•   Pétrole, nous nous sommes tant aimés 

    (Crédit photo : Eric Johansson)
     
    Dossier - L’or noir aura-t-il droit à un enterrement en grande pompe ou en catimini ? Peu importe, nous ferions bien de commencer à imaginer la vie sans lui. Usé par notre surconsommation, il brûlera ses derniers feux dans quelques mois à peine. Et n’écoutez pas les indécrottables optimistes, il est irremplaçable.
    Lorsqu’en avril dernier, le quotidien Le Parisien lui a demandé si un litre d’essence à 2 euros était « inéluctable », la réponse du patron du groupe pétrolier français Total, Christophe de Margerie, a été on ne peut plus claire : « Cela ne fait aucun doute. La vraie question, c’est quand ? Il faut espérer que cela n’arrive pas trop vite, sinon les conséquences seront dramatiques. » C’est bête, mais une ressource finie finit toujours, un jour ou l’autre, par s’épuiser. A force d’ignorer cette lapalissade, le jour du début du déclin est désormais très proche, et c’est peu dire que nous n’y sommes pas préparés. Si le pédégé de Total se montre aussi catégorique, c’est que l’évidence crève les yeux de qui veut bien se donner la peine de la regarder en face : le pétrole se meurt.

    Il faut quatre Arabie saoudite

    HSBC, l’une des principales banques au monde, prévient que nous aurons consumé tout le brut disponible sur la planète dans moins de cinquante ans. On pourrait se dire : « Parfait, cinquante ans, c’est juste le temps qu’il nous faut pour changer de système. » Sauf que les problèmes vont commencer bien avant que la dernière goutte de pétrole soit extraite du dernier puits. A dire vrai, ces problèmes sont déjà là.

    La production mondiale de pétrole « conventionnel », c’est-à-dire le pétrole liquide classique, a atteint son maximum historique en 2006. Cette production n’augmentera « plus jamais », nous dit l’Agence internationale de l’énergie. C’est grave, docteur ? Oui, très. Le pétrole conventionnel constitue les quatre cinquièmes de la production totale de carburants. L’industrie est à court d’endroits où forer. Depuis un quart de siècle, le pétrole est consommé plus vite qu’il n’est découvert.

    C’est un peu comme si les réserves mondiales de brut étaient un immense arbre fruitier dont on aurait déjà cueilli les fruits mûrs et à portée de main. Ne reste plus qu’à secouer les branches… pour un résultat incertain. D’ici à dix ans, selon la compagnie Shell, il faudrait développer l’équivalent de la production de « quatre Arabie saoudite » (sic), rien que pour compenser le déclin des champs existants ! On est loin, très loin du compte si l’on fait la somme de tous les projets industriels aujourd’hui annoncés. Or il faut compter de sept à dix ans pour lancer la production de tout nouveau champ de pétrole…

    Montagne d’hydrocarbures

    Le pétrole est le sang de l’économie. L’industrie a toujours été capable d’en accroître la production, pour faire face à nos besoins sans cesse croissants. Jusqu’à aujourd’hui. Car nous sommes en train de franchir le pic pétrolier, le peak oil en anglais. Faute de réserves suffisantes encore intactes, la production de carburants va bientôt amorcer son déclin, garrottant de plus en plus les artères de l’économie de la planète.

    Quand devrons-nous commencer à désescalader – de gré ou, plus vraisemblablement, de force – cette immense montagne d’hydrocarbures en haut de laquelle nous avons hissé notre très, très chère société de consommation ? Bientôt. Au plus tard d’ici à un quart de siècle, ce qui est redoutablement proche à l’échelle d’une industrie aussi lourde que l’énergie. Et encore… Un tel délai de grâce ne serait possible – et c’est très loin d’être garanti – qu’à condition de laisser carte blanche aux pétroliers qui plaident pour exploiter sans limites toutes les alternatives au pétrole conventionnel. Des alternatives plus chères bien sûr, mais surtout rares, complexes, et donc plus lentes et difficiles à extraire (et plus polluantes, bien entendu). Leurs noms ? Offshore très profond, pétroles et gaz de schiste, sables bitumineux, pétroles lourds, agrocarburants (très souvent à base d’OGM) ou encore réserves supposées du pôle Nord – dont l’accès se libère grâce à la fonte de la banquise, elle-même induite par notre addiction au pétrole !

    Pourtant, même les pétroliers reconnaissent que vers 2030, rien de tout cela ne pourra suffire : le pétrole deviendra de plus en plus rare, et donc de plus en plus coûteux. Christophe de Margerie a raison : « inéluctable », c’est le bon mot. A un an de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, cet état de fait attise les peurs et occupe les esprits. Et ce n’est pas pour rien que l’une des lignes de fracture fondamentales entre gauche et droite, entre mouvements Occupy Wall Street et Tea Party réside aujourd’hui dans le choix d’extraire ou pas les gaz et pétroles de schiste et les sables bitumineux : ces pétroles non conventionnels désormais vitaux pour l’avenir de l’économie américaine.

    Cataclysme garanti

    D’après un grand nombre d’experts indépendants, c’est bien avant 2020 que le déclin de la production mondiale de carburant liquide pourrait commencer ! Dans un tel cas de figure, le cataclysme économique est garanti, compte tenu de ce que nous ont enseigné les trois chocs pétroliers précédents : ceux de 1973 et de 1979, et celui de 2008. Sauf que l’on parle ici d’un choc d’une tout autre magnitude, d’une tout autre portée historique, dont les causes ne sont plus ni politiques ni économiques, mais telluriques.

    Olivier Rech fait partie de ces experts indépendants dont les diagnostics n’ont pas – ou n’ont plus – à être visés par la direction d’un grand groupe industriel ou d’une institution internationale. Chargé pendant trois ans d’élaborer les scénarios pétroliers de l’Agence internationale de l’énergie, l’homme conseille aujourd’hui d’importants fonds d’investissements pour La Française AM, un prestigieux gestionnaire d’actifs. Le verdict qu’il livre est sans appel : « Pour moi, on aura un déclin de la production sur la période 2015 à 2020. Un déclin pas forcement rapide, d’ailleurs, mais un déclin, ça me semble clair. » Il dit « s’attendre à voir apparaître les premières tensions dès 2013-2015. »

    Avec le changement climatique, le pic pétrolier est l’autre grande « vérité qui dérange ». Cependant, peu à peu, quelques rares personnalités politiques commencent à en parler. « Nous avons atteint (…) le pic de production en matière de pétrole. La production ne peut maintenant que décroître », a lancé en avril 2011 François Fillon, devant des députés à peu près indifférents. Il faut dire que le Premier ministre n’a pas insisté. L’un de ses prédécesseurs à Matignon, le socialiste Michel Rocard, ne cesse désormais de l’annoncer à chacune de ses apparitions dans les médias. « Nous resterons au même niveau de production peut-être pour moins d’une dizaine d’années. (…) Nous arrivons à toute allure dans la période où l’offre de pétrole diminuera vite. Et donc une économie de récession, ça va être terrible », a-t-il encore prévenu sur France Inter, le 9 novembre 2011.

    Anti-atomisme primaire

    Le pic pétrolier pose le problème d’une limite physique et technique, qui en entraînera des nuées d’autres en cascade. D’après Michel Rocard, le nucléaire est la solution qui permettra de faire face au peak oil, « en prolongeant le temps d’une stabilisation, avant d’entrer dans une grande récession mondiale ». Mais cette solution apparaît toute relative, si l’on en croit une étude publiée en 2007 par le département recherche et développement d’EDF, que l’on peut difficilement soupçonner d’anti-atomisme primaire. Selon ce document, même une multiplication par cinq du parc nucléaire mondial au cours du prochain quart de siècle ne suffirait pas à compenser le manque d’énergie que provoquera le déclin des extractions de brut… Le pétrole n’est pas encore mort qu’il nous manque déjà.
     
     Bibliographie

    Le plein s’il vous plaît de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean (Seuil, 2006)

    La Décroissance : entropie - écologie - économie de Nicholas Georgescu-Roegen (Sang de la terre, 1979)

    Collapse of Complex Societies (en anglais) de Joseph A. Tainter (Cambridge University Press, 1990)

    The Long Emergency (en anglais) de James Howard Kunstler (Grove Press, 2006)

    Dune de Frank Herbert (Robert Laffont, 1972)

    There will be blood de Paul Thomas Anderson (Miramax Films, 2007)

        Le rédacteur :   Matthieu Auzanneau pour terraéco.fr

     

        Mon blog :       http://petrole.blog.lemonde.fr/

      P.S.: peut-être y-a-t-il formation d'un groupe  "Manuel de transition transition" près de chez vous? Renseignez-vous et(ou) lisez le livre de Rob HOPKINS "Villes en transition". Il s'agit d'un mouvement qui se développe et qui cherche des solutions pour l'après pétrole. Voir aussi dans ce blog le compte-rendu du livre à la date du 8 janvier 2012 et des articles sur les villes en transition. (9 janvier:Initiatives en transition; 10 janvier:étapes d'un projet en transition)   Lavieenvert


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  •  En pleine croissance, Sifca dope sa présence au Liberia

    Sifca accélère au Liberia. Dans l'hévéa, la filiale locale de Sifca, Cavalla Rubber Corporation (CRC), a ajouté 22 000 hectares de plantations aux 8 000 qu'elle exploitait déjà en leasing. Mais il faut aussi compter 5 000 hectares supplémentaires, qui seront consacrés aux plantations villageoises.

    La concession signée avec le gouvernement libérien sur cinquante ans concerne le comté du Maryland, près de la frontière ivoirienne. CRC s'engage à y construire une usine de caoutchouc et à investir plus de 25 millions d'euros au cours des dix prochaines années. Mais ce n'est pas tout.

    Politique de revitalisation

    Dans la même zone du pays, Sifca a également décroché pour 46 millions d'euros une concession dans le domaine de l'huile de palme. Une autre filiale locale de Sifca, Maryland Oil Palm, récupère ainsi la gestion de l'huilerie et des 8 800 hectares de palmiers auparavant gérés par la société d'État Decoris Oil Palm, mais qui ont été laissés pour l'essentiel à l'abandon.

    Réalisées dans le cadre de la politique de revitalisation des productions agricoles menée par la présidente Ellen Johnson-Sirleaf, ces deux opérations sont un succès pour Sifca. Elles avaient été annoncées depuis de longs mois, mais avaient fait l'objet d'une campagne médiatique défavorable, menée notamment par certains politiques.

    Bilan florissant

    Soutenu depuis plusieurs années par ses actionnaires et partenaires techniques (Michelin pour le caoutchouc, et Wilmar-Olam pour l'huile de palme), Sifca poursuit ainsi sa politique de développement au sein de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), sa zone de prédilection. Déjà solidement implanté au Nigeria, au Ghana et en Côte d'Ivoire, le groupe ivoirien vient par ailleurs d'annoncer une année 2010 de très bonne facture.

    Selon un bilan encore provisoire, son chiffre d'affaires s'est élevé l'année dernière à 430 milliards de F CFA (324 millions d'euros), en hausse de 46 %. Le bénéfice net aurait atteint 50 milliards de F CFA, près de trois fois le niveau de 2009. Une performance due en grande partie à l'explosion des cours du caoutchouc.

    Source: Jeune Afrique


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  •  COSTA RICA : Ananas, un fruit exotique mais pas éthique 

      Allez sur le site de Peuples Solidaires pour signer une pétition et vous informer plus avant.

     « Production efficace, harmonie avec l’environnement et politique d’emploi en soutien aux travailleurs » : tels sont les piliers de la « philosophie » affichée par le Groupe Acón. Mais ceci ne semble être qu’une image de façade : selon notre partenaire, le SITRAP, il s’agit là de l’une des entreprises les plus virulentes au Costa Rica en matière de répression syndicale. Pablo López peut en témoigner.Depuis un licenciement abusif en juillet 2010, il ne peut plus trouver d’emploi, victime de la pratique dite de la « liste noire ». Devant l’extrême précarité de sa situation, le SITRAP en appelle à la solidarité internationale afin de demander au Groupe Acón de réintégrer ce travailleur et de cesser ses pratiques antisyndicales.

    Le Costa Rica est le premier exportateur d’ananas au monde. Il fournit 75% des ananas d’exportation, depuis qu’est arrivé sur le marché l’ananas « Gold Extra Sweet », qui a les faveurs des pays consommateurs.

      La main d’œuvre migrante : le secret du marché de l’ananas

    Le secteur de l’ananas au Costa Rica emploie environ 75% de personnes migrantes, en majorité des hommes célibataires originaires du Nicaragua. Cela permet d’avoir accès à une main d’œuvre bon marché et flexible. Souvent sans papiers, sans permis de travail ou titre de séjour, les migrant-e-s sont de fait dans une situation vulnérable. A la moindre activité syndicale, on peut les licencier.

    Piña Fruit est une plantation qui appartient au Groupe Acón, entreprise de capital costaricain présente dans la Province de Limón et connue pour être la plus grande entreprise de production d’ananas du pays. Elle approvisionne notamment Wal-Mart et Tesco, deux géants de la grande distribution. Pablo, nicaraguayen d’origine arrivé au Costa Rica en 1992, commence à y travailler le 27 septembre 2004. Le 2 juin 2006, il y créé avec un petit groupe une section syndicale du SITRAP. Au fil des ans, il devient un représentant syndical reconnu. Il suit de nombreux cas : persécution syndicale, licenciements abusifs et baisses de salaire n’ont plus de secret pour lui. Il participe à plusieurs réunions de négociation avec Grupo Acón, le Ministère du travail, ou encore avec Tesco, en tant que membre du Comité syndical de base de la plantation de Piña Fruit. Particulièrement sensible à la protection des droits des migrant-e-s, il lui a même fallu parfois intervenir contre la police de la migration qui mène des opérations dans la plantation visant à intimider les migrant-e-s syndiqué-e-s.

    Intimidation, licenciement, précarisation

    Cette forte activité syndicale ne plait évidemment pas à la direction du Groupe Acón. Entre 2006 et 2010, Pablo est victime d’intimidations en tous genres. Afin de le pousser à démissionner ou à renoncer à ses activités syndicales, il connait plusieurs baisses de salaires. Il est également muté à un poste moins rémunéré sans être consulté. A plusieurs reprises, on lui impose de changer ses horaires et de travailler la nuit ou pendant les jours de repos, et ce sans compensation. Stigmatisé, menacé et poussé vers la sortie, Pablo est mis à rude épreuve sur le plan psychologique et professionnel. Quand il a voulu se présenter aux élections du Comité permanent de la plantation, et devant son succès prévisible, l’entreprise empêche illégalement son élection.


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  •   Le dégel imminent du pergélisol doit être pris en compte dans les prévisions climatiques

     29 novembre 2012,

    thermokarst_UAFThermokarst (effondrement dû à la fonte du pergélisol) à proximité de l'Institut de géophysique UAF (Fairbanks, Alaska)
    © Vladimir E. Romanovsky

     

     

     

     

     

     

     

     Selon un nouveau rapport du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (NUE), les décideurs politiques et les scientifiques devront surveiller et se préparer à des émissions importantes de dioxyde de carbone et de méthane provenant du pergélisol[1].

    On estime que le pergélisol, qui couvre près d'un quart de l'hémisphère nord, pourrait contenir jusqu'à 1 700 gigatonnes de dioxyde de carbone, soit le double de la quantité actuellement présente dans l'atmosphère. Selon un nouveau rapport publié par le PNUE, si la fonte des glaces se poursuit au rythme prévu par les modélisations du climat, la libération des gaz à effet de serre stockés dans les glaces du pergélisol amplifierait le réchauffement climatique de manière significative.

    En outre, le rapport indique que la fonte du pergélisol pourrait modifier les écosystèmes de manière radicale et causer des dommages coûteux sur les infrastructures, principalement en raison de l'instabilité des sols rendus fragiles par le dégel.

    « Policy Implications of Warming Permafrost » (« Les implications politiques de réchauffement du pergélisol » en français) cherche à mettre en évidence les dangers potentiels provenant du dégel du pergélisol. En effet, ces dangers n'ont, jusqu'à présent, pas été inclus dans les projections et les modélisations du climat. Les informations scientifiques concernant les impacts potentiels de ce phénomène commencent à peine à s'imposer à la une des médias traditionnels, et comme il s'agit d'une « question émergente », à ce jour elle n'a pas forcément été prise en compte dans les modélisations du changement climatique.

    Le rapport recommande au GIEC de mener une évaluation spéciale sur le pergélisol. Il recommande également la création de réseaux de surveillance et de plans nationaux d'adaptation. Ces étapes sont indispensables pour faire face aux impacts potentiels de cette source importante d'émissions de gaz à effet de serre (GES) qui pourrait rapidement devenir un facteur majeur du réchauffement climatique.

    Achim Steiner, Directeur exécutif du PNUE et Secrétaire général adjoint de l'ONU, a déclaré à ce sujet : "Le pergélisol est l'une des clés pour l'avenir de la planète car il contient une quantité importante de matière organique gelée qui, une fois décongelée et libérée dans l'atmosphère, devrait amplifier le réchauffement actuel de la planète, tout en nous propulsant vers un monde beaucoup plus chaud que prévu. L'impact potentiel de la fonte du pergélisol sur le climat, les écosystèmes et les infrastructures a été négligé pendant trop longtemps. Ce rapport cible les négociateurs du traité sur le climat, les décideurs politiques et le grand public. Il a pour but de sensibiliser ces derniers aux conséquences qui pourraient découler d'une sous estimation des défis liés au réchauffement du pergélisol."

    La glace du pergélisol s'est formée pendant ou depuis la dernière période glaciaire et s'enfonce jusqu'à des profondeurs de plus de 700 mètres dans certaines régions du nord de la Sibérie et du Canada. Le pergélisol se compose d'une couche active pouvant mesurer jusqu'à deux mètres d'épaisseur. Cette couche active dégèle chaque été et gèle de nouveau chaque hiver. En dessous de cette couche, le sol est gelé en permanence.

    Si la couche active devait varier en épaisseur à cause du réchauffement climatique, d'énormes quantités de matières organiques stockées dans les sols gelés commenceraient à se décongeler et à se décomposer, libérant progressivement de grandes quantités de CO2 et de méthane dans l'atmosphère.

    Une fois le processus enclenché, il entraînera une boucle de rétroaction, également désignée sous le terme de « rétroaction positive du carbone issu du dégel du pergélisol ». Cela aura pour effet d'augmenter la température de surface et donc d'accélérer encore davantage le réchauffement du pergélisol : ce processus serait irréversible sur des échelles de temps humaine.

    Les températures arctiques et alpines devraient augmenter à peu près deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale. En outre, les projections climatiques indiquent qu'une fonte importante de glace du pergélisol devrait survenir en 2100. Or, une augmentation de la température mondiale de 3 °C correspond à une augmentation de 6 °C dans l'Arctique, ce qui entraînerait un dégel irréversible de 30 à 85 pour cent de la surface du pergélisol.

    La fonte des glaces du pergélisol pourrait entraîner des émissions de 43 à 135 gigatonnes de dioxyde de carbone d'ici à 2100, et de 246 à 415 gigatonnes d'ici à 2200. Ce rejet d'émissions pourrait démarrer dans les prochaines décennies et se poursuivre pendant plusieurs siècles.

    Les émissions liées au dégel du pergélisol pourraient finalement représenter jusqu'à 39 pour cent des émissions totales de GES au niveau mondial. L'auteur principal du rapport insiste et prévient que cela doit absolument être pris en compte dans le futur traité de lutte contre le changement climatique appelé à remplacer le Protocole de Kyoto.

    "La libération de dioxyde de carbone et de méthane provenant de la fonte des glaces du pergélisol est irréversible : une fois que les matières organiques seront décongelées et libérées dans l'atmosphère, il n'y aura aucun moyen de les ré-emprisonner dans le pergélisol", a déclaré Kevin Schaefer, l'auteur principal du rapport et chercheur au Centre national américain de données sur la neige et la glace (NSIDC) affilié à l'université du Colorado.

    Il a ajouté : "Les objectifs concernant les émissions anthropiques qui seront contenus dans le futur traité sur le changement climatique devront tenir compte de ces émissions. Dans le cas contraire, il y a une forte probabilité que l'on dépasse l'objectif de limiter le réchauffement maximal des températures mondiales à 2 °C".

    Le rapport indique que la plupart des projections climatiques actuelles sont biaisées. L'impact des émissions de GES sur la température mondiale est minimisé parce que les modèles ne tiennent pas compte du phénomène de rétroaction positive du carbone causé par le dégel du pergélisol. Par conséquent, les objectifs ciblant les émissions anthropiques de gaz à effet de serre - qui se basent sur ces projections climatiques- seraient également complètement erronés.

    Une menace pour les écosystèmes et les infrastructures

    Le réchauffement du pergélisol entraîne également des conséquences négatives, en termes de dommages, au niveau des écosystèmes et des infrastructures.

    Dans les régions recouvertes par du pergélisol, les écosystèmes dominants sont des forêts boréales au sud et de toundra au nord. Le pergélisol étant imperméable à l'eau, l'eau de pluie et l'eau de fonte s'accumulent sur la surface formant ainsi d'innombrables lacs et zones humides utilisés par les oiseaux migrateurs comme aires de reproduction estivale.

    Les perturbations de l'écosystème dues à la dégradation du pergélisol auront des conséquences sur la répartition des espèces mais aussi sur l'habitat et la migration des animaux, selon le rapport.

    L'allongement de la durée des saisons (en raison de la hausse des températures) favorise la croissance des arbustes et de la végétation ligneuse, ce qui entraîne un déplacement plus au nord de la végétation. La dégradation du pergélisol, ainsi que la sècheresse de la terre qui en résulte, peut également entraîner d'autres perturbations comme les incendies. Les feux dans les forêts boréales ont récemment augmenté en intensité et en fréquence, et pourraient devenir plus fréquents dans les régions de la toundra.

    Par ailleurs, la fonte du pergélisol provoque une faiblesse structurelle des sols, ce qui conduit à un affaissement des fondations pouvant endommager ou même détruire les bâtiments, les routes, les pipelines, les chemins de fer et les lignes électriques. Or, une défaillance des infrastructures peut avoir de lourdes conséquences sur l'environnement. A titre d'exemple, en 1994, au nord de la Russie, la rupture de l'oléoduc du champ pétrolier de Vozei a entraîné un déversement de 160 000 tonnes de pétrole dans la nature, soit la plus grande marée noire terrestre jamais observée.

    Construites dans des régions recouvertes de pergélisol discontinu dont la température tend à être de plus en plus élevée, les routes, les bâtiments et autres infrastructures situées le long de la côte Arctique (où la teneur en sel peut causer de petits changements de température et transformer la glace en eau souterraine) sont plus vulnérables aux dommages.

    D'ici à 2030, le changement climatique pourrait d'ores et déjà peser jusqu'à 6,1 milliards de dollars supplémentaires sur le futur budget pour le renouvellement de l'infrastructure publique de l'État américain de l'Alaska. Alors qu'il existe peu d'études et de rapports évaluant les impacts économiques de la dégradation du pergélisol, ceux-ci indiquent clairement que les coûts de maintenance et de réparation des infrastructures augmenteront.

    "La fonte du pergélisol représente un changement physique radical accompagné d'énormes répercussions sur les écosystèmes et l'infrastructure humaine. Chaque nation doit individuellement développer des plans pour évaluer les risques, les coûts et les stratégies de réduction des dommages pour protéger les infrastructures humaines situées dans les régions du pergélisol les plus vulnérables à la fonte," a déclaré M. Schaefer.

    Recommandations du rapport

    Le rapport fournit les recommandations spécifiques suivantes afin de trouver une solution aux potentiels impacts économiques, sociaux et environnementaux dus à la dégradation du pergélisol, dans un contexte de réchauffement climatique:

    Elaboration d'un rapport spécial sur les émissions de pergélisol

    Le GIEC peut envisager d'élaborer un rapport d'évaluation spécial sur l'impact climatique du dioxyde de carbone et des émissions de méthane provenant du réchauffement du pergélisol, ainsi que sur son influence sur les discussions et les négociations politiques sur le changement climatique.

    Création de réseaux nationaux de surveillance du pergélisol

    Pour mener un suivi adéquat, les pays pourraient envisager d'assurer des opérations de surveillances des sites recouverts de pergélisol au sein de leurs frontières, et ce en augmentant le financement, en standardisant les mesures, ainsi qu'en élargissant le champ d'action. Cela vaut particulièrement pour les pays largement recouverts par du pergélisol : la Russie, le Canada, la Chine et les Etats-Unis. L'Association internationale du pergélisol devrait continuer à coordonner le développement, et les réseaux nationaux devraient demeurer au sein du Réseau mondial de suivi terrestre du pergélisol.

    Création de plans d'adaptation

    Les pays largement recouverts de pergélisol, tels que ceux mentionnés ci-dessus, devraient envisager d'évaluer les risques potentiels, en incluant les dommages et les coûts que la dégradation du pergélisol pourrait provoquer sur les infrastructures publiques nationales. Actuellement, la plupart des pays ne disposent pas de tels plans. Or ceux-ci peuvent aider les décideurs politiques, les planificateurs nationaux et les scientifiques à quantifier les coûts et les risques associés à la dégradation du pergélisol.
    Informations complémentaires

    Notes

    1. Terme scientifique désignant les sols, sous-sols ou roches qui se maintiennent à une température négative égale ou inférieure à 0 °C pendant une période d'au moins 2 ans.

    Auteur

    Programme des Nations Unies pour l'Environnement

     Publié par  notre-planete.info


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  • Human Rights Watch a accusé le 29 novembre 2012 les rebelles syriens d'utiliser des enfants lors de combats ou d'opérations militaires. Les enfants doivent être épargnés par le conflit en Syrie, a affirmé de son côté l'UNICEF.

    Les rebelles syriens utilisent des enfants-soldats

    La Cour pénale internationale considère que l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans et leur engagement dans des combats constituent un crime de guerre.

    «Des enfants de 14 ans ont servi dans au moins trois brigades de l'opposition, en transportant des armes, de l'équipement et en faisant le guet et des enfants de 16 ans ont porté les armes et joué un rôle dans les combats contre les forces gouvernementales», affirme l'organisation de défense des droits de l'homme.

    L'ONG, basée à New York, appelle les dirigeants de l'opposition à «s'engager publiquement à mettre fin à cette pratique et interdire le recours à quiconque n'ayant pas atteint 18 ans à des fins militaires, et ce même s'il est volontaire».

    Elle affirme avoir interrogé cinq jeunes de 14 à 16 ans qui ont dit avoir agi pour l'opposition armée à Homs (centre), Deraa (sud) et Kherbet al-Joz, une localité de la province d'Idleb près de la frontière turque.

    Rebelles reconnus

    Le Centre de documentation des violations en Syrie, un groupe d'opposition qui décompte les morts et les détenus, a recensé au moins 17 enfants morts en combattant avec l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles). Beaucoup d'autres sont grièvement blessés et certains handicapés à vie.

    Le gouvernement espagnol reconnaît pour sa part la coalition de l'opposition syrienne comme «le représentant légitime du peuple syrien», a annoncé jeudi le ministère des Affaires étrangères. Il a adressé une invitation officielle au président de la coalition d'opposition, Ahmad Moaz al-Khatib.

    «Nous sommes tous d'accord que (le président syrien) Bachar al-Assad, bien que ce soit pour des raisons humanitaires, doit quitter le pouvoir», avait indiqué mercredi soir le ministre des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo.

    «Dommages graves pour les enfants»

    Les enfants doivent être épargnés par toutes les parties au conflit en Syrie, a affirmé jeudi l'UNICEF. Son directeur exécutif Anthony Lake s'est déclaré scandalisé par les récentes informations rapportées par Human Rights Watch (HRW).

    «Il est plus que troublant - il est scandaleux et inacceptable de voir les droits des enfants violés de cette manière», a déclaré le directeur exécutif de l'agence de l'ONU. «Plus ce conflit se prolonge, plus les dommages seront graves et durables pour les enfants, leur avenir et donc l'avenir de la Syrie», a ajouté Anthony Lake.

    L'UNICEF renouvelle son appel à tous les belligérants de protéger les enfants en toutes circonstances.


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  •  Avec les accords fonciers en Afrique, on se croirait au Far West – Il faut appeler le shérif, dit la FAO

    Published: 29 Oct 2012
    Posted in: FAO | Uruguay
       
     

    Le directeur-général de la FAO José Graziano da Silva veut mettre un frein aux acquisitions massives de terres pour protéger les pauvres. (Photo: Giorgio Cosulich/Getty Images)

    The Guardian | 29 octobre 2012 | traduit de l'anglais par GRAIN

    Mark Tran

    Devant les avertissements de l’effet destructeur des transactions foncières sur la sécurité alimentaire, le chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a comparé “l’accaparement des terres” en Afrique au “Far West” et indiqué qu’il fallait un “shérif” pour restaurer l’État de droit.

    José Graziano da Silva, directeur-général de la FAO, a admis qu’il était impossible d’empêcher les gros investisseurs d’acheter de la terre, mais que les transactions menées dans les pays pauvres devaient être encadrées.

    « Je ne vois pas comment on pourrait y mettre fin. Il s’agit ici d’investisseurs privés, » a indiqué M Graziano au cours d’un entretien téléphonique. « Nous n’avons ni les outils ni les moyens pour empêcher les grandes entreprises d’acheter de la terre. Les acquisitions foncières sont une réalité. Nous ne pouvons pas les faire disparaître comme par enchantement, mais il va falloir trouver la bonne façon de leur imposer des limites. On se croirait au Far West et nous devons faire appel à un shérif et à la loi. »

    Les grandes acquisitions foncières se sont accélérées depuis la flambée des prix alimentaires de 2007-2008, incitant les sociétés et les fonds souverains à prendre des mesures pour garantir l’approvisionnement alimentaire. Mais en Afrique, quatre à cinq ans plus tard, seulement 10 à 15 % des terres sont effectivement en cours de développement, a affirmé M. Graziano da Silva. Certains de ces investissements ont provoqué des pertes d’emplois, en remplaçant une agriculture qui employait beaucoup de main d’œuvre par une agriculture mécanisée, et se sont parfois traduits par une perte des droits fonciers.

    Selon Oxfam, la ruée mondiale sur les terres échappe à tout contrôle et l’organisation a exhorté la Banque mondiale à geler ses investissements concernant les acquisitions massives de terres, afin de signaler de façon très claire aux investisseurs mondiaux qu’il est temps de s’arrêter.

    M. Graziano da Silva, qui a été responsable du programme brésilien “Défi faim zéro”, a exprimé son sentiment de frustration devant la lenteur de la mise en place d’une gouvernance mondiale pour faire face à l’accaparement des terres, la sécurité alimentaire et autres problèmes du même genre. En 2008, le Secrétaire-général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a créé un groupe de travail de haut niveau sur la sécurité alimentaire dont M. Graziano da Silva est le vice-président.

    En mai, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), un organisme dépendant des Nations Unies et qui regroupe des gouvernements et des représentants du monde des affaires et de la société civile, a établi les bases d’une structure de gouvernance pour l’alimentation, en approuvant des directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts.

    Les droits fonciers ont des effets importants sur le développement, car il est difficile pour des populations pauvres et vulnérables de surmonter la faim et la pauvreté quand leurs droits à la terre et aux autres ressources naturelles sont limités et non protégés. Mais les directives ont pris plusieurs années de négociations et ne disposent pas d’un véritable mécanisme d’application du fait même qu’elles ne sont que volontaires. Le CSA est un groupe complexe à gérer mais il a l’avantage d’être non-exclusif.

    « Il a fallu deux ans pour discuter les directives volontaires et il va maintenant nous falloir encore deux ans pour négocier les principes de base des investissements agricoles responsables, » a déploré M. Graziano da Silva. « Il nous faut accélérer le processus de prise de décision sans abandonner le modèle de non-exclusivité. »

    Le directeur-général de la FAO a affirmé faire tout son possible pour améliorer la coordination entre les diverses institutions liées à la sécurité alimentaire. Il suggère que la FAO devienne la branche exécutive du CSA pour tenter de faire appliquer les décisions du comité.

    Il n’est pas le seul à avoir ce sentiment de frustration. Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, reconnaît l’importance des directives volontaires du CSA, mais souligne l’absence d’un mécanisme d’application effectif. Il soutient que les gouvernements d’Afrique sub-saharienne ou d’Asie du Sud-Est qui souffrent d’une gouvernance médiocre ou qui sont sujets à la corruption, continueront à chercher à attirer les investisseurs à n’importe quel prix.

    « La communauté internationale devrait accepter l’idée qu’elle a un rôle à jouer pour vérifier si les droits des usagers des terres, tels qu’ils sont stipulés dans les directives, sont effectivement respectés », a déclaré M. De Schutter au Guardian. « Puisqu’il n’existe pas, au niveau mondial, de shérif qui puisse s’en assurer, ce serait la moindre des choses que les États d’origine des investisseurs fassent preuve de diligence et s’assurent que les investisseurs privés, sur lesquels ils peuvent exercer un contrôle, respectent parfaitement les droits des usagers des terres. Ainsi, les agences de crédit à l’exportation pourraient imposer, avant d’accorder leur soutien, que les investisseurs se conforment complètement aux directives ; et à l’avenir, les droits des investisseurs impliqués dans les accords d’investissement devraient être subordonnés à leur acceptation des directives. »

    Pour M. Graziano da Silva, il est essentiel d’appliquer les directives volontaires au niveau de chaque pays. L’intérêt et la prise de conscience du public ne cessent de croître, ce qui le conforte dans cette idée. Il prend l’Uruguay comme exemple d’un gouvernement prêt à résister aux investisseurs fonciers internationaux ; c’est « peut-être le meilleur shérif » en matière de transactions foncières.

    « Ils ont de très bonnes lois sur les acquisitions de terres », explique-t-il, tout en reconnaissant que la plupart des pays où se produit l’accaparement des terres ne tiennent guère compte des organisations paysannes, ou bien ont un gouvernement faible ou répressif.

    Quant à l’éternel débat sur les mérites respectifs de l’agriculture industrielle et de l’agriculture paysanne, le patron de la FAO considère que l’Afrique a suffisamment d’espace pour les deux modèles, comme le Brésil a réussi à le prouver, ajoute-t-il.

    « Certaines parties de l’Afrique – le Mozambique et l’Afrique du Sud – ont la possibilité d’accueillir de grandes fermes, mais cette approche n’est valable que pour certaines céréales, dont la culture est complètement mécanisée, » explique-t-il. « Mais cela ne s’applique pas aux fruits, aux légumes ni à beaucoup d’autres denrées locales. Le manioc n’a rien à voir avec l’agriculture mécanisée et un bon rendement ne signifie pas une agriculture une large échelle. Tout dépend de la façon dont on combine les cultures, dont on utilise l’eau dont on dispose. En Afrique aujourd’hui, l’efficacité est davantage liée à de meilleures semences qu’à des gros tracteurs. Les deux modèles agricoles y ont toujours coexisté. L’agriculture industrielle peut quelquefois fournir des denrées destinées à l’exportation, mais les marchés locaux sont fondés sur l’agriculture familiale. »


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  • Des chercheurs japonais ont constaté que le césium émis lors de la catastrophe de Fukushima avait principalement été capté en forêt par les cimes des conifères, mais finira ensuite par contaminer les sols.

    Une étude conduite par des chercheurs de l'université de Tsukuba montre que six mois après l'accident de Fukushima, 60 % du césium 137 se trouvaient encore emprisonnés à la cime des arbres. Des travaux publiés en ligne le 10 novembre 2012 dans la revue Geophysical Research Letters. La découverte est d'autant plus préoccupante que les forêts couvrent 70 % du Japon.

    En général, les recherches sur l'impact d'un accident nucléaire sur l'environnement se concentrent sur les agglomérations et les zones cultivées. «Le milieu forestier est laissé pour compte. C'est une erreur», estime Pierre-Marie Badot, de l'université de Franche-Comté. En effet, les forêts peuvent intercepter beaucoup de radioactivité car la surface de contact des feuilles ou des aiguilles des arbres avec l'atmosphère est plus importante que celle du sol ou des prairies. De plus, cette radioactivité peut être piégée pendant plusieurs années avant de se déposer au sol, constituant ainsi une sorte de bombe à retardement.

     

    Carte du site de l'étude, avec les mesures de contamination autour de la centrale de Fukushima. Crédit: AGU
    Carte du site de l'étude, avec les mesures de contamination autour de la centrale de Fukushima. Crédit: AGU

    Le césium piégé par les aiguilles des conifères

    L'étude pilotée par Hiroaki Kato a été menée dans la préfecture de Tochigi, à 150 kilomètres au sud de la centrale. Cette région avait été relativement épargnée par les retombées radioactives et les niveaux de radioactivité y sont bien plus faibles que dans les forêts les plus contaminées qui se sont trouvées directement sous le panache radioactif. Les valeurs relevées à la cime des arbres - des conifères - sont proches de celles enregistrées en France au moment de la catastrophe de Tchernobyl dans le Mercantour ou dans les Vosges. Heureusement, l'accident de Fukushima a eu lieu à un moment où les vents dominants ont dispersé la radioactivité vers l'océan Pacifique au lieu de la rabattre dans des zones habitées.

    La forêt de Tochigi illustre les problèmes que soulève la radioactivité. En effet, l'iode 131 et le césium 137 - les deux principaux radionucléides les plus abondants produits à l'intérieur des réacteurs - n'ont pas le même comportement dans le couvert forestier. Au bout de six mois, une bonne partie du césium 137 était encore piégé sur les aiguilles des arbres tandis que l'iode 131 qui avait perdu naturellement son activité (sa radioactivité est divisée tous les 8 jours) avait été lessivé par les pluies et s'était déposé au sol. Le césium 137 demeure un problème plus longtemps, car il ne perd la moitié de sa radioactivité qu'au bout de 30 ans.

    Les cèdres et les cyprès du Japon - les deux principales essences de résineux de la forêt - ont intercepté les mêmes quantités de césium. En revanche, le cèdre piège la moitié de l'iode 131 en suspension dans l'air et le cyprès un quart. «Quand on les regarde au microscope, il peut y avoir autant de différences entre les aiguilles de différents conifères qu'entre des côtes rocheuses et des plages de sable», assure Pierre-Marie Badot. Les poussières sur lesquelles sont accrochés les radionucléides adhèrent plus ou moins en fonction de la granularité des aiguilles.

    Éviter de brûler les arbres contaminés

    Avec le temps, la canopée des résineux va donc contaminer les sols forestiers, constatent les chercheurs. La pollution est moins forte avec les feuillus comme des recherches l'ont montré dans la forêt d'Abiko, à 200 km de Fukushima, où il existe vingt essences différentes (Journal of Environmental Radioactivity, janvier 2013).

    Hiroaki Kato et son équipe proposent comme principale contre-mesure d'éclaircir la forêt pour exporter une partie de sa radioactivité avec le risque de poser des problèmes de gestion des déchets. L'utilisation de bois devra être contrôlée. Brûler du bois pour se chauffer peut être interdit parce que la cendre concentre la radioactivité. L'évaluation des risques pour la santé humaine devient nécessaire aussi bien pour les promenades en forêt, la consommation de champignons, de baies ou de gibier.

    Au fil des années, les éléments radioactifs s'enfonceront dans le sol. «Quand ils auront atteint entre 25 et 30 centimètres de profondeur, ils seront capturés par le réseau racinaire et se retrouveront dans les parties aériennes des arbres», explique Pierre-Marie Badot. C'est ce qui se passe actuellement avec les dépôts radioactifs de Tchernobyl, alors que la radioactivité du césium a considérablement décru.


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    4°C : une « cascade de cataclysmes » selon la Banque mondiale 

     
     

    Le rapport publié par la Banque mondiale le 19 novembre décrit l'état de la Planète à l'horizon 2060 si le réchauffement climatique atteint 4°C. Un scénario possible en l'absence d'un changement drastique de politique.

    Inondation des villes côtières, désertification accrue des régions sèches, canicules dans de nombreuses régions, accélération des catastrophes naturelles, perte irréversible de biodiversité… Les conséquences du réchauffement climatique sont désormais bien connues depuis les travaux du Giec*. Le nouveau rapport publié par la Banque mondiale vient néanmoins rappeler, une semaine avant l’ouverture des négociations climatiques de Doha, que le scénario d’un réchauffement à 4°C est bel et bien une possibilité, malgré le seuil des 2°C à ne pas dépasser pour endiguer les impacts du changement climatique. Or, le niveau actuel des émissions mondiales de CO2 rend quasiment intenable l'engagement pris par la communauté internationale de contenir le réchauffement. Sans politique internationale volontariste, les perspectives sont des plus pessimistes, notamment pour les pays en développement. Et de manière globale, « une planète à +4°C serait si différente de celle que nous connaissons actuellement qu’elle susciterait de grandes incertitudes et que de nouveaux risques menaceraient les capacités de prévision et de planification indispensables à notre adaptation à ces nouvelles exigences », prévient le président de l’institution Jim Yong Kim.

    Des catastrophes en cascades

    Ce scénario touche en premier lieu les pays en développement : « sous les tropiques, la montée du niveau de la mer sera probablement de 15 à 20 % supérieure à la moyenne mondiale ; l’augmentation de l’intensité des cyclones tropicaux sera probablement ressentie de manière nettement plus aiguë dans les régions de basses latitudes » et « il faut s’attendre à une désertification et à une augmentation substantielle de la sécheresse dans de nombreuses régions en développement des zones tropicales et subtropicales », souligne le rapport. À l’échelle de la planète, le niveau de la mer a connu une augmentation moyenne de 15 à 20 centimètres au cours du XXe siècle. Sur les dix dernières années, le rythme moyen de montée du niveau de la mer s’est accéléré pour atteindre environ 3,2 cm par décennie. Un rythme qui implique une nouvelle élévation de 30 cm du niveau de la mer au cours du 21ème siècle…

    Autre conséquence avérée : les superficies concernées par des épisodes de canicule ont été multipliées par dix depuis les années 50. Citant l’exemple de la Russie, le rapport rappelle qu’en 2010, le pays a connu une vague de chaleur extrême qui a eu de graves répercussions : 55 000 décès, la perte d’environ 25 % des récoltes de l’année, la destruction d’1 million d’hectares ravagés par les incendies et des pertes économiques de l’ordre de 15 milliards de dollars, soit 1 % du produit intérieur brut (PIB). Quant aux Etats-Unis, la sécheresse qui a frappé le pays 2012 a eu un impact sur environ 80 % des terres agricoles. La Banque mondiale rappelle néanmoins que les impacts économiques frappent beaucoup plus sévèrement la croissance des pays en développement et cite une récente étude du MIT selon laquelle « l’élévation des températures induit une réduction substantielle de la croissance économique dans les pays pauvres » ainsi qu’une « moins grande stabilité politique ».

    « J'ai l'espoir que ce rapport nous fasse un choc tel qu'il nous pousse à agir. Même pour ceux d’entre nous qui sont déjà impliqués dans la lutte contre le changement climatique, j’espère que ce rapport les fera travailler avec un sentiment d’urgence encore plus fort », explique dans le préambule Jim Yong Kim, qui rappelle aussi que « la lutte contre le réchauffement n'est pas l'ennemie de la croissance ». « Le secteur privé doit comprendre que l'adaptation au réchauffement climatique constitue une opportunité économique», ajoute-t-il.

    *Le GIEC publiera son Cinquième Rapport d’Evaluation en 2013-2014

    Véronique Smée
    © 2012 Novethic - Tous droits réservés   19/11/2012

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  •   La loi agricole inquiète les exploitants belges actifs en RDC

    Published: 01 Nov 2012
    Posted in: Belgium | DRC
       
     

    Le Potentiel | 1 novembre 2012

    Par La Rédaction

    Des exploitants belges actifs en RD Congo ont exprimé au Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo leur « inquiétude » en rapport avec certaines dispositions de la loi agricole, lors de sa visite à Bruxelles (Belgique) en début de semaine.

    La loi n°11/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture en RDC (85 articles) les inquiète parce qu’elle prévoit qu’un an après son entrée en vigueur, soit en juin 2013, les exploitations doivent être possédées à 51 % par des Congolais.

    Ils le lui ont dit au cours du déjeuner-débat organisé mardi 23 octobre par la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture Belgique-Luxembourg-Afrique-Caraîbes et le Cercle Royal Africain dans le prestigieux cadre de l’hôtel Plaza de Bruxelles, où s’était tenue l’historique Table Ronde de 1960.

    « Certains de ses articles sont rediscutés en ce moment » afin que ce texte soit « attractif pour les investisseurs » extérieurs, les a rassurés Augustin Matata. « Le gouvernement a lancé la première campagne agricole nationale depuis une vingtaine d’années et veut faire de ce secteur le fer de lance de la croissance économique congolaise », a-t-il ajouté en substance.

    « Venez investir dans un Congo qui se relève», les a-t-il invités, après avoir retracé la marche de réémergence économique congolaise et ses résultats actuels avec un taux d’inflation pour 2012 de « moins de 3 % », soit l’équivalent de « 1976 ».

    Selon une source proche de l’ambassade de la RDC à Bruxelles, le Premier ministre Matata a affirmé qu’« on est en train de remettre l’économie sur la trajectoire des fondamentaux ».

    Innovations et faiblesses de la loi agricole

    Le président de la RDC Joseph Kabila Kabange a promulgué le 24 décembre 2011 la loi (qui est entrée en vigueur le 24 juin 2012) portant principes généraux relatifs au secteur agricole en RDC et mettant fin à l’absence de la loi dans le secteur agricole pendant plusieurs années.

    Avant de la promulguer, il l’a renvoyée au mois d’août en seconde lecture au Parlement pour « des restrictions substantielles sur les acquisitions des terres agricoles par des entités étrangères et préciser l’impératif pour des nationaux de contrôler l’actionnariat des personnes morales dans l’octroi des terres agricoles aux étrangers en renforçant l’article 16 alinéa 2 sur les conditions d’attribution des terres agricoles en RDC ».

    Ainsi, les amendements « nécessaires » ont été portés à l’article 16 sur les conditions que tout exploitant doit remplir dans l’acquisition des terres agricoles et leur mise en valeur. Il s’agit d’ « être une personne physique de nationalité congolaise ou une personne morale de droit congolais dont les parts sociales ou les actions , selon le cas, sont majoritairement détenues par l’Etat congolais et/ou par les nationaux ; avoir une résidence, un domicile ou un siège social connu en RDC ; présenter la preuve de son inscription au registre de commerce, s’il s’agit d’une personne exerçant le commerce ; justifier de la capacité financière susceptible de supporter la charge qu’implique la mise en valeur de la concession ; produire une étude d’impact environnemental et social ».

    « Il ressort de la compréhension de cette disposition que seuls les Congolais, personnes physiques, sont éligibles aux droits sur les terres agricoles. S’agissant des personnes morales, elles doivent être de droit Congolais, c’est-à-dire constituées dans l’une des formes des sociétés prévues à l’article 2 du décret du 23 juin 1960. La loi exige aussi qu’en son sein la majorité des parts ou des actions selon le type de société soit détenue par l’Etat congolais et/ou par les nationaux. Comme on peut le constater, le législateur exclut expressément les personnes physiques étrangères à l’éligibilité des droits portant sur les terres agricoles. Quant à leur participation au sein des sociétés, celle-ci a été ramenée à 49 % contre 51 % pour les nationaux. L’opinion intéressée à l’activité agricole estime qu’il serait question d’une autre "Zaïrianisation" à la face voilée, une façon d’user du pouvoir régalien pour déposséder les étrangers de l’usage de leurs terres », avaient craint des analystes.

    « Les articles 16 et 82 créent des inquiétudes dans la mesure où visiblement les étrangers ne sont pas repris parmi les personnes physiques éligibles au droit agricole », avaient-ils averti.

    L’article 82 dispose que « le détenteur d’une concession agricole est tenu de se conformer aux dispositions de la présente loi dans les douze mois de son entrée en vigueur ».

    A ce propos, la « compréhension » des mêmes analystes est que « si le concessionnaire agricole est une personne physique étrangère, elle doit, à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, être congolaise pour redevenir éligible à l’usage des terres agricoles ; si le concessionnaire est une personne morale, elle devra être de droit congolais, et surtout il faut que dans cette société l’Etat congolais ou les congolais possèdent la majorité des parts sociales ou des actions selon le cas ».

    « Par quel mécanisme un étranger peut subitement devenir Congolais pour redevenir éligible à l’usage des terres agricoles qu’il exploitait déjà ? », s’interrogent-ils.

    Source : Le Potentiel

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  •   OGM : comment une étude bidonnée par Monsanto a été validée par les autorités sanitaires

    22 octobre 2012,

    mais_OGMMaïs transgénique
    © ISAAA

    La recherche scientifique menée par Gilles-Eric Séralini sur un OGM de Monsanto a été violemment critiquée dans sa méthodologie. Mais qu'en est-il des tests menés par les firmes elles-mêmes ? Un rapport montre les dissimulations et extrapolations bien peu scientifiques qui accompagnent l'évaluation du seul OGM autorisé à la culture en Europe, le Mon810. Des extrapolations reprises à leur compte sans vérification par les autorités sanitaires européennes.

    Avant d'être commercialisés, les OGM sont-ils vraiment évalués avec la plus grande rigueur scientifique, comme leurs promoteurs le prétendent ? Toute entreprise sollicitant une autorisation de mise sur le marché de son OGM doit produire une évaluation censée démontrée que sa semence transgénique est inoffensive. Ces analyses sont réalisées par des laboratoires que les entreprises de biotechnologie rémunèrent directement.

    Les autorités sanitaires qui étudient ensuite le dossier, comme l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), ne disposent ni de temps ni de crédits pour pratiquer leurs propres analyses. Elles se contentent donc de lire le dossier de l'entreprise et la littérature scientifique sur le sujet. D'un côté, la firme est juge et partie. De l'autre, des instances d'évaluation placent dans cette firme une confiance quasi absolue.

    Que doivent évaluer les experts ? Que l'OGM ne diffère pas d'une semence non transgénique dont l'utilisation commerciale a déjà été jugée sans risque. La firme va donc chercher à démontrer « l'équivalence en substance » : comparer les composants d'une plante transgénique (nutriments, protéines, glucides...) avec des plantes conventionnelles. Si les écarts enregistrés correspondent à des écarts connus entre variétés de la même espèce, la plante transgénique est considérée comme étant équivalente en substance, donc a priori inoffensive. L'évaluation se fait en deux étapes : une analyse comparative pour identifier des différences avec la plante non modifiée génétiquement, et une évaluation des impacts nutritionnels, sanitaires et environnementaux de ces différences.

    Le Mon810 « aussi sûr » qu'un grain de maïs conventionnel ?

    Concernant son maïs Mon810, Monsanto a affirmé en 2007 : « Comme il a été démontré dans ce dossier de renouvellement d'autorisation, Mon810 est équivalent à un maïs conventionnel à l'exception de sa protection contre certains papillons parasites ». Son OGM serait donc comparable à un banal grain de maïs « naturel ». Une affirmation « d'équivalence » que les autorités sanitaires européennes reprennent à leur compte : « Le maïs Mon810 est aussi sûr que ses équivalents conventionnels au regard de ses effets potentiels », conclut l'EFSA en 2009. Une conclusion pour le moins hâtive...

    Problème : sur quels éléments démontrés scientifiquement repose cette affirmation ? Lorsque l'on teste la toxicité d'un produit, on extrait deux échantillons de rats d'une certaine lignée, et on regarde s'il est statistiquement raisonnable de penser que l'échantillon « essai » a été modifié par l'OGM par rapport à l'échantillon « témoin ». « Si quelque chose est vu (ici, une différence), cela existe. Si ce n'est pas vu, cela ne veut pas dire que ça n'existe pas, mais juste que, dans les conditions de l'expérience, on ne l'a pas vu », explique le biologiste Frédéric Jacquemart, président d'Inf'Ogm, une veille citoyenne d'information sur les OGM. Une absence de preuve n'est pas une preuve d'absence.

    Des extrapolations pas très scientifiques

    Affirmer que « le maïs Mon810 est aussi sûr que ses équivalents conventionnels » est donc une extrapolation sans preuves irréfutables. D'autant qu'aucun test d'équivalence n'a en fait été réalisé ! Un tel test nécessite des protocoles assez lourds à mettre en œuvre, avec un nombre de cobayes élevés, pour prouver l'innocuité du produit. Si le test ne s'appuie que sur un faible nombre de cobayes (des rats en l'occurrence), il s'agit en fait d'un test « de différence », visant à établir que sur tel ou tel aspect, l'OGM ne semble pas produire des effets différents qu'une banale graine. Mais cela ne prouve pas l'innocuité de l'OGM.

    Alors que le Mon810 est aujourd'hui cultivé en Europe, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a reconnu que 80 % des effets constatés lors des tests n'étaient pas significatifs ! Affirmer que le Mon810 est « aussi sûr » que les autres maïs est donc, au mieux, une extrapolation sans fondements, au pire, mensonger. Aucun effet toxique ne peut en fait être exclu. Cette extrapolation des résultats, qui rend un OGM équivalent à une autre semence, est sévèrement jugée par le biologiste Frédéric Jacquemart : "Lorsque deux populations sont comparées, les tests statistiques ne peuvent faire qu'une chose : réfuter, au risque statistique choisi près, une hypothèse". On peut donc réfuter un risque précis, mais en aucun cas affirmer une absence totale de risques.

    Dissimulations et conclusions hâtives

    Dans son rapport intitulé « Expertise des OGM, l'évaluation tourne le dos à la science », l'association Inf'Ogm a ainsi pris le parti d'éplucher le dossier du Mon810. L'association dénonce une série considérable de dissimulations scientifiques dans l'étude de ce maïs insecticide. A commencer par l'entorse à une règle de base en méthodologie scientifique : trier les données pour les présenter de manière « avantageuse » plutôt que de les soumettre telles quelles.

    Dans le dossier de sa demande d'autorisation du Mon810, Monsanto fournit toute une littérature scientifique analysant différentes variétés et cultures de maïs (dont des analyses souvent anciennes, remontant avant 1982, dont la méthodologie est aujourd'hui dépassée). Si Monsanto ne constate pas de différence significative avec son OGM cultivé aujourd'hui, la firme estime que tout va bien. En revanche, lorsque des différences sont observées, elles sont présentées comme « non biologiquement significatives » ou « sans valeur informative » ! La comparaison n'est utilisée que lorsqu'elle sert les intérêts de Monsanto et permet de conclure à une composition similaire entre un maïs OGM et une plante témoin non génétiquement modifiée.

    Quand « similaire » devient « identique »

    « En se basant sur ces données, nous avons conclu que les grains du Mon810 et ceux du contrôle sont de composition similaires et sont représentatifs des grains de maïs actuellement sur le marché », assure la firme. Par dérive sémantique « similaire » devient ensuite « de composition équivalente », puis... « identique » ! Finalement, « on peut conclure que le Mon810 est aussi sain et nutritif que le maïs conventionnel »... Une conclusion qui excède de toute évidence la portée des données. « Si l'on ne prend en compte que les données qui soutiennent la conclusion souhaitée et qu'on néglige les autres, on aboutira fatalement à ce que l'on a envie de montrer », rappelle Inf'OGM. Si cette pratique est scientifiquement irrecevable, Monsanto semble particulièrement adepte de cet exercice.

    « Tout cela est validé par l'[EFSA] sans que cela ne fasse tousser personne », déplore Frédéric Jacquemart. Malgré des extrapolations non étayées, une faiblesse des tests, un tri des données, les conclusions de Monsanto quant à l'innocuité de son maïs Mon810 ont été reprises par des experts qualifiés d'agences officielles, censées être « neutres », comme l'Agence européenne de sécurité des aliments. Les recommandations de cette Agence concernant les méthodes statistiques à utiliser sont pourtant très claires, et parfaitement contradictoires avec les pratiques des firmes dépositaires d'un dossier de demande d'autorisation d'OGM. Le panel OGM de l'EFSA indique notamment que les deux tests, de différence et d'équivalence, doivent être faits. Elle met également en garde contre l'usage de données prises hors de l'expérience elle-même.

    Conflits d'intérêts

    Comment expliquer le laxisme de l'EFSA sur le dossier Mon810 ? Frédéric Jacquemart y voit une « parfaite mauvaise foi ». Cette Agence, censée être un organisme de contrôle indépendant, a été décriée ces derniers mois après la révélation de plusieurs conflits d'intérêt au sein de la structure. Un rapport de la Cour des Comptes publié le 11 octobre épingle l'EFSA pour sa mauvaise gestion des conflits d'intérêts.

    Deux ans plus tôt, l'Observatoire européen des entreprises (CEO) avait déjà apporté les preuves de liens entre plusieurs membres du conseil d'administration de l'EFSA et l'Institut international des sciences de la vie (ILSI, International Life Science Institute), financé par l'industrie agro-alimentaire. La présidente de l'EFSA avait été contrainte de démissionner de l'ILSI où elle siégeait comme membre du Conseil des Directeurs.

    Cette affaire a révélé la manière dont l'industrie des biotechnologies est parvenue à influencer les décisions de l'agence européenne en plaçant dans ses instances décisionnelles des personnalités scientifiques qui reprennent ses analyses et partagent ses objectifs. C'est pourtant sur la base des avis de l'EFSA que la Commission européenne prend les décisions d'autoriser ou non les OGM...

    Expertises : deux poids, deux mesures

    Les autres dossiers de demande d'autorisation d'OGM ne vaudraient en général pas mieux. Deux dossiers en cours d'instruction (la pomme de terre Modena et le maïs MIR604)[1] en vue d'autorisations dans l'UE ont fait l'objet d'avis plus que sévères par le Haut Commissariat aux Biotechnologies, souligne Inf'Ogm. Au même moment, l'étude du Professeur Gilles-Eric Séralini sur la toxicité du maïs transgénique NK603 et du Round up était jugée non valable scientifiquement par l'EFSA.

    « Alors que l'EFSA vient de réagir dans un délai ridiculement court à la dernière étude de G.-E. Séralini, en prétendant qu'elle n'avait aucune portée, cette agence ferait mieux de faire son travail sérieusement et de s'assurer que les dossiers de demande d'autorisation d'OGM sont réalisés avec la meilleure rigueur scientifique possible », juge François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. « L'EFSA n'est manifestement qu'une des instances qui fonctionnent comme des chambres d'enregistrement destinées à rassurer le public, au sujet des OGM, mais non à en assurer la sécurité », conclut le rapport d'Inf'Ogm.

    Les critiques formulées à l'encontre du protocole de Gilles-Eric Séralini pourraient concerner les protocoles de l'ensemble des dossiers déposés par les entreprises de biotechnologie pour obtenir les autorisations commerciales de leurs plantes génétiquement modifiées (PGM). Inf'OGM avait remis en 2011 au ministère de l'environnement une pétition pour demander la révision de l'évaluation de l'ensemble des PGM, autorisées et en cours d'autorisation. Une demande restée sans réponse à ce jour, du moins pour les 46 OGM autorisés en Europe.

    Rédactrice     Sophie Chapelle
    @Sophie_Chapelle sur twitter

    Notes    1  La pomme de terre Modena est enrichie en amylopectine (constituant de l'amidon), le maïs MIR604 produit un insecticide contre les chrysomèles.

    Auteu   Basta!


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