"Samedi matin, une femme sans abri de 46 ans a été retrouvée morte de froid". Comme chaque année, les "victimes du froid" font les grands titres des journaux. Une rengaine annuelle qui a le mérite de mettre un coup de projecteur sur la situation difficile des sans-abris.
Pourtant, l'hiver est loin d'être le seul péril subi par les hommes et les femmes de la rue. Loin de toute attention médiatique, alors que les dons et aides se raréfient, les SDF continuent de mourir au printemps, à l'été et à l'automne, dans l'indifférence générale.
En moyenne, chaque jour, quelle que soit la saison, un SDF meurt en France. Ils étaient au moins 414 en 2010. "On a plus tendance à en parler quand il fait froid, mais au printemps, on passe à autre chose", regrette Christophe Louis, président du collectif Les morts de la rue. "Alors qu'il y a autant de morts l'été que l'hiver".
Peu de décès liés au froid
Selon les chiffres communiqués par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES), 25,1% des décès de SDF ont lieu l'hiver. C'est quasiment le même chiffre qu'au printemps (24,8%), plus important qu'en été (21,1%) mais bien moindre qu'en automne (29%). "Peu de décès sont liés au froid", assure Christophe Louis, tordant le cou à cette idée assez répandue. "Ce n'est pas le froid qui tue, c'est la rue". La rue et ses multiples dérives qui peuvent, rapidement, mener à la mort.
La violence est d'abord la cause de plus de la moitié des décès, selon les chiffres de l'ONPES. Les agressions et l'alcoolisation en sont souvent à l'origine. Ensuite viennent les maladies, qui touchent de nombreux SDF. "Beaucoup ne se sont jamais soignés, n'ont jamais pris soin de leur santé", explique Christophe Louis.
Les suicides, dont le nombre est difficile à évaluer, est souvent la seule issue trouvée par les personnes de la rue. Si quelques uns meurent effectivement du froid l'hiver, l'été ne les protège pas davantage: certains sont victimes d'arrêts cardiaques dûs à la chaleur ou de déshydratation.
50 ans d'espérance de vie
L'âge moyen du décès des personnes sans-abri se situe autour de cinquante ans. Les dons et les aides se multiplient l'hiver, mais chutent dès les premières remontées de températures.
Alors que faire? "C'est bien de donner à manger, de faire un chèque aux Restos du coeur, mais ça ne suffit pas", prévient le président du collectif Les morts de la rue. "C'est un problème de société, il faut crier au scandale en interpellant son élu, son député, son maire, pour faire respecter la loi sur l'hébergement d'urgence et la SRU. Il faut rappeler à ceux qu'on a élus qu'ils ont le devoir de créer une société plus juste".
L'élection présidentielle de 2012 fera-t-elle bouger les lignes? Christophe Louis n'y croit pas. "A chaque fois on nous ressort le même refrain, mais les élections passent et les choses restent pareilles. Ce sont les élus de proximité qui peuvent faire bouger les choses".
En attendant, la crise affaiblit toujours davantage les démunis. Depuis quelques mois, de plus en plus de personnes âgées se retrouvent, elles aussi, contraintes de dormir dans la rue.
Photo de Sasastro sous licence Creative Commons Youphil