•   29/09/2012 à 15h45

    Sexe : la pilule qui tue le désir, tabou chez le gynéco

    Renée Greusard | Journaliste Rue89
     

     

    Mis à jourle lundi 24 septembre 2012
    Corrigé : Martin Winckler est français et non canadien.
     

    Beaucoup de femmes ont l’impression d’être longtemps passées à côté de leur sexualité à cause de leur contraceptif, sans que leur médecin les ait jamais averties.


    Une boîte de comprimés (Melanie Tata/Flickr/CC)

    Le saviez-vous ? La pilule pour hommes existe déjà, mais ce qui freine son arrivée dans nos salles de bains c’est, entre autres critères, la peur d’altérer la libido de ces messieurs.

    Ce à quoi, Gaëlle-Marie Zimmerman, chroniqueuse au Plus, répondait très justement que le problème existait pourtant chez pas mal de femmes sans que ça ne choque trop, pour le coup.

    Le mot « colère » revient souvent dans leurs témoignages. Quand elles sont sous pilule, elles ont moins envie de faire l’amour avec leur conjoint. Et elles ne comprennent pas que leur médecin ne les ait pas mises en garde.

    Gaëlle, qui a commencé à prendre la pilule à 15 ans – pour calmer des règles douloureuses –, raconte par exemple :

    « J’ai un peu le sentiment d’être passée à côté de mon éveil à la sexualité, à la venue de la féminité dont tous les magazines parlent mais que je n’ai pas vécue. C’est comme si j’avais subi une castration chimique inconsciente. »

    « Jamais un gynéco ne m’en a parlé »

    A 33 ans, elle est épanouie, mariée, en couple depuis bientôt cinq ans, mais son rapport aux gynécos n’est pas tendre.

    « J’en veux beaucoup à tous ceux qui ne m’ont pas avertie de cette conséquence. Sans doute l’ignoraient-ils. »

    Même sentiment du côté de Laure. Elle a pris la pilule pendant sept ans depuis ses 20 ans. Il y a un an, elle en a eu marre. L’idée de prendre chaque jour ce petit comprimé, pendant une si longue période, la gênait. A l’arrêt de sa pilule, elle a halluciné.

    « Avant j’aimais bien faire l’amour, mais là d’un coup, j’étais toujours partante. J’ai été énervée, jamais un gynéco ne m’en a parlé. »

    En ayant passé la majorité de sa vie sexuelle sous pilule, elle explique qu’elle ne pouvait même pas soupçonner que son désir était faible. C’était normal puisqu’elle avait toujours été comme ça.

    Recueillir des témoignages sur ce sujet est simple. Presque comme un claquement de doigts. C’est même d’ailleurs étonnant de s’apercevoir du nombre de femmes qui affirment avoir une libido en berne sous pilule.

    Des études contradictoires

    Pourtant, du point de vue de la recherche, il n’y a pas vraiment de consensus sur ce sujet. En mai 2010, les chercheurs du centre de Heidelberg en Allemagne révélaient dans une grande étude sur le sujet, que sur un échantillon de 1000 femmes, celles qui utilisaient des contraceptifs hormonaux ressentaient plus souvent une baisse de désir que les autres.

    Mais les résultats étaient immédiatement contestés, comme le raconte Slate.fr, par Vanessa Cullins. Cette gynécologue américaine, vice-présidente de « Planned Parenthood », sorte de Planning familial américain, affirmait alors qu’on n’avait toujours pas trouvé de lien direct entre pilule et réduction de la libido.

    Dans un mémoire sur la contraception et la sexualité qu’il a réalisé en 2006, le gynécologue et sexologue Stéphane Pérez écrivait, lui, que « 10 à 15% des femmes ressentiraient une diminution de leur libido lors de l’utilisation d’une contraception ».

    L’absence de consensus chez les scientifiques est l’un des premiers éléments de compréhension du silence des gynécologues. Béatrice Guigues, vice-présidente du collège national des gynécologues et obstétriciens français dit :

    « C’est sûr que sans étude claire sur le sujet, c’est compliqué à gérer. Il n’empêche notre rôle est d’améliorer la situation de la patiente, même s’il n’y a pas d’étude sur le sujet. »

    Chamboulement d’hormones

    Elle pose donc toujours une question large à ses patientes pour guetter les effets secondaires désagréables, quels qu’ils soient.

    « Est-ce que vous avez des plaintes ? »

    Ce qui est certain, c’est que la pilule chamboule les hormones. Laurent Vandenbroucke gynécologue parisien rappelle la base :

    « Toute contraception hormonale (pilule, anneau, patch, implant) est susceptible d’entraîner des modifications directes de la libido. »

    Comme Béatrice Guigues, il explique aussi que la libido est compliquée.

    « La libido étant aussi un phénomène psychosomatique, l’idée même de contraception peut avoir un impact sur le désir. L’absence ou en tout cas la diminution du risque de grossesse peut avoir un impact non négligeable sur la sexualité. »

    Il ajoute que les transformations même du corps (absence ou modifications des règles, modification des seins, de la lubrification vaginale) jouent aussi.

    « Dès que j’arrête, je me caresse tous les jours »

    Dans la bouche de certains gynécos, les choses peuvent être dites de manière beaucoup moins complexe, pour ne pas dire grossière. Gaëlle raconte :

    « J’en ai parlé à plusieurs gynécos, certains m’ont dit que c’était psychologique, le désir d’enfant... N’importe quoi. »

    Gaëlle sait ce qu’elle ressent, elle le raconte avec beaucoup de précision.

    « Sous pilule, je me masturbe une fois par mois grand max et je n’ai jamais envie. Mais dès que j’arrête, j’ai envie tout le temps et je me caresse tous les jours, que je sois en couple ou non. Ce changement est même effrayant tant je n’y suis pas habituée. »

    Elle s’est rendu compte des variations de son désir seule. Comme d’autres. Hélène raconte, elle, par exemple, que sa grossesse lui a révélé cette chute de libido sous pilule. Elle a 29 ans et a accouché l’année dernière.

    « Quand j’ai arrêté d’allaiter, j’ai repris la pilule. Et là, je n’avais plus envie de rien. »

    « Je m’en suis rendu compte naturellement »

    Pour elle, ce risque est à peine connu. Elle ne comprend même pas qu’il ne soit pas plus évoqué en consultation. Il lui a fallu parler avec une amie elle-même dans cette situation pour s’alerter.

    Samia raconte sensiblement la même histoire. Je lui demande si elle a abordé le sujet en consultation gynéco, elle répond :

    « Non je n’en ai pas parlé à ma gynéco, elle n’a d’ailleurs jamais abordé ce sujet avec moi... »

    Parler de sexe en consultation : la gêne ?

    Pour certains gynécos si le sujet n’est pas abordé, c’est que les patientes n’en parlent pas. Et aborder la question de la sexualité ne va – paradoxalement – pas du tout de soi pour beaucoup de gynécologues. Laurent Vandenbroucke :

    « Il ne faut pas oublier que les médecins gardent une part d’humanité et aborder le sujet de la sexualité n’est pas forcément aisé… Pour eux, comme pour les patientes !

    Les médecins ne posent pas toujours la question, les patientes n’osent pas toujours en parler. »

    S’il précise penser que la plupart de ses confrères « sont à l’écoute des patientes », il n’hésite pas non plus à dire que la question de la sexualité de la patiente est un tabou chez beaucoup.

    Ils craignent d’être intrusifs, voire estiment que ça ne les concerne pas. Que c’est du domaine privé. Je lui demande comment c’est possible. Il parle de la formation reçue par les gynécos : la sexualité y est absente.

    « La sexualité, pendant les études, c’est un “item” que personne ne prend. Parce que tout le monde sait que ça ne tombera pas à l’internat.

    En France, il y a toute une approche psychanalytique de la sexualité, l’approche pratique, physique, n’existe pas. »

    La contraception, spécialité peu prestigieuse

    A cela s’ajoute une question encore plus taboue, dont lui n’hésite pas à parler. La contraception des femmes, ce n’est pas une spécialité prestigieuse chez les gynécos. En tous cas pas autant que les accouchements ou les grossesses à risques.

    « La contraception fait partie de la médecine générale de la gynéco et pendant notre cursus, on n’a qu’une heure qui y est consacrée. »

    Pendant toute la durée des études de gynécologie, jamais, explique-t-il, un stage n’est proposé aux étudiants chez un libéral, en ville ou au Planning familial.

    Les étudiants qui s’y intéressent le font par choix personnel, par féminisme parfois aussi, comme Laurent qui cite volontiers Martin Winckler. De ce médecin et écrivain, connu pour son site de réponses aux femmes dans leurs questionnements gynécologiques, Laurent Vandenbroucke dit qu’il n’est pas très apprécié de ses confrères :

    « En France, on a dix ans de retard sur les questions de contraception. Les choses commencent à peine à changer. Jusqu’à présent, on résumait les problèmes à des patientes bêtes qui prenaient mal leur pilule. [...]

    Rares sont les femmes qui ont le droit à un vrai interrogatoire, pour comprendre la contraception dont elles ont besoin. »

    « Qu’est-ce que la prise en charge gynéco ? »

    Dernière explication possible, les conditions de travail qui ne sont pas optimales. Stéphane Pérez, le gynécologue de Lille, explique :

    « Demander à une patiente de parler des effets secondaires de sa pilule ou de sa sexualité, ça prend un peu de temps et on ne sait pas combien de temps ça peut durer. »

    Il pose alors la question centrale, celle qui se dessine à travers tous ces témoignages.

    « Qu’est-ce que la prise en charge gynécologique ? N’est-ce pas pour beaucoup de femmes la seule occasion de pouvoir parler de leur sexualité ? »

    Deux questions qui en entraînent mille autres. Un gynécologue n’est-il que le médecin du corps de la femme ? Doit-il tenter de parler avec elle de son épanouissement sexuel ? Les gynécologues devraient-ils recevoir une formation en sexologie ? Et vice versa ?

    Laure est aujourd’hui de nouveau en couple. Elle dit que ne plus prendre la pilule lui a donné la sensation de changer de vie et elle réfléchit à l’après. Reprendre ou pas la pilule ?

    « Le but de la pilule, c’est quand même de pouvoir baiser. Là c’est sûr et certain que cette chute de libido, c’est le gros truc qui me fait hésiter à la reprendre aujourd’hui. »


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  •  OGM : l’EFSA a manqué à une déontologie élémentaire

    Modifié le 07-10-2012

    Avatar de Corinne Lepage   Par    Eurodéputée

    LE PLUS. L'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu un avis qui tend à invalider l'étude du chercheur Séralini sur la toxicité des OGM. Pour Corinne Lepage, auteure d'un livre récemment publié sur ce sujet, il pourrait bien y avoir un conflit d'intérêts mettant en évidence un manquement déontologique grave de la part de l'EFSA. Explications.

    Édité par Gaëlle-Marie Zimmermann

    La méthode d’évaluation de l’étude sur les OGM est assez surprenante car assez inhabituelle de la part d’une agence.

    Une fois de plus, elle prouve la manière dont l’EFSA couvre sa propre responsabilité dans le dossier OGM et la façon dont elle se protège. Reconnaître la validité de l’étude reviendrait à couper la branche sur laquelle elle s’est assise depuis des années, puisque tous les avis qu’elle a rendus sur les OGM étaient positifs.

    L'EFSA se contente de compiler les arguments des détracteurs de Séralini

    D’ailleurs, le pré avis fourni par l’EFSA me laisse perplexe car on y retrouve mot pour mot les critiques et les attaques fournies par les opposants à l’étude. De la race des rats, aux nombres de rats par cohorte, en passant par les protocoles OCDE invoqués en cancérogénèse (alors qu’il s’agit d’une étude de toxicologie), l’agence ne semble rien faire d’autre que copier-coller les arguments des détracteurs de Gilles-Eric Séralini. Et ceci sans même se rendre compte que les avis qu’elle-même a fournis l’ont été sur des critères qui se sont révélés bien moins exigeants que sur l’étude en question.

    Alors quand j’apprends avec consternation que le peer reviewier, (c’est-à-dire l’expert examinateur de l’étude) qui a travaillé au pré avis rendu par l’EFSA jeudi dernier, est en fait l’un des rédacteurs de l’avis qui a été soumis au panel OGM en 2003, je note une fois de plus, un non-sens et un conflit déontologique. Cela le rend en même temps juge et partie sur cet avis.

    Malgré les engagements de réforme donnés aux députés européens lors de son audition en commission Environnement santé publique et sécurité alimentaire, le 20 septembre dernier, l’EFSA prouve les lacunes liées à l’évaluation de risques sanitaires alors que les européens ont besoin de confiance et de transparence. La mission de l’EFSA est d’assurer la sécurité des européens et non de couvrir des évaluations insuffisantes.

    On ne peut pas être à la fois juge et partie : l'EFSA doit en tirer les conclusions

    L’organisation de sa responsabilité est totalement à revoir. L’article 23 du fonctionnement de l’EFSA prévoit que les tâches de l'Autorité sont les suivantes:

    1. Veiller à ce que le public et les parties intéressées reçoivent rapidement une information fiable, objective et compréhensible dans les domaines qui relèvent de sa mission ;

    2. Exprimer de manière autonome ses propres conclusions.

    La remise en cause par l’agence de l’étude de Gilles Eric Séralini devrait conduire, si cela était suivi dans l’avis, à remettre en cause toutes les autres études et c corollairement à publier toutes les données brutes de toutes les études.

    J’avais lors de l’audition attiré l’attention de la directrice de l’EFSA sur le fait que les pairs ayant à évaluer cette étude ne devaient pas être les mêmes que ceux qui avaient travaillé à l’avis initial. Manifestement l’EFSA fait la sourde oreille, ne voit pas l’utilité de travailler avec ce type d’experts ou fait fi de toute déontologie.

    Les évaluateurs ne devraient pas être les normalisateurs. Mais là encore, le travail reste totalement à faire. En témoigne le profil du deuxième examinateur de l’étude Alberto Mantovani. Il représente le panel pesticides de l’EFSA, pour la relecture de l’étude de Gilles Eric Séralini, et s’avère aussi membre de l’Endocrine Disrupters Tesing and Assessment - EDTA Task Force de l’OCDE qui fait les normes. La boucle est bouclée.

    Catherine Geslain-Lanéelle doit en tirer les conclusions utiles en démissionnant.


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  • La 11e Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique (CDB) s'est ouverte le 8 octobre à Hyderabad, dans le sud de l'Inde, sur la nécessité d'agir vite pour lutter contre l'érosion inquiétante des espèces en dépit de la conjoncture économique difficile.

    La conférence, qui rassemble jusqu'au 19 octobre plus de 160 pays membres de cette convention de l'ONU née il y a 20 ans au Sommet de la Terre de Rio, s'est donné pour mission de concrétiser les engagements pris à Nagoya Japon) en 2010.

    Cette conférence avait notamment permis d'établir vingt objectifs pour 2020, tels que la suppression des subventions "néfastes" à l'environnement et la lutte contre la surpêche.

     

    Le directeur exécutif de la CDB, Braulio Ferreira de Souza Dias, a appelé lundi les participants à "mobiliser les ressources financières nécessaires pour permettre aux pays en développement d'atteindre les objectifs" adoptés en 2010, citant en particulier l'impératif d'inclure des critères de développement durable dans les politiques gouvernementales.

    "Oui, nous sommes confrontés à une crise financière, mais les périodes de crise sont les meilleures occasions pour opérer des changements significatifs dans la façon dont nous agissons", a-t-il argumenté.

    Comme en écho, la ministre indienne de l'Environnement, Jayanthi Natarajan, a plaidé pour que la crise mondiale ne perturbe pas les efforts des pays membres.

    "Qu'elle nous encourage au contraire à investir davantage en vue d'une amélioration du capital naturel pour préserver l'écosystème", a-t-elle déclaré.

    Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le temps presse pour que les gouvernements investissent "dans la nature afin de sauvegarder la diversité de la vie sur la terre".

    "Les pertes (en matière) de biodiversité se poursuivent et ont franchi les limites planétaires (...)", a mis en garde Julia Marton-Lefèvre, directrice générale de l'UICN.

    D'après la liste rouge des espèces menacées de l'UICN, sur les 63.837 espèces évaluées, 19.817 sont menacées d'extinction, dont 41% des amphibiens, 33% des récifs coralliens, 25% des mammifères, 13% des oiseaux et 30% des conifères.

    Loin de se limiter à la question de la disparition des espèces, cette érosion a des impacts sur les économies, nombre de secteurs dépendant d'une bonne santé des milieux.

    Certains comptent aussi sur l'Inde, pays organisateur et grand "émergent", pour permettre des progrès quelques mois après le décevant sommet Rio+20.

    Pour Greenpeace, New Delhi devrait revoir son vaste programme d'expansion du secteur minier dans les zones forestières en introduisant immédiatement un moratoire sur les nouvelles mines de charbon.

    "La politique actuelle du gouvernement, qui consiste à accroître l'exploitation minière, détruit l'environnement, y compris l'habitat du tigre menacé de disparition, et contraint des dizaines de milliers d'Indiens à quitter leurs foyers", a dénoncé l'organisation dans un communiqué.

    Les ministres des pays membres seront présents les trois derniers jours (17-19 octobre).


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  •   L’exil des grandes fortunes chinoises

     

    La vague d’émigration des riches hommes d’affaires fait du bruit en Chine. Le Nanfang Zhoumo dresse le portrait de ceux qu’on appelle les « businessmen nus ». De notre partenaire Chine Plus.

     

    l y a quelques mois, la presse chinoise avait abondamment commenté le cas des « cadres nus » 裸官– ces hauts fonctionnaires « restés seuls en Chine après avoir envoyé leur famille et leur argent à l’étranger » comme l’explique une revue de presse du site Question Chine –, un autre phénomène défraie aujourd’hui la chronique : celui des « businessmen nus » 裸商.

    Pour son enquête spéciale qui fait les gros titres de l’édition de cette semaine, le Nanfang Zhoumo est allé à la rencontre de ces « businessmen nus ». Ma Hao, 41 ans, correspond bien au portrait type du "businessman nu" : « 35-45 ans et dont la fortune s’élève à 10, jusqu’à 40 millions de yuans ». Il confie au journal du Sud que dans les soirées huppées les conversations finissent invariablement par dériver sur le sujet de l’expatriation. Une enquête du Hurun Rapport – organisation qui publie un classement annuel « de référence » des grandes fortunes chinoises, citée par The Economist , semble confirmer l’importance de cette tendance. D’après les données recueillies dans le rapport 2012, sur les 63 500 Chinois ou Chinoises possédant une fortune personnelle supérieure à 10 millions de yuans (1,22 million d’euros), plus de 16 % ont déjà émigré et 44 % « envisagent de le faire dans un avenir proche ».

    LA POLITIQUE CHINOISE N'EST « PAS ASSEZ STABLE »

    Le Nanfang Zhoumo affirme que cette « vague » - la troisième que connaît la Chine depuis le début des réformes instaurées par Deng Xiaoping - a commencé en 2010. Depuis, de nombreux chercheurs affirment que l’émergence des « businessmen nus » ne représente pas seulement une perte de capital, mais risque également de provoquer des problèmes sociaux et financiers. Ces hommes d’affaires se serviraient en effet de leurs entreprises pour obtenir des hypothèques et des prêts de la part des banques avant de transférer leur argent à l’étranger et se déclarer « en faillite » en Chine.

    Face à cette avalanche de critiques, Ma Hao qui possède un passeport néozélandais et gère deux sociétés et une dizaine d’appartements à Shanghai tente de se défendre : « Il ne faut pas croire que les riches qui émigrent sont coupables. C’est juste que notre aisance financière nous donne plus de possibilités. » Il affirme que la raison principale qui l’a poussé à s’expatrier est « d’offrir une meilleure enfance à son fils », c’est-à-dire un système scolaire moins strict et dans un meilleur environnement que celui de sa ville natale. Ce motif est largement invoqué parmi les riches expatriés chinois. Selon le Hurun Rapport, 58 % d’entre eux ont cité l’éducation de leurs enfants comme première cause d’expatriation, le désir de sécuriser leurs biens arrive en deuxième position avec 43 %.

    FUIR AVEC L’ARGENT QUAND L’ÉCONOMIE IRA MAL

    « La politique chinoise est instable », se plaignent Ma Hao et ses amis lors de leurs soirées. Ils trouvent que les entreprises privées sont bien moins avantagées que les entreprises publiques. Ma Hao rapporte que, récemment, il entend de plus en plus parler de « levées d’impôts soudaines » à travers le pays. « Les préoccupations au sujet de la sécurité de leurs biens voire de leur propre personne expliquent les départs des entrepreneurs {fortunés}», écrit le journaliste du Nanfang Zhoumo. Les mauvaises prévisions de la croissance chinoise (lire notre article : La Chine en chute (libre) ?) sont également un facteur d’inquiétude pour ces businessmen. « C’est un sujet tabou, mais dont on parle souvent dans certains milieux : comment fuir à l’étranger en emportant l’argent quand l’économie chinoise ira mal », poursuit le journaliste.

    L’investissement personnel direct à l’étranger étant toujours interdit en Chine, faire sortir l’argent du pays pour investir n’est pas chose aisée, explique le Nanfang Zhoumo. Plusieurs de ces businessmen utilisent des sociétés-écrans ou, plus fréquemment, le service de « banques souterraines » pour arriver à leurs fins.

    Cependant, nombreux sont ceux qui ne désirent pas forcément rejoindre leur famille à l’étranger. Li Yuan, un homme d’affaires de Wenzhou dont les parents sont installés au Canada depuis 2005 déclare : « Nous ne pouvons pas quitter la Chine. Où pourrait-on trouver au Canada un business qui rapporte un profit de 15 % par an ? En Chine, on peut. » D’après le journaliste du Nanfang Zhoumo, l’idée que les émigrants emporteraient toute la richesse de la Chine dans leur bagage serait à nuancer. D’après les chiffres fournis par l’association des agences d’immigration à Pékin, 94 % de la richesse des émigrants se trouverait encore en Chine.

    Avec notre partenaire:

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  •   Global Voices Online 29/09/2012

    Le « soft power » chinois s’étend en Afrique avec la CCTV

    Global Voices"

    Ronald Yick · Traduit par Nicolas Wong   

     

     

    La Télévision centrale de Chine (CCTV), média contrôlé par Pékin, a inauguré son bureau régional pour l’Afrique à Nairobi, au Kenya, le 11 janvier 2012.

    Sa présence a certes diversifié le paysage médiatique africain, mais des organisation de défense de la liberté de la presse et des médias étrangers occidentaux, comme CNN et le New York Times, se sont montrés plutôt sceptiques quant à son indépendance éditoriale étant donnés les liens étroits entre la chaîne et le gouvernement chinois.

    L’historique de CCTV Afrique

    Selon son site officiel, CCTV Afrique produit une émission d’actualité quotidienne d’une durée d’une heure, un talk-show hebdomadaire, et un magazine de documentaires diffusé toutes les semaines. La chaîne a ainsi récemment produit un documentaire spécial sur le Kenya. CCTV Afrique compte environ 100 salariés, dont une majorité de Kényans.

    Le nouvel arrivant est allé « piller des présentateurs vedettes et d’autres employés chez un certain nombre de chaînes locales », d’après eXpression Today, une revue publiée par « The Media Institute », une organisation de défense de la liberté de la presse au Kenya.

    Comme la décision d’établir un bureau de CCTV à Nairobi a été prise pendant le Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) en 2006, l’ONG en conclut que :

    « Les détails sur la façon dont la chaîne chinoise (c’est-à-dire CCTV) est entré sur le marché restent “secret défense” en raison de l’opacité avec laquelle la Chine négocie ses accords avec ses partenaires. Mais des sources au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l’Information indiquent que l’arrivée de CCTV au Kenya a été entérinée pendant le sommet Afrique-Chine (le FOCAC) en 2006.

    Le président Mwai Kibaki, accompagné d’une délégation kényane, s’était alors rendu à Pékin pour y rejoindre 40 autres chefs d’État africains dans le but d’établir une nouvelle plateforme de coopération entre la Chine et l’Afrique.

    Hormis les accords sur les développements d’infrastructures, d’autres domaines de coopération concernaient notamment les médias et des TIC (les technologies d’information et de communication). »

    CCTV et le « soft power » chinois en Afrique

    La présence des médias chinois en Afrique remonte au début des années 50, quand l’agence de presse Chine Nouvelle (Xinhua) et Radio Chine international (CRI) ont commencé à diffuser. À l’époque, l’objectif de ces médias était de répandre de la propagande et de soutenir les mouvements d’indépendance en Afrique.

    Aujourd’hui, de nombreux médias et observateurs étrangers pensent que la présence de CCTV en Afrique vise à étendre le « soft power » du gouvernement chinois et rivaliser avec des géants tels que CNN ou la BBC.

    Tom Rhodes, du Comité de protection des journalistes, souligne que :

    « Cette expansion intervient alors que d’autres, majoritairement des médias occidentaux, sont en train de réduire leur présence en Afrique de l’est. La BBC a, par exemple, été obligée de se séparer d’un certain nombre de correspondants, tandis que France 24 avait annoncé une fusion avec Radio France Internationale pour réduire les coûts. »

    Wu Yu-shan [pdf], dans une étude de juin 2012 intitulée « La naissance d’une dynastie des médias étatiques chinois en Afrique », affirme que :

    « Son “soft-power” ne sert pas seulement à promouvoir son statut international, il vise également à rendre les valeurs et la culture chinoises plus attractives à un public lassé par l’idéologie traditionnelle. C’est pourquoi la Chine doit d’abord séduire sa propre population avant de pouvoir proposer autre chose que du développement économique. »

    Wu  indique également que la Chine veut contrer le portrait négatif dressé par les grands médias occidentaux, ce que Song Jia-ning, le directeur du bureau CCTV Afrique, semble avoir confirmé en juillet 2012 :

    « Le traitement par les médias occidentaux de la Chine et de son influence grandissante en Afrique en est l’un des meilleurs exemples. Les angles abordés dans les médias occidentaux concernent habituellement l’impact négatif de la Chine en Afrique, et de ses complicités avec les gouvernements corrompus. Ils parlent régulièrement de la Chine comme d’une entité monolithique, ils critiquent les ambitions coloniales de la Chine, et se focalisent sur les circonstances actuelles sans donner d’explications socio-historiques sur la relation Chine-Afrique. »

    L’objectivité de la CCTV en question

    Dans son étude, Wu s’est également interrogé sur l’objectivité éditoriale de la CCTV [pdf] puisque contrôlé par le gouvernement :

    « Dans le même temps, les médias chinois doivent remplir des objectifs fixés par l’État. En ce qui concerne la couverture de l’Afrique, là où leurs concurrents ont tendance à titrer sur les côtés controversés des relations sino-africaines, les médias chinois se concentrent plutôt sur une narration plus facile des histoires positives, de l’amitié et de la sincérité, tout en évitant les zones d’ombre. »

    Dans eXpression Today, l’ONG de défense de la liberté de la presse souligne également que :

    « … La Chine commente rarement en public les affaires politiques des autres pays. En ce sens, l’arrivée de CCTV au Kenya n’aura sûrement pas d’impact sur la politique kényane car la politique “toxique” est un terrain interdit pour les médias chinois.

    En s’écartant des questions sérieuses de politique, CCTV ne sera pas différent de KBC et ne posera donc pas de concurrence sérieuse aux chaînes de télévision locales ou aux autres chaînes internationales car la politique reste le contenu médiatique le plus apprécié. »

    Le journaliste Sambuddha Mitra Mustafi pense que l’argent ne permet d’acheter la crédibilité :

    « Le succès de la stratégie médiatique mondiale de la Chine dépendra de si ses médias sauront sortir des scoops, et les traiter pour prouver au monde leur courage journalistique d’une manière que les déclarations de rédacteurs-en-chef ou d’officiels bien intentionnés ne sauront jamais égaler. Si CCTV arrive à devenir une chaîne incontournable, même si ce n’est que pendant quelques jours, cela pourrait changer définitivement les règles du jeu.

    Et quand ce moment viendra, les journalistes se devront de poser des questions dures et pertinentes, même à propos du leadership chinois. Mais les dirigeants auront-ils le courage d’y faire face ? »

    Les échanges entre les médias chinois et africains sont devenus plus fréquents depuis les années 2000 (voir l’étude de Wu [pdf]). Ils vont du support technique à la fourniture de contenus, en passant par des programmes d’échanges de cadres et de formation de journalistes. Les programmes de formation en journalisme, toutefois, ont été pointés du doigt.

    Une anecdote, originellement racontée par Gideon Nkala sur le site Mmegi Online, est relatée dans « Chine et Afrique : un siècle d’engagement“, le dernier livre de Shinn et d’Eisenman :

    ‘Après être rentré chez lui au terme d’une formation de journaliste en juin 2008, Gideon Nkala, du journal botswanais The Reporter, a publié un témoignage donnant un rare aperçu des programmes d’échanges de journalistes multilatéraux de la Chine, du point de vue d’un Africain.

    Il observe que tous les journalistes africains avaient hâte d’assister au cours sur le Tibet. Un cours pendant lequel l’instructeur du PCC leur a dit :

    Le Tibet a toujours fait partie de la Chine et le Grand Tibet est une création des médias qui n’a jamais existé.’ Le peuple chinois ‘a percé les mensonges et les fabrications de l’Occident, qui parlent des atrocités commises par les Chinois mais qui ne disent pas un mot sur les moines tibétains qui agressent et qui tuent des gens’.

    L’instructeur a également apporté des ‘photos montrant que même les photos ont été recadrées pour masquer les atrocités commises par les moines et leurs partisans.’

    Il a suscité le fou rire de la classe en disant, avec un air sérieux, que CNN est désormais devenu un terme utilisé la rue chinoise pour désigner quelque chose de faux ou d’inventé. ‘Si quelque ment en Chine, on lui dit désormais que Tu es CNN.’”


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  •    29/09/2012

    Aux Etats-Unis, un 300e condamné à mort libéré grâce à l’ADN

    Laurent Mauriac | Cofondateur Rue89
     
    Damon Thibodeaux commente sa libération

    Vidéo en anglais. Condamné en 1997 à la peine capitale en Louisiane pour le viol et le meurtre de sa cousine de 14 ans, Damon Thibodeaux a été innocenté par des analyses ADN et libéré.

    Après seize ans en prison dont quinze dans le « couloir de la mort » en Louisiane, aux Etats-Unis, Damon Thibodeaux, 38 ans, a été libéré vendredi.

    Il avait été accusé à tort du viol et du meurtre de sa cousine de 14 ans, sur la base de ses seuls aveux. Des tests ADN ont prouvé son innocence.

    Peu après sa libération, il a raconté ce qu’il ressentait.

    « On en rêve tous les jours, mais ce n’est pas la même chose de le vivre réellement. C’est surréaliste de marcher ainsi [à l’extérieur de la prison].

    Ce n’est pas une chose pour laquelle on peut se préparer, quand on a vécu dans ces conditions pendant si longtemps. »

    Un journaliste lui a demandé comment il se sentait maintenant. Sa réponse a fusé et fait rire l’assistance : « Libre ! »

    Des aveux obtenus sous pression

    Cette libération met en lumière une nouvelle fois l’action d’une organisation indépendante, Innocence Project, dont le but est de disculper des personnes condamnées à tort grâce aux tests ADN.

    C’est en 2007 qu’une contre-enquête a été initiée sur le cas Thibodeaux. Les tests ADN ont alors prouvé qu’il n’avait aucune connexion avec le meurtre. Ils ont aussi établi que la victime, contrairement aux aveux recueillis, n’avait pas été violée.

    L’enquête s’est par ailleurs intéressée aux raisons qui ont conduit Thibodeaux à s’accuser d’un crime qui lui était étranger : la fatigue, la vulnérabilité et la peur de la peine de mort.

    Dans un premier temps, le suspect avait nié le meurtre. Puis il l’avait avoué après huit heures trente d’interrogatoire. Seules 54 minutes étaient enregistrées.

    A la fin de la même journée,Thibodeaux s’était  rétracté, indiquant qu’il avait fini par dire ce que les policiers, qui le menaçaient d’une condamnation à mort, voulaient entendre, qu’il avait faim et qu’il était épuisé.

    L’ADN ne peut régler tous les cas litigieux

    « De multiples détails rendaient cette confession incohérente avec le crime », note Innocence Project dans la page consacrée à Thibodeaux sur son site.

    Selon l’organisation, Damon Thibodeaux est la 300e personne exonérée grâce aux tests ADN aux Etats-Unis.

    Dans « L’Accusé » (« The Innocent Man »), l’auteur américain de best-sellers John Grisham raconte étape par étape l’action de l’ONG. Le livre retrace l’une des affaires les plus connues dans le pays : la condamnation à mort d’un ancien joueur de baseball, Ron Williamson, pour le viol et le meurtre d’une serveuse. L’homme a passé onze ans en prison avant d’être blanchi en 1999.

    Mais seule une minorité de cas litigieux peut se prêter à des tests ADN, notamment ceux dans lesquels un viol a été commis.

    Infos pratiques
    L’Accusé     De John Grisham

    Editions Pocket – collection Pocket Thriller – 430p. – 8,10€


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