•  Le surimi nous mêne-t-il en bateau? 

     

    (Crédit photo : 123rf)

    On croit manger du crabe quand il n'y en a même pas une pincée. On pense manger des protéines, mais c'est surtout de l'eau et des glucides qu'on avale.

      Article publié dans le

    N° 49 - été 2013 de Terraéco

     C’est moi qui l’ai fait

    Serions-nous masos ? A l’apéro, en entrée ou en salade, nous préférons souvent le bâton à la carotte. Nous sommes les plus gros mangeurs de surimi – cet aliment à base de chair de poisson hachée présentée en bâtonnet – en Europe. Et le deuxième marché mondial après le Japon, d’où nous vient cette mixture cuite à la vapeur, débarquée dans nos assiettes en 1988. Aujourd’hui, nous engloutissons pas loin de la moitié (43%) des petites tiges orange et blanches vendues au sein de l’Union européenne. Soit 60 500 tonnes malaxées par nos estomacs en 2012. C’est cinq fois plus qu’il y a vingt ans. De quoi frôler l’indigestion ?

    Le marché a reculé de 6% l’an dernier, en raison d’une météo estivale bien grise et d’un engouement moindre pour le régime hyper-protéiné de Pierre Dukan. Les marques peuvent toutefois remercier le nutritionniste car, en faisant du surimi le produit phare de sa méthode minceur, il leur a permis de conquérir, un temps, 500 000 nouveaux foyers. Avant de les perdre quasiment tous. Le fameux effet yoyo des diètes... Malgré cette baisse (de régime), pas loin de sept foyers sur dix en mettent dans leur panier, pour une consommation moyenne de 0,97 kg par personne, selon l’Association pour le développement des industries du surimi (Adisur).

    Du crabe sans crabe

    « Les mères de famille en achètent pour faire manger du poisson à leurs enfants », explique Nathalie Sicard, responsable marketing de la marque Fleury-Michon, leader du marché. En France, la fabrication du surimi est réglementée par une norme Afnor qui n’impose que « 30% au moins de chair de poisson » dans les différentes recettes (bâtonnets, miettes, râpés, médaillons). En rayon, le taux maximal relevé est de 39%. Les créatures marines entrant le plus souvent dans la fabrication du surimi sont le merlan bleu (qui n’est pas un poisson de table), le merlu blanc, l’anchois, le colin d’Alaska et le hoki. Les fabricants Fleury-Michon (leader du secteur) et Coraya ont obtenu, pour certains de ces poissons, le label MSC, garantissant la bonne qualité des stocks et la protection du milieu marin. Depuis fin avril, les emballages de Fleury-Michon indiquent le type de poisson présent dans son surimi. Une première.

    Toute cette poiscaille passe à travers des machines qui l’équeutent, l’éviscèrent, lèvent les filets puis les lavent avant de hacher la chair, mélangée à du sucre. Ce « surimi base », pâte blanche peu goûteuse, est souvent préparé à bord des bateaux de pêche. Il arrive congelé dans les usines, où il est transformé. « Les consommateurs pensent encore que le surimi est fait à partir de déchets de poissons, alors qu’on travaille uniquement la chair », insiste Jean-Sébastien Tamisier, directeur général d’activité « Traiteur de la Mer » de Fleury-Michon et président de l’Adisur. Ils se trompent aussi s’ils pensent manger, dans les bâtonnets « saveur crabe », de ce crustacé. Car, au « surimi base », on ajoute surtout de l’amidon (de blé), de la fécule de pomme de terre, du sucre, du sel, du blanc d’oeuf, de l’huile de colza, du paprika pour la couleur et des arômes de crabe (naturels ou de synthèse, selon les marques). Les bâtonnets « saveur crabe » n’en contiennent donc même pas une pincée.

    Maigre en calories mais aussi en oméga 3

    Pour Fleury-Michon, la liste d’ingrédients s’arrête là. « On a enlevé tous les additifs en 2010 car on pense que ce n’est pas bon pour la santé », explique Nathalie Sicard. Exit donc le glutamate monosodique (E621). On soupçonne cet exhausteur de goût « 100% synthétique et largement utilisé dans les biscuits apéros, pour leur donner un goût de ’reviens-y’, d’être neurotoxique », explique Angélique Houlbert, nutritionniste au Mans. Fini aussi le sorbitol, au pouvoir sucrant et humectant qui peut créer de l’inconfort digestif. Les polyphosphates, utilisés pour retenir l’eau et donc augmenter la masse du produit, ont également disparu de la recette. Tous ces additifs entrent en revanche dans la composition du surimi des autres marques. « Plus on descend en gamme, plus on les trouve », précise la nutritionniste qui a contribué à la rédaction du guide Le bon choix au supermarché édition 2013-2014 (1).

    Le surimi est-il un produit régime ? L’aliment est peu calorique il est vrai : de 100 à 120 calories pour 100 grammes, contre 130 pour de la viande blanche ou du poisson maigre. Il ne contient pas de graisses saturées. Mais son taux d’oméga 3, très présent dans le poisson, est jugé « insignifiant » par Angélique Houlbert. Son taux de protéines est assez faible (entre 5 et 10%, contre 20% pour un poisson), et sa teneur en sel haute (jusqu’à 4 g pour 100g). « De plus, avec l’amidon et le sucre, les teneurs en glucides dépassent celles en protéines, ce qui n’en fait pas vraiment un aliment minceur », estime la nutritionniste. Pour Jean-Michel Lecerf, qui exerce la même profession à l’Institut Pasteur de Lille, « vous mangez un peu de protéines de qualité moyenne et avec peu de calories pour pas très cher ». Mais si vous ajoutez de la mayo, vous gâchez tout !

    (1) éd. Thierry Souccar


    Du made in France ?

    90% du surimi consommé en France est fabriqué dans l’Hexagone. Quatre groupes se disputent le marché : Fleury-Michon, Bongrain (marque Coraya), la Compagnie des pêcheurs de Saint-Malo et Intermarché. Du site de production de Fleury-Michon, à Chantonnay (Vendée), sortent aussi – fabriqués avec des recettes différentes – les bâtonnets des marques Leclerc et Carrefour. Le surimi des pêcheurs malouins et celui d’Auchan sortent de la même usine. Depuis cette année, les batônnets saveur crabe de Leader price et Monoprix sont fabriqués en Lituanie.
     
    La  rédactrice :   Alexandra Bogaert  (30/06/2013)

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  •  Menaces, lobbying, chantages : la guerre secrète de l'eau

     Mis à jour le 03-08-2013    Par Le Nouvel Observateur

    Régie municipale ou gestion privée : les prix de l'eau varient du simple au double selon les départements. Enquête sur les enjeux d'une bataille où tous les coups sont permis.

    L'eau : enjeu d'une "guerre secrète" entre les villes et les grands groupes privés comme Veolia et Suez. (BANOS / TPH / SIPA)

    L'eau : enjeu d'une "guerre secrète" entre les villes et les grands groupes privés comme Veolia et Suez. (BANOS / TPH / SIPA)
     

    (Article publié dans "le Nouvel Observateur" du 13 juin 2013)

    Non, Erik Orsenna n'a pas vendu son âme aux marchands d'eau. Ce soupçon l'agace au point de lui faire perdre les petits rires malicieux dont il ponctue d'ordinaire chaque phrase. "Il suffit de lire ce que j'écris pour s'en rendre compte", réplique-t-il. Le doute pèse sur l'auteur de "l'Avenir de l'eau", best-seller sorti en 2008 et dont il a écoulé 145.000 exemplaires, depuis qu'il a effectué un "tour de France" de l'eau pour le compte de Suez Environnement en 2011. L'écrivain globe-trotter ne s'attendait pas à la volée de bois vert reçue, y compris de sa propre famille politique. "Monsieur l'Académicien, lui avait écrit Henri Emmanuelli, député PS des Landes, j'ai personnellement livré le combat contre les sociétés prédatrices qui soutiennent votre tour de France dont je peine à concevoir l'utilité."

    Aujourd'hui encore, Erik Orsenna ne voit pas le mal qu'il y a eu à "travailler pour Suez" qui l'a sollicité pour sa "compétence". "Du moment que tout est transparent..." Pour l'animation de huit débats sur le thème des "idées neuves sur l'eau" et sa contribution de deux pages à un recueil de témoignages, l'ancien conseiller de François Mitterrand a touché 40.000 euros, auxquels il faut ajouter un contrat pluriannuel pour la société de communication Les Rois Mages, dont il possède 20,1%. Mais la transparence est un exercice difficile pour des empires ayant prospéré pendant cent cinquante ans dans le culte du secret... Quand nous avons demandé à Jean-Louis Chaussade, patron de Suez, combien Orsenna avait été payé, il nous a répondu : "Rien, c'était bénévole."

    Un sujet brûlant

    Jamais l'ex- Générale des Eaux (devenue Veolia) et l'ex-Lyonnaise des Eaux (Suez, filiale à 35,7% de GDF Suez), créées au milieu du XIXe siècle pour gérer le service des eaux des grandes villes, n'avaient été, comme aujourd'hui, contraintes de s'expliquer sur leurs pratiques. Jamais, voilà trois ou quatre ans, il ne serait venu à l'idée de l'un ou l'autre groupe d'avoir recours à des personnalités médiatiques pour jouer les "monsieur bons offices" - Luc Ferry et Martin Hirsch ont également officié pour Suez (1) et Pierre Rosanvallon pour Veolia.

    Avec la crise, l'eau est devenue un sujet brûlant. Les Français ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer 4 euros le mètre cube dans le Pas-de-Calais et 2,5 euros dans le Tarn. Ni que les villes ayant gardé ce service dans leur giron affichent des tarifs 15% moins élevés que celles ayant délégué cette activité au privé. Les grands distributeurs ont beau arguer que la facture d'eau ne représente que 0,8% du budget des ménages - contre 1,6% pour la téléphonie -, soit 350 euros par an, la polémique grandit.

    Chaque jour ou presque, une réunion publique oppose en France les représentants des entreprises privées, spécialistes de la gestion des réseaux d'eau pour le compte de collectivités, aux partisans de la régie, qui veulent tout garder sous contrôle municipal. C'est une guerre souterraine que se livrent les deux camps, à coups d'invectives, de menaces et d'intimidations.

    Une guerre dont les protagonistes sont des grands patrons, des maires de tous bords, des ministres, des intellectuels qui se mouillent, des collectifs citoyens inquiets pour leur facture et des militants altermondialistes plaidant que l'eau, "bien commun de l'humanité", doit échapper aux capitalistes. Une guerre qui divise la classe politique, la gauche... et même le clan Mitterrand, avec d'un côté Orsenna qui défend le savoir-faire de Veolia et de Suez et de l'autre les gardiens de la mémoire de Danielle Mitterrand, qui a passé les dernières années de sa vie à fustiger "la marchandisation de l'eau" avec sa fondation France Libertés.

    Le retour au public

    "Dire que Danielle a animé ses premières conférences devant des salles quasi vides !", se souvient Emmanuel Poilâne, directeur de France Libertés... Aujourd'hui, la régie a le vent en poupe. Paris, Rennes, Brest, Venelles, Capbreton, Saint-Malo, Le Muret, Tarnos, Boucau, entre autres, ont municipalisé leur service. Dans leur ville ou leur communauté d'agglomération, les ministres Pierre Moscovici (Montbéliard), Bernard Cazeneuve (Cherbourg), Manuel Valls (Evry) et Laurent Fabius (Rouen) ont suivi la même voie. Bordeaux leur emboîtera le pas en 2018, Toulouse s'y prépare pour 2020. A Lille, Martine Aubry s'interroge.

    Le retour au public est devenu un marqueur à gauche pour tous les politiques en campagne pour les municipales de 2014. Et pas seulement chez les Verts : le parti de Jean-Luc Mélenchon en fait un critère pour fusionner ses listes au second tour avec celles des socialistes. Même la droite s'y met ! En mars, Christian Estrosi a surpris tout le monde en annonçant le passage en régie de Nice dans deux ans. Suscitant la consternation de Veolia, exploitant depuis 1864. "C'est un motard, Estrosi, il fait tout vite", soupire-t-on au siège de l'avenue Kléber, à Paris, en espérant à haute voix que l'édile changera d'avis après les élections.

    Pour les géants de l'or bleu, qui contrôlent la moitié d'un marché français évalué à 12,35 milliards d'euros, c'est une tempête sans précédent. Le rapport de force s'est inversé avec des collectivités qui se sont professionnalisées. "En dix ans, nous avons formé des dizaines de conseillers municipaux à la constitution de cahiers des charges drastiques", raconte Jean-Vincent Placé, sénateur Verts. A Bordeaux, la communauté urbaine (CUB) a détaché quinze inspecteurs généraux rien que pour fouiller dans les comptes de son délégataire. "Plus question de passer la main dans le dos des maires en leur disant qu'on va s'occuper de tout", confie un ancien cadre de Veolia.

    Toutes les villes n'ont pas les moyens techniques et financiers de se constituer un service des eaux compétent. Ce sont souvent les grandes agglomérations qui sautent le pas. Mais aucun édile ne signe aujourd'hui un contrat sans avoir réclamé aux entreprises une ristourne minimale de 10% à 20% sur leurs prestations. C'est le cas à Marseille et à Lyon, deux des plus gros marchés français (respectivement 163 millions et 100 millions par an), qui doivent être réattribués cette année. Et l'effet dévastateur sur les marges des multinationales de la flotte est amplifié par la réduction constante de la consommation (-1,5% chaque année). Les frères ennemis Veolia et Suez sont tellement affaiblis... qu'ils ont même envisagé l'été dernier de fusionner, avant d'abandonner ce projet contre nature.

    Une petite militante écolo…

    Les grands scandales de corruption des années 1990 et les multiples rapports des cours régionales des comptes dénonçant l'opacité des bilans et les marges faramineuses des délégataires avaient commencé à préparer l'opinion publique. Mais il a fallu la pugnacité d'une petite militante écolo de 40 ans pour inverser réellement le cours des choses. Durant la campagne municipale de 2008 à Paris, Anne Le Strat, cheveux courts et toujours à vélo, a profité des échéances des contrats d'eau pour convaincre Bertrand Delanoë, à coups de notes et d'argumentaires, des bienfaits de la régie. "Jusqu'au bout, Veolia et Suez, qui se partageaient la ville depuis vingt-trois ans, n'y ont pas cru et ont fait pression sur le maire", sourit cette docteur en géopolitique, auteur d'une thèse sur les enjeux de l'eau dans le confit israélo-palestinien. Mais Delanoë n'a pas flanché, conforté par des audits promettant des gains de productivité importants.

    "Le basculement de la capitale a créé un choc politique ", constate Paul Raoult, vice-président de la fédération nationale des régies, la FNCCR. "Les maires se sont dit que c'était possible." Trois ans plus tard, le modèle parisien est devenu un cas d'école étudié partout dans le monde. Anne Le Strat, installée dans son bureau en mobilier recyclé d'adjointe au maire de Paris, dresse un bilan tout bénéfice, avec un recul de 8% du prix de l'eau. La simple évocation de son nom est vécue par Veolia et Suez comme une atteinte insupportable à leurs compétences. "Ah ! cette chère Anne...grimace le patron de la branche Eau de Veolia, Jean-Michel Herrewyn. Il faudrait qu'on s'affronte en tournoi, comme au Moyen Age, pour savoir lequel de nous deux est le meilleur" ... "Nous lui avons laissé un service impeccable, renchérit-on chez Suez. Les premières années sont faciles. On verra où elle en sera dans cinq ou dix ans."

    Les marchands d'eau aux abois

    Suez a néanmoins compris le premier qu'il fallait changer de discours. Entre 2008 et 2010, il a interrogé 700 intervenants du secteur (mouvements altermondialistes, ONG, fonds éthiques...) et recueilli 400 contributions sur son site internet. "Nous voulions comprendre ce que les parties concernées attendaient de nous pour repenser notre modèle", explique son patron, Jean-Louis Chaussade, du haut de son bureau de la Défense dominant tout Paris. Première innovation issue de ces consultations : la transparence sur les marges. Suez propose désormais aux collectivités de siéger au conseil d'administration de ses filiales locales de distribution d'eau. Seconde nouveauté : une "tarification sociale" en fonction de la consommation. Avec cet outil, Suez a conquis une première ville symbolique en 2010, Libourne, administrée à l'époque par... le propre fils de Danielle Mitterrand, Gilbert.

    Veolia a réagi avec retard. Deux fois plus gros que Suez en France, le groupe pâtit d'une image désastreuse d'ogre hégémonique. Depuis 2010, le leader tente bien de copier la communication citoyenne de son concurrent et propose aussi une tarification sociale. Mais il s'est surtout lancé dans une guerre des prix acharnée. "Nous devons maintenant réduire nos coûts afin de reconstituer nos marges", reconnaît le patron de Veolia Eau, Jean-Michel Herrewyn. Voilà trois mois, ce dernier a annoncé la suppression de 1.500 postes en France cette année, soit 10% de ses effectifs. "Nous allons compenser ces départs par une amélioration de notre efficacité, par exemple en optimisant la gestion des urgences et les déplacements sur le terrain", assure-t-il ; 6.500 agents de Veolia ont été équipés d'un smartphone pour suivre leur parcours et réduire leurs trajets.

    Entre influence et menace

    Voilà pour les stratégies officielles. Mais, en coulisses, les bonnes vieilles méthodes ont toujours cours. Si l'époque des valises de billets et du financement des partis politiques est terminée, rien n'empêche le lobbying et les pressions plus ou moins amicales... par l'intermédiaire d'élus ou de leurs collaborateurs, que l'on trouve en quantité dans les services relations publiques et institutionnelles des groupes. Chez Suez, très bien implanté dans le Sud- Ouest, on croise, par exemple, deux proches de François Bayrou, son ancien directeur de cabinet Benjamin Ferniot (directeur du développement France), et l'ancienne secrétaire d'Etat Anne-Marie Idrac, senior advisor. On rencontre aussi Nicolas Perrin, ancien bras droit de François Rebsamen à Dijon, revenu dans le giron de Suez après un aller-retour comme chef de cabinet de la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti.

    Chez Veolia, on tombe sur le directeur des affaires européennes, Rainier d'Haussonville, dont le carnet d'adresses s'étend des cabinets Raffarin à l'entourage de Villepin. Et est-ce un hasard si Veolia, en pleine renégociation ardue avec Nice, a embauché deux anciens membres du cabinet Estrosi au ministère de l'Industrie ? Sans effet, cette fois...

    "Les grands groupes nous envoient d'abord ces émissaires, qu'on a connus en cabinet ministériel", témoigne le socialiste Vincent Feltesse, président de l'agglomération bordelaise. "Ils jouent la connivence avec des invitations à Roland-Garros ou un voyage au Mexique pour visiter une station d'épuration expérimentale", raconte-t-il. Tout ce beau monde se retrouve une fois par an au Congrès des Maires pour déguster foie gras, huîtres et champagne aux stands Veolia et Suez, deux des plus gros sponsors, ou déjeune aux meilleures tables parisiennes, Chez Laurent ou au Divellec, d'une salade de homard et d'un soufflé chaud à la fraise.

    "L'étape d'après, c'est la menace plus directe", confie Loïc Mahévas, président du cabinet d'audit SP2000 et conseiller de nombreux élus. Les mesures de rétorsion vont de la fermeture du centre régional du délégataire, avec la disparition de ses dizaines d'emplois, à l'arrêt de tout mécénat pour les clubs sportifs ou les manifestations culturelles. Christian Pierret a-t-il pensé à son Festival international de Géographie de Saint-Dié quand il a prolongé la délégation de son principal sponsor, Suez, en 2011 ? Depuis qu'il réfléchit à se passer de Veolia, c'est le successeur de François Hollande à Tulle, Bernard Combes, qui tremble pour la subvention de 25.000 euros par an à son club de rugby.

    Arroseurs arrosés

    Parfois, il arrive que les choses dérapent. Comme dans l'Essonne, où une filiale de Suez a passé en décembre 2011 un drôle de contrat avec une agence de lobbying, Vae Solis, pour "discréditer sur le fond" Gabriel Amard, président de la communauté d'agglomération des Lacs de l'Essonne. Une vraie bête noire, ce proche de Mélenchon : activiste de la première heure, il a passé sa commune en régie et participé à des centaines de réunions publiques sur le sujet. Le cabinet de conseil s'était vu promettre une prime de 45.000 euros s'il parvenait à faire échouer un projet d'approvisionnement de l'agglomération par le réseau Eau de Paris et avait créé un faux blog écolo affirmant que le liquide parisien était "chargé de nitrates".

    "Si tout cela est avéré, ce serait du trafic d'influence", estime Amard, qui a porté plainte mais fait aussi l'objet d'une procédure pour "dénonciation calomnieuse" de la part de Vae Solis. Une "initiative purement locale", rétorque la direction de Suez, qui brandit les sanctions prises contre son ex-responsable régional pour se dédouaner. Vérification faite, le dirigeant a juste été muté à la tête d'un autre service. "Il faut comprendre que nos salariés ne savent parfois plus comment affronter l'information partielle, voire partiale, de certains élus", explique Jean-Louis Chaussade.

    C'est un peu l'histoire des arroseurs arrosés. Désormais, ce sont les maires qui manipulent l'information, voire les chiffres. Certains se targuent d'être passés en régie mais concluent dans la foulée, sans s'en vanter cette fois, des accords de sous-traitance avec les anciens délégataires pour la gestion quotidienne de leur réseau. D'autres se félicitent de baisses de prix obtenues... mais oublient de préciser à leurs administrés que les tarifs auraient baissé de manière automatique avec la fin du remboursement de la station d'épuration. D'autres encore sont devenus des experts de la négociation commerciale au forceps. A Dijon, François Rebsamen raconte avoir forcé la main à Suez pour obtenir un partage des bénéfices au-dessus de 5% de marge et un chèque de 500.000 euros pour son fonds culturel. "Chaussade ne m'a plus parlé pendant un moment", assure le patron des sénateurs socialistes. Mais il a fini par toper.

    Caroline Michel et Maël Thierry - Le Nouvel Observateur

    (1) Luc Ferry nous a indiqué qu'il avait bénéficié du même "statut" qu'Erik Orsenna. Martin Hirsch n'a rien touché personnellement, mais a reçu un don de 25.000 euros pour son think tank Action Tank et 5.000 euros pour son Institut du Service civique. 


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  •   Les mamies ingénieures ensoleillent l’Afrique

    Béatrice Toulon, le 14/10/2012  (Place Publique publié par Youphil)

    Des mamies illettrées ingénieures!Un réseau de sept mille grands-mères illettrées assurent la maintenance des panneaux solaires de leurs villages

    C’est une idée lumineuse comme l’énergie solaire dont 7 000 grand-mères africaines illettrées sont aujourd’hui les ingénieures diplômées, chargées de la maintenance des panneaux installés dans leurs villages. Car c’est bien connu, ce qui gâche tant de projets d’aide au développement, c’est le manque d’entretien. Les installations flambant neuf s’usent rapidement, s’abîment puis gisent, hors d’usage, faute de réparation et de pièces de remplacement.

    Fort de ce triste constat, Sanjit Bunker Roy a fondé en 1972 le Barefoot College à Tilonia, en Inde. Ce Collège, littéralement , des Va-nu-pieds, a déjà formé plus de trois millions d’ingénieurs dans le solaire, l’eau , la santé, l’éducation selon une méthode simple et révolutionnaire. « Au collège il n’y a ni crayons ni cahiers. Nos étudiants sont tous des paysans illettrés. Tout s’apprend par les gestes, en montrant. Et je peux vous assurer qu’à l’issue de 6 mois de formation ils en savent plus dans leur domaine que des étudiants qui ont fait 5 ans d’école », nous assure-t-il, lors d’une rencontre au dernier Women’s Forum de Deauville.

    Dans ce forum annuel où près de 1500 femmes parmi les plus brillantes du monde entier viennent débattre et échanger leurs savoirs sur l’avenir du monde, la promotion des femmes et les bonnes pratiques, l’exemple de Barefoot College n’est pas passé inaperçu. D’autant qu’en 2007, il a créé un partenariat avec un réseau africain, le Village environnement Energy Comittee (VEEC), destiné à former des femmes ingénieures dans l’énergie solaire et qu’à ce jour plus de 7 000 grands-mères, issues d’une dizaine de pays, et bien sûr illettrées selon les règles du collège, ont été formées.
    Cette initiative, ajoutée aux autres, lui a valu en 2010 d’être classé parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde par Time magazine.

    La démarche de « Bunker » Roy est pour le moins originale : « Nous choisissons exclusivement des grands-mères illettrées, qui vivent dans des villages reculés. Nous les emmenons en Inde pour 6 mois de cours et en faire des techniciennes de haut niveau. » Pourquoi des grands-mères, illettrées ? « En Afrique, on ne peut pas compter sur les hommes. Dès la fin de la formation, ils partiraient en ville, à l’étranger. » Pas les grands-mères, qui sont le cœur du cœur du village. « Quand elles partent, c’est un enterrement, mais quand elles reviennent, ces femmes qui ont entre 35 et 50 ans sont des stars. D’ailleurs, elles se font appeler « ingénieures » et savent qu’elles doivent assumer d’importantes responsabiltés. »

    Même si l’électrification du village est le but principal du projet, Bunker Roy n’est pas mécontent du bouleversement culturel induit par cette aventure : « cela bouleverse les role models, les relations hommes-femmes. Les hommes en ont peur… » Surtout, cet homme qui a décidé il y a 40 ans d’abandonner sa vie de champion de squash et de grand bourgeois, veut faire vivre les idées du Mahatma Gandhi pour qui les technologies les plus sophistiquées pouvaient parfaitement être utilisées dans l’Inde rurale pourvu qu’elles aient été appropriées par les gens du villages et restent sous leur contrôle et non celui d’experts venus d’ailleurs.

    Grâce à un don annuel de 100 000 dollars du gouvernement indien, le Barefoot College reçoit ces grands-mères africaines par groupes de quarante, tous les six mois, venues de dix pays différents. « C’est un gros effort qui leur est demandé. Elles quittent leur village souvent pour la première fois, elles prennent l’avion pour l’Inde, travaillent six mois avec des personnes dont elles ne connaissent ni la langue, ni la nourriture, ni rien. Mais au retour elles ont un diplôme, elles ont un salaire, à charge pour elles d’assurer la maintenance et les réparations des panneaux solaires. »
    C’est que les familles ont payé l’installation, même les plus pauvres pour qu’ils se sentent propriétaires et aient envie d’entretenir le matériel. Et ces familles payent un abonnement pour l’entretien et attendent donc que le service soit assuré. 20% du budget va aux salaires des grands-mères ingénieures, 80% à la maintenance. Pour l’approvisionnement en pièces, les ingénieures sont en lien avec le VEEC.

    Seuls les villages à l’écart de tout, inaccessibles peuvent intégrer le Village environnement Energy Comittee (VEEC). Ensuite, seules les familles qui le désirent se font poser des panneaux sur le toit de leur maison. Et le réseau permet des solidarités au niveau continental. « Une fois, une Béninoise a paniqué en rentrant dans son village. Elle pensait avoir tout oublié. Une Mauritanienne est venue lui donner un coup de main et tout est reparti. »

    Fort de son succès africain, Bunker Roy étend aujourd’hui l’expérience à des pays du Proche Orient, en Jordanie, en Afghanistan. Une autre paire de manches. « Le mari d’une Jordanienne qui était en formation à Tilonia l’a appelée pour lui demander de rentrer car un de ses petits-enfants était mourant. C’était faux, il ne supportait pas son absence. Nous l’avons immédiatement fait revenir pour qu’elle termine sa formation. » Elle est devenue la première femme ingénieure solaire de son village. Une révolution énergétique et autre…


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  •   28/07/2013 

    Ce film, c’est pas qu’il ne l’aime pas, juste qu’il n’en a rien à foutre

    Docteur B. | Observateur de la pub (pour Rue 89)
     
    Vive la pub !?!?                                    Une publicité pour une boisson (James Vaughan/Flickr/CC)

    La scène se déroule dans un institut de sondage, un vendredi après-midi printanier, aux alentours de 17 heures. Huit hommes et femmes sont assis autour d’une table, et grignotent machinalement des petits biscuits en buvant des sodas.

    Une femme d’environ 40 ans se tient debout, un marqueur à la main. Elle acquiesce depuis environ trente minutes et note méthodiquement sur le « paper board » tout ce que raconte ce petit groupe.

    Mais là, présentement, elle essaye de faire réagir Franck. Il n’a pas décroché un mot depuis le commencement du groupe, c’est probablement celui qui s’est le plus goinfré de biscuits.

    Franck n’a laissé que les cigarettes russes

    Making of   Le Docteur B. (un pseudonyme) travaille dans un institut de sondages.

    Selon lui, ces groupes de discussion témoignent souvent de l’absence de créativité des publicitaires, du cynisme des équipes marketing et de la cupidité des instituts d’études. Ce texte compile des situations et des personnages réels. Rue89

    Frank a 37 ans. Sa fiche indique qu’il est gardien de la paix. Il est ici car il n’a pas encore 40 ans, parce que sa CSP est intermédiaire mais que, curieusement, au vu de ses revenus, il achète très régulièrement des boissons survitaminées.

    Son avis intéresse donc fortement Marion, qui anime le groupe et qui est bien consciente de l’attitude passive de Franck depuis le début de la session. Si elle le laisse buller pendant les deux heures qui suivent, elle risque de se mettre à dos les sept autres participants, passablement dégoûtés du fait que Franck ait dégommé les biscuits tout-chocolat, pour ne laisser que les cigarettes russes. Leur manque de solidarité avec Frank, qui se fait assommer de questions par Marion, témoigne de leur désir de vengeance.

    Surtout, Marion ne veut pas s’attirer les foudres de ceux qui siègent derrière la glace sans tain : ses clients – qui déboursent des sommes rondelettes pour ce genre de réunions – et ses boss.

    Derrière la glace sans tain

    Parmi eux, il y a Aude, 35 ans, responsable marketing. C’est à elle que l’on fait référence lorsque l’on parle du client.

    A ses côtés, il y a David, 27 ans, chef de produit. Épuisé par ses deux années de stages et de CDD, il a une opinion, mais pas l’énergie nécessaire pour l’exprimer. Alors en guise d’avis, il commence toujours par émettre des pré-suppositions qui commencent généralement par « Est-ce qu’on peut se dire que », et se terminent par « c’est peut-être un point à creuser ? ».

    Suite à quoi Aude rebondit ou s’abstient de rebondir si elle estime que David a parlé pour ne rien dire. De toutes façons, Aude ne décide de rien. Personne ne décide finalement dans le marketing. Sauf ceux qui ont plus de 45 ans, et n’assistent jamais aux études de marché. Les autres s’appuient sur des convictions, des discussions et des réflexions. Mais personne ne décide.

    De l’autre coté de la glace sans tain, il y a également Aline, environ 30 ans.
    Elle n’a pas d’enfant, pas de relation stable, pas de permis de conduire. Tout cela ne compte pas vraiment, en regard de son goût immodéré pour les voyages et les performances artistiques alternatives.

    Elle est directrice de clientèle dans l’agence de pub qui a créé les films dont les gens discutent de l’autre coté. Son métier consiste à donner une satisfaction maximale à Aude et David, ce qui implique très souvent de sacrifier ses soirées voire ses week-ends pour peaufiner le positionnement publicitaire des marques des clients.

    Là par exemple, vu la tournure que prend le groupe, elle se doute déjà que David souhaitera un débrief à chaud, qui l’empêchera de rejoindre ses copines à temps au Rosa Bonheur.

    Des éléments de langage pour briller

    Aline est accompagnée de Vincent, planneur stratégique dans l’agence.
    Il a environ 30 ans aussi, il est barbu et porte de grosses lunettes de vue. Son look d’apparence négligé est en fait méticuleusement étudié. Et cela tombe très bien, parce que Vincent a tout le temps dont il a besoin pour étudier son look.

    Il méprise totalement Aline, avec ses cernes et son sens du service client.
    Il méprise le client qui s’obstine à croire que toutes ces choses ont une utilité quelconque. La seule personne qu’il respecte pour l’instant est ce pauvre Franck, qui n’aura pas besoin de dîner en rentrant chez lui vu le nombre de biscuits au chocolat qu’il s’est enfilés. Vincent se dit que s’il avait fait partie de ce groupe, il aurait fait pareil.

    Il a le droit de se foutre de tout, parce qu’on le paye pour prendre du recul, pour avoir de la hauteur. Alors, comme un bon joueur de poker se doit de ne pas accorder d’importance aux cartes pour lire le jeu de ses adversaires, Vincent n’accorde pas vraiment d’importance aux études de marché, aux attentes du client, aux états d’âmes des créatifs. Il a noté dans un coin de sa tête quelques éléments de langage qui le feront paraître brillant à l’issue du débrief.

    C’est bon, il peut tuer le temps tranquillement les deux heures qui suivent. Il se saisit de son téléphone portable et donne rendez-vous à ses potes au Rosa Bonheur.

    Assis un peu en retrait, sur les sièges les moins confortables, se trouvent deux cadres qui travaillent pour l’institut d’études. Ils prennent des notes. Personne ne fait attention à eux, mais à tout moment ils peuvent être questionnés par le client si celui-ci a perdu le fil.

    Ils sont neutres. Ils personnifient la neutralité et c’est ce que l’on attend d’eux.
    Leur présence tout au long du développement créatif sera équivalente à celle d’un arbitre de chaise à Roland-Garros : il sera quasiment impossible de contester leurs décisions et personne ne se rappellera leur nom à l’issue de tout cela.

    « C’est pas comme ça dans la vraie vie »

    Franck et ses comparses viennent de voir une publicité, pas encore passée à la télé. En fait, elle n’est pas encore tournée.

    Elle raconte l’histoire d’un homme qui manque d’énergie, et passe ses journées à regarder la télé affalé sur son canapé. Cet homme découvre une boisson qui, grâce à une composition riche en vitamines, va réveiller le « winner » qui dormait en lui. Ladite boisson change sa vie, et il en remercie la marque. Voilà.

    Ce pauvre Franck n’a pas de bol : Marion le somme d’expliquer pourquoi il n’a pas levé la main quand elle a demandé qui avait aimé ce film. La vérité, Franck le sait, c’est qu’il avait les mains prises entre un verre de Coca rempli à ras bord, et un Finger au chocolat blanc en train de fondre entre ses doigts. Ce film, c’est pas qu’il ne l’aime pas. C’est qu’il n’en a rien à foutre.

    Mais voilà, maintenant officiellement, il ne l’aime pas.

    « Alors pourquoi Franck ?
    – Parce que je ne me reconnais pas vraiment...
    – Tu ne te reconnais pas vraiment ?
    – Non, c’est une pub, c’est pas comme ça dans la vraie vie...
    – C’est pas comme ça dans la vraie vie, mais c’est comment alors, dans la vraie vie ? »

    La main de Marion se crispe sur le marqueur

    Marion fait son job, mais Franck a soudainement également envie de faire le sien. Et quand on est flic, on ne se laisse pas marcher sur les pieds... Alors Franck lui balance :

    « Les mecs qui veulent passer cette pub à la télé, soit ils y vivent pas, dans la vraie vie, soit ils se foutent de nous, et dans les deux cas je vois pas pourquoi on a besoin d’en débattre deux heures pour vous faire comprendre ça. »

    La main droite de Marion se crispe sur son marqueur. De l’autre coté de la glace sans tain, David regarde Aude. Aude fixe Aline. Aline fixe désespérément Franck de l’autre coté.

    Elle semble espérer qu’il ajoute un truc, comme pour expliquer qu’il disait ça pour plaisanter, pour taquiner Marion ou détendre l’atmosphère.

    Mais Franck ne plaisante pas et l’atmosphère n’a jamais été aussi tendue depuis le début du groupe. Les sept autres participants aguerris à l’exercice, tout comme Marion, fixent la glace avec inquiétude.

    Franck fixe la glace aussi et rapidement, son cerveau l’informe qu’il y a peut-être du monde derrière cette glace. Ce bon vieux Franck est le seul à ne pas savoir qu’il est observé depuis le début. Comme par miracle, il vient de livrer le fond de sa pensée.

    A la sortie, la « vraie vie »

    Aline se retourne vers les responsables de l’institut, et s’exprime avec une rage à peine contenue :

    « Mais qu’est-ce qu’un individu pareil fait dans un groupe ? »

    L’un des deux cadres rétorque que ce point sera creusé. Vincent lâche un petit pet silencieux.

    Pendant les deux heures suivantes, Marion prend bien soin de ne plus jamais adresser la parole à Franck. Trois autres films sont montrés aux participants (tous reposant sur la même mécanique).

    Il ressort, lors du débrief, que l’apport du produit devra se traduire par un bien-être exprimé de façon plus émotionnelle que physique.

    Pendant qu’Aline recopie consciencieusement cette phrase sur son cahier de notes, Vincent ajoute « mais pas trop émotionnel non plus... », et tout le monde se salue sur cette pensée évanescente, en statuant que ce groupe aura été vraiment riche en enseignements.

    Quelques heures après, Aline se fait raccrocher à la gueule par son directeur artistique, qui ne comprend rien à cette histoire de bien-être émotionnel. Aude est à Deauville pour y passer le week-end avec son nouveau mec. Vincent est bourré au Rosa Bonheur. David quitte son RER à la Plaine Saint-Denis, suite à un « incident technique » et Franck entame son service de nuit au commissariat du XIIIe arrondissement. La « vraie » vie débute pour eux.


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  •   Les caries, marqueur des inégalités sociales

    Vendredi 26 Juillet 2013     Clotilde Cadu - Marianne

    Comment se mesure l’inégalité sociale chez les enfants ? En observant leur sourire. Ceux qui ont des caries ont généralement des parents ouvriers – et un accès aux soins limité.

    PURESTOCK/SIPA
                                                                      PURESTOCK/SIPA
       Comment se mesure l’inégalité sociale chez les enfants ? En observant leur sourire. Ceux qui ont des caries ont généralement des parents ouvriers – et un accès aux soins limité. Ceux qui n’en ont presque pas, des parents cadres. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), à l’âge de 6 ans, seuls 8% des enfants de cadres ont déjà eu au moins une carie, contre 30% des enfants d’ouvriers. En maternelle, 4% des enfants de cadres ont au moins un dent cariée non soignée, contre 23% des enfants d’ouvriers.


       Au même titre que l’obésité et le surpoids, la santé bucco dentaire des jeunes est donc un marqueur des inégalités sociales. Et démontre, une fois de plus, que l’accès aux soins se dégrade pour toute une partie de la population. Près de 16% des Français renoncent déjà à des soins pour des raisons financières. Les soins dentaires sont les premiers impactés (9,9% de renoncement), bien devant l’optique (4,3%) et les consultations chez le généraliste ou le spécialiste (3,5%). Une tendance confirmée par la DREES : quand 79% des enfants de 5 à 15 ans dont la mère est cadre ont consulté un dentiste dans les douze derniers mois, ce n’est le cas que de 60% des enfants d’ouvrières et 56% des enfants de chômeuses. Autrement dit, à caractéristiques comparables, un enfant a 2,5 fois plus de chances d’avoir consulté un dentiste dans l’année si sa mère est cadre plutôt qu’ouvrière. Autre différence notable : les enfants d’ouvriers passent sous la roulette pour des soins, tandis que les rejetons de cadres s’installent sur le fauteuil pour des visites de contrôle.

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  •  Quand les humains disparaissent des photos d'histoire

    Créé le 18-07-2013
    Cyril Bonnet   Par Cyril Bonnet   (Nouvel Observateur)

    Tian'anmen. Le Vietnam. Iwo Jima. Autant d'endroits qui ont donné naissance à des photos parmi les plus puissantes de l'histoire. Ces images, l'artiste tchèque Pavel Maria Smejkal les a modifiées avec Photoshop pour leur ôter toute présence humaine. Ainsi l'emblématique place chinoise se retrouve-t-elle vidée de ses chars et de son manifestant héroïque, tandis que l'exécution d'un Vietcong à Saigon, immortalisée avec tant de force par Eddie Adams en 1968, laisse place à un banal décor de rue.

    "Je cherche à répondre à cette question : que se serait-il passé si l'événement [historique] n'avait jamais eu lieu ?" écrit Pavel Maria Smejkal sur son site web, où l'on peut découvrir une douzaine d'images issues de cette série. Le nom du projet : "Fatescapes", "les paysages du destin".

    Découvrez ci-dessous quelques-unes de ses photos retouchées :

     

     

     

     

    Les images originales :

    L'Homme de Tian'anmen. 1989 (Charlie Cole/SIPA)

     

    La jeune Vietnamienne Kim Phuc Phan Thi fuit son village après l'attaque au napalm menée par l'armée américaine. 1972 (AP Photo/Nick Ut)

     

    Le général sud-vietnamien Nguyen Ngoc Loan exécute un officier vietcong présumé à Saigon. 1968 (Eddie Adams/AP/SIPA)

     

    Des Marines érigent le drapeau américain à Iwo Jima. 1945 (Joe Rosenthal/AP/SIPA)

     

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  •   Difficile pour les plus modestes de faire face aux dépenses alimentaires

    Mercredi 17 Juilet 2013l    Lou Marillier  (Marianne)

      L’INSEE a enquêté sur la consommation des ménages en 2011 - ses conclusions, publiées aujourd'hui, en disent long sur l’impact qu’a eu la crise sur les plus modestes. Notamment, et c’est alarmant, sur les difficultés croissantes qu’ils rencontrent pour « faire face aux dépenses alimentaires».

    Illustration - DURAND FLORENCE/SIPA
                                 Illustration - DURAND FLORENCE/SIPA
       La baisse du budget alloué par les ménages à l'alimention diminuait depuis 1979 grâce à l’augmentation continue de leur pouvoir d’achat. Elle s'était même réduite de 9% pour les ménages les plus modestes, qui rattrapaient peu à peu ceux au niveau de vie le plus élevé. Or, premier constat de l’INSEE : depuis 2007, la mécanique est rouillée. La part du budget accordé à l'alimentation stagne. Cette constatation est grave, car elle est révélatrice du recul du niveau de vie des plus modestes, enclenché depuis 2008.

    A la question « si vos ressources actuelles augmentaient de 10%, que feriez vous en priorité avec cet argent ? », l’alimentation arrivait en quatrième place en 2005, à 11%, derrière les loisirs, l’épargne, l’équipement du logement et le logement lui-même. Désormais, pour la même tranche de population – le quintile (20%) au plus bas de l’échelle du « niveau de vie » - l’alimentation caracole en deuxième place du classement, à 16% ! Non seulement les plus modestes n’ont plus les moyens de considérer des dépenses pour ce qui n’est pas de première nécessité, mais ils souhaiteraient pouvoir dépenser davantage pour s’alimenter. « Une partie d’entre eux semble se contraindre sur les dépenses d’alimentation », conclue l’INSEE. Pour la moyenne des ménages pourtant, en 2005 comme en 2011, ce poste était le moins cité. La part de l’alimentation, 1%, a même baissé chez les plus aisés de 2005 à 2001 – contrairement à leurs dépenses en restaurants, qui ont augmenté de 4 à 6%.

    Dans l’ensemble, la consommation reste stable : les disparités aussi

    La liste des disparités est longue : elles sont colossales. « En 2011, en France métropolitaine, les 20 % de ménages ayant les plus hauts niveaux de vie consomment 53 % de plus que la moyenne ; les 20 % de ménages les plus modestes consomment 38 % de moins », souligne le rapport. Pour autant, les inégalités ne se sont pas davantage creusées depuis 2005. Certaines se seraient même amoindries : dans les transports, le logement, les loisirs ou la culture. La consommation dans ces deux derniers postes a par ailleurs très légèrement diminué – rien à voir avec « la forte réduction de la consommation de loisirs par ménage observée en 2012 » par l’INSEE. Cette réduction est à mettre sur le compte de la baisse des prix informatiques ou audiovisuels, qui représentent 1/5ème des dépenses en loisirs – ce poste a même augmenté chez les ménages les plus pauvres.

    La consommation par ménage depuis 2005, faible - 0,1% - est restée stable dans son ensemble malgré la crise. Mais le pouvoir d’achat, en 2012 a chuté de 0,9%. La prochaine enquête, qui sortira en 2016, devrait donc réserver des surprises. Et, à moins d’afficher un optimiste digne de notre Président un 14 juillet, on doute qu’elles soient bonnes.

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  •  Les 100 bonnes idées à importer en France : 1 à 10

    Pascal Riché | Cofondateur Rue 89, Nouvel Observateur  

    Tickets de bus par SMS, distributeurs de livres, vente de médicaments à l’unité... Voici les dix premières bonnes idées suggérées par nos riverains de l’étranger.

    Le vendredi 5 juillet, nous avons lancé un appel à nos riverains vivant à l’étranger. Nous leur avons demandé de nous envoyer « des idées à importer » : un bon service, une bonne pratique, une bonne réforme, etc.

    Nous avons déjà reçu des dizaines de suggestions, que nous vous présenterons petit à petit. Nous visons la centaine, en voici dix pour commencer.

    Merci de nourrir cette rubrique en nous envoyant de courts textes décrivant des trucs que vous souhaiteriez importer en France (quelques paragraphes et, si nécessaire, une photo ou une vidéo). Merci de préciser « 100ID » dans l’objet du message.

    1 Les chauffeurs de taxi qui vous reconduisent, vous et votre auto

    Prague, République tchèque

     


    Capture d’écran du service Drink SOS, à Prague

    A Prague, en République tchèque, la tolérance pour l’alcool au volant est de 0,0 degré. Si vous êtes pris avec de l’alcool dans le sang, votre voiture part immédiatement vers la fourrière et votre permis est suspendu. Mais il existe une solution pour l’éviter : le service Drink SOS.

    Il mobilise deux conducteurs : l’un vous reconduit chez vous, dans votre propre voiture, l’autre suit au volant d’un autre véhicule pour pouvoir ramener le premier chauffeur. Et c’est à peu près le même prix qu’un taxi usuel : 30 couronnes par km, soit 1,1 euro, la distance étant mesurée par votre propre compteur.

    (Merci à Guillaume.)

    2 Des machines distributrices de livres

    Montréal, Québec

     


    La machine distributrice (capture d’&eacute ; cran, LaPresse.ca)

    Dans l’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal, au Canada, des livres sont vendus dans des distributeurs au coin de la rue, pour un dollar canadien. Les livres de poche viennent des fonds des bibliothèques : ils sont sélectionnés par les bibliothécaires au moment de « l’élagage » annuel. On trouve des livres de plage, des livres pour enfants, des classiques, des essais...

    Comme on le constate dans cette plaisante vidéo, si cela peut inciter les jeunes à la lecture plutôt qu’aux friandises, boissons gazeuses ou autres « croustilles »...

    (Merci à Valentin.)

    Des tickets de bus par SMS

    Prague, République tchèque

    A Prague, pour prendre le métro ou le tramway, il suffit d’acheter un ticket en envoyant un SMS à un numéro spécial. Quelques secondes plus tard, vous recevez ensuite, par SMS également, votre ticket. En cas de contrôle, vous montrez votre téléphone...

    Il existe également des applis pour smartphones permettant d’acheter son ticket et de le produire au contrôleur (photo).


    Captures d’écran des achats smartphones de tickets de bus

    Guillaume, qui nous signale ce système, ajoute :

    « Dans le métro, il n’y a ni barrières, ni tourniquets ou autres sortes de dispositifs contraignants. Vous n’avez pas de ticket ? Vous êtes en infraction, c’est tout. C’est comme sur les autoroutes : il n’y a pas de péage. Vous achetez votre pass une fois par an, comme en Suisse ou en Allemagne... C’est vraiment une autre façon de vivre ensemble. »

    (Merci à Guillaume.)

    4 Les médicaments vendus à l’unité près

    Etats-Unis, Pérou, Inde...   

    Aux Etats-Unis, en Inde, ou dans plusieurs pays d’Amérique latine comme le Pérou, les médicaments sont vendus à la pilule plutôt qu’à la boîte, pour éviter le gaspillage et les dépenses de santé inutiles. Ainsi, si le médecin prescrit une semaine de Zdryefine matin et soir, donc 14 pilules, le pharmacien ne vous vendra pas une boîte de 20 ou de 40 Zdryefine, mais découpera 14 cachets dans la tablette (photo).

    Cette pratique a été signalée par plusieurs riverains. « Quand on a testé le système, on a peine à croire comment on peut faire autrement », commente l’un d’entre eux.

    Autre bonne idée médicale, en Inde (merci à Adrak) : pour éviter les prescriptions difficiles à lire (parce que les docteurs écrivent mal ou parce que le patient peut être illettré), les docteurs dessinent un rond par prise de médicament (ex : o-o-o signifie « trois fois par jour »).

    La « boîte de maternité »

    Helsinki, Finlande

     10 bonnes idées à copier  Capture d’écran de la boîte de maternité et de son contenu (Kela.fi) 

    Témoignage de Gilles :

    « En Finlande, la sécurité sociale, “Kela”, distribue une boîte de maternité gratuite aux parents de chaque nouveau-né. Elle contient des vêtements, des draps, un sac de couchage, une serviette, des produits pour bébé et maman, des petits livres, un jouet, etc.

    Le but de cette initiative, prise en 1938, était d’aider les parents pauvres, de combattre la mortalité infantile et d’inciter les femmes enceintes à venir se faire examiner au centre prénatal. En 1949, elle est devenue disponible pour toutes les mères. Petit à petit, elle est devenue une pierre angulaire (et adorée) de la politique familiale finlandaise.

    Ce qui est génial, c’est que l’on peut même se servir de la boîte comme landau, vu qu’elle est équipée d’un petit matelas. Les tout-petits adorent. Pour l’obtenir, il suffit de produire un certificat du centre prénatal attestant que votre grossesse a duré 154 jours, et de remplir un formulaire en ligne. On vous envoie alors la boîte que vous récupérez à la poste la plus proche.

    Nous en avons reçu une nous-mêmes avant la naissance de notre fils, et je me rappelle l’avoir ouverte avec ma compagne comme si c’était le matin de Noël ! C’est un moment dont on se souvient tendrement. Et c’est d’autant plus pratique que lorsque l’on est parent pour la première fois, on ne pense pas toujours à tout ce dont bébé va avoir besoin. Le contenu change chaque année.

    L’histoire ne dit pas si cela encourage à faire d’autres bébés... »

    Le prélèvement des impôts à la source

    Allemagne, Belgique, Finlande...

    Le prélèvement des impôts à la source est évoqué par plusieurs riverains comme une idée qu’il faudrait importer en France. Le système existe déjà pour la CSG, par exemple. L’idée de faire de même avec l’impôt sur le revenu est évoquée de temps en temps, mais aucun gouvernement n’a encore osé s’y attaquer pour ce qui est des personnes physiques.

    SweetLou, en Allemagne :

    « Les impôts sont prélevés à la source et coordonnés avec certains logiciels achetables chaque année : cela représente beaucoup moins de paperasse du côté du citoyen et de l’administration. Et on a parfois de belles surprises lorsque le fisc allemand (“Finanzamt”) rembourse l’excédent de taxes déjà réglées au cours de l’année fiscale passée. »

    Delphine, en Belgique :

    « Ici en Belgique, l’impôt des citoyens est calculé par l’employeur (qui fait souvent appel à des boîtes spécialisées dans la gestion des fiches de paie et des déclarations sociales. Il est payé à la source. Quand vous recevez votre salaire “net”, c’est un vrai net !

    Vous pouvez ainsi faire des plans, sans avoir à penser à mettre de l’argent de côté pour payer vos impôts dans un an. On négocie donc un vrai net avec son patron et ensuite plus de soucis ! Autre avantage : si vous perdez votre travail, vous n’avez pas à vous creuser la tête l’année suivante pour savoir comment payer vos impôts (en France, j’ai des amies qui ont dû payer leurs impôts un an et demi après leur déclaration d’impôts, sur un revenu important alors qu’elles avaient perdu leur emploi). »

    Gilles, en Finlande :

    « Pas de déclaration compliquée : les retenues sur salaire se font mensuellement, et toutes les déductions d’impôt sont prises en compte (par exemple, sur un emprunt logement).

    En début d’année, l’employeur demande à chaque employé de lui fournir sa “carte d’impôt” (une double page) récapitulant les revenus potentiels. Si vous ne l’avez pas présentée avant cette date, la retenue sur le salaire est de l’ordre de 60%, ce qui incite tout le monde à s’occuper de ses affaires.

    La carte est fournie automatiquement par courrier par les services des impôts, qui se livrent à une estimation basée sur vos revenus de l’année précédente. Si elle correspond à ce que vous pensez gagner dans l’année, vous pouvez la donner directement à votre employeur.

    Mais si, par exemple, vous savez que vous allez changer de métier ou recevoir une prime, une augmentation, ou à l’inverse avoir une baisse de revenus, vous devez faire une modification de la carte en ligne. Vous imprimez la carte ainsi mise à jour. C’est d’une simplicité déconcertante quand on compare à la déclaration de revenus en France...

    Les services des impôts, dans leur évaluation, tombent juste presque tout le temps. A la fin de l’année, le centre d’impôts fait le différentiel avec les revenus effectivement touchés. Il vous en informe, et vous reverse le trop-perçu sur votre compte (ou vous demande de l’argent si vous n’avez pas assez payé). »

    Faire payer le ramassage des ordures au poids

    Brême, Allemagne

    Ce système a bien plu à Frédéric, étudiant en école d’ingénieurs en stage à Brême. Dans cette ville, le système de ramassage des ordures pèse les poubelles depuis l’automne 1993.

    « Chaque foyer à une poubelle personnelle. Chaque semaine, lorsque les éboueurs passent, avant de jeter les ordures dans la benne, ils pèsent la poubelle. Ainsi, régulièrement, les foyers reçoivent la facture au poids.

    Cette idée est un grand pas pour l’écologie ! En effet, les habitants font alors attention de ne pas trop jeter dans la poubelle (gain écologique, moins de gaspillage...) et surtout, lorsque qu’ils font leurs courses, ils achètent des produit avec peu d’emballage.

    Ainsi, au lieu de tenter vainement de convaincre les entreprises de réduire les emballages inutiles, ils le font naturellement sous la pression de la demande des consommateurs. »

    8 A la gare, des vélos d’appartement pour recharger son téléphone

    Anvers, Belgique

     


    Capture d’écran du vélo rechargeur de smartphones (WeWatt.be) 

    Nicolas a découvert ce système ce week-end à la gare d’Anvers :

    « Pour le voyageurs en panne de batterie pour leurs mobiles ou ordinateurs portables, la gare d’Anvers met à disposition des sortes de vélos d’appartement qui, avec un peu d’huile de coude (ou de genou, en l’occurrence), permettent à chacun un rechargement écolo. De plus, ça permet aussi de tuer les minutes d’attente entre deux trains.

    Le vélo se présente comme un meuble encastré. C’est une entreprise belge, We Bike, qui le commercialise. J’ai pédalé une dizaine de minutes à une allure plus que raisonnable pour recharger mon téléphone pour trois bonnes heures... »

    9 Un site internet pour gérer toutes ses factures

    Etats-Unis, Argentine...

    Lorsque je vivais aux Etats-Unis, je gérais mes factures sur le site internet de ma banque. Je remplissais la liste de mes fournisseurs, avec mes numéros d’abonnement (électricité, eau, journaux, etc.). Puis il suffisait, dès réception d’une facture, d’inscrire le montant dû en face du fournisseur concerné et de taper « enter » pour que la facture soit réglée. C’était très pratique.


    Capture d’écran du site PagoMisCuentas.com (PagoMisCuentas.com)

    Un système similaire est en place en Argentine, mais commun à toutes les banques, comme l’explique Thomas :

    « Le site PagoMisCuentas est accessible depuis le site internet de la plupart des banques, Supervielle dans le cas illustré.

    Les factures en attente de paiement s’affichent. On peut rajouter autant de fournisseurs qu’on veut, choisir un paiement manuel ou automatique (qu’on peut interrompre facilement depuis le site contrairement à un prélèvement automatique), etc.

    Tous les historiques sont accessibles. Très pratique pour centraliser ses factures, choisir son mode de paiement, et éviter le papier… »

    10 Pouvoir accrocher son vélo à l’avant des bus

    Washington DC, Portland... Etats-Unis

    A Washington DC, où j’ai vécu quelques années, il est possible d’accrocher son bus à l’avant des vélos municipaux. Non, l’inverse, pardon. Le dispositif est prévu pour porter deux bicyclettes maximum. L’usager accroche et décroche lui-même son vélo, ce qui prend quelques secondes. Ces deux opérations ont lieu sous sa propre responsabilité. Ce service est gratuit, et on peut y recourir pendant les heures de pointe.

    Le système existe dans d’autres villes comme Portland, dans le Maine.


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  • Cass Pennant, ex-hooligan : "On ne naît pas violent"

    Créé le 07-07-2013    Par

    Cass Pennant est un repenti. Dans les années 70 et 80, il a fait partie de l'Inter City Firm, l'un des groupes de hooligans anglais les plus connus au monde.

    Cass Penant, hooligan repenti Cass Penant

                                                          Cass Penant, hooligan repenti
     

    Une matinée ensoleillée de mai, à Regent Park, en plein coeur de Londres. Après avoir dérangé dans son ménage le propriétaire du pub qui abrite le petit bureau de Cass Pennant, je frappe, hésitant.

    "Come in" me dit une voix qui ferait passer Barry White pour Bill, le chanteur de Tokyo Hotel. J'imaginais Cass Pennant impressionnant. Il l'est.

    Ancien membre, puis leader de l'Inter City Firm (ICF) dans les années 70 et 80 - l'un des groupes de hooligans les plus connus au monde -, il est aujourd'hui écrivain, réalisateur et surtout, repenti.

    A 55 ans, marié et père de deux enfants, il a déjà eu plusieurs vies. Racisme, violence, taule.

    Dans sa tanière, des gants de boxe, des ballons de foot d'époque, un poster de Mike Tyson, des livres et des DVD dédiés au football et aux sports de combat.

    A la croisée des deux, le hooliganisme.

    • Comment êtes-vous entré dans le monde du hooliganisme ?

    J'ai été abandonné par ma mère et adopté par un couple de parents blancs. Dans le quartier, j'étais le seul noir, dans une communauté blanche. J'ai souffert du racisme, à l'école et en dehors. Même certains programmes à la télévision étaient racistes.

    Dans le même temps, le mouvement skinhead est apparu à la fin des années 60 ; une sorte de contre-culture, par opposition aux hippies et au "peace and love". Au départ, c'était un mouvement violent, mais ni racial ni politique. Juste de la violence.

    Je suis rentré dans un gang à 11 ans et pour la première fois, je n'ai pas été mis de côté. Je recevais de l'amour, j'étais accepté.

    C'est par l'intermédiaire de ce gang que je suis arrivé à l'ICF.

    • Le hooliganisme est pourtant connu pour ses dérives racistes ?

    Il y avait du racisme, mais pas au sein de l'ICF. Je me rappelle lors d'un match à West Ham [club de l'est de Londres], qu'un groupe de hooligans skinheads entonnaient des chants racistes, en faisant le salut nazi, et ce devant les propriétaires du club et la police, qui n'ont pas bougé.

    Ils étaient deux cents. Je suis allé en face d'eux et ils se sont dits : "c'est qui le gars noir là" ?[Il chuchote] "C'est le leader des ICF".

    Il y a eu une confusion, puis un début de bagarre. Les gars de l'ICF m'ont défendu. La police n’a pas arrêté les fascistes qui faisaient "Sieg Heil". Ils m'ont arrêté moi...

      Pourquoi avoir choisi de supporter West Ham et pas Tottenham, Arsenal, Chelsea ou un autre club ?

    C'était la meilleure équipe de Londres à l'époque. Ils avaient gagné la Coupe d'Angleterre et la Coupe des coupes [une Coupe d'Europe qui n'existe plus ndlr]. En fait, à Londres, il y avait deux grosses équipes dans les années 60 : West Ham et Tottenham.

    L'Angleterre venait de gagner la coupe du Monde [en 1966], mais beaucoup de monde disait que c'était West Ham qui l'avait gagnée. Bobby Moore, Geoffrey Hurst, Martin Peters (un but en finale) jouaient pour les Hammers.

    Mon premier match ? C'était avec mon père, juste après la Coupe du monde. J'avais huit ans. Il avait acheté deux abonnements. Je ne me rappelle pas du score, ni de l'équipe en face, mais je me souviens parfaitement des chants et de l'ambiance.

    • Vous avez rapidement intégré l'ICF ?

    Quand l'Inter City Firm a été fondé dans les années 70, le hooliganisme était déjà bien établi en Angleterre. Il y avait différents groupes, à West Ham : le Southbank, la Northbank, les Dockers...Beaucoup de supporters d'autres équipes avaient peur de venir ici [..].

    Les différentes sections de West Ham se battaient entre elles, pour savoir quel était le groupe le plus fort du club. Un jour, on s'est rencontré et on s'est dit : "plus de fight entre supporters de West Ham, on est de la même ville."

    Tout cela c'est grâce à l'initiative de Bill Gardner, un Docker devenu une légende car il a réussi à rallier les troupes.

    • Vous étiez fan de football avant tout ou c'était plus pour la baston ?

    A l'origine, j'étais un fan de football. Mais le hooliganisme, ça va au-delà. C'était une culture, un style de vie. Selon moi les hooligans ne sont pas des criminels. La plupart n'ont pas de casier judiciaire.

    On m'a tiré dessus quand j'étais videur dans une boîte de nuit, mais jamais dans le cadre du football. Un voleur est voleur du lundi au dimanche.

    Hooligan, c'est uniquement les jours de match.

    • Comment en êtes-vous devenu le chef dans les années 70 ?

    J’avais la réputation de bien savoir me battre. C'est pour ça aussi que les groupes rivaux me voulaient. Quand je suis arrivé à l'ICF, j'étais un écolier, mais j'étais déjà fort. Très rapidement, je suis devenu un homme.

                     Cass Pennant (DR)

    • L'ICF a “révolutionné” le monde du hooliganisme britannique...

    Au bout d'un moment, cela a été difficile d'être hooligan sans se faire attraper car la police et les autorités anglaises ont voulu éradiquer le phénomène.

    On a dû s'adapter et trouver des solutions pour continuer à nous déplacer, de façon à ne pas nous faire repérer.

    On a révolutionné la manière de voyager. Dans les trains, on allait en première classe, où les policiers ne pensaient pas nous trouver.

    On s'est habillé avec des vêtements de marque pour passer inaperçus. On est devenu une vraie entreprise. Tous les autres groupes de hooligans en Angleterre nous ont copiés [...].

    Sur nos victimes, on lassait des cartes de visite. C'était du jamais vu. Nous sommes devenus incontournables.

    • Où, quand et pourquoi a débuté cette terrible rivalité entre West Ham et Millwall ? Une légende parle d'une grève dans les années 20 ?

    Cette grève a existé, mais elle n'était pas liée au football. La vraie raison de cette rivalité date de 1972 - avant l'ICF-, en marge d'un match en hommage à Harry Cripps, un joueur très rugueux de Millwall.

    Cela a débouché sur une bagarre entre des hooligans des deux camps. Tout le monde était au courant de ça. D'ailleurs, les autres hooligans de Londres - de Chelsea, Tottenham, Arsenal - , venaient voir [nos combats] pour savoir qui avait la suprématie.

    Pourquoi Millwall ? Parce que nous étions le même genre de gars. Une rivière nous séparait, mais on faisait partie de la "working class" [classe ouvrière]. On était des durs.

    • Il vous arrive d'aller à Upton Park [le stade de West ham Ndlr] pour assister aux matchs ?

    Non pratiquement jamais. J'y suis retourné lors d'un match entre West ham et Millwall en 2009, mais en tant que journaliste pour le quotidien The Guardian.

     

    Je regarde les matchs à la télévision maintenant. Personnellement, je préfère l'ambiance du pub. Qu'est devenu le football aujourd'hui ? Acheter des maillots et des abonnements ? West Ham, c'est pas un concert de pop !

    • Quel regard portez-vous justement sur le foot anglais aujourd'hui ?

    La Premier League, les chaînes de télévision (Sky, ESPN...) ont détruit la culture de supporter. Etre supporter ce n'est pas seulement durant 90 minutes. Il y a une dimension sociale.

    Beaucoup de gens finissent par déménager du lieu où ils ont grandi et où se trouve le club qu'ils supportent. Ils y retournent néanmoins pour assister aux matches de leur équipe, ce qui leur permet de renouer avec leur héritage.

    C'est pourquoi beaucoup de supporters anglais restent fidèles aux ligues inférieures. La troisième, la quatrième division. Pas pour se battre, non, mais parce que ça a un sens. Ils voyagent ensemble, chantent, mangent....

    Maintenant en Premier League [1ère division en Angleterre], tout ça, c'est fini., C'est devenu "assieds-toi, donne-moi ton argent, ne fume pas, bois ta bière dans un verre en plastique". C'est seulement du business.

    • Vous avez été contacté par Lexi Alexander pour aider à réalisation du film "Hooligans" sur l'ICF. Vous avez même eu un rôle...

    J’ai joué un officier de police (rires). Quand cette réalisatrice allemande a voulu réaliser ce film sur le hooliganisme à West Ham, elle a fait quatre ans de recherches avant.

    Quand elle est arrivée ici, elle a découvert Cass Pennant et surtout, mon livre. J’ai réalisé que les recherches que j’avais faites pour l'écrire suscitaient de la fascination.

    • Vous avez aussi été le premier hooligan du pays à avoir été condamné et emprisonné ?

    La première fois, c'était pour une rixe après un match. Lorsque j'ai été condamné à trois ans de prison, j'ai compris que j'allais servir de bouc émissaire et que je prendrais pour tous les faits de hooliganisme qui avaient eu lieu dans le pays.

    A l'époque, tous les médias avaient parlé de mon cas. Ce procès était tout simplement un spectacle. Ca a changé ma vie. En prison, j'ai découvert les livres, pris des cours d'anglais, écrit mon histoire.

    J'ai surtout décidé de quitter le milieu [du hooliganisme].

    • Ca a été dur d'arrêter de fréquenter l'ICF ?

    Un jour, j'ai croisé un ancien jeune de l'ICF. Il s'était fait frapper par un fan de Liverpool dans les années 80 lors d'une rixe. Il avait 13 ans.

    Il était resté six mois dans le coma et la moitié de son corps était paralysée. Il m'a dit : “Le football me manque, l'ICF me manque. C'était la meilleure période de ma vie".

    Le hooliganisme est une drogue, mais c'est difficile à expliquer. Il ne s'agit pas que de violence, mais de la vie qui va avec.

    Ca n'a pas été facile d'arrêter car j'ai moi-même rejoint un gang à 11 ans. Lorsque je suis sorti de prison tout le monde me disait de revenir aux affaires. J'avais une réputation, c'était plus dur que si j'avais été un inconnu.

    Plusieurs événements m'ont fait réfléchir. Un second passage en prison en 1981 - j'avais été accusé, à tort, d'avoir poignardé quelqu'un.

    Une arrestation en 1986, pour laquelle je risquais dix ans de prison (je n'ai finalement pas été condamné). Quelques années plus tard, j'ai reçu trois balles devant la boîte de nuit où je travaillais.

    Lorsque j'ai survécu, le gang voulait me venger. J'ai réalisé alors que je devais choisir entre deux modes de vie. Entre une famille et l'ICF, qui avait toujours été là pour moi quand la société me rejetait.

    J'ai choisi ma famille.

    • Vous regrettez cette période ?

    Tu ne peux rien changer à ton passé. Le plus important c'est ce que j'ai pu apprendre de cette expérience et comment j'ai pu avancer. J'essaye d'être une inspiration pour les autres. Je suis marié, mon fils est officier dans la Navy.

    (Il sort un livre sur le ICF et pointe l'une des première pages). Regarde ce que sont devenus les leaders de l'ICF. Directeur, électricien, réalisateur... Ils ont tous changé de vie. Si j'ai pu le faire, tout le monde peut le faire.

    Personne ne nait violent.

    • Vous êtes encore en danger ?

    Le passé revient toujours, mais je vis ma vie. Peu de personnes le savent, mais un des anciens chefs noirs d'un groupe de hooligans à Millwall est mort cette année. Une légende. On s'est battu l'un contre l'autre à plusieurs reprises, il avait du pouvoir.

    Juste avant les funérailles j'ai reçu une invitation personnelle où il était inscrit “Come to Millwall”. Je suis allé chez lui lors de la réception. Il y avait sa femme, sa soeur, toute sa famille.

    J'ai laissé une gerbe de fleurs avec un message. On se faisait partie de groupes ennemis, mais malgré tout il y avait du respect


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  •  13/07/2013 Chine : une manif antinucléaire fait céder le gouvernement chinois

    Pierre Haski | Cofondateur Rue 89

    La réponse politique n’a pas tardé : 24 heures après une manifestation contre un projet à 7,6 milliards de dollars de construction d’une usine de traitement d’uranium dans une région très peuplée du Guangdong, dans le sud de la Chine, le gouvernement provincial a annulé le projet ce samedi.

    Ce n’est pas la première fois qu’un projet de construction de site industriel comportant des risques pour l’environnement et la santé provoque de telles réactions et fait plier les autorités. Un phénomène politique baptisé de l’acronyme anglais « Nimby » (« not in my back yard », pas près de chez moi).

    Cette fois, c’est l’ambition nucléaire du Guangdong, l’une des provinces les plus avancées dans cette filière énergétique, notamment en partenariat avec EDF avec les centrales de Daya Bay, non loin du site prévu pour cette usine, qui se trouve mise en échec par l’opinion publique chinoise. L’usine de Jiangmen devait être capable de produire la moitié du « carburant » nucléaire nécessaire pour les centrales chinoises.

    « Respecter l’opinion publique »

    Dans leur communiqué, les autorités provinciales affirment avoir pris leur décision d’annulation « afin de respecter l’opinion publique » – une attitude conciliante qui n’a pas toujours été de mise, mais va dans le sens de l’expérimentation sociale en cours dans le Guangdong, l’une des provinces les plus riches de Chine, qui assure à elle seule un tiers des exportations chinoises.


    Manif contre le projet d’usine de retraitement d’uranium à Jiangmen, Guangdong, le 12 juillet 2013 (Via Tealeafnation) 


    Pétition géante contre l’usine de retraitement d’uranium à Jiangmen (Via Tealeafnation) 

    La manifestation de vendredi a réuni plusieurs centaines de personnes dans les rues de Jiangmen, la ville du Guangdong où devait être construite cette usine géante qui a suscité des remous au sein de la population lorsque le projet a été connu.

    C’est via les réseaux sociaux que s’est organisée la mobilisation, et qu’ont été diffusées les photos du rassemblement et du face-à-face avec la police, sans toutefois provoquer d’incidents.

    Tensions avec Hong Kong et Macao

    Dans des situations comme celles-ci, en particulier lorsque les manifestants appartiennent à la nouvelle classe moyenne, les autorités évitent de recourir à la force directe, et tentent de désamorcer les crises politiquement. Un contraste avec les récents affrontements avec la minorité ouïghoure dans la province occidentale du Xinjiang, qui ont fait 27 morts.


    Face-à-face tendu mais pas d’incidents, le 12 juillet 2013 à Jiangmen, Guangdong (Via Tealeafnation) 

    L’installation de cette usine dans une zone très peuplée, avait également suscité des tensions avec Hong Kong et Macao, deux territoires autonomes chinois situés à moins de 100 km de là et bénéficiant d’une presse relativement libre. Les autorités de ces deux régions avaient fait connaître les craintes de leurs citoyens au gouvernement du Guangdong.

    La multiplication des accidents industriels

    Les craintes des habitants sont liées à la multiplication des accidents industriels en Chine, souvent dus à des défauts de construction ou des processus de fabrication, et liés à la corruption. Les centrales nucléaires chinoises, notamment celles qui sont gérées en partenariat avec EDF dans le Guangdong, n’ont toutefois jamais été mises en cause.

    Les questions environnementales sont de plus en plus présentes dans les protestations en Chine, alors que la dégradation de la qualité de l’air et de l’eau est nettement perceptible, notamment à Pékin, la capitale. Une récente étude faisait état de la réduction de l’espérance de vie de 5,5 ans pour les personnes confrontées à l’air pollué du nord de la Chine.

    Dans un contexte de ralentissement économique – 7,5% de croissance « seulement » cette année contre une croissance à deux chiffres depuis le début du siècle –, le gouvernement a donc jugé plus sage de temporiser. Surtout avec une nouvelle équipe au poouvoir à Pékin depuis seulement quelques mois.

    Cette victoire de la « rue » sur une décision technocratique du pouvoir chinois risque de donner des idées à d’autres dans ce vaste pays où, grâce à Internet, tout se sait à la vitesse d’un « tweet ».


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