• 10-04-2013

    Les Etats-Unis laissent le champ libre aux OGM

     
    Fraîchement voté, le « Monsanto protection Act » impose à la justice américaine d'autoriser les cultures d'OGM, même si leur homologation est contestée. Même si elle n'est que provisoire, cette décision pourrait constituer un précédent juridique.                                     

    Ce ne sont que dix lignes dans une loi de 78 pages, mais elles suffisent pour faire scandale aux États-Unis. Début avril, le Congrès américain a entériné son budget d’urgence pour l’agriculture. Mais l’article 735 qui s’est glissé dans le texte met les OGM au-dessus des lois. La justice américaine ne pourra plus interdire les mises en culture de plantes génétiquement modifiées, même si leur homologation est contestée devant un tribunal. En clair, même si la justice estime que l’innocuité de ces plantes n’est pas prouvée.

    La loi HR933, perçue comme un cadeau aux géants de la biotechnologie, a très vite été rebaptisée le « Monsanto protection Act ». C’est écrit noir sur blanc : « Dans le cas où une décision [d’autorisation de culture] est ou a été invalidée ou annulée, le ministère de l’Agriculture doit (...), sur simple demande d’un cultivateur, d’un exploitant agricole ou d’un producteur, accorder immédiatement une autorisation ou une dérogation temporaire. » Le premier semencier mondial, Monsanto, a très vite affirmé qu’il ne s’agissait que d’une garantie pour les agriculteurs de ne pas perdre leur récolte à cause d’une décision de justice.

    « Un dangereux précédent »

    « C’est un argument fallacieux, répond Christophe Noisette, rédacteur en chef du site de veille citoyenne (et opposé aux OGM) Inf’OGM. Qu’un agriculteur ne se retrouve pas dans la panade et qu’il puisse vendre sa récolte, aucune cour de justice ne serait contre. Cet article vise au fond à tester si le lobby fonctionne bien. » Tellement bien que les élus de tous bords ont été stupéfaits. Les écologistes ont fait circuler la pétition « Food Democracy Now » qui a déjà recueilli plus de 300 000 signatures. La sénatrice démocrate Barbara Mikulski a présenté des excuses publiques pour l’adoption de cette loi. Et même le très conservateur Tea Party a fait part de sa colère face à une opération de lobbying qui fausse la libre concurrence.

    Si les forces lobbyistes Outre-Atlantique sont un secret de polichinelle, les opposants de cette loi pointent surtout du doigt ses conséquences. Certes, comme le rappelait le sénateur Roy Blunt – surnommé Monsieur Monsanto - « cette loi ne donne qu’une protection d’un an ». Il s’agit bien en effet d’un texte provisoire, censé expirer en septembre prochain. Reste que pour Eric Darier, directeur de Greenpeace Canada, « ce texte constitue un dangereux précédent ». Ce spécialiste des questions d’agriculture et de biotechnologie estime que « Monsanto a fait inclure une clause dans une loi budgétaire temporaire. Sa véritable stratégie est de faire reconduire cette clause (après septembre, ndlr). Et donc, de faire du ‘temporaire’ à répétition au besoin ». Un précédent juridique qui permettrait, plus tard, de justifier son transfert dans d’autres lois. On l’a fait une fois, pourquoi ne pas le refaire ? Après un tel tollé, à voir si le Congrès revotera un texte identique.

    Un scandale qui masque un problème plus grave

    S’il considère que « rien n’est impossible », Christophe Noisette ne voit pas « comment une telle loi pourrait apparaître en France. C’est un débat américano-américain ». En revanche, même s’il rappelle qu’il faut être « vigilant », le chroniqueur d’Info’OGM craint que « ce scandale ne masque un problème bien plus grave. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il y a, en ce moment, des négociations pour simplifier les échanges d’organismes génétiquement modifiés entre l’Europe et les États-Unis ».

    En effet, depuis février, Washington et Bruxelles réfléchissent à un accord de libre-échange. Mais du côté européen, les OGM restent une pierre d’achoppement. La preuve : les États-Unis ont jugé le 1er avril que la réglementation européenne, qui limite l’importation et la mise en culture d’OGM, était « inapplicable » et « lourde ». Le responsable du Bureau au commerce extérieur américain (USTR), Demetrios Marantis, a même considéré en février lors d’une conférence que « des gouvernements étrangers (d’Europe, NDLR) continuent d’imposer des mesures discriminatoires ou inutiles sur les exportations agricoles américaines ».

    Si les États-Unis sont bien décidés à stimuler leurs exportations, l’Europe maintient son interdiction. « Mais dans ce match, les autres pays observent, rappelle Christophe Noisette. L’Afrique et l’Asie, qui exportent vers l’Europe, attendent de se positionner selon les décisions qui en découleront ». En février, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, jugeait que « ces négociations entre les deux plus grands blocs économiques donneront le "la" des règles au plan mondial ». Et pour cause.

     
    Le rédacteur : Justine Boulo  pour Terraéco.net
     

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  •   "T'es moche", "t'es grosse"… : des ados harcelés à en mourir

    Créé le 24-04-2013
    Isabelle Monnin   Par Isabelle Monnin     Nouvel Observateur

    A l'école, 10% des élèves seraient victimes d'insultes ou de coups répétés. Certains, à bout, ont été poussés au suicide.

    Nouvel Observateur

    Harcèlement entre enfants et adolescents à l'école. (DURAND FLORENCE/SIPA)

    Harcèlement entre enfants et adolescents à l'école. (DURAND FLORENCE/SIPA)

    "T'es grosse", "tu pues", "t'assieds pas à côté de moi", "file-moi ton dessert", "t'es moche", "ne me regarde pas", "t'es mal habillé", "sale fayot" ... C'est une petite tyrannie souterraine, un serpent qui distille son venin sous les tables des salles de classe, dans les recoins des cours de récréation et jusque dans les smartphones et les ordinateurs familiaux, avec les insultes répétées en boucle sur les murs des réseaux sociaux. Un totalitarisme larvé qui broie insidieusement la confiance des victimes jusqu'à, parfois, les amener au pire.

    Le 8 février dernier, Matteo, 13 ans, en classe de quatrième à Bourg-Saint-Maurice, se pend dans sa chambre. Ses parents, assommés, expliquent qu'il était le souffre-douleur d'un groupe d'élèves et qu'ils ont eu beau porter plainte et alerter le collège (et encore le matin du suicide de leur enfant), le calvaire de leur fils n'a pas cessé. Cinq jours après son décès, une enfant du même âge se pend à son tour à Vaugrigneuse, dans la région parisienne. Avant de mettre fin à ses jours, Marion a rédigé une lettre dans laquelle elle évoque les brimades dont elle est la cible au collège. Très bonne élève, réservée, Marion avait peu d'amis. Les élèves de sa classe parlent d'enfants méchants avec elle, de mots blessants qu'ils lui infligeaient, une violence discrète et répétée comme une torture. Jusqu'à, comme Matteo, la priver d'air.

    Fléau sous-estimé

    Le commandant de police Roselyne Venot fait partie de ceux qui ne se résignent pas. Après avoir dirigé pendant dix ans la brigade des mineurs des Yvelines, elle a intégré en 2009 le Centre académique d'Aide aux Ecoles et aux Etablissements (CAAEE) et les équipes mobiles de sécurité de l'académie de Versailles, chargées d'intervenir contre les violences en milieu scolaire. Pour elle, le harcèlement est un fléau encore sous-estimé. "C'est pourtant une violence qu'il faut prendre en compte autant que des coups portés, des insultes ou des abus sexuels", dit celle qui tente de sensibiliser les chefs d'établissement et les enseignants à la détection et au traitement du problème.

    Le harcèlement à l'école est souvent un phénomène collectif : un enfant est la cible d'un groupe mené par un leader. "Le mécanisme est ensuite le même que ce que l'on peut observer dans les faits de harcèlement au travail : des microviolences répétées par un groupe au sein duquel certains ont pris le pouvoir", explique-t-elle.

    Piège

    Physique, vêtements, couleur des cheveux ou de la peau, défaut d'élocution, place dans la classe, réussite scolaire : tout peut donner du grain à moudre au harceleur. A un âge où le conformisme au groupe est une bouée de sauvetage, la moindre différence peut déclencher des remarques désobligeantes. Un enfant aime lire ? Hou, l'intello ! Il répond aux sollicitations des professeurs ? Le fayot ! Il est félicité ? Le chouchou ! C'est ainsi que ce qui est valorisé par les adultes (avoir de bons résultats, être attentif en cours) peut être une porte vers l'enfer.

    Pris en grippe, l'élève harcelé est vite dans un piège dont il lui est difficile de sortir : solliciter les adultes, c'est trahir la communauté adolescente, dont il est déjà le mal-aimé. C'est aussi prendre le risque de se voir répondre qu'on exagère : "Des chamailleries, des embrouilles, il y en a toujours eu, il y en aura toujours."

    Baisse brutale et générale des notes

    "On a souvent tendance à relativiser, dit Roselyne Venot. Pourtant lorsqu'elles sont répétées et systématiques, même des microviolences peuvent devenir vraiment problématiques." Et empêcher de respirer l'enfant harcelé, qui est sans cesse sur le qui-vive, qui ne peut aller à l'école sans appréhension - que vont-ils lui faire aujourd'hui ?, qui sans rien dire émet de discrets signes d'alerte qu'il faut savoir détecter : les notes chutent dans toutes les matières, l'enfant se met à multiplier les retards en classe, il ne va plus en récréation ou à la cantine, il est triste, dit qu'il veut mourir. Bref, il change. Comme tous les adolescents ? Pas sûr : si les sautes d'humeur sont banales quand on a 14 ans, la baisse brutale et générale des notes n'est par exemple pas un passage obligé et doit poser question.

    Que faire alors ? Forte de son expérience de policière, Roselyne Venot estime que "l'essentiel est de sortir l'enfant de son statut d'élève et de le considérer comme une personne à plusieurs facettes. Il faut lui parler sans fermer aucune porte pour ne pas le braquer et ne pas louper une explication : est-il en retard parce qu'il a peur d'aller au collège ou parce qu'il doit s'occuper de ses petits frères ? Ne va-t-elle plus à la cantine parce qu'elle redoute de prendre un gramme ou parce qu'elle craint d'y croiser des camarades malveillants qui exigent qu'elle s'assoie loin deux ? Il vaut mieux dire à l'adolescent : 'J'ai remarqué des choses dans ton comportement qui me préoccupent, veux-tu en parier avec moi ?', plutôt que : 'Es-tu harcelé par des camarades ?'".

    Une forme de soumission

    Une fois que le harcèlement a été identifié, il faut, dit-elle encore, garder à l'idée que l'adolescent, en matière de harcèlement à l'école comme de violences familiales, ne dira jamais tout ce qu'il a subi. Tout ne lui semble pas grave, il a intégré une forme de soumission. Un garçon, appelons-le Tom, était ainsi devenu le punching-ball de ses copains, sans rien en dire à ses parents et notamment à son père, policier. Seule précaution qu'il prenait : il superposait les couches et enflait jusqu'à trois pantalons pour que les coups de poing et de pied qu'il prenait à chaque récré ne laissent pas de marques sur ses jambes. Quand il a fini par craquer et raconter à ses parents, ceux-ci sont tombés des nues : Tom invitait régulièrement ses bourreaux à la maison. Ils étaient autant ses bourreaux que ses amis. Et lui une victime qui aurait tellement aimé être leur complice.

    A l'âge compliqué de l'adolescence, où chacun cherche une place, le bouc émissaire résiste longtemps à s'avouer comme tel. Ainsi François a-t-il tenu trois ans avant de raconter à sa mère que chaque matin en arrivant un groupe le "saluait" en lui donnant un petit coup derrière la tête, qu'en classe on lui jetait des gommes dessus quand les profs avaient le dos tourné et que dès que l'occasion se présentait on essayait de lui baisser son pantalon. François le " différent ", qui parfois agaçait les profs par son érudition un peu précieuse, habitué à être à l'écart, a pourtant fini par craquer, épuisé. Mais, lorsque sa mère est venue faire un barouf au collège, exigeant que l'on change son fils d'établissement, il a tenté de relativiser : "Non, mais c'est bon maintenant, je me suis habitué, ma mère dramatise."

    Boucs émissaires et bourreaux en culottes courtes

    C'est souvent ce que les chefs d'établissement pensent d'ailleurs, quitte à frôler la non-assistance à personne en danger : que les parents dramatisent, qu'ils infantilisent leurs petits, ne comprennent pas que l'école est un lieu de frottement où l'on doit aussi apprendre à se défendre, que, depuis que l'école est l'école, des boucs émissaires permettent à des bourreaux en culottes courtes de se faire la main. C'est ce que la principale a expliqué aux parents de Lola, qui venaient de découvrir que leur fille n'allait plus en récréation depuis des mois : "Oui, il y a des embrouilles entre filles, ça a toujours existé, ne vous en mêlez pas..."

    Pourtant, pour Roselyne Venot, il est important que les parents soient là quand le harcèlement est établi. "Il faut prendre le temps d'entendre tout le monde et de trouver la meilleure réponse, dit-elle. On a souvent tendance à vouloir aller vite, à punir et hop ! à passer à autre chose."

    La victime doit s'entendre dire qu'elle est victime et le coupable comprendre qu'il l'est. "Certains, poursuit la policière, auraient besoin d'une expertise psy pour comprendre ce qui se joue dans leur violence, pour surtout travailler à la juguler. Dans tous les cas, il faut entendre les coupables séparément et ne surtout pas, malgré la tentation de pacifier les choses, organiser de médiation." De la même manière qu'on ne fait pas de médiation entre une femme battue et son mari frappeur, on ne demande pas à un enfant victime de trouver un arrangement avec son ou ses bourreaux.


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  •   Les champs électromagnétiques des antennes-relais ont des effets sur le métabolisme

     05 avril 2013 ; révision : 19 avril 2013,

    antenne_relais_immeuble© C. Magdelaine / notre-planete.info

    L'équipe mixte Péritox « Périnatalité et Risques Toxiques » de l'INERIS et de l'Université Picardie Jules Verne (UPJV) mène des recherches sur les effets biologiques des radiofréquences sur les fonctions de l'équilibre énergétique (régulation thermique, sommeil, alimentation). Les premiers résultats obtenus, qui demandent à être approfondis, montrent que les champs électromagnétiques (CEM) de type antenne-relais déclencheraient des mécanismes d'économie d'énergie ; ces résultats confirmeraient également un effet de fractionnement du sommeil paradoxal.

    Réveils fréquents, difficultés pour se rendormir, insomnie... font partie des symptômes que décrivent les personnes dites « électro-sensibles », lorsqu'elles vivent à proximité d'une antenne-relais. L'étude porte sur les effets d'une exposition aux radiofréquences sur les fonctions de l'équilibre énergétique du jeune rat : le sommeil, la régulation thermique et la prise alimentaire. Le niveau d'exposition simulé correspond à celui rencontré à proximité des antennes-relais.

    La régulation des ressources en énergie du corps humain est le fruit de l'interaction entre quatre fonctions : entrée de l'énergie (alimentation), économie d'énergie (sommeil), mécanismes de déperdition d'énergie (activité locomotrice dans laquelle le phénomène de vasomotricité joue un rôle majeur[1]), production d'énergie. Toutes ces fonctions sont placées sous contrôle du système nerveux central (hypothalamus).

    Les premières conclusions montrent des effets biologiques à long terme des radiofréquences simultanés sur la régulation thermique, le comportement alimentaire et le sommeil. Ces effets, qui apparaissent notamment quand la température ambiante augmente, induisent chez les animaux exposés un maintien de la vasoconstriction périphérique. Ce phénomène a pour conséquence de déclencher chez l'animal des processus d'économie d'énergie, comme s'il avait des besoins énergétiques accrus. Des études complémentaires seraient nécessaires pour vérifier si ces mécanismes d'économie d'énergie ont un impact sur la santé.

    Les effets sur la thermorégulation

    Le comportement des animaux exposés indique que leur thermosensibilité au froid est différente des animaux témoins. Si les champs électromagnétiques semblent induire « une sensation de froid » chez l'animal, il n'est pas encore possible de dire si cet effet est transposable à l'homme.

    Les effets sur la prise alimentaire

    On observe également une prise alimentaire plus importante de la part des animaux exposés : les mécanismes d'économies d'énergie pourraient conduire à une augmentation de la masse corporelle, mais cela nécessite d'être confirmé. En outre, l'étude ne permet pas déduire que cette prise alimentaire joue un rôle quelconque dans les phénomènes de surpoids et d'obésité.

    Les effets sur le sommeil

    Les troubles du sommeil peuvent devenir pathologies : l'insomnie peut susciter des désordres psychiques chez l'adulte (état dépressif…) ou des troubles du comportement (nervosité…) chez les enfants, voire des déficiences physiques et mentales à long terme.

    L'étude permet de confirmer un autre effet des radiofréquences, le fractionnement du sommeil paradoxal. Au vu des résultats de l'étude, ce fractionnement n'occasionne pas de troubles du sommeil : les chercheurs n'ont noté aucune modification des paramètres de qualité du sommeil (réduction du temps de sommeil, réveils répétés, difficultés à se rendormir).

    Les résultats des études connues concernant les troubles du sommeil sont sujets à débat : un impact potentiel négatif des CEM aurait été observé sur la synthèse de mélatonine, hormone intervenant dans la régulation des rythmes biologiques (et donc du sommeil). D'autres études épidémiologiques relèvent un raccourcissement des cycles de sommeil induit par les ondes ; les études récentes établissent un lien entre une exposition aux radiofréquences de type GSM et un déficit des fonctions cognitives (difficulté de mémorisation).

    Les recommandations des pouvoirs publics

    • Eteignez votre téléphone mobile à chaque fois cela vous est demandé (avions, hôpitaux...)
    • Ne téléphonez pas en conduisant, même avec un kit mains-libres
    • Eloignez le téléphone mobile de votre tête (en utilisant un kit mains-libres)
    • Privilégiez les zones de bonne réception quand vous téléphonez
    • Utilisez votre téléphone portable avec modération
    • Evitez de téléphoner lors de déplacements à grande vitesse (train...)
    • Conseillez vos enfants : limitez leur recours au téléphone mobile
    • Porteurs d'un implant électronique, éloignez votre téléphone mobile de votre appareil médical

    Notes

    1. Propriété qu'ont les vaisseaux sanguins de changer de diamètre en fonction de modifications du milieu intérieur. La vasomotricité permet d'assurer de façon continue l'équilibre interne de l'organisme. Dans la régulation de la pression artérielle, la vasoconstriction (diminution du diamètre des vaisseaux) permet de faire remonter une pression trop basse, tandis que la vasodilatation (augmentation de ce diamètre) atténue un excès de pression. En ce qui concerne la régulation de la température du corps (thermorégulation), la vasoconstriction périphérique des vaisseaux cutanés empêche les pertes de chaleur par la peau, alors que la vasodilatation les accroît. Au cours de l'effort physique, il se produit une vasodilatation dans les muscles mis en action et une vasoconstriction dans les secteurs inutiles à l'effort.

    Un site internet d'information a été ouvert. Dans ce dispositif, les scientifiques de l'équipe sont amenés à répondre par écrit ou au téléphone aux questions des particuliers mais aussi de représentants de collectivités territoriales et de professionnels comme les médecins du travail.

    Source

    L'INERIS et l'UPJV identifient un effet biologique des champs électromagnétiques sur l’équilibre énergétique - INERIS

    Référence

    Effects of chronic exposure to radiofrequency electromagnetic fields on energy balance in developing rats ; novembre 2012 - Environmental Science and Pollution Research

    Auteur

    Institut National de l'Environnement industriel et des risques

    Publié par notre-planete.info


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  •   Contre la résistance aux antibiotiques, la phagothérapie, une vieille médecine

    Michèle Rivasi  (Rue 89Députée européenne
    Publié le 16/04/2013

    L’Organisation mondiale de la santé l’a rappelé en mars dernier : de plus en plus d’infections deviennent résistantes aux antibiotiques. Le staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) tue à lui seul 18 000 personnes par an aux Etats-Unis, soit plus que le sida. La comparaison est saisissante.

    En Europe, la situation n’est pas plus enviable. Les bactéries résistantes tuent chaque année 25 000 personnes en Europe. La Grande-Bretagne a récemment mis en garde contre une résistance croissante des infections aux antibiotiques.

    Selon Sally Davis, la principale conseillère du gouvernement britannique en matière de santé, la situation d’ici vingt ans pourrait être assimilée à un danger équivalent au terrorisme ou au réchauffement climatique.

    Surconsommation d’antibiotiques 

    Nous continuons à surconsommer des antibiotiques, que nous ingérons sans même nous en rendre compte par le biais des animaux d’élevage. Parqués en masse dans des batteries, malades de cette proximité, ces animaux sont gavés de médicaments que nous retrouvons ensuite dans nos assiettes.

    Nous venons d’ailleurs d’apprendre qu’une filière illégale de fourniture d’antibiotiques à hautes doses destinés à des animaux d’élevage vient d’être démantelée dans le Puy-de-Dôme.

    Des vétérinaires pharmaciens délivraient depuis plusieurs années de grandes quantités de médicaments vétérinaires à des centaines d’éleveurs, sans suivi sanitaire ni examen des animaux. C’est ce genre de comportement inacceptable qui favorise aussi le développement d’antibiorésistance chez l’animal et l’homme.

    Autre phénomène qui prend de l’ampleur : les infections associées aux soins, qui sont acquises lors de l’hospitalisation (maladies nosocomiales). Elles demeurent responsables de 4 200 décès annuels en France dans les hôpitaux. Là encore, on constate que depuis les années 1980, une part croissante d’infections acquises à l’hôpital est due à des bactéries multirésistantes aux antibiotiques.

    Par exemple, les entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu augmentent dans les hôpitaux. D’autres menaces émergent : épidémies de bactéries « pan-résistantes », « superbactéries » de type NDM provenant du sous-continent indien...

    Une méthode à remettre au goût du jour

    Face à ce constat alarmant, la question se pose de revenir à une méthode ancienne, qui a fait ses preuves avant l’arrivée des antibiotiques dans les années 1940 : la phagothérapie. Découverte à la fin des années 1910, cette thérapie reste largement méconnue en Europe de l’Ouest ou aux Etats-Unis, alors qu’elle semble être une alternative ou un traitement complémentaire efficace aux antibiotiques.

    Le traitement consiste à utiliser les phages, virus naturels des bactéries (on parle même de virus « mangeurs de bactéries »), présents partout dans la nature et notamment dans les eaux usées.

    Après des tests in vitro, il est possible de sélectionner les phages efficaces contre les bactéries présentes dans la plaie de la personne infectée, pour la soigner. Et les résultats sont impressionnants. Là où les antibiotiques échouent, les phages soignent.

    Seuls certains pays de l’Est, notamment la Géorgie, continuent à les utiliser et les commercialiser. Au sein de l’Union européenne et en France, on estime que les phages, issus de la nature, ne sont pas brevetables, selon le docteur Alain Dublanchet, car il s’agit d’êtres vivants.

    Des blocages administratifs et juridiques

    Les industriels ne peuvent pas s’en saisir pour en faire des médicaments, et le traitement n’est donc pas légal : on ne peut pas l’utiliser car, s’il y a le moindre problème, c’est la responsabilité du médecin prescripteur qui est engagée. 

    De nombreux blocages administratifs et juridiques entravent la progression de la recherche et l’éventualité d’une commercialisation de médicaments à base de phages. La phagothérapie souffre en outre d’une image de vieille médecine et se heurte à beaucoup de scepticisme.

    Malgré ces réserves, des médecins de l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, Alain Dublanchet, microbiologiste, et son confrère Olivier Patey, infectiologue, ont choisi de défendre la phagothérapie. J’ai pu faire leur connaissance lors du premier forum sur l’utilisation des bactériophages, organisé à Paris le 31 janvier dernier.

    Ces professionnels ont choisi de soigner certains patients atteints d’infections graves avec des phages, lorsque tout a été tenté et qu’aucun traitement ne parvenait à arrêter la flambée infectieuse.

    C’est ainsi que des personnes qui devaient être amputées à cause d’infections dévorantes ont pu voir leurs membres sauvés par cette technique. Cette méthode peut également être utilisée pour traiter les infections pulmonaires, comme celles dues à la mucoviscidose.

    Un grand colloque au Parlement européen

    Convaincue par l’intérêt de cette thérapie, j’ai par la suite invité à Bruxelles Dr. Dublanchet et Dr. Patey afin qu’ils rencontrent Dominique Ristori, directeur général du Joint Research Centre (JRC) de la Commission européenne, ainsi que des experts européens. Il me semble en effet important que la question soit abordée au niveau européen. La question du financement de cette recherche a également été abordée.

    Il convient de mener des études cliniques sur les phages (sous la forme de cocktails pour qu’ils soient considérés comme des médicaments), afin qu’ils puissent bénéficier d’autorisations de mise sur le marché. Il est très important que cette médecine soit réintroduite de façon encadrée afin de ne pas reproduire les erreurs qui ont été faites avec le mésusage des antibiotiques.

    Les protocoles doivent être minutieusement définis, ainsi que les procédures d’utilisation. Des rendez-vous sont pris avec l’Agence nationale de la sécurité des médicaments (ANSM) et le ministère de la Santé pour la mise en place d’études cliniques.

    Nous envisageons également de tenir un grand colloque au Parlement européen sur la phagothérapie, afin de trouver des solutions, notamment financières, aux blocages qui persistent dans le développement de cette médecine prometteuse.


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  • L'autre guerre

    2012     300 p.    36 € 

    L’autre guerre, c’est celle, non déclarée, qui au Guatemala fait aujourd’hui autant de victimes que durant le conflit armé des années 1980. Ce pays de 14 millions d’habitants est devenu l’un des plus dangereux au monde, avec 18 assassinats en moyenne par jour dont 98 % classés sans suite. Les jeunes des quartiers défavorisés rejoignent les maras, des gangs ultra-violents qui terrorisent la population. Corruption généralisée, narcotrafic, traite de personnes, trafic d’armes, alcoolisme, inceste... autant de fléaux favorisés par la pauvreté, le chômage et des familles détruites par la guerre et l’immigration. C’est cette réalité, qui un jour pourrait devenir la nôtre, que documente le photographe Miquel Dewever-Plana depuis plus de dix ans. Avec une certitude : c’est le manque d’éducation, la fragilité des structures sociales et l’impunité qui font le lit de la violence. Son travail photographique, qui ne peut laisser indifférent, fait écho aux témoignages de tous les protagonistes de cette « autre guerre ».

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  •   La cigarette la plus cancéreuse, c’est celle du petit matin au réveil

    Tous les fumeurs ne meurent pas du cancer. Mais tous ne fument pas de la même manière. Or fumer dans les trente minutes qui suivent le réveil augmente considérablement le risque de cancer. On peut désormais identifier les fumeurs les plus exposés.

    REUTERS/Susana Vera

                                 - REUTERS/Susana Vera -   Slate.fr   11/04/2013

    Le degré de l’addiction se mesure à des détails. Ne plus pouvoir faire l’économie d’un premier verre de blanc (de bière, de calvados etc.) dès le matin signe à coup sûr un alcoolisme avancé. Se sentir mal si l’on est privé d’une première cigarette au saut du lit témoigne d’une assuétude assez redoutable au tabac. Dans les deux cas, continuer à consommer ajoute immanquablement aux effets délétères de la drogue sur l’organisme. Les comparaisons s’arrêtent toutefois là. Pour l’alcool, différents tests permettent de mesurer assez fidèlement ces conséquences pathologiques; à commencer par le dosage sanguin des gamma GT et celui de CDT.

    La situation est radicalement différente pour ce qui est des fumeurs. Aucun dépistage radiologique organisé ne permet, pour l’heure, d’identifier précocement le cancer broncho-pulmonaire du tabac. Les premiers symptômes (toux chronique, crachats sanglants, amaigrissement) ne surviennent que lorsque la lésion cancéreuse a atteint un stade avancé de son développement. Soit souvent bien trop tard pour une espérance de vie normale.

    Peut-on espérer d’identifier les personnes qui, au sein de la population générale des fumeurs, sont les plus à risques de souffrir d’un cancer? Une étape encourageante vient d’être faite dans ce domaine par une équipe américaine. Cette équipe dirigée par le Pr Joshua E. Muscat (Université de l’Etat de Pennsylvanie) avait déjà franchi un premier pas en 2011: elle avait alors démontré dans deux études publiées dans la revue Cancer que les fumeurs qui allument leur première cigarette dans les minutes qui suivent leur réveil ont, par rapport aux autres, un risque nettement accru d’être victime d’un cancer du poumon ou d’un cancer dit «de la tête et du cou».

    Conséquences pratiques

    Leur analyse «cancer du poumon» avait inclus 4.775 cas de cancer du poumon et 2.835 cas contrôles. Tous les volontaires étaient des fumeurs réguliers et consommaient de manière chronique des quantités équivalentes de cigarettes. Comparativement aux personnes qui fumaient plus d’une heure après leur réveil, celles qui fumaient entre 31 à 60 minutes après étaient 1,31 fois plus susceptibles de développer un cancer du poumon. Et celles qui fumaient dans les 30 premières minutes l’étaient 1,79 fois plus.

    Leur analyse pour les cancers de la tête et du cou portait sur 1.055 cas de cancer et 795 cas contrôles. Les personnes qui fumaient entre 31 et 60 minutes après étaient 1,42 fois plus susceptibles de développer un ce type de cancer et celles qui fumaient dans la première demi-heure l’étaient 1,59 fois plus.

    Le Pr Muscat pensait alors pouvoir attribuer à la nicotine ce risque accru d’apparition de cancer. «Ces fumeurs ont des niveaux plus élevés de nicotine et éventuellement d'autres toxines du tabac dans leur corps, et ils peuvent être plus accro que les fumeurs qui s'abstiennent de fumer pendant plus d’une demi-heure, avait-il expliqué lors de la publication de son travail. C'est peut-être une combinaison de facteurs génétiques et personnels qui provoquent une forte dépendance à la nicotine». Lui et son équipe en savent aujourd’hui un peu plus. Et la nouvelle découverte que son équipe vient de faire devrait avoir de notables conséquences pratiques.

    Steven A. Branstetter et Joshua E. Muscat ont ainsi découvert que, par rapport aux autres consommateurs, les fumeurs de la première demi-heure ont des niveaux plus élevés de «NNAL». Il s’agit là d’un métabolite d’une substance cancérogène «NNK» (Nicotine-derived nitrosamine ketone ou 4 - (méthylnitrosamino) -1 - [3-pyridyl]-1-butanone) spécifique au tabac.

    Leur travail vient d’être publié dans la revue Cancer, Epidemiology, Biomarkers and Prevention. Le Pr Branstetter, spécialiste de «santé bio-comportementale» à la Penn State, rappelle que la NNK est bien connue pour induire des tumeurs du poumon chez plusieurs espèces de rongeurs. Et les concentrations de NNAL dans l’organisme peuvent permettre d’évaluer le risque de cancer broncho-pulmonaire chez les rongeurs comme chez l'homme. On sait d’autre part que les niveaux de NNAL chez les fumeurs ne varient pas sur de courtes périodes. Dès lors, une seule mesure reflète l'exposition de le personne dépendante et son niveau de risque.

    Effet planant de la première clope

    Pour arriver à ce résultat, l’équipe universitaire américaine a travaillé à partir des échantillons d’urine récoltés auprès de 1.945 fumeurs adultes; tous participaient à la cohorte NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey). On leur avait demandé de noter aussi fidèlement que possible ce qu’il en était de leur «comportement tabagique» dans la journée, et ce dès leur réveil.

    Il est ainsi apparu que 32% des participants fumaient leur première cigarette dans les cinq minutes qui suivaient le réveil, 31% dans les six à trente minutes, 18% dans les 31 à 60 minutes, 19% fument leur première cigarette plus d'une heure après le réveil. Après analyse multifactorielle (âge des participants et âge de début du tabagisme, sexe, exposition au tabagisme passif) et élimination des biais statistiques, les auteurs américains ont pu établir que le niveau de la concentration en NNAL était plus élevé chez les personnes qui fument le plus tôt après leur au réveil; et ce quelle que soit la fréquence de leur tabagisme et quels que soient les autres facteurs prédictifs des fortes concentrations en NNAL.

    Le phénomène est frappant: les taux urinaires de NNAL ajustés avec le nombre de cigarettes fumées par jour, sont deux fois plus élevés chez ceux (et celles) qui fument dans les cinq minutes qui suivent le réveil par rapport à celles et ceux qui s’abstiennent de fumer pendant au moins 1 heure (0,58 vs 0,28 ng / ml). Pourquoi? Les auteurs estiment que les personnes dépendantes qui ressentent très tôt le besoin de fumer après leur sommeil sont aussi celles qui inhalent le plus profondément la fumée de cigarette et les toxiques chimiques qu’elle contient.

    D’où les niveaux élevés de NNAL dans les fluides de l’organisme, l’imprégnation durable des tissus les plus exposés aux fumées et goudrons. Et donc le risque plus élevé de cancers broncho-pulmonaires, de la bouche et du nez. Mais nombre de fumeurs confient aussi que la cigarette grillée au saut du lit (voire avant ce saut) est aussi celle qui fait le plus «planer».

    Pour les auteurs de ces travaux (comme pour ceux qui le découvrent), les conclusions sont évidentes: les fumeurs de la première demi-heure sont ceux qui devraient en priorité bénéficier d’incitations et d’aides à l’arrêt (total ou partiel) de leur consommation. Les bénéfices seraient à la fois individuels et collectifs. Une mesure a minima pourrait être de les inciter à dépasser cette demi-heure identifiée comme à très haut risque. Ces interventions pourraient aussi être soutenues par un dépistage des niveaux urinaires de NNAL. Les résultats pourraient contribuer à faire prendre conscience aux fumeurs de leur degré d’intoxication à la manière dont les résultats des dosages sanguins de gamma GT peuvent le faire chez les malades de l’alcool.

    Ces avancées sont possibles, peu coûteuses et hautement rentables. Pourquoi attendre? Elles ne pourraient être mises en œuvre que dans le cadre d’une politique de lutte contre le tabac qui ne se bornerait pas à interdire dans les espaces publics la consommation d’une drogue légale et lourdement taxée par l’Etat qui conserve jalousement le monopole de sa commercialisation.

    En France, les pouvoirs publics sanitaires font savoir que le tabac est responsable chaque année d’environ 73.000 décès prématurés dont 44.000 par cancers.

    Jean-Yves Nau


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  • Tomate : à la recherche du goût perdu

    Créé le 05-04-2013

    À force de production de masse, la tomate a fini par perdre son goût. Une chercheuse de l'Inra raconte sa quête des saveurs oubliées.

    Tomate ROGER ROZENCWAJG / PHOTONONSTOP

                                                  Tomate ROGER ROZENCWAJG / PHOTONONSTOP

    PRODUCTION INDUSTRIELLE. Insipide, trop ferme, farineuse… Dans les années 1990, la tomate n’éveille plus le désir. Certes, les consommateurs peuvent désormais la trouver toute l’année dans les grandes surfaces. Certes, grâce à la mutation du gène RIN (ripening inhibitor), inhibiteur de maturation, des variétés comme la Daniela se conservent trois semaines au lieu d’une.

    Mais dans ces corps lisses, high-tech et standardisés, les arômes, eux, sont en berne… Et les ventes, en baisse. A cette époque, Mathilde Causse, chercheuse à l’unité de Génétique et amélioration des fruits et légumes de l’Inra, voit débarquer dans son labo des sélectionneurs – les sociétés semencières qui produisent les variétés – inquiets.

    400 molécules aromatiques

    GÉNÉTIQUE. Il est urgent de partir à la recherche du goût perdu. « Pendant longtemps,les tomates n’ont pas été sélectionnées en fonction du goût, car on pensait qu’il leur était inhérent », se souvient Mathilde Causse. Pourtant, conditions de culture, maturité à la récolte, conservation : tout contribue à contrarier les 400 molécules aromatiques identifiées par son équipe, dont une trentaine, en très faible quantité, sont essentielles à l’arôme de tomate.

    «Nous avons voulu voir s’il y avait – et malheureusement il y a – des relations opposées entre rendement et qualité », conclut la scientifique. Au niveau génétique, les chercheurs croisent une petite tomate sucrée, aromatique et acide avec une grosse tomate à bon rendement et résistante, et identifient sur la descendance une dizaine de régions chromosomiques où se trouvent des gènes intervenant sur la qualité. En 2005, ils parviennent à montrer qu’il est possible d’utiliser la sélection assistée par marqueurs, outil d’autant plus utile que le génome de la tomate est publié en 2012.

    Tomate, le retour ?

    VARIÉTÉS. Ce regain d’intérêt pour la diversité encourage les semenciers à étendre leur palette : longues, côtelées, bosselées, jaunes, violettes, marbrées de noir… Les variétés anciennes font même leur retour. De quoi ravir les « traditionnalistes », sensibles à leur texture fondante.

    D’après une étude réalisée en Hollande, France et Italie, on retrouve cette catégorie de consommateurs dans tous ces pays, avec « les gourmets », plus nombreux, qui aiment les tomates savoureuses et juteuses comme des tomates cerise, les « classiques », friands de fermeté, rondeur et sucré, et les « indifférents » pour qui toutes les tomates se valent, pourvu qu’elles soient fermes.

    Les quantités ingurgitées, en revanche, varient considérablement : 12 kg par an en moyenne pour les Français, contre 56 pour les Grecs !

    Julie Pêcheur, Sciences et Avenir, 5/04/13

    La petite histoire du botaniste-écologiste Jean-Marie Pelt

    Originaires des Andes, les tomates sauvages sont des fruits de la grosseur d’une petite cerise. Mais c’est déjà une variété à gros fruits, modifiée par la culture des Incas, que les conquistadores importent en Europe au xvie siècle. La tomate met longtemps à s’y imposer en cuisine : son appartenance à la famille des solanacées et sa ressemblance avec la belladone la rendent éminemment suspecte ! Plante ornementale, elle doit attendre 1778 pour intégrer la rubrique des plantes potagères du catalogue des graines Vilmorin-Andrieux. Sa culture se développe alors considérablement dans le Midi. Pendant la Révolution, quand les Marseillais arrivent à Paris, ils réclament des tomates dans les auberges. On commence alors à les cuisiner dans tout le pays. Devenue légume à part entière, la tomate connaît un grand succès : un relevé signalait 99 variétés différentes cultivées en France de 1856 à 1966. Depuis, on a vu naître toute une collection de variétés nouvelles, adaptées aux cultures actuelles, du plein champ aux serres hautement technologiques : 60% de la production se fait désormais sous abri en hors-sol. Aujourd’hui, on compte plusieurs dizaines de milliers de variétés dans le monde.

    Retrouvez cet article ainsi que les autres de la série "comment retrouver le goût de..." dans le Hors-Série de Sciences et Avenir actuellement en kiosque.

     Conclusion: ne manger que des tomates en saison et bio! Boycotter les tomates industrielles.


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  •  Hommage à José Luis Sampedro, l'inspirateur des Indignés

     

    A contre-courant jusqu'au bout, l'économiste, humaniste et écrivain espagnol José Luis Sampedro s'est éteint.

    "Bien sûr qu’il existe des alternatives. Ne vous inquiétez pas, quand le système aura coulé, et il coule -ce que nous vivons actuellement est la barbarie que provoque son effondrement- autre chose viendra. La vie ne s’arrête jamais. Ou les banquiers pensent-ils qu’ils sont immortels?"

    L’Espagnol José Luis Sampedro s’est éteint dans la nuit du dimanche 7 avril, à l’âge de 96 ans. Son décès, annoncé deux jours après, a ému de nombreux Espagnols.

    José Luis Sampedro était l'inspirateur du mouvement "Democracia real ya!" et des Indignés du 15 mai.

    José Luis Sampedro avait également rédigé le prologue du manifeste Indignez-vous, écrit par son complice Stéphane Hessel.

    Il ne prétendait pas vouloir changer le monde, a-t-il confié au journal El Pais, mais être en harmonie avec lui: "Cela suppose une vie qui se dessine comme un fleuve. Celui-ci se lance d’abord fougueusement à l’assaut de la descente montagneuse, se calme, puis arrive à un point, qui est le mien à présent, où il meurt. Je veux mourir comme ce fleuve, je sens déjà le sel. Je pense à la mort comme quelque chose de bénéfique. Le fleuve est eau douce et voit qu’il change, mais il l’accepte et meurt heureux, parce qu’une fois qu’il s’en rend compte il est déjà devenu mer."

    Plus mystique que révolutionnaire, selon ses dires, José Luis Sampedro a surtout influencé les jeunes Espagnols.

    Le 15 mai 2011, quand éclatait le mouvement des Indignés, il manifestait avec eux, à Madrid.

    Ni de droite, ni de gauche, l’homme voulait rassembler les Espagnols, sans longs discours sur les luttes des classes ou quête de pouvoir. Cherchant son épanouissement dans la solidarité, la proximité avec la nature, il abhorrait la frénésie du "toujours plus".

    Vitalité, coopération, création

    Pour Sampedro, les Espagnols avaient leur part de responsabilité individuelle dans la crise, ce qui le rendait plus crédible dans son combat auprès des Indignés. Une responsabilité prenant sa source, selon lui, dans le consumérisme et la "course au capital" avant l’éclatement de la bulle immobilière.

    Des militants indignés à Ténérife, lisant une lettre de soutien de Sampedro. Crédit photo: Mataparda/Flickr

    Convaincu que le temps du changement était venu, que les limites du capitalisme avaient été franchies depuis trop longtemps déjà, il voulait que le système économique soit repensé de façon critique: "Le développement ne se fait que s’il y a rentabilité. L’important réside dans ces trois mots que tout le monde exige de nos jours : productivité, compétitivité et innovation. Au lieu de productivité, je propose vitalité; au lieu de compétitivité, coopération, et face à l’innovation qui consiste à inventer des choses pour les vendre, la création."

    Une vie à multiples facettes

    Sampedro est né à Barcelone en 1917, mais a grandi au Maroc, à Tanger. Il a ensuite connu la guerre d’Espagne. D’abord enrôlé dans l’armée des Républicains, il a déserté pour rejoindre les rangs des Franquistes.

    Né dans une famille de conservateurs, il les pensait, d’abord, plus proches de ses principes politiques. Rares sont ceux qui lui en tiennent rigueur, car l'écrivain a très vite pris du recul pour se forger ses propres idées, et, dénoncer haut et fort, non sans risques, l'iniquité de la dictature.

    Après la guerre, il termina ses études d’économie avec brio, ce qui lui permit d’exercer divers postes dans la Banque extérieure d’Espagne. Sampedro devint par la suite professeur d’économie à l’université Complutense de Madrid, puis à l’étranger.

    En tant que sénateur, nommé par décision royale, Sampedro s’est engagé contre les traces laissées par la dictature franquiste. Cet engagement se retrouve dans ses livres, dont Octobre, octobre fut le premier succès.

    Sa carrière prolifique et sa maîtrise de la langue espagnole lui valurent d’être nommé à la Real Academia Espanola en 1990, cinq ans après la publication de son second roman à succès, Le sourire étrusque. Il consacra le reste de sa vie à l’écriture.

    Conformément à ses idées- il fut très critique quant aux dérives et aux manipulation des médias-, il avait demandé à sa famille qu’un "cirque médiatique" soit évité, ce pourquoi sa disparition a été annoncée tardivement.

    Depuis, les internautes émus lui rendent hommage sur la toile en évoquant ses citations. L’unes des plus partagées demeure: "Nous devrions nous indigner mille fois plus."


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  •    Rabhi: “Il n’y a plus de paysans, uniquement des industriels de la terre”

     

    Pour Youphil.com, le philosophe, agriculteur et écrivain Pierre Rabhi revient sur son parcours semé d'engagements.

    Du haut de ses "52 kilos tout mouillé", comme il aime souvent se décrire lui-même, Pierre Rabhi est un homme de combats et d'engagements. C'est du moins comme ça que le présente le film documentaire qui lui est consacré: Pierre Rabhi, au nom de la terre.

    Cinq choses à savoir sur Pierre Rabhi

    En un peu plus de 90 minutes, la réalisatrice Marie-Dominique Dhelsing retrace le parcours atypique de ce philosophe, agriculteur et écrivain. De sa naissance dans le désert algérien, jusqu'à sa renaissance sur les terres rocailleuses de l'Ardèche.

    À l'occasion de la sortie du film, le 27 mars, l'ardent défenseur de la "sobriété heureuse" a accepté de répondre à nos questions.

    Youphil.com: Pourquoi avoir accepté de participer à ce film?

    Pierre Rabhi: Des personnes qui connaissent mes engagements ont estimé que cela valait peut-être la peine qu’ils soient rendus publics et transmis aux autres.

    Comment vivez-vous votre notoriété grandissante?

    Je la vis avec beaucoup de vigilance, car elle est parfois lourde à porter. Quelques fois, je peux me dire: “Ça irait mieux si j’étais anonyme.” Mais d’un autre côté, je suis bouillonnant de combats et de valeurs sur le respect de la vie.

    Cette notoriété me pèse, donc, mais m’honore en même temps. Bien qu’elle n’ajoutera pas un centimètre à ma taille [rires]. Je suis surtout heureux des combats que je porte. Chaque fois que je regarde mes enfants et petits-enfants, par exemple, je me demande qu’elle planète allons-nous leur laisser?

    C’est une vie impossible que nous leur préparons, c’est un délit énorme à l’égard des êtres humains. Nous n’avons pas le droit de ne pas penser à eux. C’est moralement inacceptable! Alors soit je me dis que je reste chez moi bien tranquillement, soit je n’accepte pas et je me bats en allant au front.

    Pour vous, “l’être humain doit être en quête de quelque chose”. De quoi êtes-vous en quête, Pierre Rabhi?

    Je vous avouerai que je finis par ne plus le savoir moi-même [rires]. J’ai été musulman, puis chrétien. J’ai vécu l’arrachement à une terre, à une famille, puis l’exil. Cet itinéraire singulier a forgé ma perception du monde et de la condition de l’homme.

    Pierre Rabhi aux côtés de son ami agriculteur Michel Valentin, décédé à l'époque du tournage du documentaire.

    À travers mon attachement à la nature, j’ai découvert qu’il y a un dénominateur commun à tous les êtres humains et que personne ne peut récuser: nous sommes tous des mammifères et nous vivons tous dans une biosphère commune. Au fond, ma quête est peut-être que l’être humain soit capable d’améliorer la nature.

    Vous êtes un fervent défenseur de la nature, mais quels sont vos autres combats?

    Mon existence repose sur des protestations importantes à l’égard de notre modèle de société. Ce modèle a fait des humains, des consommateurs avant tout. C’est l’enrichissement des uns et l’appauvrissement des autres qui nous guide.

    L’être humain n’est pas né pour le PIB [produit intérieur brut], ni pour être confiné et enfermé. C’est pourtant ce qu’il se passe. Si l’on y réfléchit, jusqu’à l’université nous sommes enfermés dans des “bahuts”; puis nous travaillons tous et vivons dans des “boîtes”; même pour s’amuser, les jeunes vont en “boîtes” dans leur “caisse”; enfin, à notre mort on nous met dans une petite boîte. Je ne pouvais pas vivre comme cela, c’est de là que découle ma logique du retour à la terre.

    Qu’appelez-vous "retour à la terre"?

    C’est un retour à la nature et ses bienfaits [en 1961, Pierre Rabhi et son épouse quittent Paris pour s’installer dans une magnanerie en Ardèche]. Je me suis dit: “Je ne connais rien à l’agriculture, je vais apprendre.” Mais je me suis rapidement aperçu que l’agriculture moderne produit, mais qu’elle détruit aussi beaucoup.

    De là est née ma seconde contestation: “Si c’est ainsi, je ne serai pas agriculteur.” Finalement, j’ai découvert le moyen de faire de l’agriculture en respectant la vie: l’agriculture biologique ou l’agro-écologie. C’est ainsi qu’aujourd’hui, nous nous parlons et que je contemple, depuis la fenêtre de mon bureau, le soleil pointer au loin.

    Vous avez été nommé expert de l’ONU sur la question de la sécurité alimentaire dans le monde en 1997. Les Nations Unies redéfinissent actuellement les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Que préconiseriez-vous?

    Les terres sont massacrées, l’eau est souillée et la biodiversité que les humains ont mis des millénaires à domestiquer a disparu à 60%. Et on ose prétendre que les OGM [organismes génétiquement modifiés] peuvent tout résoudre? C’est criminel! Nous sommes en train de "génocider" les générations futures. L’humanité court à sa perte.

    Vous avez entendu parler du scandale de la viande de cheval? Cela ne m’a pas surpris. Nous sommes dans une logique absurde: il n’y a plus de paysans, uniquement des industriels de la terre.

    Pourquoi diable aller chercher de la nourriture aussi loin, alors que Paris, par exemple, pourrait s’approvisionner entièrement grâce à la production agricole en périphérie?

    Dans le film qui vous est consacré, vous dites justement que vous pourriez résoudre le problème de la faim dans le monde…

    Absolument, je ne dis pas ça comme une bravade. Mon livre L’offrande au crépuscule, dans lequel je relate les effets bénéfiques de l’agro-écologie au Sahel, a d’ailleurs reçu le prix des sciences sociales agricoles [en 1989].

    J’y explique quelles sont les techniques que nous avons mises en œuvre au Burkina Faso, avec la création du centre de formation de Gorom-Gorom. Nous avons eu des résultats tels que si on généralisait ces méthodes, la famine disparaîtrait. Bien évidemment les conditions climatiques restent un frein. Je ne suis pas Dieu, en tout cas pas encore [rires]. Mais même avec des conditions climatiques difficiles, on arrive à des résultats formidables.

    Thomas Sankara [président du Burkina Faso de 1984 à 1987] m’avait d’ailleurs demandé de mettre en place un plan de réformes agraires orientant l’ensemble du pays vers l’agro-écologie. Fort de toutes ces expériences, j’affirme que cela fonctionne.

    Est-ce que l’agro-écologie serait suffisante pour nourrir la planète?

    Bien sûr. C’est agaçant, voire blessant, d’entendre que la faim dans le monde est due à la surpopulation. C’est faux! Des millions d’enfants meurent de faim pendant que nous nous bâfrons et que nous remplissons nos poubelles. C’est terrifiant.

    Plutôt que de mettre les moyens pour fabriquer des armes et s’entretuer, les nations devraient mettre ces mêmes moyens au service de la vie.

    Depuis des années vous défendez le concept de “sobriété heureuse”. Qu’est-ce que vivre sobrement aujourd’hui?

    C’est être heureux, c’est le bien suprême général. Dans les pays du Sud, les populations vivent sobrement et sont soumises aux aléas du lendemain, mais elles ne ratent aucune occasion d’être heureuses. D’après moi, les gens supportent davantage la misère dans les pays du Sud, car ils savent sauvegarder la relation humaine.

    Dans nos sociétés modernes existe le concept de la libération par le progrès. Mais où est la libération? Le superflus prend une importance énorme. Et parce que nous voulons constamment accumuler, l’être humain s’aliène. Si l’on procédait à une réduction drastique du superflus, on s’apercevrait que l’on n’a pas besoin de tant d’argent que ça.

    Vous prônez la décroissance, mais est-ce qu’il n’est pas trop tard pour faire marche arrière?

    Non je ne pense pas. Mais le discours politique maintient cette posture aberrante de “produire toujours plus”. La croissance économique se fait par l’avidité, en épuisant les ressources des mers et des forêts. Notre planète a des ressources limitées, elles s’épuisent.

    Comment voulez-vous appliquer cette théorie de “produire toujours plus” sur une planète limitée? Imaginez que tous les peuples désirent vivre comme nous, ce serait impossible. Nous condamnons les générations futures. C’est immoral.

    N’avez-vous pas l’impression que votre message passe inaperçu?

    J’essaye avant tout d’être cohérent avec moi-même. Je suis en rébellion par rapport à notre modèle de société. Mais il ne suffit pas de s’indigner, il faut avoir un raisonnement constructif. Quelques fois, je suis un peu las, mais je me dis que je fais mon possible.

    La crise a une puissance pédagogique exceptionnelle, elle produit un nouvel imaginaire: nous constatons que notre modèle n’ira pas loin. Nous assistons à un réveil des consciences. De plus en plus de gens revendiquent le droit de vivre, et pas seulement d’exister. C’est ça qui me maintient mobilisé.

    Aujourd’hui, il ne faut pas se tromper de crise: elle est surtout humaine. Le problème est de savoir quelle planète laisserons nous à nos enfants, et quels enfants allons nous laisser à la planète?

    > "Pierre Rabhi, Au nom de la terre", un film de Marie-Dominique Dhelsing, en salles à partir du mercredi 27 mars.


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  •  "Le malheur français, c’est quelque chose qu’on emporte avec soi "

    Mathieu Deslandes | Journaliste Rue 89
     
    Plus exigeants ou « victimes » d’une école qui n’encourage pas l’estime de soi, « les Français ont 20% de chances en moins d’être heureux » selon Claudia Senik.

                             Claudia Senik, avril 2013 (Audrey Cerdan/Rue89)

    Claudia Senik est professeur à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris (PSE, Paris School of Economics). Ses recherches portent sur un domaine singulier : « l’économie du bonheur ». Comme l’écrit Sylvie Kauffmann dans sa chronique du Monde (« La France ne fait pas le bonheur (suite) », mardi 2 avril), « nul n’est prophète en son pays ».

    Le 28 octobre 2011, Claudia Senik avait publié sur LeMonde.fr les premiers résultats de son étude rédigée en anglais, « The French Unhappiness Puzzle : the Cultural Dimension of Happiness » (« Le mystère du malheur français : la dimension culturelle du bonheur »), sans que cela ne fasse grand bruit.

    Le 24 mars dernier, The Observer, hebdo britannique, publie un article, également mis en ligne sur le site du Guardian, « C’est leur culture qui rend les Français moroses » ; un journaliste avait repéré que la chercheuse était invitée le 3 avril à donner une conférence à Londres.

    Parallèlement, le mensuel américain The New Yorker sort un très bon et dense papier inspiré des mêmes travaux de Claudia Senik, « Heureux d’être malheureux : le cas français ». Voilà, c’était parti en France. Le week-end de Pâques fut celui de l’auto-flagellation française sur les réseaux sociaux.

    Nous avons rencontré Claudia Senik une semaine avant qu’elle ne prononce sa conférence ce mercredi, à la Royal Economic Society de Londres. Elle nous a expliqué comment elle a travaillé. A force de mesures statistiques, elle a mis en évidence l’existence d’une mélancolie française, d’une inaptitude des Français à se dire aussi heureux qu’ils le devraient.

    Rue89 : Comment une économiste se retrouve-t-elle à travailler sur la mélancolie française ?

    Le bonheur selon les économistes

    Comment les économistes définissent-ils le bonheur ? Ils ne le définissent pas, selon Claudia Senik.

    « On ne se dit pas a priori ce qui rend les gens heureux. On essaye de l’apprendre des gens eux-mêmes en observant quels sont les corrélats du bonheur déclaré, et les facteurs qui évoluent quand un individu déclare qu’il est plus content de sa vie une année qu’une autre.

    Il y a à la fois une dimension cognitive (je porte un jugement sur ma vie) et une dimension plus émotionnelle, plus affective (on demande aux gens si, au cours de la semaine passée, ils se sont souvent sentis joyeux, excités, mobilisés ou au contraire déprimés, tristes, en colère, frustrés... puis on calcule une sorte d’indice entre les émotions négatives et positives).

    Sur ces études-là, les Français sont en haut du classement des pays en termes d’émotions négatives ressenties, et très bas dans le tableau des émotions positives. »

    Claudia Senik : J’ai assisté un jour à un séminaire consacré aux déclarations des gens sur leur bien-être, j’ai trouvé ça intéressant. Comme je travaillais sur la Russie et qu’il y avait des données très riches, j’ai commencé à travailler sur la dynamique du bien-être en Russie... et je suis tombée dedans.

    J’ai mené plusieurs travaux sur la relation entre revenu et bien-être, entre croissance et bien-être, et en faisant ces travaux, en utilisant des enquêtes internationales, je me suis rendu compte que la France était tout le temps en dessous des autres pays en termes de bien-être moyen.

    Les Français transforment systématiquement un niveau de vie donné en un niveau de bonheur moindre que les autres pays en moyenne. Et cet écart est assez stable depuis qu’on a des données (les années 70). Quand on est en France, toutes choses égales par ailleurs, on a 20% de chances en moins d’être heureux – en tout cas de se dire très heureux.

    D’autres pays ont-ils aussi ce problème ?

    L’Allemagne et l’Italie connaissent aussi une tendance de ce type. Mais ce n’est pas le cas de l’Angleterre, des Pays-Bas, de la Belgique... En gardant nos circonstances de vie inchangées, si nous avions la fonction de bien-être des Belges, cela nous remonterait de plus d’un demi-point sur l’échelle de bonheur. Ce qui est beaucoup.

    Qu’est-ce que c’est que cette échelle ?

    Dans de grandes enquêtes auprès de dizaines de milliers d’individus, en plus des questions habituelles sur leurs circonstances objectives de vie (leur âge, leur métier, leur statut d’emploi, leur situation matrimoniale...), on introduit des questions plus subjectives. On leur demande de se situer en termes de bonheur, de satisfaction dans la vie, sur une échelle de 0 à 10. En Europe, la moyenne est à 7,6. Certains pays scandinaves sont au-dessus de 8. La France est à 7,2. C’est particulièrement faible.

    A partir de ce constat, comment avez-vous enquêté ?

    Au début, j’ai essayé de voir si c’était le fait de certains groupes. J’ai essayé de voir si ça concernait plus les jeunes ou les vieux, les riches ou les pauvres... qui auraient plombé la moyenne. Au terme d’analyses économétriques, je n’ai rien trouvé de tel.

    Je me suis donc demandé si c’était dû aux circonstances objectives : y a-t-il, en France, quelque chose de particulier qui rende les gens malheureux ? Le chômage, les inégalités, l’architecture de la banlieue... ? Ou est-ce que c’est dans la tête ?

    J’ai donc utilisé une grande enquête européenne – 1 500 personnes interviewées dans chaque pays pendant quatre années – dans laquelle on peut distinguer les « natifs », comme on dit en anglais [« de souche », en langage courant, ndlr] et les immigrés de première et deuxième génération.

    Si ce qui rend les Français malheureux relevait des circonstances objectives, les immigrés seraient eux aussi touchés. Mais ce n’est pas le cas. Les immigrés sont moins heureux que les natifs dans tous les pays, et on n’observe pas un malheur supplémentaire chez ceux qui vivent en France.

    Quid des Français expatriés ?

    Ils sont en moyenne moins heureux que d’autres expatriés européens. Ce qui prouve bien que c’est quelque chose qu’on emporte avec soi. C’est dans la tête.

    A un moment, vous vous demandez si le « malheur français » n’est pas lié à la langue...

    Une hypothèse est parfois soulevée : « heureux » ou « happy », ça ne veut pas dire exactement la même chose. Le niveau d’exigence contenu dans le mot « heureux » serait variable selon les langues et expliquerait les différences dans les réponses aux questions sur le bonheur. Du coup j’ai vérifié : au Canada, en Suisse et en Belgique, les communautés francophones ne sont pas toujours, à conditions de vie égales, les plus malheureuses. Donc ce n’est pas purement dû à la langue.

    En revanche, j’ai observé que les immigrés qui étaient passés par l’école en France depuis un très jeune âge étaient moins heureux que ceux qui n’étaient pas passés par l’école française. Ce qui me fait penser que les institutions de socialisation primaire formatent les choses assez lourdement.

    Quel rôle joue l’école dans la fabrication de la mélancolie française ?

    Avec les données dont je dispose aujourd’hui, je n’ai pas pu identifier les facteurs qui façonnent cette mentalité. On manque de données sur le bien-être des enfants. Je partage les conclusions des frères d’Iribarne, qui ont écrit qu’il y avait une contradiction dans le système français entre élitisme et égalitarisme. On dit à tout le monde : il y a égalité des chances.

    Mais on a un système super élitiste et unidimensionnel. On demande aux gens d’appartenir aux 5% des meilleurs (mais par définition, tout le monde ne peut pas y être), on les classe, et on considère que seuls le français, les maths et l’histoire comptent. On se fiche complètement qu’ils excellent en sport, en peinture, en musique, en conduite de projets...

    Il y a donc très peu de gens qui ont l’impression d’être vraiment au top. Ils se voient comme étant en échec ou moyens. A force d’être éduqués avec cette échelle de 0 à 20, beaucoup finissent par se voir au milieu de l’échelle. L’école française a plein d’avantages, elle produit des gens très bien formés, mais ce n’est pas l’école du bonheur.

    On connaît un autre extrême : une école où l’on dit sans arrêt aux enfants « c’est bien », « c’est merveilleux », « c’est formidable », « tu es vraiment génial », « great », « wonderful », « gorgeous »...

    Et ça produit quoi ?

    Ça produit de l’estime de soi et de la confiance en soi. Précisément la base du bonheur. D’un point de vue rationnel, c’est intéressant de former des citoyens qui ont le courage d’affronter le monde, de prendre des risques, de se lancer en se disant qu’ils vont y arriver.

    Votre travail n’est pas encore achevé. Vers quelle interprétation vous orientez-vous ?

    Quand on répond à une question sur le bonheur, on a toujours en tête des éléments de comparaison. C’est par rapport à un monde de possibles, à un certain niveau d’exigence. Les Français ont peut-être un niveau d’exigence plus élevé que les autres, ou une nature d’exigence différente.

    Une des sources importantes du bonheur, c’est l’anticipation, la capacité à se projeter dans le futur, les projets... Il y a une dimension individuelle, mais aussi une dimension collective. S’inscrire dans l’avenir, cela suppose que l’on adhère au monde tel qu’il est. Si on est dans un pays qu’on ne se représente pas comme étant très dynamique, on n’a pas l’impression de faire partie d’un projet collectif très identifiant. Et cela déteint sur la perception que l’on a de soi-même.

    J’ai reçu de nombreux messages de lecteurs de mes travaux qui me disent que le malheur français vient du fait que l’anglais se soit imposé comme langue de communication, qu’on a laissé tomber la francophonie... Il me semble que c’est assez significatif.

    Est-ce que les Français se complaisent dans ce malheur ?

    Je pense qu’ils sont attachés à un idéal qui ne correspond pas au monde tel qu’il est. En termes un peu psychanalytiques, il y a un bénéfice à cela. On se berce de l’idée qu’on est le pays de l’universalisme, des Lumières, de la Révolution, un grand pays. Ça nous fait du bien, mais après on le paye, on en souffre, parce que ça ne correspond plus à ce qu’est la France aujourd’hui.

    Si vos hypothèses sont validées par la communauté scientifique, quelles conclusions devraient en tirer les pouvoirs publics ?

    Bouleverser l’enseignement des langues. L’enseignement des langues à l’école aujourd’hui ne participe pas d’un grand enthousiasme pour le monde tel qu’il est. On vit dans un monde globalisé, mais les Français, à 18 ans, ne maîtrisent pas l’outil de communication de ce monde : l’anglais. C’est un vrai handicap.

    Cela nous empêche de nous sentir autant citoyens du monde qu’on le devrait. Du point de vue des anticipations dans le futur, ce n’est pas une bonne chose. On devrait passer beaucoup plus de temps, à l’école, à faire autre chose que des maths et du français. Développer d’autres dimensions de la vie.

    Ceci dit, j’ai adoré l’école, je suis un pur produit de l’école française, j’étais super compétitive, j’adore être au sommet, mais ce n’est pas généralisable. On ne peut pas exiger de tout le monde de se concentrer, de rester toute la journée assis sur une chaise quand on est un enfant !

    Donner l’impression aux gens, dès le début de leur vie, que la réussite est multidimensionnelle, qu’il y a différentes manières de réussir et qu’elles sont toutes aussi légitimes les unes que les autres serait un grand progrès.


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