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    Politique: pourquoi Jacques Julliard oublie les médias

    Rédigé par Juan S. le Mardi 25 Décembre 2012 (Marianne2 )

    Jacques Julliard termine l'année, dans Marianne, en taclant une imposture politique: cette infantilisation du débat qui pousse nos candidats à promettre tout et n'importe quoi pour satisfaire des électeurs trop impatients qui attendent des solutions clés-en-main.


    Dans un éditorial titré « Contre la profession politique », il l'écrit très justement: « Voyez le jeu pervers auquel se livre l'électeur et le candidat à chaque élection importante. Le premier fait monter les enchères au maximum avant de se décider, tandis que le second finit par laisser échapper des promesses qu'il sait ne pouvoir tenir.»

    On le sait, Nicolas Sarkozy fut emblématique de cette infantilisation politique de masse. Il en avait publié un abécédaire, avec ses milliers de promesses électorales, qu'il s'empressa de faire disparaître un soir d'automne quand l'échec lui était trop insupportable à affronter.

    Nous avions pu en construire un autre, plus terrifiant encore. L'antisarkozysme fut d'abord cette réaction comme cette attitude-là, les promesses à l'emporte-pièce. Quand François Hollande l'emporta après des primaires disputées, l'accusation qui lui fut faite à de nombreuses reprises d'être trop flou dans ses promesses nous réjouissait secrètement. Ah si pour une fois un candidat pouvait gagner sans s'engager sur une liste à la Prévert de promesses toutes moins tenables les unes que les autres ! Certains encore aujourd'hui s'en tiennent à quelques morceaux de slogans pour mieux tacler l'actuel président. Mediapart et quelques autres à gauche croient savoir que la trahison est là puisque l'actuel président n'a pas écrit dans quelques lois l'exact intitulé sommaire de ses 60 propositions.

    La démocratie moderne, attaquée par une crise sociale sans précédent, souffre de son absence de recul.

    Pour revenir à Jacques Julliard et son merveilleux éditorial, il convient de souligner un point essentiel: la classe médiatique - puisqu'il s'agit une classe tant du point de vue sociologique que culturelle - est tout autant responsable de cet état de fait infantile que nous autres citoyens ou vous autres politiques.

    Dans son immense majorité, elle entretient l'absence de débat, d'analyse, de perspective et surtout de contradiction. Elle suit le vent, caricature les enjeux comme Twitter et ses 140 caractères de messages.


    A suivre.

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  •  Le règne de l'oligarchie médiatique

    Vendredi 14 Décembre 2012

    Dominique Wolton *  (Marianne )


    Si les journalistes sont de moins en moins crédibles, c'est parce qu'il existe une oligarchie médiatique qui ne représente ni l'opinion, ni la société, mais elle-même, et qui vit en symbiose avec l'élite politique.


    Dominique Wolton à la Sorbonne
                                                                   Dominique Wolton à la Sorbonne
    Une des légitimités du journalisme, mais qui n'est plus exacte, était que le journaliste est le porte-parole de l'opinion publique. Aujourd'hui, les sondages font partiellement ce travail. C'était au nom de cette référence abstraite que les journalistes critiquaient le pouvoir politique. Aujourd'hui, ils parlent en leur nom. Le problème du monde médiatique est son manque d'autonomie par rapport au monde politique, sa faible légitimité et son découplage par rapport à l'opinion. D'autant que, simultanément, les élites se sont beaucoup homogénéisées.

    C'est d'ailleurs paradoxal. Il n'y a jamais eu autant de capteurs de la diversité de la réalité et jamais autant d'étroitesse dans la représentation de la société et des élites. Ce n'est pas grave parce que l'opinion publique est lucide, même si cette distance critique naissante ne se voit pas.

    La base de la légitimité des journalistes vient de la confiance que l'on a à leur égard. Or celle-là ne cesse de baisser depuis trente ans. Les journalistes ne le voient guère, préférant trop souvent s'enfermer dans leur univers, convaincus de leur bon droit. Résultat : ils «tiennent» en partie les politiques et prennent le silence du public pour un acquiescement.

    Le mythe du quatrième pouvoir

    Ma démarche ne s'inscrit pas contre les journalistes, comme je l'écris depuis longtemps. Dans un univers saturé d'informations, ce sont des intermédiaires indispensables. Mais pourquoi ce milieu composé de gens intelligents est-il en train de basculer ? Pourquoi cette oligarchie n'entend-elle rien ? Autant je défends l'information, la critique et le contre-pouvoir de la presse, autant je m'oppose au mythe de la presse érigée en quatrième pouvoir.

    En fait, cette dérive ne concerne pas tous les journalistes, mais surtout une partie de la hiérarchie. Distinguons trois groupes : l'«élite», l'oligarchie des éditorialistes et des dirigeants, qui remplace de plus en plus une élite intellectuelle, culturelle et universitaire déclassée depuis presque quarante ans. La classe moyenne des journalistes, majoritaire, de plus en plus intéressante, qui porte un regard critique sur l'oligarchie, mais n'ose pas l'affronter. Enfin, la troisième classe, les jeunes, en partie précarisés, qui sont souvent sur les réseaux. Ils veulent s'en sortir, mais manquent pour beaucoup de réflexion critique et s'imaginent qu'avec Internet, un nouveau monde s'offre à eux !

    L'oligarchie ne représente ni l'opinion, ni la société, mais elle-même. Elle est souvent le seul contact pour des politiques mécaniquement déconnectés d'une bonne partie de la réalité. Ces deux univers se confortent alors dans une représentation limitée du monde. Cela pose le problème de la consanguinité entre journalistes et politiques qui vivent les uns avec les autres, avec les mêmes calendriers et les mêmes visions du monde.

    En plus, les journalistes oligarques deviennent les experts que l'on interroge. Ils ont un redoutable pouvoir de sélection pour inviter les personnalités. Une poignée de ces experts-commentateurs se retrouvent plusieurs fois par semaine dans d'autres rédactions, pour commenter l'actualité. Pourquoi ? Où est la diversité ? Quant aux autres experts, ils sont souvent réduits à la portion congrue, ou complètement identifiés aux journalistes. Il n'y a plus d'altérité.

    Pour les politiques, cette oligarchie (qui n'est d'ailleurs pas seulement journalistique) est un mur qu'ils n'arrivent souvent pas à traverser. Ils n'ont plus de contact direct avec la réalité. Pourtant, apparemment, le politique n'a jamais su «aussi facilement» ce qui se passe, par les tweets, les sondages, les blogs...

    Course à l'urgence

    L'autre problème que doivent affronter les médias, c'est l'idéologie de l'immédiateté, avec la chasse au scoop et la concurrence exacerbée qui ne dit pas son nom. Le pouvoir politique devrait contraindre les médias à ralentir et non à imposer leur rythme. Les chaînes d'information et Internet sont l'incarnation de cette discordance. Ils doivent créer du drame, trouver l'audience et donner le sentiment qu'il se passe toujours quelque chose de grave, même si l'écrasante majorité de la population ne vit pas dans cet espace-temps !

    Ce déferlement ne traduit pas une maturité. Le pouvoir médiatique ne connaît plus ses limites, juge de tout et alimente la course à l'urgence et aux rumeurs. Les médias vont trop vite, alors que la politique va toujours plus lentement. Et rien ne sert de dramatiser ce qui souvent l'est déjà assez. Qui vit au rythme de l'information continue ?

    Pour retrouver l'attention ou la confiance de l'opinion publique, nous avons besoin de la cohabitation conflictuelle de différents points de vue. Le monde politique, le monde médiatique, le milieu de la connaissance et la société. Ces quatre visions doivent cohabiter afin de montrer la complexité de la société.

    L'information en direct a été à juste titre un idéal pour toute la presse, mais elle peut devenir un cauchemar. Il faut au moins diversifier les points de vue, compléter le travail des journalistes par d'autres visions du monde, et compléter la vitesse par toujours plus de connaissances, de culture, d'érudition, d'explications. Bref, rétablir la pluralité des chronologies et des points de vue. C'est la confiance dans les médias qui est en jeu et la légitimité des journalistes qui est à revaloriser.

    * Vient de publier «Indiscipliné. La communication, les hommes et la politique» (Odile Jacob, 2012).

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  •   Pourquoi le social-libéralisme est dans l'impasse

    Mardi 4 Décembre 2012

    Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

    Alors que sa base populaire s'est considérablement affaiblie, le nouveau pouvoir reste prisonnier des dogmes néolibéraux qui le conduisent à pratiquer le grand écart entre ses promesses et ses actes, analyse les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, auteur de «L'argent sans foi ni loi. Conversation avec Régis Meyran» (Textuel, 2012).   

    (CHESNOT/SIPA)
                                                     (CHESNOT/SIPA)
    François Hollande n'aurait pu être élu président de la République sans l'apport des voix du Front de gauche, ce qui l'a obligé à des promesses de campagne pour une meilleure répartition des richesses entre le capital et le travail. Mais les promesses, une fois de plus, ne valent que pour ceux qui veulent bien y croire. Après cinq ans d'un «président des riches» qui a comblé les plus fortunés de nombreux cadeaux fiscaux, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n'a augmenté le taux horaire du Smic, hors inflation, que de 18 centimes d'euros (brut) !     

    (Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot - DR)
    (Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot - DR)            
    Le mépris pour les millions de Français dont les salaires sont au-dessous du revenu médian, qui s'établit à 1 676 € net par mois, ne va pas les inciter à participer davantage à la vie politique. L'abstention a battu des records pour les élections législatives de juin 2012 : 44,6 % des électeurs inscrits ne sont pas allés voter au second tour. C'est le taux le plus élevé pour des élections législatives depuis 1958, date à laquelle il fut de 25,2 %. De 1958 à 1978, l'abstention a régulièrement reculé. Elle n'atteignait que 15,1 % en 1978. Puis elle a augmenté de 1981 à 2012. Cette concomitance avec les élections de deux présidents socialistes démontre que la duperie de la fausse alternative déroute massivement l'électorat notamment populaire.

    Au premier tour de l'élection présidentielle, le candidat François Hollande a recueilli 10 272 705 suffrages, ce qui représente 22,3 % des 46 066 307 inscrits. Le chef de l'Etat était donc minoritaire dans les souhaits des électeurs. Ce que soulignent aujourd'hui les réticences des écologistes, pourtant membres du gouvernement, et le peu d'empressement à le soutenir des élus et militants du Front de gauche. Il y a là une faiblesse de la base sociale susceptible de se mobiliser pour soutenir l'action gouvernementale.

    Un soutien aussi faible du peuple français a ses raisons. On peut faire l'hypothèse du souvenir amer laissé par les années mitterrandiennes : ce fut l'époque où la dérégulation du système financier a triomphé, soutenue par un ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Bérégovoy, qui a laissé de bons souvenirs dans les beaux quartiers. Le pacte budgétaire et sa «règle d'or», dont la remise en cause et la renégociation avaient été imprudemment mises en avant par le candidat Hollande, sont des signes avant-coureurs des renoncements à venir. Les choix budgétaires de la France sont donc désormais sous le contrôle des experts européens. Le président a, très «normalement», envoyé un message politique clair aux marchés financiers. Le nouveau pouvoir socialiste va bel et bien continuer à appliquer les directives du néolibéralisme et mettre en œuvre une politique d'austérité à perpétuité pour les peuples. Cette reprise à son compte du drapeau de la «compétitivité» va se traduire pour les travailleurs par de nouveaux sacrifices pour les seuls bénéfices du capital et de ses actionnaires.    

    Un régime censitaire

    Les manipulations idéologiques et linguistiques ont été reprises par l'Elysée et l'Assemblée nationale, pour continuer à faire croire, dans une inversion totale des valeurs morales et économiques, que le travail coûte trop cher à ces riches et généreux investisseurs qui créent des emplois. Les politiciens du Parti socialiste poursuivent la mise en scène de la défense de l'emploi en France, alors qu'ils savent très bien qu'ils appliquent la politique néolibérale qui a instauré dans les moindres détails du droit français et européen la liberté totale du capital pour délocaliser les emplois ouvriers et de service dans les pays les plus pauvres où la main-d'œuvre est payée au tarif local, celui de la misère.

    Comment croire que les socialistes pourraient mener une politique plus douce à l'égard des travailleurs, alors qu'ils sont formés dans les mêmes grandes écoles que les patrons et les politiciens de droite : ENA, Sciences-Po, HEC et, bien entendu, Harvard ? Coupés du peuple avec le cumul des mandats - sur les 297 députés du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, on compte 207 cumulards -, les élus socialistes, dans le souci de faire progresser leur carrière en politique, ont rejoint les intérêts de la classe dominante dont ils sont devenus les alliés objectifs. Tous d'accord pour que, au nom de la «démocratie» et des «droits de l'homme», la vie politique française soit gérée dans un régime, en réalité censitaire, où les élites sociales qui composent l'essentiel des chambres vont promulguer les lois les plus favorables à leurs intérêts et à ceux qu'ils représentent. Comment se fait-il que les ouvriers et les employés, qui sont 52 % de la population active, ne soient présents ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, ou si peu ? Cette absence explique le désintérêt pour la politique que traduit le succès remarquable du parti des abstentionnistes.

    Dans la phase néolibérale d'un système capitaliste financiarisé, hautement spéculatif à l'échelle du monde, il n'y a pas d'accommodement possible comme ce fut le cas pendant les Trente Glorieuses où la croissance et un Etat-providence fort autorisaient la redistribution. L'avenir de la présence de l'homme sur la Terre est menacé. Seule une opposition claire à cette économie destructrice rendra possible la construction et la mise en œuvre d'une société ou l'humain détrônerait à tout jamais l'argent sans foi ni loi.

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    Russie : un statut de quasi espionnes pour les ONG

     
     
     

    Les ONG russes dénoncent des lois de plus en plus nombreuses et floues, visant à renforcer leur surveillance. Dirigeants et militants pourraient être contrôlés et poursuivis à tout moment, selon la rigueur de l'application à venir de ces textes. L'un des plus controversés obligera certaines d'entre elles à s'enregistrer comme « agent de l'étranger ».

    En Russie, à partir du 21 novembre, certaines ONG deviendront officiellement « agents de l’étranger ». Si elles reçoivent des fonds de l’étranger et ont des activités politiques, elles devront s’enregistrer comme tels selon une nouvelle loi¹, sous peine de sanction pénale. Chaque document publié par l’ONG mentionnera la source « organisme agissant comme agent de l’étranger ». Or, ce terme attise la méfiance, particulièrement en Russie. « L’une de nos secrétaires a démissionné sous la pression de sa mère, par crainte pour sa carrière », affirme Anton Pominov, directeur de recherche pour Transparency International-Russie. Entièrement financé par des fonds locaux, le bureau moscovite ne sera pas concerné par cet aspect. Mais ONG rime de plus en plus avec espion ou, pour le moins, responsable d’activités subversives. Dans l’espoir d’inverser cette tendance, TI a publié le 2 novembre un document détaillant les principes constitutionnels violés par la loi. Elle compte présenter ses arguments devant les tribunaux nationaux et internationaux, dès que l’occasion se présentera.

    Des ONG coupées de leurs vivres

    Au quotidien, ce nouveau texte veut aussi dire une lourdeur administrative de plus pour les ONG qui n’en avaient pas besoin. A titre d’exemple, la branche locale de Greenpeace Russie consacre déjà 3,5 emplois permanents aux obligations administratives. Son nouveau statut nécessitera désormais d’envoyer plusieurs fois par an différents rapports au ministère de la Justice, de subir un audit annuel -sans compter les contrôles inopinés en cas de « raison valable », non définie-, et de préciser la nature des activités considérées comme politiques. Résultat, selon Ivan Blokov, son directeur de campagne, des ONG risquent de se désagréger, faute de moyens.

    Car il n’est pas facile pour les ONG désireuses de minimiser leurs tâches administratives de remplacer les fonds étrangers par des dons locaux. La tâche s’annonce même particulièrement ardue en région. Dans l’extrême orient russe à Khabarovsk, Sergueï Plechakov, directeur de l’association à vocation sociale Zeleny Dom (la Maison Verte), s’inquiète : « Nous n’avons pas décroché de subvention présidentielle³ et il n’existe pas de programmes locaux ici pour soutenir les ONG. Nous n’avons aucune perspective. » Ces dernières années, plus de 90 % de son budget provenait de l’agence américaine pour le développement international USAID. Celle-ci a été expulsée du pays en octobre pour « ingérence dans les affaires politiques internes ». L’un de ses autres principaux mécènes, la Fondation Ford, était déjà parti en 2009.

    Ce ne sont pas des cas isolés. Le nombre de programmes de subventions étrangers aurait été divisé par dix depuis le début des années 2000, passant de 200 à 20, d’après Alexeï Iablokov, un environnementaliste qui dirige la fraction « verte » du parti d’opposition Iabloko. Concrètement, la loi sur les « agents étrangers » n’aurait donc qu’un impact limité puisque de nombreuses ONG - environnementales du moins- auraient déjà été obligées de cesser leurs activités ou de survivre dans l’illégalité. Les hommes d’affaires russes s’aventurent rarement à soutenir des activités dans des domaines risquant de froisser les autorités. Comme d’autres dirigeants d’associations, Alexeï Iablokov pense que cette loi n’est qu’un prétexte pour renforcer leur surveillance, précisant que « les lois restreignant les droits des ONG ont commencé à apparaître dès 2002 – 2003 ». Ivan Blokov, pour qui le mandat de Medvedev n’aura été qu’un répit de courte durée, enchérit : « Dans les années 1990, on pouvait influencer les politiques publiques. Depuis la première présidence de Poutine, on se bat principalement pour les conserver et les faire appliquer ! »

    Multiplication des lois contre les ONG

    Depuis six mois, le rythme d’adoption de textes aux contours flous, créant une zone d’incertitude juridique, semble même s’accélérer. Ce changement stratégique fait suite aux manifestations de 2011, juge Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch : « ce fut une expérience humiliante pour le pouvoir, qui craint – sans raison, à mon avis – une répétition des révolutions de couleur en Russie. » En juin, les amendes en cas d’infraction des règles des rassemblements publics ont été multipliées par 150 pour les individus, jusqu’à 300 000 roubles (7500 €), et par 300 pour les organisations, jusqu’à 1M de roubles (250 000 €). « Ces montants sont les plus élevés du code administratif et sont même supérieurs à ceux appliqués pour certains crimes, note Ivan Blokov. Les militants n’auraient pas les moyens de payer pour leur participation aux activités de Greenpeace ».

    Par ailleurs, la diffamation est redevenue une infraction pénale. La critique publique de dirigeants par des ONG peut coûter aux médias qui les diffusent une amende dissuasive de 2M de roubles. La notion de « trahison » a aussi été élargie et l’obtention d’informations constituant un « secret d’Etat », dont la définition reste imprécise, peut valoir jusqu’à quatre ans de réclusion. Pour le FSB (ex-KGB) cela se justifie par une utilisation active des organisations, gouvernementales ou des ONG, par les services secrets étrangers.

    « Nous assistons à une tentative globale de créer un système dans lequel chacun peut être poursuivi et condamné pour quelque chose, des chauffeurs aux activistes des ONG », s’insurge Anton Pominov. Malgré ce couperet qui croît à vue d’œil au-dessus de leur tête, les ONG gardent espoir, tout en appelant la communauté internationale à réagir. Car « à l’ère d’Internet, il n’est plus possible de cacher le militantisme sous le tapis », rappelle Alexeï Iablokov.

    (1)Loi introduisant des amendements à certains actes législatifs de la Fédération de Russie concernant la régulation des activités des organisations non-commerciales agissant comme agents de l’étranger.

    (2 )Ces subventions fédérales sont accordées à des ONG sur concours chaque année depuis 2005, sur un fonds total de 1 à 1,5 Mds de roubles (25M à 37,5 M d’euros). « Attribuées par des organisations désignées par le Kremlin, fidèles au pouvoir, elles sont allouées à 70 % à des associations moscovites, qui plus est sur des projets de soutien qui n’en sont pas vraiment, à savoir une seule conférence, la publication d’un livre, une fête religieuse, etc. », estime Sergueï Plechakov.

    *manifestants marchant sur la boulevard Rojdestvensky, au centre de Moscou, lors de la Marche des Millions du 12 juin dernier, suite à des perquisitions chez des leaders de l'opposition.

    Jeanne Cavelier, à Moscou
    © 2012 Novethic - Tous droits réservés  21/11/2012

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  •  Faux avis : comment des agences pros dupent les internautes

    Gwénola Lebrun  Rue 89  27/10/2012

     

    Si les faux commentaires visant à tromper l’internaute sont illégaux, ils sont pourtant très répandus. Et souvent suscités par de véritables entreprises : nous avons testé.


    Un Pinocchio en bois (Michiel Jelijs/Flickr/CC)

    Choisir un hôtel ou un restaurant grâce aux commentaires rédigés sur Internet. C’est une pratique courante, mais beaucoup ignorent que ces avis sont parfois complètement bidons. De nombreux sites comparateurs de voyages ou de lieux touristiques rédigent eux-mêmes les commentaires, ou utilisent les services d’agences de réputation en ligne.

    Une forme de publicité déguisée qui trompe le consommateur. Car 77% des internautes prennent en compte les avis et les notes laissés par d’autres sur des sites d’achats, selon une étude Médiamétrie publiée en juin.

    Pour vérifier cette arnaque, nous avons contacté une dizaine d’agences d’e-réputation, en nous faisant passer pour un client. Nous leur avons envoyé une demande de devis pour rédiger des commentaires factices. Cela pour le compte d’un site sur le point d’être créé qui compare de bonnes adresses d’hôtels, etc.

    Agences d’e-réputation mais aussi agences de presse

    Certaines agences se sont offusquées, en citant le code de la consommation. Ce dernier stipule qu’une pratique commerciale est trompeuse « lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale ». Une pratique illégale donc. Mais d’autres se sont montrées beaucoup moins regardantes.

    Trois agences ont répondu favorablement à la demande. Pour ne pas les citer : le cabinet parisien Protection Reputation, et les deux sociétés basées à Madagascar Softibox et IIS Madagascar.

    Avec des tarifs compris entre 2 000 et 2 500 euros selon les prestataires, pour 1 000 commentaires. A ce prix-là, la qualité devrait être au rendez-vous. « Les gens qui rédigent les faux avis sont les mêmes que ceux qui écrivent les communiqués de presse », dévoile un responsable de Protection Reputation.

    Ces agences proposent donc des prestations complètement illégales, en connaissance de cause. Un responsable d’IIS Madagascar indique par e-mail :

    « Les commentaires “faux avis” sont passibles de poursuites en France par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. »

    Il joint pourtant une grille avec ses tarifs pour se charger de cette rédaction illicite. Ces pratiques sont loin d’être minoritaires. Et elles sont même parfois réalisées… par des agences de presse. C’est le cas de l’agence de presse Relaxnews, qui a pignon sur rue. Elle a même lancé, en partenariat avec l’AFP, un fil d’informations spécialisé dans les loisirs.

    10 000 faux avis pour le lancement d’un site

    Mais derrière cette image si lisse, elle demande à ses journalistes de publier des commentaires positifs sur des hôtels qu’ils n’ont jamais visités. Comme en témoigne cet e-mail confidentiel, envoyé aux journalistes en question :

    « Un de nos clients crée un nouveau service en ligne, dont la vocation est de présenter des adresses d’hôtels, restaurants et bars. Une fois le service actif, ces adresses seront librement commentées par les internautes.

    Avant d’ouvrir son site au public, notre client souhaite que bon nombre d’adresses soient commentées, dans un style “ haut de gamme ”, sur un mode participatif. Il nous demande ainsi d’“ amorcer ” le site, en rédigeant des commentaires positifs et dans un style soutenu sur 10 000 adresses de lieux (bars, restaurants, hôtels…).

    Ces commentaires ont pour vocation de donner le ton du site. Nous vous proposons, si vous le souhaitez, de participer à cette mission de rédaction des commentaires, en dehors des heures de travail. »

    720 euros pour 455 commentaires

    Chaque journaliste peut donc créer jusqu’à 455 commentaires, contre une rémunération de 720 euros. Pour cela, il reçoit une note explicative, ainsi qu’une liste de comptes de messagerie et de pseudos à utiliser. Julie [tous les prénoms ont été modifiés, Ndlr], qui a elle-même accepté l’offre, confie :

    « Tous les journalistes de la rédaction ont choisi de rédiger ces faux avis, soit une dizaine de personnes. On utilise différentes messageries et pseudos pour ne pas se faire attraper. Et pour chaque pseudo, on adopte un style différent, plutôt oral ou au contraire très écrit. Mais à chaque fois en respectant l’orthographe. »

    Pas de commentaires en style SMS, exigence du client oblige.

    Mais si elle connaît une grande augmentation aujourd’hui, cette pratique n’est pas toute récente. Brigitte a travaillé il y a cinq ans pour une agence de communication, en tant que modératrice de forums.

    « On rédigeait beaucoup de commentaires sur des forums en se faisant passer pour des clients lambda. On devait tenir un tableau Excel pour chaque forum. On y indiquait les pseudos créés, les commentaires, les réponses. Avec un objectif de rédiger 50 messages par jour sur différents forums. »

    Elle affirme que ses clients étaient de grandes marques de jeux vidéo ou de produits de beauté.

    Aucun cas devant la justice

    Alors les faux commentaires sont-ils une façon comme une autre de faire de la publicité ? Pas vraiment… La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a lancé une grande enquête sur ce sujet début 2011.

    Six enquêteurs sont chargés de ce dossier, et ils auraient déjà à ce jour contrôlé quelque 130 sites marchands, en relevant douze contentieux. Aucun n’aurait encore été traité devant la justice. Mais selon le code de la consommation, la peine maximale requise pour pratique commerciale douteuse atteint deux ans d’emprisonnement et 37 500 euros d’amende.

    Or l’Association française de normalisation (Afnor) entend mettre un terme à ces véritables publicités cachées, postées sous de fausses identités. Elle reconnaît que cette pratique est très courante. Et planche sur une norme prévue pour 2013, pour certifier l’authenticité des commentaires.

    Différentes pistes sont évoquées. L’internaute pourrait signer une déclaration sur l’honneur. Autre possibilité, il pourrait être obligé de fournir la preuve qu’il a bien fréquenté l’établissement qu’il commente.

    Impossible de distinguer le vrai du faux

    Car aujourd’hui il est presque impossible de distinguer un véritable commentaire d’un faux. Pour preuve, nous avons demandé à l’agence de réputation en ligne Softibox de nous fournir des faux commentaires. Ces derniers n’ont pas été publiés en ligne, mais rédigés par l’agence pour nous donner un avant-goût de son travail. Impossible de faire la différence avec l’avis d’un véritable internaute :

    « Le temps d’un week-end en amoureux, nous avons réservé une chambre au *** [Les noms de lieux ont été masqués pour ne pas nuire aux établissements, Ndlr]. Notre chambre, claire et spacieuse offrait une vue superbe sur le vieux port de Marseille. Nous avons passé une soirée unique au restaurant de l’hôtel ***.

    Le lendemain nous avons choisi de nous détendre un moment au SPA de l’hôtel, avec au programme massage relaxant et séance de hammam, un pur délice. Ce 5 étoiles est à la hauteur de sa réputation. »

    Un autre avis présente les charmes d’une auberge de jeunesse. Même si la qualité de la prestation proposée n’a rien à voir avec celle de l’hôtel de luxe évoqué dans le précédent commentaire, le texte est globalement très positif.

    « Nous avons passé un séjour agréable au ***. Sa situation est très pratique pour visiter les sites touristiques aux alentours. Nous pouvions facilement rejoindre les arrêts de bus et les stations de métro. Pour une auberge de jeunesse, l’hôtel présente un très bon rapport qualité/prix. Les chambres propres, mais petites sont correctes puisqu’elles disposent de toilettes et d’une douche.

    Nous avons pu nous connecter à internet grâce à la connexion wi-fi du salon. Par ailleurs, le personnel a toujours répondu gentiment à nos questions. La navette gratuite pour l’aéroport est un réel atout pour cette auberge de jeunesse. »

    Des techniques commerciales visant à duper le consommateur, et qui se passent de commentaires.


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  •  10/10/2012 à 17h41

    Les caricatures : une affaire de liberté d’expression ?

    Xavier Landes, chercheur ( Rue89 )
    Centre for the Study of Equality and Multiculturalism (CESEM), université de Copenhague

     

    Dans le monde musulman, les heurts et cris qui ont suivi la diffusion de la
    vidéo « L’Innocence des musulmans » puis la publication de caricatures par l’hebdomadaire Charlie Hebdo ont représenté pour certains une occasion de relancer le débat sur la liberté d’expression (au travers de la liberté de presse). Face à la violence, le caractère absolu de la liberté d’expression devrait être réaffirmé, à tout le moins dans les régimes démocratiques.

    Pour ou contre la liberté d’expression, voici le faux dilemme que l’on nous propose et auquel il faut se refuser. Face aux déchaînements de part et d’autre, il est nécessaire de défendre une position nuancée qui s’enracine dans la primauté de la liberté d’expression certes, mais en y adjoignant une condition : l’idée que certaines circonstances, exceptionnelles, plaident pour un exercice limité d’une telle liberté suite au jugement bien pesé du détenteur dudit droit et de lui seul.

    Une affaire de responsabilité

    Il y a des situations où il est préférable que le détenteur d’un droit en limite l’exercice si les conséquences négatives liées à l’exercice de ce droit surpassent soit les conséquences positives liées à cet exercice, soit les conséquences négatives liées à un non-exercice.

    Dans une situation où des émeutes éclatent un peu partout, accompagnées de meurtres et destructions, il y a donc la possibilité, sérieuse, que la publication de caricatures fasse empirer la situation, c’est-à-dire provoque de nouvelles souffrances.

    Cette exigence de responsabilité possède d’autant plus de force dans les situations où celui qui décide d’exercer le droit en question n’est pas celui qui subit la majorité des conséquences négatives, comme pour la publication des caricatures par Charlie Hebdo. Maintenant il est possible de s’opposer à cet argument de plusieurs manières, sans qu’aucune d’entre elles ne soit réellement convaincante.

    On peut tout d’abord invoquer ce qu’en philosophie on nomme une pente glissante : transiger dans ce cas précis reviendrait à transiger dans tous les cas semblables qui ne manqueront pas de se présenter. En réponse, on peut souligner que rien n’indique que faire preuve de retenue en vertu d’un jugement individuel bien pesé dans un cas particulier génère une obligation de faire preuve de retenue dans tous les cas semblables (c’est-à-dire, conduise à la suspension du droit en question).

    Une autre manière de s’opposer au devoir de responsabilité est d’affirmer le caractère non négociable de la liberté d’expression : celle-ci commanderait de manière impérieuse d’être exercée en tout temps et à tout propos sous peine de se dissoudre. Cependant, comment peut-on sérieusement concevoir que l’existence de la liberté d’expression passe par son exercice absolu sur tout sujet ? Si l’on suit ce raisonnement, celle-ci n’existerait pas dans les pays qui criminalisent la négation de la Shoah, ou s’apprêtent à pénaliser la négation du génocide arménien par exemple.

    Une troisième critique est de nature stratégique : en abdiquant face à la violence, on enverrait le signal aux fondamentalistes religieux que la menace peut servir de moyen de pression à l’encontre des régimes démocratiques. Il conviendrait alors de ne pas céder à l’immonde chantage et de faire acte de résistance, principalement en recourant au blasphème. L’argument soulève une question, essentielle : celle de la stratégie des extrémistes. Quelle est-elle au final ? De quelle manière fait-on le jeu des extrémistes ? En faisant, dans certains cas, preuve de retenue, ou en publiant des caricatures qu’ils pourront utiliser pour focaliser les haines et mobiliser les troupes dans un contexte enflammé ? La surenchère a toujours fait le jeu des extrêmes.

    Un dernier aspect est à mentionner. Considérer que se restreindre dans la publication de quelques caricatures est liberticide semble être une position trop rigide pour être tenable. A terme, elle est même préjudiciable à la liberté d’expression, car elle en donne l’image d’un idéal rigoriste, voire psychorigide, prônant la stratégie du tout ou rien alors que la réalité est plus mitigée. De plus, ceux qui mobilisent un tel argument ont une vision particulièrement pessimiste de la solidité de la liberté d’expression et de la force d’une société démocratique. Si la différence entre une société libre et une société en voie d’inféodation à l’obscurantisme religieux se situe dans la publication, ou non, de quelques dessins alors il est effectivement grand temps de s’inquiéter.

    Une affaire d’instrumentalisation

    Cette affaire laisse un arrière-goût amer, celui d’une confrontation qui est instrumentalisée de part et d’autre. A y regarder de plus près, il est moins question de liberté d’expression que de deux choses qui n’ont rien à voir.

    Tout d’abord, la publication de caricatures, qui répond aux violences faisant suite à la diffusion de « L’Innocence des musulmans », traduit clairement la volonté, non pas de défendre la liberté d’expression ou de presse, mais d’en découdre avec la religion.

    Il y a le camp de ceux qui estiment que les religions sont une plaie et qu’il est nécessaire d’y remédier. Leur font face ceux, une infime minorité, qui considèrent que la religion contient une vérité qui doit s’imposer à tous. Au milieu se trouve tout le reste, c’est-à-dire la majorité des citoyens. Dans le contexte français, cette confrontation provoque régulièrement des escalades verbales, voire physiques, en raison d’une tension qui a émergé lors de la Révolution entre républicains laïcs et certains éléments radicaux catholiques. Pour les premiers, la République, au travers de ses idéaux, apparaît menacée en permanence.

    L’affaire des caricatures (celle-ci comme les précédentes) n’est qu’une étape de plus dans l’histoire d’une laïcité de combat qui s’en prend, cette fois-ci, à une autre religion que le catholicisme. Mais, la manière dont le débat nous est présenté ne s’explique pas seulement par l’histoire.

    Sa forme, virulente, comme son contenu, polarisé, se comprennent aussi par l’existence d’impératifs économiques d’un organe de presse dont la raison d’être est la défense de la liberté d’expression par l’entremise de la provocation (sans que ce terme soit utilisé ici de manière péjorative). Il ne faut pas perdre de vue que Charlie Hebdo est une entreprise de presse satirique, c’est-à-dire qu’il fait (ou cherche à faire) de l’argent en froissant les susceptibilités, attisant les rancœurs et repoussant les limites des convenances.

    L’hebdomadaire (et d’autres) exerce une fonction qui peut s’avérer salutaire en démocratie. Le corolaire est toutefois qu’il n’a aucun incitatif à faire preuve d’un tant soit peu de retenue, puisque sa raison d’être ainsi que sa survie économique sont liées justement au fait de ne pas en faire preuve. C’est cela que l’on peut lui reprocher et dont on doit discuter.

    Soyons clairs. Il n’y a rien à objecter en principe à l’existence en démocratie d’une presse qui pratique la satire et manie la provocation de manière plus ou moins subtile. Ce droit-liberté ne fait pas débat. Par contre, il existe de bonnes raisons d’être critique à l’endroit de la stratégie d’une entreprise de presse qui s’abrite en permanence derrière la liberté d’expression pour se lancer dans des provocations dont elle fera ensuite assumer certaines conséquences à autrui.

    Une réflexion sur les conditions d’exercice de la liberté d’expression, c’est-à-dire sur le devoir moral de responsabilité, n’est pas une remise en cause de la liberté d’expression. Au contraire, elle fait partie intégrante de l’exercice de cette même liberté, ce que le faux dilemme – pour ou contre la liberté d’expression – tend à escamoter.


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  •    29/09/2012

    Aux Etats-Unis, un 300e condamné à mort libéré grâce à l’ADN

    Laurent Mauriac | Cofondateur Rue89
     
    Damon Thibodeaux commente sa libération

    Vidéo en anglais. Condamné en 1997 à la peine capitale en Louisiane pour le viol et le meurtre de sa cousine de 14 ans, Damon Thibodeaux a été innocenté par des analyses ADN et libéré.

    Après seize ans en prison dont quinze dans le « couloir de la mort » en Louisiane, aux Etats-Unis, Damon Thibodeaux, 38 ans, a été libéré vendredi.

    Il avait été accusé à tort du viol et du meurtre de sa cousine de 14 ans, sur la base de ses seuls aveux. Des tests ADN ont prouvé son innocence.

    Peu après sa libération, il a raconté ce qu’il ressentait.

    « On en rêve tous les jours, mais ce n’est pas la même chose de le vivre réellement. C’est surréaliste de marcher ainsi [à l’extérieur de la prison].

    Ce n’est pas une chose pour laquelle on peut se préparer, quand on a vécu dans ces conditions pendant si longtemps. »

    Un journaliste lui a demandé comment il se sentait maintenant. Sa réponse a fusé et fait rire l’assistance : « Libre ! »

    Des aveux obtenus sous pression

    Cette libération met en lumière une nouvelle fois l’action d’une organisation indépendante, Innocence Project, dont le but est de disculper des personnes condamnées à tort grâce aux tests ADN.

    C’est en 2007 qu’une contre-enquête a été initiée sur le cas Thibodeaux. Les tests ADN ont alors prouvé qu’il n’avait aucune connexion avec le meurtre. Ils ont aussi établi que la victime, contrairement aux aveux recueillis, n’avait pas été violée.

    L’enquête s’est par ailleurs intéressée aux raisons qui ont conduit Thibodeaux à s’accuser d’un crime qui lui était étranger : la fatigue, la vulnérabilité et la peur de la peine de mort.

    Dans un premier temps, le suspect avait nié le meurtre. Puis il l’avait avoué après huit heures trente d’interrogatoire. Seules 54 minutes étaient enregistrées.

    A la fin de la même journée,Thibodeaux s’était  rétracté, indiquant qu’il avait fini par dire ce que les policiers, qui le menaçaient d’une condamnation à mort, voulaient entendre, qu’il avait faim et qu’il était épuisé.

    L’ADN ne peut régler tous les cas litigieux

    « De multiples détails rendaient cette confession incohérente avec le crime », note Innocence Project dans la page consacrée à Thibodeaux sur son site.

    Selon l’organisation, Damon Thibodeaux est la 300e personne exonérée grâce aux tests ADN aux Etats-Unis.

    Dans « L’Accusé » (« The Innocent Man »), l’auteur américain de best-sellers John Grisham raconte étape par étape l’action de l’ONG. Le livre retrace l’une des affaires les plus connues dans le pays : la condamnation à mort d’un ancien joueur de baseball, Ron Williamson, pour le viol et le meurtre d’une serveuse. L’homme a passé onze ans en prison avant d’être blanchi en 1999.

    Mais seule une minorité de cas litigieux peut se prêter à des tests ADN, notamment ceux dans lesquels un viol a été commis.

    Infos pratiques
    L’Accusé     De John Grisham

    Editions Pocket – collection Pocket Thriller – 430p. – 8,10€


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  • Lors d'une cérémonie qui s'est déroulée le 27 septembre 2012 durant la session du Comité des forêts (COFO) au siège de la l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) à Rome, le Prix Wangari Maathai a été décerné pour la première fois à un militant écologiste népalais en hommage à ses efforts de promotion de la foresterie communautaire.

     

    Le Prix Wangari Maathai a été créé par le Partenariat de collaboration sur les forêts (CPF), dont la FAO est un membre actif, afin de récompenser les efforts déployés en faveur des forêts et honorer la mémoire de Wangari Maathai, écologiste kényane et première femme africaine lauréate d'un Prix Nobel de la Paix pour sa contribution au développement durable, à la démocratie et à la paix.

     

    Le prix d'excellence a été décerné au militant écologiste Narayan Kaji Shrestha pour sa contribution remarquable et sans relâche durant plusieurs décennies à la promotion des questions de foresterie communautaire au Népal.

     

    « Le travail de Narayan Kaji Shrestha saisit tout à fait l'esprit de Wangari Maathai », a souligné le Sous-Directeur général de la FAO pour les forêts, Eduardo Rojas-Briales. « Ce prix rend hommage à sa vision, son courage, son engagement, son intelligence et sa pratique ».

     

    Kaji Shrestha a été l'initiateur des premières tentatives de rendre les processus décisionnels communautaires plus participatifs, en faisant intervenir des femmes et des villageois de caste inférieure au premier groupe de foresterie communautaire du pays. Plus d'un quart des forêts du Népal sont désormais protégées par des groupes communautaires. Le prix est assorti d'une somme de 20.000 dollars.


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  •  

    Caricature et religion : un cocktail explosif qui ne date pas d'hier

    Créé le 21-09-2012
    Audrey Salor    Par   Nouvel Observateur
     
     

    En 1904, "la France est au bord de la guerre civile", rappelle Jean Baubérot, historien et sociologue de la laïcité. Interview.

    La Une de "Charlie Hebdo". (THOMAS COEX / AFP)

    La Une de "Charlie Hebdo". (THOMAS COEX / AFP)
     

    En France, le catholicisme a-t-il été tourné en dérision de la même manière que l'est l'islam aujourd'hui ?

    - A la fin du XIXe et au début du XXe siècle fleurissent des caricatures visant les catholiques, sous l'effet de la loi sur la liberté de la presse de 1881. Elles émanent la plupart du temps des milieux libres-penseurs.

    La presse nationaliste, souvent catholique, cible de son côté les juifs et les protestants. Les premiers n’osent protester, alors que les caricatures antisémites se multiplient. Mieux intégrés, les protestants portent plainte. Des journaux comme "La Délivrance" ou "Le Pays" sont condamnés à de telles amendes qu'ils mettent fin à ces pratiques.

    Oui, les catholiques sont donc tournés en dérision. Mais il faut souligner qu'ils sont au moins aussi forts que leurs adversaires, et répliquent en tournant à leur tour en dérision les antis-catholiques. Cléricalisme et anticléricalisme s'équilibrent dans la satire.

    Quelles réactions ces moqueries suscitent-elles ?

    - En 1904, ce climat conduit la France au bord de la guerre civile. Certaines minorités actives, qui parviennent à s'attirer des sympathisants, souhaitent en découdre. Le Français moyen de l'époque, catholique ou libre-penseur, était sensible à ces caricatures. La loi de 1905, qui instaure la séparation des Eglises et de l'Etat, contribue à apaiser les tensions.

    Pourquoi la satire du catholicisme génère-t-elle moins de tensions aujourd'hui ?

    - Beaucoup de catholiques se sont sécularisés, certains musulmans moins. Par ailleurs, dans la société française, nombre de catholiques sont intégrés dans les sphères du pouvoir. Ce qui ne les empêche pas de souffrir en silence lorsque leur religion est moquée. Aujourd'hui, le climat est tel que catholiques, protestants, musulmans, juifs, athées... Tout le monde se sent victime.

    Critiquer la religion et en particulier l'islam est-il en passe de devenir tabou ?

    - Mais l'islam est critiqué dans la presse française ! Lorsque cela est fait via des articles argumentés, cela contribue à un débat productif. Ce qui n'est pas le cas avec les caricatures de "Charlie Hebdo", qui véhiculent des stéréotypes haineux et blessent des musulmans modérés, qui pourraient ainsi être précipités dans les bras des extrémistes. La caricature est positive lorsqu’elle contribue, par le rire, à faire avancer le débat.

    Dans une démocratie, chaque citoyen doit être libre et responsable. Ce n'est pas l'attitude adoptée par "Charlie Hebdo" : ce journal est intégriste à sa manière, puisque sa cause, la liberté d'expression, est sacralisée de façon gratuite. Outre le fait qu'il n'a là aucun talent et aucune inventivité, sa démarche vise essentiellement le profit, le buzz. Plus grave : ces caricatures dégradent les conditions du débat public car la manière dont "Charlie Hebdo" défend la liberté d'expression nuit à la liberté de penser.

     

    Interview de Jean Baubérot, historien et sociologue de la laïcité, auteur de "Laïcités sans frontières", Le Seuil, 2011, par Audrey Salor - Le Nouvel Observateur

    (Le 20 septembre 2012)


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  •   La France comptait 8,6 millions de pauvres en 2010

    Créé le 07-09-2012 
    La pauvreté continue de progresser, selon un rapport publié par l'Insee.
    Le siège de l'Insee. (LOIC VENANCE/AFP)
    Le siège de l'Insee. (LOIC VENANCE/AFP)

    Le niveau de vie des Français a diminué en 2010 par rapport à l'année précédente, révèle l'Insee dans une enquête publiée vendredi 7 septembre, alors que la pauvreté continue de progresser, touchant particulièrement les plus jeunes.

    Le niveau de vie médian (la moitié de la population gagne plus, l'autre moitié moins) des personnes vivant dans un ménage de France métropolitaine en 2010 est de 19.270 euros, ce qui représente 1.610 euros par mois, soit une diminution de 0,5% par rapport à 2009.

    "Il faut remonter à 2004 pour enregistrer un tel recul" et "malgré un contexte de reprise économique en 2010, certes modéré, pratiquement toutes les catégories de la population subissent une baisse de niveau de vie en euros constants (inflation comprise)", souligne l'Insee dans cette enquête intitulée "Revenus fiscaux et sociaux".

    "La plupart des indicateurs d'inégalités sont à la hausse"

    Ainsi, seul le niveau de vie au-dessus duquel se situent les 5% de personnes les plus aisées repart à la hausse (+1,3%) après avoir stagné en 2009. Par ailleurs, "la plupart des indicateurs d'inégalités sont à la hausse", relève cette enquête. Entre 1996 et 2010, le niveau de vie moyen des 10% de personnes les plus aisées a augmenté de 2,1% par an en moyenne, contre 1,4% pour le niveau de vie moyen de l'ensemble de la population.

    Le taux de pauvreté atteint 14,1%, en hausse de 0,6 point, note l'Insee, précisant qu'il "poursuit la hausse de 2009 (+0,5 point) et atteint son plus haut niveau depuis 1997".

    En 2010, 8,6 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire (964 euros par mois), la moitié d'entre elles vivant avec moins de 781 euros par mois.

    Cette hausse de la pauvreté touche tout particulièrement les jeunes de moins de 18 ans: après +0,4 point en 2009, leur taux de pauvreté progresse de 1,9 point atteignant 19,6%.

    "Les enfants contribuent ainsi pour près des deux tiers à l'augmentation du nombre de personnes pauvres", relève l'Insee.

    Différentes aides ponctuelles liées à la crise en 2009 (primes exceptionnelles) et une revalorisation des prestations familiales cette année-là avaient permis de contenir cette progression.

    "Au final, le cumul de ces différentes mesures a contribué à limiter de 0,8 point la hausse du taux de pauvreté des enfants en 2009, mais aussi, par contre-coup, à l'accentuer d'autant en 2010", conclut l'Insee.


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