•  Le crime paye… plus encore depuis la crise !

      Marianne (15/02/213)

    Le criminologue Alain Bauer et le député UMP Eric Ciotti étaient invités à débattre de la possibilité de « contrôler l’argent du crime » lors de l’Assemblée organisée par Marianne à Nice. Mais pour les deux hommes, la tâche est ardue. La criminalité s’est internationalisée et a connu un regain avec la crise.


    Eric Ciotti (à gauche) et Alain Bauer (à droite) lors du débat animé par Frédéric Ploquin, journaliste à Marianne - Andy Calascione (EDJ)
    Eric Ciotti (à gauche) et Alain Bauer (à droite) lors du débat animé par Frédéric Ploquin, journaliste à Marianne - Andy Calascione (EDJ)
    «Le crime n’est pas en récession ». Ce n’est ni la Cour des comptes qui le dit, ni même l’agence de notation Moody’s. Celui qui décerne ce triple A n’est autre que le criminologue Alain Bauer invité à l’Assemblée organisée par Marianne à Nice autour du thème de « l’éthique et l’argent ». Ce proche de Manuel Valls (qui n’a pas hésité à servir le sarkozysme au pouvoir) s’appuie entre autre sur un rapport de l’Onu qui affirme que les traficants de drogues auraient blanchi 1 600 milliards de dollars pour la seule année 2009 ! Pis : moins d’1% de cette somme aurait été saisie ! Un colossale manque à gagner.

    Pour Alain Bauer, il n’y a pas de mystère :« Pour que le blan chiment fonctionne, il faut un banquier complice ». Et le secteur bancaire sait parfois se montrer peu regardant. Du moins dans certaines parties du monde. Sur les 3 000 banques russes, 60% seraient par exemple contrôlées pas des groupes mafieux.

    La lutte contre l’argent de la criminalité serait-elle pour autant une bataille perdue d’avance ? Des dispositifs existent comme la Plate-forme d’identification des avoirs criminels (PIAC) ou bien encore les Groupes d’intervention régionaux, les fameux GIR mis en place sous Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Pour le député Eric Ciotti, fervent défenseur de ces GIR et « contradicteur » d'Alain Bauer durant la table ronde, ces dispositifs qui frappent aux porte-feuilles sont efficaces. Car si la « sanction » est « financière », en plus d’être « pénale », elle se révèlerait vraiment « dissuasive ». Néanmoins, le mal n'est pas près d'être éradiqué. Loin de là même, les organisations mafieuses s'étant elles aussi internationalisées.

    Pour en venir à bout, les deux experts préconisent entre autres mesures de lutter plus activement contre la fraude à la TVA, de mieux contrôler les flux financiers ou bien encore de réduire les paiements en liquide. Des solutions qui, si elles étaient appliquées, pourraient favoriser le développement et la croissance. Du moins, peut-être. Car les organisations criminelles savent se renouveler et se montrer très imaginatives pour échapper à tout contrôle…

    Par Moussa Sarr - EJD

    votre commentaire
  •   Anayse: Petites avancées sur la réforme agraire dans l’est de la RDC

    Posted in: DRC
       
     

    IRIN | 30.01.2013  (publié sur farmlandgrab.org)

    KINSATI, 30 janvier 2013 (IRIN) - Dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), Shukuru Rudahunga enlève les mauvaises herbes qui envahissent le lopin de terre sur lequel elle fait pousser du sorgho tout en gardant un œil sur le coteau abrupte qui le surplombe ; elle sait qu’elle prend de grands risques.

    Plusieurs personnes sont mortes dans des glissements de terrain dans les environs de Kinsati, à 40 km de la ville de Goma.

    « S’il a plu et que je vois la terre se mettre en mouvement, j’arrête de travailler et je m’éloigne du coteau », a-t-elle dit à IRIN.

    L’érosion emporte les semences et les plantes, et dégrade la fertilité du sol. Pour se protéger contre les pertes de sols, les villageois savent qu’ils devraient laisser en jachère les coteaux les plus abruptes après quelques saisons de culture.

    Mais « on ne le fait pas, car il n’y a pas suffisamment de terres », a dit Mme Shukuru.

    La surexploitation s’est également traduite par une baisse des rendements. Le professeur Gabriel Hanyurwa se souvient que, dans les années 1980, les fermiers produisaient 20 sacs de haricot par hectare de terre contre seulement 6 à 8 sacs aujourd’hui.

    La pénurie de terres résulte en partie de la croissance démographique et en partie de l’agrandissement des exploitations d’élevage bovin.

    « Depuis que les grands éleveurs ont amené leur bétail ici, nous n’avons plus assez de champs », a dit M. Hanyurwa.

    « Les éleveurs préfèrent installer leurs troupeaux sur les terres que nous voulons cultiver », a dit Therese Tusali, une autre habitante du village.

    Dans un rapport de 2010 intitulé « Terre, Pouvoir et Identité : Les causes profondes des violents conflits dans l’est de la République démocratique du Congo », Chris Huggins a noté que les dernières décennies ont été marquées par une « aliénation massive des terres possédées sous le droit coutumier » favorable aux éleveurs dans les provinces du Kivu.

    Les habitants de Kinsati et d’autres régions n’ont pas eu voix au chapitre.

    Facteurs exacerbant le conflit

    Les différends liés à la terre sont le moteur principal du conflit dans l’est de la RDC, et ils entravent le développement de tout le pays. Selon certains chercheurs, le conflit agraire, qui est enraciné dans les problèmes de droits fonciers et de citoyenneté, est la principale cause des guerres dans la région du Kivu.

    La densité de la population, la colonisation et les arrivées massives de migrants rwandais ont fait de l’accès à terre une question fondamentale dans le Nord-Kivu et dans le Sud-Kivu. À ces facteurs s’ajoutent un pouvoir judiciaire corrompu et un droit foncier imparfait.

    Dans le livre « From Genocide to Continental War » publié en 2007, Gérard Prunier qualifie l’ampleur de la « course à la terre » sous la présidence de Mobutu Sese Seko d’« incroyable », citant en exemple la tentative d’un homme d’affaires de prendre le contrôle de 230 000 hectares en 1980, alors que la superficie moyenne des parcelles n’excédait pas un hectare.

    L’accaparement de terres, et notamment de terres appartenant aux communautés déplacées, s’est poursuivi au cours des guerres de ces deux dernières décennies, et la perspective de la création d’une commission foncière chargée d’enquêter sur ces transferts est un « facteur qui a alimenté le conflit », a souligné M. Huggins.

    Initiatives de médiation

    Dans le cadre de leurs opérations de réinstallation des communautés déplacées, les agences d’aide humanitaire sont intervenues dans le règlement des conflits fonciers. Le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU Habitat) gère le plus important de ces programmes. En 2012, ses trois centres de médiation implantés dans la région ont identifié 1 690 conflits fonciers et résolu 641 de ces conflits.

    La conférence organisée en Belgique en septembre 2012 a passé en revue les interventions des bailleurs de fonds dans les conflits fonciers dans l’est de la RDC ; la plupart des fonds ont été consacrés aux programmes de médiation. Koen Vlassenroot, l’organisateur de la conférence, indique qu’il a été convenu que la « médiation n’a, semble-t-il, qu’un impact sur les conflits entre les agriculteurs ; dès que les acteurs de premier plan, comme les grands propriétaires fonciers ou les commandants de l’armée, sont impliqués, cela devient très, très difficile ».

    Les participants à la conférence s’inquiétaient également du fait que les programmes de médiation souffraient « d’un grave manque de cohérence et de coordination », et de viabilité.

    M. Vlassenroot a noté que deux autres initiatives peuvent permettre de résoudre les conflits fonciers : la participation à l’enregistrement des revendications foncières – qui a eu des « résultats limités » et engendre « toutes sortes de problèmes » - et la participation aux efforts entrepris par les organisations d’agriculteurs au niveau local pour engager un processus de réforme foncière.

    Un rapport d’International Alert  met en lumière les initiatives mises en place au niveau local par le Forum des amis de la Terre (FAT) et la Fédération des organisations de production agricole du Congo (FOPAC), dont le succès dans les activités de plaidoyer menées pour l’intégration des préoccupations clés des agriculteurs dans le nouveau code agricole offre « une démarche particulièrement intéressante en matière de consolidation de la paix ». Ces interventions ont été peu soutenues par les bailleurs de fonds.

    Le plaidoyer du FAT et de la FOPAC a permis l’inclusion dans le code agricole de dispositions prévoyant la médiation des conflits fonciers, l’identification et la réattribution des parcelles non utilisées et une meilleure représentation des « paysans » ou travailleurs agricoles dans le processus de décision local. Le gouvernement n’a toutefois pas encore approuvé les mesures de mise en œuvre pour la nouvelle loi.

    Les paysans s’attaquent au droit foncier

    Ces organisations recommandent une réforme du droit foncier, qui n’offre pas de définition des droits fonciers coutumiers. En 1975, les chefs ont perdu leur pouvoir d’attribution des terres, mais bon nombre d’entre eux continuent de l’exercer.

    Le FAT et la FOPAC ont tenu des consultations auprès des organisations d’agriculteurs de plusieurs provinces et ont organisé un forum à Goma, dans la province du Nord-Kivu, en octobre 2012. À l’occasion de ce forum, plusieurs recommandations ont été formulées dans le but d’améliorer le droit foncier : elles proposaient notamment de retirer l’immunité qui mettaient les responsables du bureau d’enregistrement des biens fonciers commettant des « erreurs » à l’abri de poursuites judiciaires, de publier les détails relatifs aux transferts de terre injustes et de révéler la propriété des concessions foncières non utilisées.

    Cependant, aucune de ces recommandations, qui sont sensibles sur le plan politique, ne figurait dans le bulletin de la FOPAC. Selon ce bulletin, les participants ont demandé aux chefs coutumiers de respecter les attributions de terres réalisées par leurs prédécesseurs ; ils ont réclamé une diminution des impôts sur les actes-titres et une reconnaissance de la légalité des documents de location établis par les chefs. Aucune de ces recommandations n’a pour l’instant été soumise à un vote.

    Simplexe Malembe, coordonnateur du FAT, a dit à IRIN que si le gouvernement décidait de reconnaitre la légalité des attributions de terres réalisées par les chefs, il lui faudrait s’assurer que chaque chef soit accompagné par un représentant du comité consultatif de la communauté. « Ce principe est déjà inscrit dans la constitution », a-t-il dit, « et nous essayons de le faire appliquer dans le cadre du droit rural. Mais le gouvernement et le bureau d’enregistrement des actes n’y sont pas favorables, car cela leur fait perdre une bonne partie de leurs revenus ».

    Les participants au forum se sont accordés sur le fait que les associations d’agriculteurs doivent renforcer leur représentation au niveau local et améliorer leur communication auprès des petits exploitants.

    Le rapport d’International Alert recommande un « dialogue partant de la base » afin de trouver des solutions locales et de promouvoir la construction de la paix. M. Malembe partage cet avis : « Au sein du mouvement paysan, le dialogue doit partir de la base pour remonter jusqu’au sommet, mais aussi partir du sommet pour descendre jusqu’à la base ».

    Jean-Baptiste Musabyimana, chargé de la communication au sein de la FOPAC, a dit à IRIN qu’il souhaiterait inclure davantage de tribunes téléphoniques dans ses émissions - un format « partant de la base » popularisé par la Radio Okapi des Nations Unies en RDC – afin que les populations rurales puissent donner leur avis sur les problèmes rencontrés au sein de leurs communautés ; aujourd’hui, la seule émission radiophonique de la FOPAC qui inclut une tribune téléphonique porte sur les prix agricoles.

    L’action du gouvernement

    La bonne nouvelle, selon M. Vlassenroot, est que le gouvernement semble être prêt à résoudre les problèmes fonciers dans tout le pays. Lors d’un atelier organisé à Kinshasa en juillet, le gouvernement et ONU Habitat ont élaboré une « feuille de route » afin de réformer le droit foncier et la gouvernance des terres.

    Le mois dernier, le directeur-adjoint du cabinet du ministère des Affaires foncières, Albert Paka, a répondu aux questions des journalistes d’IRIN sur le processus de réforme. Il reconnait que le gouvernement doit accélérer les réformes en appliquant la première mesure de la feuille de route : nommer un comité directeur chargé de coordonner les travaux relatifs au processus.

    Mais déterminer qui est le propriétaire légitime de terres et qui est autorisé à posséder des terres constituera un obstacle majeur. Le nouveau code agricole limite, par exemple, la part des investissements étrangers dans les terres agricoles en RDC à 49 pour cent ; M. Paka a confirmé que le gouvernement prévoyait de réviser cette clause. La révision de cette clause constituera probablement une condition préalable à de nouveaux investissements étrangers dans le secteur agricole en RDC.

    M. Paka a laissé entendre que la RDC pourrait suivre l’exemple d’autres pays et racheter les terres coutumières, suggérant que ces terres pourraient ensuite être vendues à des investisseurs étrangers. De nouvelles études devront être effectuées avant de prendre une telle décision, a-t-il indiqué.

    Il sera également important de s’entretenir avec les chefs et de comprendre les coutumes locales, a-t-il dit à IRIN. « Dans certaines régions du pays, les terres appartiennent aux chefs, tandis que dans d’autres régions du pays, les terres appartiennent à la communauté, et les chefs sont de simples arbitres des droits fonciers ».

    Les recherches de M. Huggins suggèrent que les revendications foncières des chefs sont plus fortes dans les zones densément peuplées, où la pénurie de terres est un problème sérieux. Dans ces régions, l’achat de terres par le gouvernement et leur vente à des investisseurs étrangers pourraient engendrer une grave polémique.

    « La reconnaissance des chefs coutumiers sera la pierre angulaire de la gouvernance des terres », a souligné M. Paka.

    Interrogé sur l’éventualité de la mise en place de garde-fous contre les décisions injustes prises par des chefs traditionnels, M. Paka a indiqué que si les chefs devaient être reconnus comme les détenteurs des terres, ils feraient partie de l’administration et ils recevraient l’aide d’experts techniques, dont les capacités doivent être renforcées. Il a refusé de spéculer sur la façon dont l’administration des terres évoluerait si le gouvernement se démocratisait au niveau de la chefferie.

    M. Paka a indiqué que le gouvernement devra intervenir pour aider la RDC à réaliser son potentiel agricole. La pénurie de terres reste inquiétante, mais une étude récente a montré que 73 pour cent des terres agricoles autour de Kinshasa sont inutilisées, a-t-il dit.

    La Confédération nationale des producteurs agricoles du Congo a dit à IRIN que la plupart des terres autour de Kinshasa sont inutilisés, car elles ont été achetées par des spéculateurs en vue de la réalisation d’investissements dans les biocombustibles.

     

       

     

    Source: IRIN

    votre commentaire
  • En Australie, art aborigène et arnaques sans gêne

    Les œuvres des peintres, sculpteurs et tisseurs indigènes ont mis des millénaires à sortir du désert, avant de s’imposer sur les marchés internationaux. Mais le boom semble oublier les artistes.

    De la drogue, de l’alcool ou de vieilles voitures plutôt qu’un salaire. Des peintres payés 4 euros pour un tableau vendu 150 à 225 euros. Ces abus sont signés de ceux que l’on appelle, en Australie, les « marchands de tapis », des revendeurs qui profitent de la précarité d’Aborigènes isolés. Bienvenue dans les coulisses de l’art indigène. Celui-ci a mis des millénaires à sortir du désert australien, mais, en seulement quarante ans, il a conquis les marchés internationaux. A tel point que le musée du quai Branly, à Paris, lui a récemment consacré une première grande exposition européenne.

    Boomerang chinois

    A Alice Springs, dans le centre du pays, « des artistes travaillent dans des arrière-cours de concessionnaires de voitures pour faire de la production en série, témoigne Solenne Ducos-Lamotte, directrice d’Idaia, une structure qui promeut l’art indigène australien. Les employeurs estiment qu’ils ne font rien de mal, car les Aborigènes acceptent de travailler, ils ont besoin de cash. Mais ils ne sont pas rémunérés justement ».

    Et les grands noms ne sont pas à l’abri. « Certains artistes célèbres ne parlent pas bien anglais et ne comprennent pas les contrats qu’ils signent », renchérit John Oster, directeur du Code de l’art indigène. Ce manuel de bonne conduite a été mis en place sur ordre du gouvernement il y a deux ans. Mais il n’a pas force de loi et n’a été signé que par 30 % des professionnels du secteur. Kate Owen, galeriste à Sydney est signataire, « parce que les personnes qui abusent des Aborigènes en vendant de faux tableaux ou en sous-estimant la valeur de leur travail font mal à la fois aux artistes et à l’industrie ». Suzanne O’Connell, qui tient une galerie depuis douze ans à Brisbane, estime, elle, que « c’est beaucoup de bureaucratie pour pas grand-chose ». D’autant qu’elle a déjà signé un autre code, celui de l’Association australienne des galeries. Tous les professionnels pointent cependant le manque de sanctions sérieuses en cas de dérapage.

    Quant au touriste qui pense soutenir les artistes locaux en achetant un boomerang ou un T-shirt à l’aéroport, il se leurre. « Ils sont bien souvent fabriqués en Chine ! », dénonce Robyn Ayres, du Centre australien des droits artistiques. Les produits dérivés échappent aux artistes, explique-t-elle, car « le secteur est encore grand ouvert à l’exploitation et l’appropriation des œuvres d’art ». Elle compte sur le projet de traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle pour protéger les « savoirs et les expressions culturelles traditionnelles ».

    Pas facile, le choix éthique

    Comment acheter un vrai tableau ou un vrai tissage, alors ? Mieux vaut s’adresser directement aux centres d’art, répondent en chœur les acteurs sérieux. Mais là encore, attention aux noms abusifs. Il faut demander s’il s’agit bien d’une coopérative tenue par les artistes. Chaque œuvre vendue par ces centres doit comporter un numéro unique, correspondant à un certificat d’authenticité. Les prétendues photos de l’artiste au travail ne prouvent rien.

    Au Centre d’art de Waringarri, dans la région du Kimberley, dans le nord du pays, la transparence est le maître-mot. « Quand un nouvel artiste nous rejoint, on prend le temps de s’assurer qu’il comprend bien les règles, et on peut fournir un compte rendu détaillé des ventes à la fin du mois », explique la directrice, Cathy Cummins. Pour chaque œuvre vendue, c’est 60 % pour l’artiste, 40 % pour le centre. De quoi faire tourner la coopérative et assurer la transmission des savoirs aux jeunes. Le commerce équitable gagnera-t-il l’art aborigène ? —


    Quarante ans pour sortir du désert

     Depuis des millénaires, les histoires ancestrales des indigènes australiens étaient représentées sur le sol ou sur le corps humain, lors de cérémonies. Mais, en 1971, l’instituteur Geoffrey Bardon fait découvrir la peinture aux enfants de Papunya, dans le centre du pays. Elle remplacera très vite les matières naturelles. Puis les artistes découvrent la toile : les peintures sont alors transportables, donc vendables. Musées et collectionneurs accourent, les prix flambent. En 2007, une œuvre de Clifford Possum Tjapaltjarri est vendue 1 800 000 euros. Inimaginable quelques années plus tôt. —

    Sources de cet article

    - Le site de la Galerie nationale d’Australie

    - Le site du musée du quai Branly

     - Le site d’Idaia

      La rédactrice Élodie RaitièrE pour Terraéco (31/01/2013)

     


    votre commentaire
  •  Le plastique toxique est partout et empoisonne nos enfants

    Par Laurence-Aboneobio le mardi 14 décembre 2010,  (blog Abonéobio )

     

    Le plastique est partout, dans les emballages alimentaires, dans les jouets des enfants, dans les voitures, les TV, dans nos chaussures, dans nos bouteilles d'eau, nos vêtements ...Tout notre environnement est pollué par le plastique jusque dans les intestins des oiseaux. Certains de ces composants de plastiques sont pourtant très toxiques et nous les ingérons quotidiennement à notre insu. Et les conséquences pour la santé humaine commence tout juste à être appréhendées !


    Tous les services de pédiatrie confirment une augmentation du développement des pubertés précoces pour les petites filles (développement mammaires à 6 ans !) et des malformations génitales pour les petits garçons. Les coupables seraient dans l'environnement : le dénominateur commun de l'air que nous respirons, l'eau que nous ingérons, les aliments que nous mangeons est la pollution chimique, en cause les pesticides et les plastiques. Le bisphénol A et les phtalates sont cachés partout !.

    Pas facile de faire ses courses sans en acheter : même les canettes ou les boites de conserves contiennent du bisphénol A à l'intérieur ! Or on sait qu'il y a des interactions entre l'emballage et l'aliment ingéré. Même si le sujet est règlementé, la question posée est de savoir si les doses recommandées sont les bonnes ?. Bon à savoir : la chaleur favorise le transfère du plastique dans l'aliment, alors attention aux plats préparés chauffés dans leurs emballages au micro onde. Et les produits bio n'y échappent pas, on peut y retrouver du bisphénol, migré via l'emballage. Résultat, dans nos urines nous avons tous des traces de ces substances chimiques (données américaines : 90 % de la pollution est contaminée par les phtalates et bisphénol) venant essentiellement de l'alimentation, des poussières domestiques et aussi via une exposition par la peau (étude INRA Toulouse). Même si il n'y a pas d'accumulation, l'exposition quotidienne aux sources de phtalates et bisphénol A entraine des risques pour la santé : stimulation du cancer du sein et de la prostate, troubles du comportement, atteintes de la reproduction, diabète et obésité, maladies cardiovasculaires.

    Le risque majeur est l'exposition du foetus aux phtalates et bisphénol, avec un impact sanitaire sur l'enfant mais aussi sur le futur adulte, voir même avec un impact sur trois générations (perte de la fertilité)



    Que faire pour éviter les phtalates et bisphénol A dans l'alimentation ?

     

    • Eviter pendant la grossesse tout contact avec les phtalates et bisphénol A (être très vigilant sur son alimentation, vraiment pas simple quand les étiquettes ne précisent rien !)
    • Pour bébé, opter pour des biberons en verre ou sans bisphénol A
    • Eviter les boites de conserves : très forte migration dans la nourriture avec des risques sanitaires graves.
    • Ne pas faire chauffer les plats cuisinés dans leur emballages dans le micro onde.
    • Eviter les bouteilles d'eau : les fabricants de bouteilles d'eau refusent de donner la composition du plastique de leurs bouteilles (pourtant des phtalates ont été retrouvés comme le DEHP considéré comme toxique pour la reproduction, interdit dans les jouets des enfants de moins de 3 ans, et sans oublier que le DEHP le plus dangereux des phtalates est présent dans le Nutella !) .


    Alors pourquoi ne fait-on rien en France ?

    Les études de l'Afssa (L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ) ont conclu à l'innocuité du bisphénol A aux doses fixées. Or il existe des centaines d'études (littérature spécifique) qui disent le contraire, selon les témoignages du reportage Pièces à conviction  de France 3. Le problème serait lié à des conflits d'intérêt des conseillers Afssa qui ont des contrats avec le monde industriel de la pétrochimie ou de l'agroalimentaire. Il semble que depuis peu les équipes aient été changées désormais au sein de l'Afssa. Dans son dernier avis, l'agence demande désormais l'étiquetage et la substitution quand cela est possible, mais cette demande n'a pas été suivie. C'est vrai qu'on parle de quelques traces : oui des nanogrammes mais multipliés par milliers de produits chimiques : "ce n'est plus une drogue = un effet mais bien une notion de cocktails toxiques", nos disent les spécialistes de la toxicité.

    Heureusement que certaines entreprises ont pris l'initiative de supprimer les phtalates et le bisphénol A comme :

    • dans les biberons de la marque Beaba
    • les jouets de la marque smoby  qui a supprimé les 6 phtalates contestés à la fois dans les jouets et dans les sacs plastiques,
    • ou encore chez Lego qui n'utilise plus de PVC et favorise les matériaux plus respectueux de l’environnement.

    Sauf que tout le monde ne respecte pas les mêmes règles, notamment du coté de la contrefaçon. Par exemple des jouets fabriqués en Chine, contenant des phtalates à des taux supérieurs au seuil Européen entrent sans problème en France ! Certains importateurs décident d'écouler leurs marchandises sur le marché Européen même si les analyses indiquent que les doses de phtalates sont supérieures au seuil toléré, c'est grave quand même ! En ce qui concerne les biberons, heureusement, les députés français ont décidé le retrait du bisphénol A dans les biberons mais le sujet n'est pas du tout réglé pour les jouets et même les cosmétiques !


    Dernièrement les tapis de jeux puzzle pour enfants ont créé la polémique à cause du formamide qu'ils contiennent (un produit pétrochimique considéré comme cancérigène). Depuis le 13 décembre ces articles de jouets sont retirés du marché en France le temps de lancer une étude plus poussée auprès de l'Anses. En l'absence de norme pour les jouets destinés aux enfants de moins de 14 ans (une norme NF Environnement est en cours à l'Afnor), le secrétariat d'Etat à la consommation a demandé un renforcement des « dispositifs de contrôle de la sécurité de l’ensemble des jouets commercialisés en France », à voir ^^.

    Pourtant le sujet n'est pas récent. Depuis plusieurs années, le WECF  (Women in Europe for a common future) alerte sur la toxicité des jouets destinés aux enfants qui contiennent des phtalates considérés comme cancérigènes (DNIP-DPEH, DBP), certains sont interdits mais ceux qui les remplacent sont tout aussi dangereux. Et ce n'est pas tout, on retrouve aussi des conservateurs, du plomb (et oui encore toléré à des doses dites infimes), des parfums de synthèse (pour masquer l'odeur de synthèses, sauf que ces parfums contiennent des allergènes induisant des dermites, fièvres, asthmes et parfois incurables cf article de Novethic , ou encore des retardateurs de flammes bromés, du cadmium, de l'arsenic, du mercure, du chrome VI, du formaldéhyde ...un cocktail dangereux pour la santé de nos enfants, qui peut être respiré ou inhalé.

    En tant que parents, il est possible de privilégier les jouets qui présentent des garanties, même si ils sont moins nombreux. (Cf les jeux et jouets en bois de jeujouethique.com  fabriqués en France, dans une démarche bio et éthique.

    Pour aller plus loin, voir le reportage de Pièces à Conviction : plastique : alerte aux toxiques du 6 décembre 2010  et lire l'article de Novethic : des jouets plus sur sous le sapin

    Lire d'autres articles sur aboneobio  sur le danger des phtalates, du bisphénol A, des jouets contenant des substances chimiques, des phtalates dans les cosmétiques, des résidus chimiques dans les vêtements des enfants, dans le mobilier, l'air pollué de nos maisons, sur les enjeux du plastique au quotidien ...


    votre commentaire
  • 2013    290 p.  17,50 €

     

      Voici un livre qui va faire grand bruit. Féministe, avocate renommée, Mary Plard dénonce la paternité imposée aux hommes au nom du principe d'égalité homme/femme. Pourquoi les hommes devraient-ils assumer une paternité imposée alors que les femmes bénéficient de la possibilité de ne pas devenir mère (accouchement sous X, IVG) ?

      A travers des témoignages bouleversants de ses clients masculins qui expriment à la fois leur souffrance, leur culpabilité ou leur désarroi, Mary Plard rompt le silence sur un sujet tabou de notre société.
     
      Mary Plard est née en 1955. Elle partage sa vie entre Nantes et Paris. Mère de 5 enfants, elle est avocate spécialisée dans la famille.

     


    votre commentaire
  •  

    2013     21 €

     

    En dépit de la cécité républicaine à l’égard des réalités culturelles, la « diversité » est devenue un trait saillant du visage de la France. Faute de reconnaître ses expressions, on s’interdit de comprendre les difficultés que certaines populations rencontrent pour s’y faire une place. Poursuivant sa réflexion sur la dimension culturelle des rapports sociaux, Hugues Lagrange a recueilli des récits de vie d’immigrés venus pour la plupart de la vallée du fleuve Sénégal et qui, arrivés en France dans les années 1970 ou 1980, se sont installés dans le bassin aval de la Seine, à l’ouest de Paris. Les douleurs vécues de la transplantation dans une société d’accueil peu hospitalière transparaissent dans leurs témoignages. Les relations entre les femmes et les hommes et leurs liens avec l’éducation des enfants y occupent une place centrale : la séparation des sexes, la violence au sein des couples, les cassures générationnelles, l’éclatement des familles, l’isolement des femmes et le repli des hommes face à l’hostilité du monde environnant révèlent toute la brutalité de la confrontation des mœurs du Nord et du Sud. Bien que concernant des cas séparés, ces histoires forment par leurs similitudes la trame d’une expérience collective. Elles brossent un tableau de ces vies en terre étrangère que l’on tend à folkloriser sans regarder la pluralité des cultures comme un aspect structurant la société contemporaine
     
      Hugues Lagrange est sociologue (CNRS, Sciences Po). Il est notamment l’auteur du
      -Déni des cultures (Seuil, 2010), dont la publication a provoqué des débats très vifs.
      ---------------

    Devenu sulfureux malgré lui avec la parution du "Déni des cultures" en 2010, Hugues Lagrange revient avec "En terre étrangère", recueil de témoignages d'immigrés originaires du Sahel.

    Il ne l'avait pas fait exprès. Et ne s'attendait pas à ça : «Quand le Déni des cultures est sorti, j'étais en Inde, à Calcutta, où je travaille sur le microcrédit chez les femmes. Je suis arrivé en pleine polémique, au moment du discours de Grenoble et des expulsions de Roms...»

    Pas vraiment l'air d'un incendiaire, ce Lagrange, plutôt du gars qui aurait fait exploser sa bombe par mégarde. Il a de faux airs de Bourvil, un physique de paysan normand et une poignée de main rugueuse, gros pull et chemise à carreaux. Les amis du comédien disaient de lui qu'il était doté d'une force peu commune, que ne laissait pas transparaître son allure bonhomme et maladroite. Un leurre efficace.

    Dans son bureau de Sciences-Po, rue de l'Université, alors que la nuit est tombée et qu'il neige à gros flocons, notre sociologue a l'air bien embêté. Toute cette affaire l'a fait simultanément sortir de l'ombre de la recherche universitaire et placé sous le feu croisé d'une bonne partie de ses pairs et de la presse de gauche, tandis que la droite s'émerveillait qu'un sociologue, espèce forcément «progressiste», ose enfin «briser les tabous du politiquement correct».

    Bien embêté, peut-être, mais en utilisant des statistiques ethniques et en mettant en avant le facteur culturel pour expliquer un certain nombre de difficultés dans les «quartiers difficiles», Hugues Lagrange ne pouvait pas ignorer qu'il manipulait de la nitroglycérine en période de crispations communautaires et politiques.

    Son nouveau livre, En terre étrangère, est une compilation de témoignages d'hommes et de femmes originaires de la vallée du fleuve Sénégal, arrivés en France dans les années 70 et 80, et installés en banlieue ouest de Paris. Ils racontent les difficultés professionnelles, la solitude, l'incompréhension et le repli sur soi, la nostalgie pour certains, ce que Lagrange appelle une «mimésis déçue» de la part d'hommes qui voulaient s'intégrer et se sont sentis rejetés et méprisés, le désir de rester pour d'autres.

    Un ouvrage littéraire et sensible, plein d'empathie et d'une vraie implication : «C'est le complément du Déni des cultures. Très souvent, lorsqu'il y avait un débat, on me reprochait d'avoir fait des statistiques, on me demandait où étaient les témoignages. Ils sont là.»

    De cette période agitée, il ne garde pas un très bon souvenir. Pris dans une agitation médiatico-politique dont il n'avait pas imaginé l'ampleur, essayant de se sortir de l'embuscade tendue par les tenants de l'«identité» ravis d'enrôler malgré lui un intellectuel qui pourrait servir de caution à la désignation d'un «autre» coupable de tous les maux, il souffre sur les plateaux, brandissant pour sa défense son identité «de gauche» et sa proximité avec les Verts.

    Alors, erreur de manipulation médiatique ou acte prémédité ? Au départ, le Déni des cultures était une enquête quantitative portant sur 4 400 élèves de 11 à 17 ans, commandée par l'Etablissement public d'aménagement du Mantois-Seine aval (Epamsa) qui opère dans la communauté d'agglomération autour de Mantes-la-Jolie. Elle portait sur le décrochage scolaire et social, en même temps qu'une autre, menée à la demande de l'Education nationale, consacrée à l'absentéisme. Le sociologue a également travaillé sur un quartier du XVIIIe arrondissement de Paris, et sur la petite ville de Saint-Herblain, en banlieue nantaise.

    Tous les élèves qui se sont trouvés en sixième en 2000, dans huit villes différentes, ont été interviewés : «C'est ma manière de procéder, ce que j'appelle une monographie statistique. L'Insee travaille sur de grands échantillons, moi, à mon petit niveau, je prends un territoire donné et je fais du 100 %. L'idée, c'est de ne pas briser les liens entre les gens : la vie sociale est faite de ces liens. De cette manière, je vois que ce que me dit "Georges" renvoie à ce que dit "Mohammed", et je perçois les interinfluences, qui sont capitales pour la compréhension. C'est ce que fait Facebook, d'une certaine manière, de façon déterritorialisée, alors que les grands échantillons statistiques et probabilistes créent un individualisme un peu artificiel. Mais dans les quartiers pauvres des banlieues de nos villes on ne fonctionne pas de manière individualiste. Tout est corrélé.»

    Le poids des coutumes

    Manifestation de sans papiers, Paris - YAGHOBZADEH RAFAEL/SIPA
    Manifestation de sans papiers, Paris - YAGHOBZADEH RAFAEL/SIPA
    En comparant les taux de décrochage et d'absentéisme quatre ans plus tard, en 2004, avec les listes des tribunaux, il constate qu'une part importante d'«incivilités» et d'«inconduites répétées» sont commises par des jeunes originaires du Sahel (Sénégal, Mali, Mauritanie, Sud algérien, Niger). Ce constat va amener Lagrange à s'interroger sur les liens entre facteurs culturels et délinquance, et à expliquer en partie l'une par les autres.

    Pour lui, le poids des coutumes, de la religion, les structures familiales ont une influence sur le comportement et le développement des enfants : il évoque la taille des fratries («avec une moyenne de sept enfants»), la polygamie, le décalage d'âge entre des hommes venus travailler en métropole avant d'être rejoints par leur épouse, souvent plus jeune, les nombreuses familles monoparentales, la faible emprise des femmes sur leurs enfants, l'autoritarisme des hommes, une moindre pratique du français, le passage brusque d'un environnement rural, avec ses coutumes, à la ville...

    Autant de facteurs qui entraveraient selon lui l'intégration : difficultés de concentration, faible image de l'autorité, perméabilité accrue au phénomène des bandes. Des caractéristiques qui seraient du reste moins marquées dans les familles d'origine subsahariennes et maghrébines, arrivées depuis plus longtemps, et où la taille des fratries serait moindre.

    C'est autour de cette série d'interprétations que vont se cristalliser les débats. En France, il est en effet interdit de faire des statistiques ethniques, mais, surtout, ses conclusions vont à l'encontre de la grande majorité des travaux sur la banlieue, qui expliquent son délitement par des facteurs sociaux (chômage, discrimination à l'embauche, éloignement des centres urbains).

    Certes, Lagrange ne les nie pas, et prend bien soin de préciser que ce ne sont pas les traditions en elles-mêmes qui posent problème, mais au contraire leur absence de prise en compte par le pays d'accueil. Il n'en reste pas moins que, pour beaucoup, son point de vue fait courir le risque de désigner les immigrés d'origine sahélienne impossibles à intégrer.

    Au premier rang de ses détracteurs, le sociologue Laurent Mucchielli, rédacteur en chef du site Délinquance, justice et autres questions de société. «En ciblant des ethnies et des pratiquants - les Sahéliens et les musulmans -, on les réduit à une définition, on trouve ce qu'on cherche, alors que tous ont des personnalités multiples, des vies plus riches. C'est très réducteur».

    Au CNRS, où Lagrange officie, et à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, l'hostilité est majoritaire. Pour le sociologue Eric Fassin, spécialiste des questions raciales et membre du collectif Cette France-là, «invoquer la culture, c'est bien chercher les causes des problèmes sociaux, dont la délinquance est le symptôme, non pas du côté de la politique de l'Etat, ni du racisme ordinaire, mais dans l'origine même de ces populations. Ainsi, le problème, ce ne serait pas tant "nous" qu'"eux".»

    Une conclusion dont se défend Lagrange : «On ne mesure jamais assez le fait que l'immigration, c'est le déplacement de populations qui ont leurs traditions et leur culture, dans un autre système culturel. Le problème vient aussi de la manière dont nous les avons reçus.»

    Il n'empêche, pour Eric Fassin, il s'agit bien d'«une réhabilitation du culturalisme». Le culturalisme, rejeté par les sciences sociales françaises de longue date, contrairement aux pays anglo-saxons, est un courant qui met en évidence l'influence prépondérante des habitudes culturelles sur la personnalité des individus.

    C'est justement là que le bât blesse, ou que le torchon brûle, comme on voudra : Lagrange se place dans une logique résolument culturaliste. «Notre universalisme et les Lumières ont certes joué un rôle émancipateur. Mais cela ne correspond pas à la réalité. Il y a un moment, si l'on refuse de voir cette réalité des différences culturelles, où l'on confond le pays réel et le pays tel qu'on voudrait qu'il soit.»

    Et, s'il se refuse à parler d'ethnies lorsqu'il parle de l'histoire de l'Afrique, Lagrange cite toutefois les travaux de Bernard Lugan, historien proche de l'extrême droite, rédacteur en chef de l'Afrique réelle, qui enseigna durant de nombreuses années à l'université Lyon-III.

    Pour Lugan, les ethnies préexistaient au colonialisme, elles sont l'élément essentiel de compréhension du continent africain. Une théorie que réfute totalement Jean-Loup Amselle, anthropologue et directeur d'études à l'Ehess, auteur de l'Ethniticisation de la France (Lignes) : «J'ai passé de nombreuses années sur le terrain au Mali, avec les Peuls, les Bambaras, les Malinkés, et nous avons démontré qu'en réalité les ethnies telles qu'elles existent sont des créations coloniales. On a fabriqué des catégories intangibles alors que tout était auparavant beaucoup plus labile et fluide. En assignant aux personnes une culture définie, on présume de l'identité que les gens se choisissent. On les enferme dans des cases, et on leur enlève toute possibilité de choix.»

    Pour Amselle, les communautés se créent en situation migratoire. «Quand il est au Mali, un Soninké ne s'envisage pas comme membre d'une ethnie. Malheureusement, ce que je constate, c'est que la France est un pays officiellement républicain, mais que le multiculturalisme y est rampant. Il s'est d'autant mieux installé avec la nouvelle grille référentielle d'un think tank comme Terra Nova, qui a substitué le sociétal au social. Cette manière de penser est hélas celle de la gauche au pouvoir aujourd'hui. Ce qu'écrit Lagrange plaît parce que cela fournit une clé facile...»

    Fassin enfonce le clou : «Pourquoi tant d'enthousiasme pour un essai touffu, bardé de graphiques et de tableaux, qui articule de manière complexe développements théoriques et enquêtes empiriques ? C'est que l'auteur importe dans le champ scientifique la question politique du lien entre immigration et délinquance. Il apporte ainsi, avec l'autorité de la science, une contribution au débat du moment : c'est la caution du nouveau sens commun.»

    Cette opposition entre empirisme et science amuse beaucoup Christophe Guilluy, géographe et auteur de Fractures françaises (François Bourin éd.), qui fut lui aussi soupçonné de s'aventurer sur des terrains idéologiquement mouvants : «C'est un débat byzantin : la sociologie n'est pas une science dure, contrairement à l'idée qu'on veut en donner à l'Ehess, c'est une science molle. La réalité, c'est qu'on est sur de l'humain. Moi aussi, j'ai beaucoup été attaqué sur ma méthodologie, mon travail est empirique, ce n'est pas celui d'un intellectuel. Ma conception de la recherche, c'est qu'il faut être froid par rapport au réel, donc on ramène des choses qui ne font pas forcément plaisir. Et, quand on travaille sur ces questions des quartiers, on arrive forcément au facteur culturel et identitaire.»

    Lui considère que cette querelle est injuste : «Lagrange est un des seuls à aller sur le terrain. Ceux qui le critiquent sont les gardiens du temple et n'y mettent jamais les pieds. Occulter cette réalité est absurde. Ou alors on devient militant, c'est de l'idéologie et ça ne devrait pas interférer dans le débat.» Et de conclure : «J'ai entendu dire les pires choses sur lui, qu'il était fasciste, raciste, il suscitait une véritable rage. C'est un milieu très violent, je ne pense pas qu'il s'attendait à ça.»

    Islam identitaire

    Une nouvelle polémique viendra peut-être de l'étude sur l'islam que prépare Lagrange pour le printemps à Sciences-Po. Pour le coup, un travail purement statistique. Il y constate que l'islamisme radical s'installe chez des jeunes d'origine sahélienne, dont l'héritage est pourtant le soufisme. Cette fois, la raison en est sociale, due à un sentiment d'échec et de relégation.

    Quant à la pratique grandissante d'un islam plus modéré chez des jeunes de 18-35 ans, bien intégrés, dans une société par ailleurs fortement sécularisée, elle est pour lui un phénomène identitaire : «C'est aussi la preuve qu'il s'installe un véritable islam de France. Avec des positions certes très conservatrices, comme dans les deux autres grands monothéismes. Ils étaient par exemple dans les cortèges d'opposants au "mariage pour tous". Ceci dit, ça prouve bien qu'ils ne sont pas hors de la société.»

    Dans quelques mois, Hugues Lagrange repartira sans doute en Inde, pour de nouveaux travaux, toujours sur «l'autonomie des femmes» : «J'ai passé huit ans sur cette étude en banlieue. Il y a des amitiés qui se sont créées et dénouées, des gens à qui je me suis attaché et qui ont disparu. Il est certain que je suis arrivé à un tournant de ma vie.»

     Commentaire publié par Marianne

    votre commentaire
  •   

    L'homme qui répare les femmes (Colette BRAECKMAN)

    2012   160 p.  14,90 €

     

    Depuis quinze ans, Denis Mukwege, médecin chef à l'hôpital de Panzi (Sud Kivu), soigne gratuitement des femmes victimes de violences sexuelles. Au cours des dix dernières années, il a ainsi prodigué des soins à plus de 30 000 femmes ! Vagins détruits et âmes mortes. Le gynécologue recoud et répare. Il écoute aussi, prie quand il le peut, se révolte souvent. Pour son combat, il a reçu de nombreux prix, dont celui des droits de l'homme des Nations Unies en 2008, ainsi que le prix international Roi Baudouin, en 2011. Portrait d'un homme courageux.

    Denis Mukwege, l'homme qui risque sa vie pour réparer le vagin des femmes

    La journaliste et écrivain Colette Braeckman décrit le combat courageux du professeur Denis Mukwege en République démocratique du Congo.

    Le professeur Denis Mukwege a récemment été victime d’une tentative d’assassinat en République démocratique du Congo (RDC). Il se bat pour redonner espoir aux femmes violées dans l’Est du Congo. La journaliste et écrivain Colette Braeckman explique pourquoi son combat est vital.

    Pourquoi avoir consacré un ouvrage à Denis Mukwege?

    Colette Braeckman: Je connais le Dr Mukwege depuis ses débuts à Bukavu, et je l'ai vu évoluer. Au début, il était simple gynécologue, qui traitait surtout les cas de grossesses précoces, très fréquents au Kivu. Depuis une quinzaine d'années, il est confronté à des horreurs croissantes, femmes mutilées, violentées de la pire manière.

    Témoin de la première heure des guerres qui ont ravagé l'Est du Congo, ce citoyen et pasteur a aussi été amené à se poser des questions politiques: pourquoi ce déferlement d'horreurs, n'y aurait-il pas une volonté d'anéantissemennt de la résistance des populations, pourquoi une telle impuissance internationale?

    Lorsqu'il a été lauréat du Prix Roi Baudouin pour le développement en 2011 et est venu en Belgique, j'ai eu l'idée de mener avec lui un livre d'entretiens afin d'enregistrer son témoignage, de faire de lui le fil conducteur de l'histoire troublée de cette région. Dans ce but, j'ai mené avec lui une série d'entretiens à Bukavu [dans l'Est de la RDC, ndlr], j'ai passé du temps dans son hôpital et me suis entretenue avec son équipe.

    Au moment de la sortie du livre, le Dr Mukwege se trouvait en Belgique et, à l'occasion d'une conférence publique, il a à nouveau posé des questions très dérangeantes, pour les autorités congolaises, pour les pays voisins et surtout le Rwanda, pour la "communauté internationale" et en particulier les Nations Unies.

    A son retour, le 25 octobre 2012, cinq hommes armés l'attendaient chez lui, ils ont abattu sa sentinelle et l'ont laissé pour mort, couché au sol.

    C'est un miracle s'il a échappé à cinq ou six tirs qui le visaient.

    Comment expliquer qu'on ait récemment tenté de l'assassiner?

    Pourquoi cette agression? Parce que le Dr Mukwege dérange, à tous niveaux, parce qu'il est l'un des Congolais le plus connus, parce qu'il a parlé à l'Assemblée générale des Nations Unies et donné une "mauvaise image", hélas bien réelle, de la situation humanitaire au Kivu, et en particulier celle des femmes... Ses agresseurs n'ont pas été identifiés et il ne semble même pas qu'il y ait eu une enquête sérieuse. C'est dire.

    Le Dr Mukwege est certainement un témoin gênant. Au cas où il aurait archivé les témoignages de toutes les femmes violées, mutilées qui se sont présentées à lui, il aurait là un volumineux dossier dans lequel la justice internationale pourrait certainement puiser des indications et des témoignages. Rien que pour cela, tous les chefs de guerre de la région auraient intérêt à le voir disparaître ou se taire ou partir en exil...

    Le viol est-il utilisé comme arme de guerre en toute connaissance de cause?

    Viol, arme de guerre? Cela me paraît une évidence, car dans les cas que l'on voit au Kivu, la recherche du plaisir, la jouissance n'ont pas leur place. Il s'agit d'actes de terreur, visant à provoquer la fuite, la déchéance, le désespoir de populations civiles dont on veut prendre les terres ou les richesses. Il est impossible de dire et encore plus de démontrer qu'il y aurait un "chef d'orchestre"—personnellement je ne le crois pas— mais je me demande si la politique de terreur, de mort lente (par l'inoculation du sida) ne sert pas à long terme, la poussée vers l'Ouest de pays voisins plus peuplés et qui manquent de terre. Il s'agit là d'un "mouvement long" de l'histoire...

    Vous insistez beaucoup sur les puissants liens qui existent entre le Rwanda et la RDC. Comment comprendre que l'antagonisme demeure aussi fort?

    Les liens entre le Rwanda et le M23, et plus largement les mouvements rebelles composés de Tutsis congolais et d'autres groupes ethniques sont complexes: même si Kigali affirme souhaiter la bonne gouvernance, le rétablissement de l'Etat de droit au Congo, les liens de bon voisinage avec une autorité légitime, cette situation normalisée ne peut que nuire à de nombreux réseaux commerciaux qui opèrent de manière mafieuse ou à la marge de la légalité.

    Réseaux qui exploitent les ressources minières du Nord et du Sud Kivu et qui, pratiquement tous, transitent par le Rwanda, ce qui fait tourner les usines dans ce pays et gonfle la balance des paiements.

    Ces réseaux, dans lesquels se retrouvent des Tutsis congolais, mais aussi d'autres groupes ethniques, ont des ramifications au Rwanda, très proches du pouvoir. Couper ces chaînes mafieuses ou illégales, c'est priver de revenus des gens puissants, qui jouissent aussi de complicités à Kinshasa.

    Autrement dit, il est évident qu'en dépit des affirmations officielles, l'intérêt du Rwanda est de maintenir l'Est du Congo dans un état de semi-désordre.

    Ce qui permet de préserver dans l'armée des chaînes de commandement parallèles, des complicités dans l'administration et la douane et, à terme, de démontrer la faiblesse du pouvoir de Kinshasa.

    Cette démonstration amène à plaider pour un fédéralisme qui permettrait, au Nord et au Sud Kivu une sorte de "souveraineté partagée" avec mise en commun des ressources, en attendant mieux... Certains "rwandophones" de l'Est partagent ces visées économiques et politiques ou sont instrumentalisés, mais nombreux sont ceux qui refusent cette mainmise rwandaise: des Tutsis du Nord-Kivu sont restés fidèles à Kinshasa, et au Sud-Kivu, des Tutsis Banyamulenge ont refusé de soutenir le M23 arguant qu'ils en avaient assez d'être instrumentalisés par leurs lointains cousins rwandais.

    Ces réticences ont d'ailleurs poussé le M23 à rechercher des alliances au sein d'autres groupes ethniques, les rebelles ayant essayé de les dresser contre les autorités de Kinshasa.

    Selon trois rapports d'experts publiés par les Nations Unies appuyés par d'innombrables témoignages, le soutien du Rwanda au M23 est une évidence.

    A chaque fois que les forces gouvernementales venaient à bout des rebelles, des renforts leur étaient envoyés depuis la frontière rwandaise.

    Les autorités rwandaises auraient-elles les moyens de faire cesser les exactions commises par leurs alliés?

    Se demander si Kigali pourrait influencer les rebelles et contribuer à une solution est, à mon sens, une question mal posée: les officiers du M23, des "mutins" qui se sont soulevés au sein de l'armée congolaise car ils ne voulaient pas être affectés dans d'autres régions et refusaient que leur chef Bosco Ntaganda soit déféré à la CPI (Cour pénale internationale), sont, pour une large part, les instruments de la politique rwandaise dans la région.

    Souhaiteraient-ils mener une politique autonome, distincte de celle de Kigali, qu'ils n'en auraient pas les moyens: sans soutien extérieur, leur autonomie ne serait que de quelques jours... Ceci je tiens à le souligner, c'est mon opinion personnelle, et non celle du Dr Mukwege, qui se contente de constater les ravages sur le plan humain. Il relève que cette politique de violence extrême a été importée au Kivu par les miliciens rwandais Interhahamwe qui, lors du génocide au Rwanda en 1994 avaient déjà utilisé le viol comme arme de guerre et exporté cette pratique de terreur au Kivu. Depuis lors, cela s'est répandu comme une épidémie et d'autres groupes armés congolais (Mai Mai, Raia Mutomboki) recourent aux mêmes pratiques.

    Le Docteur Mukwege a-t-il l'intention de revenir au Congo? Pourra-t-il poursuivre son combat, son travail, dans son pays?

    C'est difficile à dire. Il est médecin chef de l'hôpital Panzi, ses malades, son staff l'attendent, lui-même n'a pas d'autre "plan de carrière" que de poursuivre son travail, mettre en pratique sa vocation. Mais en même temps, sa sécurité est en danger, les autorités congolaises ne lui promettent aucune protection particulière, il ne peut guère compter sur la Monusco (Mission des nations unies au Congo) qui ne s'est pas portée à son secours. Les femmes de Bukavu assurent qu'elles protègeront "leur" docteur. Face à des tueurs déterminés, serait-ce jamais suffisant?

    Cet article a initialement été publié sur Slateafrique.com.

    Photo: République démocratique du Congo, juin 2012. Crédit: DFI


    votre commentaire
  • 2011    336 p.    25,50 €

     

    Depuis le début du XXIe siècle, l'envolée des prix sur le marché immobilier des grandes villes françaises rend difficile l'accès à un logement de qualité pour une grande partie de la population. À Paris, de nombreuses personnes vivent dans des conditions qualifiées d'« intolérables ». Une politique volontariste de résorption du logement dégradé a été mise en place en 2002. Quels mécanismes conduisent à la relégation dans les marges les plus insalubres du marché immobilier ? Comment les mal logés réagissent-ils face aux priorités institutionnelles de relogement, essentiellement fondées sur l'urgence sanitaire ? Comment vivent-ils leur éventuelle accession au logement social dans des quartiers parfois aisés de la capitale ? Ce livre se fonde sur un travail ethnographique et une enquête auprès d'un échantillon de plus de 500 mal logés interrogés à deux reprises.
     
       Pascale Dietrich-Ragon, docteur en sociologie de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, est chargée de recherche à l'Institut National d Études Démographiques (INED). Elle est membre associée à l'Équipe de Recherche sur les Inégalités Sociales du Centre Maurice Halbwachs

     " La question du mal-logement s'est imposée au centre du débat public depuis plusieurs années, mais le phénomène reste mal cerné, tant quantitativement que, surtout, qualitativement. L'insalubrité, rappelle en effet d'emblée l'auteure, est une notion bien relative. Dans cet ouvrage tiré de sa thèse de sociologie, elle tente ainsi, à partir du cas parisien, d'apporter quelques repères concernant cet espace du logement dégradé. S'y retrouvent ainsi des ménages en marge à la fois du marché privé et de l'habitat social, mais ces populations sont pour autant loin d'être homogènes, tant du point de vue de leurs ressources - au sens large du terme - que de leur attitude face à cette situation. Certains " jouent le jeu " des institutions qui organisent la " course au logement social ", tandis que d'autres en dénoncent des critères qu'ils jugent injustes.

    L'auteure retrace les multiples logiques qui conduisent à cette situation, non sans émailler son analyse de descriptions crues. Et de rappeler que, loin d'être une simple " boîte à habiter ", le logement est un support central de statut et de relations sociales. Si la partie quantitative n'est pas sans poser question, les analyses qu'elle propose n'en sont pas moins éclairantes."


    Igor Martinache
    Alternatives Economiques n° 308 - décembre 2011

    votre commentaire
  •  Quid de l'impartialité dans les écoles quand les chasseurs initient à la nature

     15 janvier 2013

    chasseur© C. Magdelaine / notre-planete.info

    Alors que dans le cadre du "Mariage pour tous", le gouvernement et le président de la République ont réclamé de l'impartialité et demander à ne pas faire de "prosélytisme à l'école"[1], de nombreuses associations de défense des animaux viennent d'adresser une lettre au Président de la République lui demandant de tenir ses engagements électoraux en rétablissant le principe d'impartialité dans les écoles en ce qui concerne l'initiation à la nature. Seul moyen de fermer la porte... au prosélytisme des chasseurs.

    Voici la lettre dans son intégralité :

     

    OBJET : PROPAGANDE DES CHASSEURS DANS LES ÉCOLES

    Monsieur le Président,

    Votre dernière déclaration concernant le « retour à l'impartialité de l'État » a retenu toute l'attention des associations de protection de la nature, des animaux, et des usagers non-chasseurs de la nature. Vous avez réaffirmé l'importance des principes d'impartialité qui, dites-vous à raison, « ne doivent souffrir aucune exception ». Or nos associations ont constamment dénoncé le privilège scandaleux qui, durant le dernier gouvernement, a autorisé les chasseurs à faire de la propagande dans les écoles élémentaires sous prétexte d'initiation à la nature. Depuis le partenariat signé le 4 mars 2010 entre Luc Chatel, Jean-Louis Borloo et la Fédération nationale des chasseurs, les chasseurs sont en effet habilités à donner des « leçons d'écologie » aux écoliers. Ils prétendent évidemment agir en toute neutralité, mais il suffit d'examiner leur « matériel pédagogique » pour en douter : un chien de chasse virtuel, dénommé Cartouche, des personnages enfantins vêtus de jaquettes de chasse et munis de cors, montrent bien le contenu orienté de ces « cours ».

    M. Ettori, vice-président de la Fédération nationale des chasseurs au moment de la convention du 4 mars, s'était félicité dans la presse des chasseurs de passer outre une Académie « qui fit circuler dans tous les établissements de son département une circulaire interdisant l'accès à toutes les structures cynégétiques ». Désormais, se vantait-il, « une fédération a le droit de
    proposer des animations auprès des jeunes, que l'inspecteur d'Académie le veuille ou non ». Si les écoles doivent rester, comme nous le croyons nous aussi, des lieux d'impartialité, il n'y a aucune raison pour que les chasseurs viennent recruter dès l'école pour initier au plaisir de tuer des animaux et surtout pour maintenir leurs effectifs afin de conserver leur influence politique.

    Ne conviendrait-il pas d'appliquer le principe de neutralité et de mettre une limite à la défense des intérêts particuliers et à la propagande des lobbies ?

    Nous vous appelons, Monsieur le Président, à mettre vos propos en pratique et à annuler dès à présent le droit des chasseurs à faire du prosélytisme dans les écoles tout en privant leurs adversaires de leur répondre. Ce privilège doit être immédiatement aboli. Nous sommes à votre disposition pour vous fournir tout renseignement complémentaire et serions heureux d'obtenir un rendez-vous d'un de vos collaborateurs pour avoir l'assurance que vos propos ne resteront pas lettre morte.

    Confiants dans votre volonté d'équité et de neutralité, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de nos salutations respectueuses.

    Muriel ARNAL,
    Présidente de l'association One Voice
    Pierre ATHANAZE,
    Président de l'ASPAS (Association pour la protection des Animaux Sauvages)
    Gérard CHAROLLOIS,
    Président de la Convention Vie et Nature
    David CHAUVET,
    Vice-Président de l'association Droits des Animaux
    Armand FARRACHI,
    porte-parole du Collectif pour l'abolition de la chasse à courre
    Christophe MARIE,
    directeur du B.P.A. de la Fondation Brigitte Bardot
    Christine SAUMON,
    chargée de communication de l'Association pour la défense des victimes de la chasse
    Orianne VATIN,
    chargée de communication de la SPA (Société Protectrice des Animaux)

    Notes

    1. Le ministre de l'Éducation nationale, V. Peillon a déclaré "Ne faisons pas de prosélytisme à l'école" (AFP)

    Auteur

    avatar Christophe Magdelaine / notre-planete.info - Tous droits réservés


    votre commentaire
  • L'Agence européenne de sécurité des aliments pointe le risque du Gaucho, du Poncho et du Cruiser pour les abeilles.

    Accusés de porter atteinte aux colonies d'abeilles, trois insecticides utilisés en traitement de semences pourraient être bientôt interdits ou, à tout le moins, strictement réglementés en Europe. Même si certaines données sont encore indisponibles, le rapport publié mercredi en ligne par l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) est accablant pour l'imidaclopride (Gaucho), la clothianidine (Poncho) et le thiamotexam (Cruiser) qui se retrouvent de plus en plus sur la sellette.

    Les experts scientifiques de cette institution basée à Parme (Italie) ont identifié trois voies d'exposition des abeilles à ces pesticides: via le pollen et le nectar des fleurs, les poussières dispersées lors des semis ou encore les exsudats secrétés par les plantes traitées. Sur le premier point, «seuls les usages sur des cultures non attractives pour les abeilles sont considérés comme acceptables», écrivent-ils. Ce qui exclut a priori le colza et le tournesol, plantes mellifères régulièrement visitées par les pollinisateurs.

    S'ils ne les tuent pas directement, ces insecticides systémiques de la famille des néonicotinoïdes ont pour effet de désorienter les abeilles au point de les rendre incapables de retrouver leur ruche. C'est ce qu'avait démontré, pour la première fois de manière expérimentale, une étude française publiée en mars dernier dans la revue Science. Suite à ce travail, piloté par des chercheurs de l'Inra d'Avignon et de l'Association de coordination technique agricole (Acta), la France avait interdit, en juillet, l'utilisation du Cruiser OSR sur semences de colza. De son côté, la Commission européenne avait saisi l'Efsa en lui demandant de procéder à une évaluation complète de ces produits.

    Jugeant les conclusions de l'agence «inquiétantes», Frédéric Vincent, porte-parole de Tonio Borg, commissaire européen en charge de la Santé et des Consommateurs, a indiqué qu'une lettre sera adressée «cette semaine» aux groupes Bayer et Syngenta qui commercialisent les trois produits incriminés. Les industriels ont «jusqu'au 25 janvier pour répondre». Ensuite, «la Commission, avec les États membres, prendra les mesures qui s'imposent», en particulier lors de la réunion du comité permanent de l'UE en charge de ces questions prévue le 31 janvier, souligne M. Vincent.

    En plus de la France, d'autres États membres, comme l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Slovénie ont déjà limité ou interdit l'usage de ces produits. L'objectif de la Commission européenne est d'arrêter une ligne de conduite commune au sein de l'UE qui peut aller jusqu'à une interdiction des produits incriminés.

    «Cet avis identifie les risques mais ne prend pas en compte l'impact positif des mesures de gestion», déplore Xavier Thévenot, de Syngenta, qui cite l'exemple des déflecteurs installés aujourd'hui en France, sur la quasi-totalité des semoirs de maïs. Testée par l'Irstea (ex-Cemagref), «cette technique permet d'éviter la dispersion des poussières et donc de protéger efficacement les abeilles», insiste-t-il.

    Les industriels chiffrent les bénéfices des nicotinoïdes à 4,5 milliards d'euros par an pour l'économie européenne. Ils rappellent également, non sans raison, les abeilles paient aussi un lourd tribut aux maladies, aux parasites comme le varroa ou le frelon asiatique, à la disparition de leur habitat, pour les espèces sauvages, et au manque de nourriture.


    votre commentaire