.
    Source: APS

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